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Normandie : Revue régionale illustrée mensuelle de toutes les questions intéressant la Normandie N°8 Novembre 1917
Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°8 - Novembre 1917.Normandie : Revue régionale illustrée mensuelle de toutes les questions intéressant la Normandie : économiques, commerciales, industrielles, agricoles, artistiques et littéraires / Miollais, gérant ; Maché, secrétaire général.- Numéro 8 Novembre 1917.- Alençon : Imprimerie Herpin, 1917.- 16 p. : ill., couv. ill. ; 28 cm.
Numérisation : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (14.III.2014).
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : 41060-nor598).


NORMANDIE

REVUE RÉGIONALE ILLUSTRÉE MENSUELLE
DE TOUTES LES QUESTIONS INTÉRESSANT LA NORMANDIE
Économiques, Commerciales, Industrielles, Agricoles, Artistiques et Littéraires

PREMIÈRE ANNÉE. - N°8   NOVEMBRE 1917

Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°8 - Novembre 1917.

~*~


Vers une Action Normande

………… Belle Philis,
On désespère, alors qu’on espère toujours !


II. — SES RAISONS D'ÊTRE
 
Les premières de nos raisons d'agir, nous les trouvons, avons-nous dit, dans les douloureux enseignements de cette guerre, dans l'extrême faiblesse qu'elle entraînera pour le corps social tout entier, dans la Voix de nos Morts, enfin : de nos Morts auxquels nous devons rester fidèles, sous peine de forfaire à l'Honneur !
  
La guerre sera donc la « grande accoucheuse ». Mais, me dira-t-on, pourquoi cette action, venue d'en bas, alors que l'Etat est tout indiqué pour réaliser, par des réformes profondes, énergiques et rapides, les mesures de salut public reconnues nécessaires par tous, ou à peu près ? Hélas ! je voudrais encore croire à la vertu efficace de l'action gouvernementale ; je voudrais croire qu'elle peut réformer seule, même légèrement, même lentement ! Je ne le puis. C'est là une illusion qu'avec tant d'autres, la guerre m'a fait perdre. Le but de ce second article est, précisément, de démontrer les raisons impérieuses que nous avons d'agir nous-mêmes, « Aide-toi, l'Etat t'aidera... peut-être, s'il a le temps ! »

Le « novus ordo », reconnu indispensable, à la sinistre lumière des événements actuels, peut et doit sortir de notre cruelle épreuve. Oui, mais seulement, si chacun de nous comprend qu'après avoir triomphé de l'ennemi du dehors, il faudra — plus difficilement — vaincre celui du dedans. J'ai nommé : nos défauts, nos vices, allons courageusement jusqu'au bout de notre pensée, nos tares ! Je dis : chacun de nous. Dans   un   pays   farouchement individualiste comme le nôtre, dans un pays où l'on nous rebat les oreilles des Droits, mais jamais des Devoirs, dans un pays où tout bien et tout mal sort, de quatre ans en quatre ans, de cette véritable boîte de Pandore qu'est l'humble mais formidable urne de bois blanc, il importe que tous comprennent et que tous agissent. Et j'entends une action effective. Pas des mots : des actes ; pas des critiques  continuelles : des  actes ; pas des conseils platoniques : des actes. Une action toute nouvelle dans un sens que nous préciserons au cours de ces études, s'impose à chacun de nous. D'abord parce que sous un régime à forme démocratique, est traître à la Nation qui se désintéresse de la chose publique ; ensuite, parce qu'il est démontré que nos institutions, comme l'Enfer, pavées sans doute, d'excellents desseins, sont absolument impuissantes à réagir contre les maux qui atteignent la société française jusques dans les sources mêmes de la vie. Cette incapacité à nous sauver saute aux yeux des moins clairvoyants. La France qui s'enorgueillit d'être à la tête du mouvement des idées, retarde d'un bon demi-siècle dans  presque  tous les  champs de l'activité humaine : Travaux publics, navigation, commerce, industrie, organisation municipale, etc. Nous sommes peut-être le peuple le plus intelligent, le plus spirituel de la terre, nous avons sans doute eu l'insigne mérite, tant proclamé avant  cette  guerre,  « d'aménager la maison démocratique », ...tout de même nous ne devons pas avoir précisément adopté le bon moyen ! Eh oui, nous avons aménagé l'intérieur ! cependant nos ports sont dotés d'un outillage antédiluvien ; sur nos chemins de fer, roulent les wagons les moins confortables de l'ancien et, cela va sans dire, du nouveau Monde !... Nous avons aménagé la maison, mais nos villes, nos hôtelleries, nos monuments publics sont moins confortables, moins bien dotés au point de vue hygiène que ceux de l'étranger. Heureux encore quand ils ne sont pas plus sales que ceux d'Espagne. Notre marine marchande déclinait à vue d'œil : la timidité, la routine et les procédés enfantins de la grosse partie de notre commerce, faisaient la joie de nos concurrents de l'Est et même de l'Ouest. Si bien qu'ayant mal clos notre propriété pour nous consacrer exclusivement à l'intérieur, nous n'avons même pas la consolation de nous dire que la maison, du moins, était mieux meublée que celle du voisin, d'un voisin qui lui, ne cessait-on de nous répéter, ne travaillait que pour la guerre.
 
Cette marche de tardigrades est si incontestable que des hommes, aussi opposés que Jules Guesde et Charles Maurras se sont rencontrés pour en faire la constatation. Le second parle sans cesse du « chariot mérovingien de l'Etat », et le premier a osé dire à la tribune du Parlement que l'autocrate Guillaume II avait plus fait pour la classe ouvrière que la Troisième République. Oui, pour la classe ouvrière ! Et cependant, s'il est un domaine dans lequel nous nous croyions à la tête du mouvement, c'est bien celui-là. Vous vous rappelez ce qu'on nous disait : « L'Allemagne est atteinte de la folie des armements, et pour quelle guerre, grand Dieu ! comme si l'Europe civilisée du vingtième siècle devait permettre une telle tuerie. » Et nos crédules compatriotes d'ajouter : « Nous agissons plus sagement en réalisant les Réformes sociales ; que voulez-vous, on ne peut tout avoir. En effet, nous avons eu la guerre et nous n'avons pas — ou si peu — les Réformes sociales.
 
Sachons donc être modestes ; reconnaissons que nous avons beaucoup à apprendre et plus encore à travailler. Cette impuissance de l'Etat n'est-elle pas apparue avec évidence, au cours même de cette guerre ? (1) Voyez le grave problème de l'alcoolisme : tout le monde reconnaît que la Race est menacée ; on reconnaît aussi unanimement que jamais plus une occasion aussi favorable ne se représentera pour extirper le Mal ; et rien ne peut être fait. Là où le Tsar débile que l'on sait, régla semblable question d'un trait de plume, la démocratie française fait faillite : une misérable poignée d'intérêts privés — si peu intéressants pourtant — fait la nique à près de quarante millions de citoyens qui se disent « conscients » et les tient hautement en échec.

L'esprit  démagogique a tout faussé : pour servir les rancunes, les vils appétits de la politique, il sème la jalousie, souffle l'envie et ne prêche que les Droits qui engendrent aussi l'Egoïsme, ce ver rongeur des Démocraties ; puis il nie les Devoirs générateurs de l'altruisme, de l'altruisme aussi nécessaire entre compatriotes que le ciment entre les pierres d'un édifice. Exagérons-nous ? A ceux qui seraient tentés de le soutenir, je dédie ces lignes extraites d'une vieille revue républicaine, amie de la France : la Bibliothèque Universelle, qui se publie à Lausanne : « Ceux qui ont une sincère affection pour la France — et nous sommes de ceux-là — ne peuvent que se montrer trop justement attristés  par  le spectacle qu'offre au monde ce grand et généreux pays. Et cette tristesse se trouve accrue du fait que la masse semble bien responsable du désordre qui est à  la base  de cet état de choses. Sous un gouvernement monarchique, lorsque les affaires publiques vont mal, le peuple est victime ; mais en démocratie, il est complice. »
  
C'est là le sens, sinon la lettre d'un texte paru vers 1912 et que je cite de mémoire. Qu'on le médite et qu'on me réponde si je n'ai pas raison de prétendre qu'il faudra vaincre nos défauts, et remporter — après l'autre — la dure victoire sur nous-mêmes. La suite de ces études dira comment. Pour l'instant, je ne vise qu'à prouver la nécessité de notre action à tous. Y suis-je un peu parvenu ? Est-on convaincu que l'Etat-Providence est le plus dangereux des Mythes ? Faut-il encore démontrer que nous sommes le pays de la terre où se réalise le plus fantastique gaspillage de richesses, de forces, d'intelligences, d'énergie ? Venez au front, et demandez au plus borné de nos poilus : sa conviction, là-dessus, est faite depuis longtemps. Neuf fois sur dix, les bonnes volontés gouvernementales se trouvent entravées par un système qui réalise ce paradoxe d'annihiler l'effort de tous par l'activité malfaisante de quelques-uns. Les Partis — périsse plutôt la République que le Parti ! — se font une guerre odieuse, sournoise, au couteau, qui remet quotidiennement en question, et pour des riens, la vie de gouvernements péniblement enfantés. Le ministre n'a pas trop de toute son activité et de toute son intelligence pour éviter les pièges sans cesse tendus sous ses pas : comment travaillerait-il ?

La machine gouvernementale ressemble tout à fait à un attelage dans lequel les chevaux tireraient dans des directions diamétralement opposées ; le résultat est fatal : Forces qui se contrarient = stérilité. Ajoutez à cela que les Ministres tombent tous les dix mois et je vous demande s'il n'est pas miraculeux, dans ces conditions qu'un projet puisse, parfois, aboutir. En un demi-siècle la France a dû changer quarante ou cinquante fois de direction ! Quelle est la maison de commerce — et la France est sans doute un peu plus — qui résisterait à un pareil régime ? Eh bien ! si, nous, les « poilus », si nous les « citoyens qui ne voulons pas que ça recommence » ne nous en mêlons pas, si nous ne réagissons pas contre le chloroforme de l'odieuse politique, j'ose dire que la France retombera dans l'ornière, dans la « mare stagnante », et cette fois, ce pourrait bien être pour y mourir ! Il faut que nous intervenions par l'association, par le groupement, pour forger au feu de la grande guerre, l'instrument qui nous sauvera.
 
Nous empêcherons la France de retourner à ses querelles byzantines : puisque nos élus ne savent ou ne peuvent faire notre sérieuse éducation, nous la ferons nous-même, avec la leur par-dessus le marché.
 
Aux grandiloquents, aux sonores programmes d'idées de l'avant-guerre — viande creuse des polémiques électorales, nous substituerons un programme de grands travaux. En face de l'Idéologie, nous dresserons les Réalités ; en face des Nuées, la Terre ferme ; en face de la Chimère, le Possible et rien que le Possible !

Au lieu de diviser, nous unirons puisque c'est l'union des tranchées qui aura sauvé le Pays. A ceux qui veulent jalousement, sur les ruines de la société dite capitaliste, se partager les richesses acquises, nous dirons : Servez-vous-en plutôt pour en créer de nouvelles : voici le moyen.
  
En marge de l'action gouvernementale (même si d'aucuns la croient possible), il faut donc un effort direct des citoyens, une action parallèle ; instituons-nous en quelque sorte les tuteurs de nos élus, empêchons-les de choir et de s'enliser dans la boue des basses plaines de la politique électorale. Ainsi que l'a dit excellemment un de nos derniers correspondants, ne cessons point de leur rappeler les règles de la Politique supérieure. Cette action, ces efforts, nous les exercerons dans la ligne de notre profession ; ainsi nous ne retournerons pas aux querelles vides et irritantes, ainsi la machine aura quelque chose à moudre et ne risquera point de devenir « folle » parce que sans aliment solide.
  
Quand nous aurons signifié, par exemple, que nous voulons le canal de N à Y, puis un ingénieur rompu aux grandes entreprises à la tête des Travaux publics, mais qu'il nous est indifférent de savoir ce qui distingue un Radical d'un Socialiste, voire même d'un R. S. peut-être comprendra-t-on qu'il y a quelque chose de changé.

Enfin, il nous faudra agir personnellement parce qu'avant tout une action morale s'impose. De la nécessité d'un effort résolu en ce sens, nous sommes tellement pénétrés que nous sommes tentés de dire que la crise française est par-dessus tout, une crise morale et que l'action doit être : morale d'abord. Il n'est pas besoin de réfléchir longuement pour comprendre qu'une haute moralité chez chaque individu, surtout sous un régime comme le nôtre, est un facteur indispensable de bonne santé sociale et de prospérité. Jusqu'ici, on s'était appliqué pour flatter l'électeur, pour « piper » sa voix, à faire fi de tous les devoirs. Nous fédérerons les devoirs à côté des droits : nous rappellerons à ceux qui dirigent, qui commandent, qui ont des privilèges, que leurs devoirs sont les plus nombreux, les plus lourds et que souvent ils l'ont oublié, eux aussi, pour ne songer qu'à leurs droits.

Dans nos groupes, nous relèverons les pierres du Foyer familial. Il nous sera facile de prouver que c'est dans la Famille restaurée que ces devoirs peuvent et doivent être inculqués et que le meilleur citoyen sera celui qui aura reçu la meilleure éducation familiale. Nous le montrerons, puis nous syndiquerons les Familles, ces vraies cellules sociales.
  
Que ce rapprochement de mots ne fasse pas sourire ! Si la Famille française n'est pas reconstituée, l'Individu, cette Idole d'avant-guerre réalisera peut-être son règne intégral, il « vivra enfin sa vie », mais ce sera sur un désert, c'est-à-dire dans une France où l'Etranger, cette fois, n'aura plus qu'à entrer, sans lutter. Je vois très bien, en effet, le dernier individu de ce siècle aux formules trompeuses, monstre issu d'un Individualisme dévié et exacerbé, enfin triomphant, mais sur un monceau de Ruines..., celles de la Société qu'il aura conquise. Je le vois, sous les traits du célèbre « Penseur » de Rodin, dans cette attitude de Méditation laborieuse que l'on sait, s'efforçant de comprendre comment un « aussi bel idéal a pu amener un tel désastre... » Epargnons-nous cette catastrophe ; épargnons-lui, à ce malheureux, un tel effort intellectuel. C'est justement le but de cette action vigoureuse et urgente à laquelle je convie tous les Normands d'abord, tous les Français ensuite.

G. VINCENT-DESBOIS,

(1) Nous tenons, pour être justes, à laisser en dehors de ces études, l'effort purement guerrier de la nation, accompli sous la pression de la plus impérieuse nécessité : l'invasion allemande.
 
 

Organisez-vous, car à l'heure de la paix, il ne faudra pas être pris au dépourvu. C’est d'ailleurs votre intérêt et celui du pays.
 

*
* *

RICHESSES MINIÈRES
de Normandie

MINES  DE FER

  
Dans mes précédents articles sur les richesses minières de notre province, j'ai indiqué quelles étaient les mines de houille dont l'exploitation avait été commencée, puis abandonnée, et les mesures prises récemment pour préparer une nouvelle exploitation de ces houillères, exploitation qui permettrait, dans de meilleures conditions, le traitement sur place du minerai de fer provenant du bassin minier normand.
  
Je vais maintenant essayer de faire l'historique des mines de fer, au point de vue économique.
 
La présence du fer, en Normandie, était connue depuis longtemps. On soupçonne même que ces richesses minières étaient exploitées sous la domination romaine ; elles l'étaient certainement au moyen âge, et des hauts-fourneaux ont été alimentés par les minières locales jusque vers le milieu du dix-neuvième siècle. - Depuis cette époque, ils avaient cessé tout travail, les puits bouchés, et de ces anciennes exploitations, il ne resta plus guère de traces.
  
Ce n'est que vers 1873, que commencèrent les travaux de recherches méthodiques qui firent ressortir la véritable importance du gisement que certains auteurs estiment à 220 millions de tonnes ; d'autres à 700 millions, pour les zones connues seulement.
 
Composé d'hématite ou de carbonate lithoïde séparés ou mêlés, l'hématite ne persistant généralement pas en profondeur où tout devient carbonate, le minerai du gisement normand est plus riche en fer que le minerai lorrain. Il tient de 45 à 55 % de fer dans l'hématite et 50 % environ dans le carbonate grillé ; il renferme peu de phosphore (0,6 à 0,7 %).
 
Ce minerai convient pour les fontes de moulage ou Martin, et, mélangé à d'autres minerais plus phosphoreux, pour les fontes Thomas.
  
Quelle est aujourd'hui la situation de ce riche bassin minier ; comment a-t-il été exploité dans le passé et quelles mesures sont prises pour assurer son développement dans l'avenir ?
 
C'est ce que nous examinerons successivement dans nos prochains numéros ; aujourd'hui, je crois devoir donner, pour l'édification de mes lecteurs, la liste des concessions accordées antérieurement à la mobilisation.
 
Le bassin minier normand s'étend sur trois départements de notre province : le Calvados, la Manche et l'Orne ; 21 concessions avaient été accordées dont le plus grand nombre était aux mains des Allemands. En voici la liste par département :

CALVADOS

A lui seul ce département comptait 14 concessions dont 6 seulement étaient exploitées en 1914, ce sont :

May-sur-Orne, concession de 965 hectares accordée en 1895. Elle a produit en 1911, 54.000 tonnes ; en 1912, 81.000 ; en 1913, 100.200 tonnes, et 75.000 du 1er janvier au 31 juillet 1914. La guerre arrêta l'exploitation, et ce n'est que dans les premiers mois de 1916, qu'on put reprendre l'extraction avec un nombre très réduit d'ouvriers.
 
Jurques, concession de 365 hectares, accordée en 1896 ; la situation de cette mine, appartenant à la Société française des Mines de fer n'était pas très brillante. La production qui était de 36.500 tonnes en 1911, est passée à 40.700 tonnes en 1913 ; les sept premiers mois de 1914, donnèrent 22.000 tonnes. L'extraction continua jusqu'à la fin de 1914 avec un très petit nombre d'ouvriers, mais la Société qui ne trouvait pas d'acheteurs pour ses minerais, dut suspendre les travaux d'exploitation. Depuis, elle a seulement procédé à des travaux d'entretien.
 
Saint-Rémy, concession de 750 hectares, accordée en 1876, qui produisait le plus beau minerai du bassin normand. En 1911, elle donna 105.500 tonnes, et seulement 77.600 en 1913 ; 65.800 tonnes pendant les sept premiers mois de l'année 1914. Ce n'est qu'en juillet 1915 que le travail fut repris normalement ; la production pour cette année fut de 30.800 tonnes. En 1916, l'extraction progressa normalement. La mine de Saint-Rémy alimentait les hauts fourneaux de Decazeville et exportait une petite partie de sa production en Angleterre.
 
Les trois autres concessions, en activité, appartenaient à des maisons allemandes :
 
Barbery, concession de 325 hectares accordée en 1900, appartenant à la Gutchoffnung, a reçu pendant les années 1913 et 1914, un outillage perfectionné et des installations pour pouvoir produire 300.000 tonnes. La guerre a amené la fermeture de cette mine.
 
Soumont, concession de 773 hectares, accordée en 1902, appartient à la Société Thyssen, qui y avait commencé une installation de tout premier ordre ; un chemin de fer de 25 kilomètres de longueur devait raccorder les hauts-fourneaux de Caen à la mine qui avait donné en 1911, 36.000 tonnes ; en 1912, 70.000 ; en 1913, 71.500 et du 1er janvier au 31 juillet 1914, 41.000 tonnes. La guerre a également arrêté toute extraction.
   
Saint-André-sur-Orne, concession de 295 hectares, accordée en 1893, appartenant à Phœnix, Amnetz et Hasper ; elle donnait une extraction mensuelle moyenne de 10.000 tonnes.
 
Les huit autres concessions, dont l'exploitation n'était pas encore commencée en 1914, sont :
  
Bully, concession de 402 hectares, accordée en 1896.
Maltot, concession de 430 hectares, accordée en 1903.
Urville, concession de 402 hectares, accordée en 1896.
Gouvix, concession de 329 hectares, accordée en 1896.
Estrées-la-Campagne, concession de 780 hectares, accordée en 1904.
Perrières, concession de 1.460 hectares, accordée en 1901.
Monpinçon, concession de 605 hectares, accordée en 1902.
Oudefontaine, concession de 559 hectares, accordée en 1902.

MANCHE

Bourberouge, concession de 1.322 hectares, accordée en 1902, et reliée au chemin de fer de Domfront à Avranches. Elle a donné en 1913, 34.500 tonnes et 23.000 pendant les sept premiers mois de 1914 ; mais à la mobilisation tout travail fut suspendu et l'interruption de l'épuisement a déterminé l'inondation des galeries ; le cube d'eau est considérable, les moyens d'épuisement sont restreints, aussi l'exploitation ne pourrait-elle être reprise qu'après une assez longue période.
 
Diélette, exploitation sous-marine appartenant au célèbre maître de forges allemand Thyssen, qui avait dépensé 15 millions pour outiller cette mine de laquelle il espérait extraire annuellement 300.000 tonnes. Comme à Bourberouge, les galeries ont été noyées, et le transporteur qui transportait le minerai à 800 mètres en mer a été détruit par les tempêtes.
  
Mortain, concession de 1.250 hectares accordée en 1902 ; le siège fut terminé au début de 1914. La Société française y avait fait d'importants travaux dont, notamment, quatre fours à calcination, et établi un raccordement avec le chemin de fer jusqu'à la gare de Neufbourg. Elle avait donné en 1913, 6.835 tonnes et environ 3.000 tonnes par mois au début de 1914. Les galeries furent également inondées à la suite de l'interruption de l'épuisement, mais la Société française des mines de fer a entretenu les installations et on espère pouvoir remettre cette mine en état dans le délai d'un mois.

ORNE

Halouze, concession de 1.210 hectares, accordée en 1884, avait fourni en 1912, 130.800 tonnes de minerai ; en 1913, 152.000 et 112.000 en 1914. A la mobilisation, le travail fut complètement arrêté et par suite les travaux souterrains furent noyés. Repris en 1915, les travaux d'épuisement permirent de recommencer l'exploitation quelques mois plus tard, en partie seulement. L'extraction donna 9.000 tonnes pendant les deux derniers mois de 1915 l'année 1916 vit une recrudescence d'activité, et la Société des Aciéries de France à qui appartient cette mine, entreprit l'augmentation du matériel.
 
Larchamps, concession de 470 hectares, accordée en 1903, a donné 135.000 tonnes en 1913 ; l'exploitation a cessé depuis le début des hostilités.
  
Mont-en-Gérôme, concession de 1.490 hectares, accordée en 1903, sur lesquels il n'y a eu encore que des travaux de recherches.
 
La Ferrière-aux-Etangs, concession de 1.605 hectares, accordée en 1901 à la Société de Denain-Anzin, a produit en 1913, 150.800 tonnes et du 1er janvier au 31 juillet 1914, 88.200 tonnes. L'extraction fut interrompue à la mobilisation et faute de personnel, le service d'épuisement ne put fonctionner, mais une partie seulement des travaux souterrains fut inondée. Reprise en mars 1915, avec quelques ouvriers seulement, la production a été insignifiante, car les fourneaux de la Société de Denain-Anzin étant toujours en pays envahi, elle s'est bornée à des travaux d'entretien.

(A suivre).

A. MACHÉ.
        
*
* *

La Vie Rurale Et la Production Agricole
Au Pays Normand


(Huitième article de la série.)

VIII

L'AVICULTURE EN NORMANDIE ; SES DÉBOUCHÉS, SON AVENIR. — APERÇU SUR L'EXPLOITATION  DES  ANIMAUX  DE BASSE-COUR DANS LES DÉPARTEMENTS NORMANDS. — LES RACES GALLINES DE LA NORMANDIE : CRÈVECŒUR, CAUMONT, PAVILLY, GOURNAY. — LE COMMERCE ET LES MARCHÉS DE VOLAILLES ET D'ŒUFS. —  LE CANARD DE ROUEN. — LES ASSOCIATIONS AVICOLES RÉGIONALES : SOCIÉTÉ D'AVICULTURE DE BASSE-NORMANDIE ; CLUB AVICOLE ET CERCLE DES FERMIÈRES DE LA SEINE-INFÉRIEURE ; PAVILLY-CLUB ; SOCIÉTÉ DES AVICULTEURS NORMANDS. — HEUREUSE INFLUENCE DE CES ASSOCIATIONS SUR LA PRODUCTION AVICOLE.

 
L'aviculture constitue une des sources de production les plus intéressantes de l'agriculture normande. Parmi les petits élevages, celui des animaux de basse-cour est certainement le plus favorisé, par les conditions de milieu et l'importance des débouchés commerciaux. C'est, en effet, la Normandie qui, avec la Bretagne, fournit, en temps normal, un tiers de la consommation annuelle en œufs français de la Capitale. De tout temps, l'exportation des volailles et des œufs de Normandie sur l'Angleterre a été une importante source de revenus pour nos producteurs, nos cultivateurs, nos fermières. Nos œufs et nos poulets sont particulièrement estimés sur le marché de Paris, où ils atteignent généralement les cours les plus élevés. Nous pourrions étendre, grandement la production avicole, tant pour la consommation générale que pour les besoins, pendant l'été, des nombreuses plages normandes.

Mais on doit à la vérité de dire que, trop souvent encore, nos braves ruraux et même nos fermières qui ont cependant dans leurs attributions ce fructueux domaine qu'est la basse-cour, négligent de l'exploiter avec toute l'attention et l'intérêt désirables. C'est se priver ainsi de profits qui pourraient être facilement recueillis et qui, certes, figureraient en ligne de compte, pour une somme respectable, dans l'accroissement des revenus de l'exploitation agricole. Du reste, il faut considérer que le développement de l'élevage des animaux de basse-cour, la nécessité d'intensifier cet élevage, de le pratiquer d'une façon rationnelle, apparaissent, plus que jamais, comme des progrès nécessaires, au point de vue économique, surtout dans les circonstances actuelles, étant données la cherté des denrées alimentaires et les conditions difficiles que rencontre la production de la viande de boucherie, en présence des énormes contributions prélevées par la guerre sur le cheptel national. Nous voudrions exposer ici les éléments qui s'offrent à l'aviculture dans nos départements normands, et metttre le lecteur à même de se rendre compte de l'état de cette branche de production dans notre pays. Voyons d'abord à établir, en quelque sorte, le bilan de cet élevage, du moins tel qu'il était avant la guerre.

°°°

Dans le département du Calvados, on dispose des éléments les plus favorables à une exploitation raisonnée, intensive et largement rémunératrice. Malheureusement, comme cela peut être observé dans l'arrondissement de Caen, l'aviculture est souvent mal comprise et, dans ce sens, il y a beaucoup à faire, surtout à améliorer. La production des poulets de grain est faible, souvent pratiquée sans méthode et on s'explique, alors, qu'elle soit encore loin de donner les profits qu'on pourrait obtenir. On laisse trop l'élevage à l'abandon, au hasard.
  
La bonne race de poule de Crèvecœur qui sous les influences de milieu, et peut-être aussi faute de soins spéciaux, a perdu une partie de ses caractères originels — ainsi qu'on peut le constater dans bien des fermes — a cependant conservé une bonne partie, de ses précieuses qualités, notamment sa rusticité. La race de Crèvecœur est une de nos plus vieilles races françaises à plumage noir. Les autres races normandes, celle de Caumont et celle de Pavilly, ont aussi le plumage noir, mais elles diffèrent sensiblement de la race de Crèvecœur. Nous avons également dans la race de Gournay, au plumage caillouté noir et blanc, une volaille très intéressante. La volaille de Crèvecœur porte le nom d'une charmante petite localité du Pays d'Auge, où se tient un marché qui, jadis, était assez important, desservi par la gare de Mesnil-Mauger, bien connue pour ses expéditions de bestiaux.
  
La vraie poule de Crèvecœur, toute noire, à huppe, à crête formée simplement de deux cornes, existe surtout dans les fermes herbagères des arrondissements de Lisieux et Pont-l’Evêque, et dans les cantons limitrophes de la plaine de Caen, c'est-à-dire dans la partie Est du Calvados, ainsi que dans les régions voisines des autres départements. Il suffit de visiter l'un des marchés hebdomadaires de Lisieux, le samedi, ou de Saint-Pierre-sur-Dives, le lundi, pour être fixé sur les caractères de la poule de Crèvecœur, telle qu'elle est exploitée dans les fermes de son pays d'origine. Cette poule est bonne pondeuse : elle donne de 125 à 150 œufs par an.
 
Les débouchés pour l'aviculture locale sont nombreux. La ville de Caen, en particulier, consomme des milliers de poulets, mais ces poulets viennent de la Sarthe. Nos fermières laissent échapper ainsi des profits qu'elles pourraient aisément se réserver, d'autant plus que d'autres débouchés très importants leur sont offerts sur le littoral : à Trouville, à Cabourg, etc.; aux Halles centrales de Paris et en Angleterre : le port de New-Haven n'est qu'à douze heures de Caen. Il conviendrait, en outre, de développer l'exportation des dindes grasses chez nos amis anglais, notamment à l'époque de la Noël, et d'étendre le commerce des lapins, en particulier des lapins angora ou de peigne, qui, avant la guerre, avait acquis une certaine activité.
 
Dans l'arrondissement de Pont-l’Evêque, le système de culture permet l'obtention de poulets et d'œufs de toute première qualité, donnant lieu, ordinairement, à un commerce, considérable.
 
Dans l'arrondissement de Lisieux, ce sont les poules qui constituent la population dominante des basses-cours ; on élève aussi des oies et des dindons que l'on engraisse en même temps que ceux achetés dans les régions voisines, principalement dans l'Eure. Les principaux marchés de volailles sont : Lisieux, Orbec, Saint-Pierre-sur-Dives, Crèvecœur et Cormeilles. Les négociants du Havre, de Honfleur, de Trouville, viennent faire leurs achats sur ces marchés et expédient à Paris et surtout en Angleterre. Bon an mal an, le marché de Lisieux reçoit plus de 120.000 douzaines d'œufs ; celui de Livarot, près de 100.000 douzaines. Les poules qu'on rencontre dans les fermes de l'arrondissement de Falaise paraissent être un dérivé plus ou moins pur de la race de Crèvecœur. Sur les plateaux secs et calcaires de cet arrondissement, les croisements de la race locale avec la race de Houdan réussiraient à merveille.

La race de lapin dite Lapin normand est très avantageuse, aussi bien par la qualité de sa chair que par celle de sa peau.
 
La production des œufs est assez considérable. Généralement, les œufs sont achetés par les négociants acheteurs de beurres en mottes.
  
C'est peut-être dans l'arrondissement de Vire qu'il y aurait le plus à faire pour l'amélioration de l'aviculture, car on constate le manque de sélection et l'insuffisance de soins aux poulaillers. Les œufs sont produits en assez grande quantité, et cela tient à ce que les poules vont en liberté dans les herbages. En temps normal, le marché de Vire reçoit, annuellement, environ 165.000 douzaines d'œufs et 20.000 couples de volailles.

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Le département de l'Eure se signale particulièrement pour la valeur de sa production avicole et pour le commerce auquel celle-ci donne lieu. Chaque année, on expédie, de ce département, un minimum de 5.000 cageots de 20 volailles. Montreuil-l'Argillé, dans l'arrondissement de Bernay, est, en décembre, le point d'expédition d'environ 10.000 dindes à destination de l'Angleterre. Des courtiers viennent acheter sur les marchés de Verneuil, Damville, Conches, et expédient sur Paris. Le marché de Routot approvisionne en partie Rouen et Elbeuf. Pendant l'été, les stations balnéaires voisines et l'Angleterre, pendant l'hiver, sont approvisionnées par les marchés de Pont-Audemer, Cormeilles et Beuzeville.
 
L'exportation annuelle des œufs du département de l'Eure est évaluée à 1.500.000 douzaines. En mai, le marché de Cormeilles est approvisionné jusqu'à 16.000 douzaines, chaque samedi. Verneuil et Conches expédient leurs œufs à Paris.
  
Dans le département de la Manche, la transformation des terres de labour en prairies naturelles et artificielles, en sainfoin, notamment, a été une cause de la diminution des animaux de basse-cour. Néanmoins, les marchés des villes sont, en temps ordinaire, assez abondamment pourvus de volailles. La poule locale, à plumage noir, paraît être une Crèvecœur dégénérée. C'est dire que l'on doit s'appliquer à l'améliorer par une judicieuse sélection. Dans les fermes du département de l'Orne, on élève surtout des poules de race commune, parfois des poules appartenant aux excellentes races de Houdan, de La Flèche, Cochinchinoise et autres races ou variétés exotiques. L'engraissement de la volaille laisse trop à désirer. La production des oies et dindons tient une certaine place dans les exploitations agricoles et, pour ces volailles, le marché de Londres est le débouché le plus important. C'est surtout dans la quinzaine qui précède Noël que se font les envois de dindons et d'oies engraissés. Les marchés locaux reçoivent de notables quantités d'œufs.
  
Dans la Seine-Inférieure, en particulier dans les petites vallées qui aboutissent à la Seine, dans la partie occidentale de l'arrondissement de Rouen, il est une spécialité avicole d'un excellent rapport. C'est l'élevage des canards. La légitime renommée du canard de Rouen et surtout de la race de Duclair (chef-lieu de canton de l'arrondissement de Rouen), s'étend par toute la France, et même à l'étranger.
 
Les canards se vendent, principalement, sur les marchés de Duclair, Gournay et Dieppe. Le commerce des volailles, en général, et des œufs, se fait sur les marchés suivants : Bosc-le-Hard, Doudeville, Duclair, Auffay, Gournay, Buchy, Fécamp, Dieppe, Pavilly, Londinières, Elbeuf, Montivilliers, Neufchâtel, Envermeu, Aumale, Bacqueville, Foucarmont, Blangy et Yvetot. Certains marchés reçoivent annuellement plus de 30.000 têtes de volailles. Pavilly Doudeville, 1 million à 1 million et demi d'œufs.

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Les diverses races gallines normandes présentent, dans leurs aptitudes, de grandes analogies : elles sont rustiques, précoces, pondeuses hors ligne, donnant de gros œufs blancs de bonne qualité, une viande dont la finesse, le goût exquis sont de même fort appréciés. Au point de vue de l'aptitude à couver, elles laisseraient à désirer, mais en réservant, pour la couvaison, quelques poules de races bonnes couveuses ou des dindes, il est facile d'obvier à cette insuffisance de nos poules normandes. En tout cas, lorsqu'une région à l'heureux privilège de posséder des races locales aussi favorisées que celles de Normandie, ce doit être un encouragement pour les éleveurs, les cultivateurs, à ne point négliger une sélection — qui doit être suivie, constante — pour conserver ces races à l'état de pureté et améliorer encore leurs qualités. A cet égard, il y a lieu de signaler l'œuvre éminemment utile à laquelle se sont consacrées les Sociétés d'aviculture de la Normandie.
 
La Société d'aviculture de Basse-Normandie, dont le siège est à Caen, et qui est présidée par notre ami, M. Hédiard, le distingué et dévoué Directeur des Services agricoles du Calvados, s'est donné comme mission particulière et très intéressante pour la région, la reconstitution et l'amélioration des races locales de poules de Crèvecœur et de Caumont (la Gélinotte de Caumont) dont elle a déterminé et publié les Standards (caractères de race).
  
Dans la Seine-Inférieure, le Pavilly-Club, puis le Club avicole de la Seine-Inférieure, créé par la Société centrale d'Agriculture de ce département, et dont le siège est à Rouen, ont contribué déjà, pour une large part, à la rénovation de l'aviculture dans cette partie de la Normandie. Le Club avicole, dont le président est M. Georges Gautier, de Forges-les-Eaux, s'est adjoint le Cercle des Fermières de la Seine-Inférieure — excellente initiative car les efforts de nos fermières sont nécessaires pour aider à la progression d'une branche de l'agriculture qui est essentiellement de leur domaine — le Club avicole, disons-nous, s'intéresse plus particulièrement à la race de Gournay, dont il a entrepris la sélection sur les mêmes bases que celles adoptées par la Société d'aviculture de Basse-Normandie pour les races de Crèvecœur et de Caumont.
  
Enfin, dans l'Eure, un groupement avicole, fondé en 1909 : la Société des Aviculteurs normands, à Evreux, apporte également son concours à l'amélioration de la production avicole régionale.
 
L'espace nous manque, aujourd'hui, pour mentionner, de particulière façon, l'initiative fort louable, prise, en 1916, par la Société d'aviculture de Basse-Normandie, en vue de propager l'élevage du lapin et de parer ainsi, autant que possible, à la cherté de la viande de boucherie actuellement. Dans un prochain numéro, nous donnerons à cette initiative, si utile, la propagande qu'elle mérite. Par l'exposé qui précède, on peut, croyons-nous, se faire une juste idée de l'importance des richesses que doit procurer l'exploitation rationnelle, intensive, de la basse-cour, au Pays normand.

Henri BLIN,
Lauréat de l'Académie d'Agriculture de France.

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GASPILLAGES !
Le Blé et les Poires à Poiré
 
Nos renseignements particuliers nous permettent d'affirmer (à notre grand regret, mais à quoi bon ruser avec la vérité ?) qu'il y aura, dans la plus grande partie du département de l'Eure, un énorme déficit sur la récolte de blé en 1917. Le temps a été très pluvieux, ce qui est contraire aux bons labours et aux semailles dans cette bonne terre naturellement humide ; et puis, surtout, malgré toutes les réclamations, ON A, CETTE FOIS ENCORE, MANQUÉ DE LABOUREURS !
  
Le fait est grave et sans remède, car on ne peut guère, dans ces terres lourdes, avoir recours au blé de Manitoba qui sauve la situation dans quelques départements, en Haute-Marne particulièrement.
 
D'autre part, l'éminent président du Syndicat agricole du Roumois, M. Emmanuel Boulet, dont nos lecteurs connaissent les multiples et salutaires initiatives, avait suggéré, par la voie, de la presse rouennaise et elbeuvienne, que des mesures militaires fussent prises en octobre en vue d'assurer le lochage et l'utilisation des poires à poiré, dont la récolte eût été exceptionnelle cette année, pour la fabrication de l'alcool réclamé par nos fabriques d'explosifs.
  
L'autorité militaire n'a rien fait à coup sûr. Et si l'autorité civile a tenté quelque chose — ce que nous ignorons — le résultat a été nul. La récolte énorme des poires à poiré a été perdue tout entière dans le Roumois, et presque partout ailleurs, hélas !
 
Cependant des hommes de quarante-huit et de quarante-neuf ans, mobilisés depuis le début des hostilités, sont retenus dans des dépôts, où ils n'ont rien à faire, — malgré les ordres formels du ministre — pour permettre à d'inconscientes « culottes de peau » de conserver — en violation des règlements — leurs galons et leur solde qu'elles justifient par la présence de ces « pépères » qui, rendus à la vie civile, nous seraient si utiles.
 
L'esprit reste confondu devant de telles inerties. Locher les poires était une besogne aisée et rapide... Et nous continuons à manquer d'alcool.
 
Quand l'heure des sanctions sonnera-t-elle enfin ?
  
La nation est écœurée par les scandales, l'incapacité et le jemenfichisme auxquels nul châtiment sérieux ne met fin.

N.


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FIGURES NORMANDES
Georges N o r m a n d y
 
Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°8 - Novembre 1917. Ceux de « cheu nous » — et ils sont nombreux — qui se groupent à l’ombre de leur clocher pour en chanter la douce sonnerie, et tous les espoirs qu'elle fait naître, et toutes les joies qu'elle suscite, auront appris, non seulement avec plaisir (ce qui ne serait que banal), mais aussi avec satisfaction, que la Société des Gens de Lettres avait attribué à Georges Normandy (en même temps qu'à Mme Bouger-Karr), le Prix de Littérature Régionaliste, autrement dit le Prix Jean Revel, titre non moins spécifique !...
  
C'est une juste récompense, car s'il est un littérateur qui tient à sa « terre », n'est-ce point Normandy dont le nom — signature au bas de tant et tant d'articles — est une permanente affirmation.

Si, plus tard, j'écrivais des souvenirs d'hommes de lettres, je ne manquerais pas de dire comment je connus le spirituel chroniqueur Georges Normandy... Autant qu'il m'en souvienne, c'était vers 1911. Je donnais dans une feuille régionale — aujourd'hui disparue — le Normand de Paris, un article que j'épigraphiais de quatre vers de Normandy sur Fécamp, cueillis dans l'Ame Normande. C'est ainsi que l’on commence à écrire. L'on met beaucoup d'épigraphes, et c'est une manière juvénile d'étaler son érudition... Quelques jours après, je reçus un mot charmant de l'auteur du poème. Ceux qui écrivent pour la seule joie d'écrire, connaissent seuls, ces premières divines émotions, où l'on se sent un peu fier d'avoir l'approbation de l'ancien...

Vers cette époque parut l'Automne d'une Fille, et, s'il est une autre joie, c'est le premier ouvrage que l'on reçoit avec dédicace. Ce fut le premier ! Et plus tard, j'allai frapper à la porte hospitalière du logis de la rue du Rocher : c'était encore une première chez un confrère... Je connus là beaucoup de courtoisie, dans un entretien grave et souriant tour à tour... Il y avait dans le prodigieux amoncellement de livres, écroulés sur la table de travail, comme les pierres disjointes de quelque temple, il y avait, planant, les âmes de Scholl et de Lorrain. Georges Normandy contait, d'une mémoire inépuisable, et d'un souffle inépuisé, les mille et une anecdotes dont il est friand, tout en montrant une vieille édition de Rabelais qui le comblait d'aise... Et je ne savais pas si je devais m'étonner de cet immense coupe-papier — issu de quelque défense d'éléphant — qu'il glissait tout en parlant entre les pages d'un bouquin minuscule...

En littérature, de ces petits riens, naissent les sympathies... Et plus tard, je donnai à Normandy mon premier livre à préfacer...

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J'ai là, sur ma table, une série de photos avérant Georges Normandy à différentes époques de sa vie. L'une révèle Georges Segaut à l'âge de cinq mois, en 1882. Voilà un acte de naissance. D'autres montrent le littérateur chez lui, devant la mer à Menton, sur sa Riviera (pensons à Jean Lorrain !), ou devant son Océan natal, occupé à son plaisir favori, « la Rocaille », à Yport, ou à Vaucottes-sur Mer... Mais la plus belle de ces photos, et qui synthétise mieux, nous montre le « commis-voyageur en régionalisme », dans un décor de wagon, emporté vers « quel horizon de Province » ? Et quel « commis-voyageur » ! Rappelons-nous que la préface à la Jonque Dorée, de Jean Lorrain est datée de Madrid, et que la préface des Pelléastres, du même auteur, est datée d’Ajaccio ! Les Articles de Paris, Horizons de Province, parmi les ouvrages de Normandy, se trouvent être la plus belle justification de cette qualité de « Commis-voyageur en régionalisme ». Il n'y a qu'à considérer d'autres portraits pour constater que cet homme est une énergie continuelle — corde d'arc toujours prête à partir ! En ce visage, un sourire véritablement sardonique ou sarcastique, si vous voulez, permane ! Le portrait que Claude Bourgonnier (H. C.) exposa au Salon des Artistes Français, est une réalisation sincère, à ce sujet... le visage apparaît un peu étonné, sur un buste à peine penché, d'aplomb, et la plume, dans celle main baguée — est-ce une réminiscence de M. de Phocas ? — est tenue comme l’on tient un scalpel...

L'ex-libris de Normandy, pour la Bibliothèque du château de Beurville, porte en devise : J'aime, je hais, je veux... Pour être un caractère, voilà, en trois mots, ce qu'il faut être... Et il n'est point facile d'être une vivante manifestation d'amour, de haine, et de vouloir !

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Analyser l'œuvre considérable, et diverse de Georges Normandy — qui, un jour, m'avouait être un polygraphe (et Gourmont aussi était un polygraphe !) — cela demanderait un bon volume... D'aucuns lui reprochent cette production, d'autres lui en font des louanges. Voilà bien qui prouve que l'écrivain intéresse tout le monde. Mais son œuvre n'est pas achevée, puisque l'auteur n'a que 35 ans... A cet âge, il est des écrivains — ainsi Flaubert — qui commencèrent seulement à écrire, je veux dire à publier... Or, à 14 ans, Normandy composait un poème (Hugo aussi !) et le publiait... A 18 ans, il écrivait, en collaboration avec M.-C. Poinsot, un roman, l'Echelle. L'éditeur était Fasquelle ! La collaboration Poinsot est intéressante : des romans, des contes de toute beauté, et d'une vie intense, comme Mâles, Amours ; des pièces comme Anarchistes (grand théâtre de Lille), les Vaincues (Comédie Royale)... Puis la collaboration cessa, et les deux écrivains allèrent, chacun de son côté, vers d'autres réalisations...
  
Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°8 - Novembre 1917. Georges Normandy devint le chroniqueur si alerte et si vivant qui produisit ce livre, que j'aime entre tous ses livres : Articles de Paris, Horizons de Province. Jean Ajalbert quiécrivit la préface de cet ouvrage a dit de ces pages qu'elles « ont résisté à la mise en pages de l'édition de librairie ». Une autre série, qui fut reprise au Paris-Journal, s'intitule l'Heure qui passe, et Clovis Hugues en a fait la préface... Puis Normandy publia des articles sur le régionalisme (la Question Catalane, entr'autres), des portraits (Léon Cladel), des études sur Jean Lorrain, s'intéressa à l'esthétique du nu, non seulement le Nu au Salon, mais le Nu à l'Eglise, au Théâtre et dans la Rue, livre pour lequel Gustave Kahn écrivait une remarquable introduction... L'Automne d'une fille, le dernier roman de Georges Normandy est l'histoire de la Riviera, et des êtres beaux et hideux qui s'y meuvent... C'est d'un style emporté en dialogues rapides, cruels, et c'est en grand, ce que laisse prévoir Potins et Pantins de la Riviera... Récemment, la Renaissance du Livre donnait Des Belles et des Bêtes, et Normandy ornait cette anthologie faite avec soin d'une documentée bio-bibliographique…. Car Jean Lorrain est pour Georges Normandy ce que fut Stendhal pour Adolphe Paupe, ce qu'est Mérimée pour Lucien Pinvert, un maître, le Maître.

Jean Lorrain semble avoir eu une grande influence sur l'esprit de Normandy... Est-ce un tort ? Non ! On va vers l'auteur dont l'esprit correspond à votre modalité... C'est une aide, une force... Et tout littérateur a ainsi une sympathie, plus ou moins avouée...

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Telle est, à grands traits, la silhouette du nouveau Lauréat Jean Revel,... Puissiez-vous la reconnaître, s'il vous arrive de rencontrer Normandy cherchant dans les boîtes des quais (la plus belle bibliothèque du monde, selon Remy de Gourmont), le livre curieux et saisissant ou, parmi les êtres et les choses, un nouveau motif d'aimer, de hair ou de vouloir... Devise résumant assez bien en elle-même l'esprit de chez nous, tout fait de contradiction... Mais de la contradiction jaillit toujours la lumière, cette pauvre petite lumière que nous alimentons avec tant de peine, en mettant beaucoup de noir sur du blanc... Et la lampe de Georges Normandy consume ardente, d'une flamme tourmentée — qui pourrait bien un jour brûler sereine, et bien immobile — mais son charme n'est-il pas de brûler ainsi, ballottée à tous les vents semblable au coq de la cathédrale de Rouen qui, en attendant de se désembrocher pour un improbable Jugement Dernier, cherche infatigable, à tous les vents, un nouvel horizon !

Gabriel-Ursin LANGÉ.


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Chrysanthèmes

A M. Paul Labbé.

Dans mon jardin croissait un très beau Chrysanthème
Découpé finement en un souple satin.
Je ne sais pas son nom : son unique baptême
Lui fut donné d'en haut, un pluvieux matin...
Peut-être le poète a percé le mystère ;
Peut-être dirait-il : « C'est l'Etoile de feu »
Pour moi qui ne sais rien, je ne puis que me taire ;
Mais j'admire la fleur et... je l'envie un peu.

C'est que, dans mon salon, brille le Chrysanthème
Devant le cher portrait où vont toutes mes fleurs...
Il semble comme moi lui murmurer : « Je t'aime ! »
Et près de lui souvent j'ai versé bien des pleurs...
Ah ! symbolique fleur, éclosion d'automne,
Tu n'as pas de tes sœurs les enivrants parfums ;
Mais ton charme discret, qui parfois nous étonne
Est comme un souvenir de nos rêves défunts.

Au tombeau de l'aimé j'ai mis le Chrysanthème :
Dans le vase massif il semblait plus joli...
Et là, j'ai ressassé le doux et triste thème
De notre amour brisé, de l'avenir pâli.
La fleur resplendissait sous le soleil d'automne,
Mêlant ses rayons d'or aux rayons du soleil
Et, dans la nécropole à l'aspect monotone,
Souriait à nos morts plongés dans le sommeil.

PRINCESSE BRUYÈRE.

Les   Transfuges (1)

Parmi les rangs épais des troupes de Guillaume,
Les yeux de la pensée ont aperçu parfois
Des guerrières de rêve, au front casqué d'un heaume,
Animant les Germains du geste et de la voix.

Or, ces êtres haineux, nouvelles walkyries,
Naquirent en nos cœurs et vécurent chez nous.
Autant nous leur voyons la mine des Furies,
Autant leur beau visage autrefois était doux.

Oui, contre toi, Français, se tourna ta Science ;
Et ta fille aux doigts fins, l'Ingéniosité,
Par un funeste effet de ton insouciance
Sert chez tes ennemis avec docilité.

Et ta Bonté stupide aux élancements d'âme,
Et ta Candeur bêlante à face de mouton,
Tous ces dons superflus, devant quoi l'on se pâme,
Augmentèrent d'abord les chances du Teuton.

Oui, nous avons pâti du jeu de ces traîtresses.
La claire Loyauté dont nous étions vêtus,
La Fougue, qui causa nos premières détresses,
Sur nos lèvres prenaient le titre de vertus...

Oui, nous les connaissons, ces amazones hautes
Dont nous devions tenir le fier cheval en main :
Ce sont nos qualités, certains disent nos fautes...
Mais nos yeux les verront encor belles demain !
   
Jean MIRVAL. (Georges LEBAS).

(1)Ces poèmes font partie d’un recueil, intitulé Eclats de vers, qui paraîtra après la guerre.


Moucherons

Les moucherons, dans une ronde folle,
Dansent autour d'un rayon de soleil ;
Pendant ce temps, l'hirondelle qui vole
Fait dans leur bal un festin sans pareil.

Tourner sans cesse et chercher la Lumière
Sans autre but, voilà leur seul destin ;
Les moucherons ne souffrent pas sur terre :
Beaucoup d'entre eux ne vivent qu'un matin.

Nous, qui rions de la gent moucheronne,
Que n'avons-nous comme elle un seul plaisir :
Vivre joyeux sous l'astre qui rayonne
Enn'ayant pas le regret de vieillir E !

V. Louis MARTIN.
Novembre 1917.


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Colombine sauvée
ballet-pantomime en un acte et quatre tableaux

par
Jean Lorrain

Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°8 - Novembre 1917.

QUATRIÈME TABLEAU

Même décor qu'au premier tableau. - Chambre de COLOMBINE.


Au lever du rideau Mme CASSANDRE, CASSANDRE et le médecin sont groupés autour du lit de COLOMBINE.

A la porte, que tient entrebâillée une des filles du village, on voit passer le museau blanc de PIERROT.

Il fait grand jour ; le soleil illumine gaiement les vitraux.

Un mouvement se fait dans les rideaux du lit qui s'entr'ouvrent. COLOMBINE apparaît, couchée, la tête appuyée sur le bras de sa mère. Elle se réveille lentement, se lève sur son séant et ouvre de grands yeux étonnés : Où est-elle ? aurait-elle rêvé ?

Elle passe les bras autour du cou de Mme CASSANDRE, l'embrasse, baise les mains de son père qui, tout en essuyant une larme, va ouvrir la fenêtre toute grande et fait signe à PIERROT que COLOMBINE est guérie.

Sauvée ! Sauvée !... et, malgré Mme CASSANDRE, qui lui fait signe de rester dehors, il se précipite vers le lit de COLOMBINE, se jette à genoux, lui dévorant les mains de baisers, tandis que la servante essaie de pousser la porte contre un flot de visiteurs, filles et gars, qui veulent entrer !

Sauvée ! Sauvée !

Mme CASSANDRE fait comprendre à PIERROT qu'il faut laisser COLOMBINE.

Tandis que PIERROT va parlementer à la porte avec les visiteurs pour leur faire  prendre patience, COLOMBINE, aidée par sa mère et par la servante, se lève et passe une matinée à fleurs.

COLOMBINE est conduite auprès de la table. Elle s'installe dans le grand fauteuil et PIERROT, après un signe échangé avec Mme CASSANDRE, laisse pénétrer dans la chambre toutes les jeunes filles amies de COLOMBINE. COLOMBINE reçoit leurs félicitations, leur serre la main : elle n'est plus folle, elle est sauvée, elle est guérie… mais elle leur a fait une fière peur, hier ?...

PIERROT, qui s'est fait remplacer à la porte par une des jeunes filles, s'agenouille devant elle et lui chausse les petits souliers blancs de la veille ; - mais il est repoussé et congédié par Mme CASSANDRE, qui veut qu'on laisse sa fille s'habiller.

COLOMBINE est emmenée, par les jeunes filles, derrière un grand paravent que l'on déploie (paravent qui ne la cache qu'à PIERROT et à ceux qui occupent le fond de la scène et qui laisse les spectateurs témoins de la toilette de COLOMBINE).

Derrière ce paravent, les jeunes filles habillent, coiffent, lacent COLOMBINE en mariée, lui assujettissent son voile et sa couronne en dansant.

Pendant ce petit ballet sur place, PIERROT a ouvert la porte à ses amis, qui viennent tous lui serrer la main et se rangent sur le fond de la scène. PIERROT leur indique du geste que COLOMBINE s'habille là, derrière, et, tout heureux, ne tient pas en place, va de l'un à l'autre, puis, se penchant à la fenêtre, fait signe aux gens du dehors de monter.

Mme CASSANDRE, elle-même, ne se tient plus de joie et voltige sans arrêt à travers l'appartement.

Par la porte grande ouverte, les invités de la noce arrivent : hommes, femmes endimanchées, etc.

La famille CASSANDRE et PIERROT les reçoivent avec force salutations.

Un des amis de PIERROT lui apporte un flot de rubans qu'il pique à sa veste, un gros bouquet et un chapeau enrubanné... Enfin, les ménétriers, armés de leurs violons entrent en jouant et se rangent au fond de la scène.

Le paravent se replie COLOMBINE, en mariée, s'avance au-devant de PIERROT qui la prend par la main et lui fait faire le tour de l'appartement pour la présenter à la société.

Des vivats éclatent ; tous les gars agitent leurs chapeaux ; des coups de fusils pétaradent dehors ; les crins-crins font rage pendant que les cloches de l'église s'ébranlent joyeusement.

Mme CASSANDRE, que les jeunes filles ont coiffée d'une immense capote et enveloppée d'un grand châle, prend le bras de son gendre, tandis que M. CASSANDRE offre le sien à sa fille, tout en mettant ses gants.
   
Les gens de la noce se groupent par couples, derrière eux et le cortège se met en branle... cependant que les cloches multiplient leurs gais carillons.

FIN

JEAN LORRAIN.

Illustrations de P.-J. POITEVIN.

(Reproduction formellement interdite.)



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Le Poète Wilfrid Lucas
 
Le seul fait que le Caennais Wilfrid Lucas, blessé deux fois et reparti deux fois au front, a mérité une belle citation qui lui a valu la Croix de guerre, lui vaudrait une place au palmarès de Normandie ! Mais lorsqu'un brave de chez nous se double d'un écrivain de mérite, nous sommes heureux, nous ses confrères normands, de lui rappeler que la Normandie n'oublie pas « ceux de là-bas !... »
 
Wilfrid Lucas est un de ces poètes dont notre vieille province peut et doit se montrer fière.
 
Né en 1882 d'une vieille souche caennaise, c'est à Caen, sa ville natale, que W. Lucas a écrit ses premiers vers, et si la vie l'a conduit, comme tant d'autres, vers Paris, son cœur est demeuré au pays, et il est l'un de ceux qui tirent gloire de leur origine.
  
Il est difficile de porter un jugement précis sur l'œuvre de W. Lucas, car il n'a guère publié. Il semble s'être volontairement abstenu d'une destinée qui contente trop souvent les jeunes avides de succès et pressés d'arriver. Ses Romances sentimentales, créées au cabaret Bruant, ont paru en librairie en 1905 et Figuière a édité, en 1912, Les Roses s'ouvrent, où j'ai puisé quelques citations.
 
Mais, bien que peu connu du grand public, nous croyons savoir, toutefois, que le bagage littéraire de W. Lucas est considérable et qu'en tout domaine, roman, théâtre, poésie, sa nature généreuse et ardente a produit, avec lenteur, quelque vaste concept original et pur que nous aurons, sans doute, un jour, la joie profonde d'apprécier. Admirateur fervent d'André Theuriet, Lucas fut l'un des promoteurs du comité qui érigea le monument de Bourg-la-Reine à la mémoire de notre grand poète.
 
La Société des Gens de Lettres a consacré le talent de Wilfrid Lucas, en lui décernant, en 1916, le Prix Feuillâtre. (Il avait d'ailleurs été promu officier d'Académie, en 1913, lors du jubilé officiel de cette Société.)
  
Ce normand — comme beaucoup des écrivains normands — est un penseur, ainsi qu'il le dit en l'un de ses vers.

Mon œuvre est formidable et je dois l'accomplir !

et il semble qu'il appartient à la race des initiateurs, des révélateurs, des « Eveilleurs d'aurore » comme? a dit Rostand dans Chantecler :

Et moi, je veux aller plus loin que les étoiles,
Vers les vierges clartés qui m'attendent ailleurs ;
Et, déchirant du ciel les impalpables voiles,
En descendre un soleil aux avenirs meilleurs.

(Le Myosotis.)

C'est dans un autre poème qu'il dit :

Le Rêve m'abandonne un bien plus grand domaine
D'où je découvre encore aux regards d'ici-bas,
Le sens et le dépôt de la grandeur humaine !

(Le Penseur.)

Entendez-le encore s'écrier, en parlant de Pégase, le coursier ailé :

... Comme s'il attendait qu'on l'arrête au passage,
Qu'on le bride à l'instant,
Le selle à son usage
Et l'enfourche en sautant.

Jusqu'à ce qu'on ait pu, dans sa course éperdue,
De Centaure surgi
A travers l'Etendue
Et le Rêve élargi,

Découvrir des accents d'une telle puissance
Que leur splendide éveil
Ait la magnificence
Enorme du soleil!

(L'Eveil du Poète.)

C'est le plus souvent le large courant de la Pensée, de la philosophie et de l'histoire qui traverse son œuvre. Il en résulte une ampleur qui donne à celle-ci une poésie intense, très intense, mais très particulière.
 
Sa conception personnelle de l'existence, qui est en quelque sorte une reconstitution idéale du monde par la Concorde et l'Amour, est manifestement une œuvre de paix. Sous le symbole, son œuvre est évidemment un chant d'amour :

Hurle ta passion, quand tes battements d'aile !
L'arrachent frissonnante à ton âme cruelle,
Et laisse, enfin, ton cœur dans un splendide essor,
Rouler, impétueux, des torrents à pleins bords...

(Petit Bouquet de Violettes.)

C'est aussi l'éternelle vie, la plénitude du Bonheur :

Tout brille autour de nous et semble se complaire
Dans un joyeux décor de rêve et de clarté ;
Le soleil resplendit d'une flamme plus claire,
Et notre ciel d'amour est plein de volupté...

(Marguerite.)
 
Mais c'est déjà, pour celle à qui il ne craint pas de déclarer :

Vous serez le soleil de l'œuvre qui s'achève,
Vous qui pouvez unir l'amour fécond au Rêve !

l'assimilation magnifique à l'œuvre saine et virile sur laquelle nous ne pouvons nous étendre davantage, ne la connaissant pas encore ; mais Wilfrid Lucas nous la laisse pressentir lorsqu'il s'écrie :

Muse des grands écrits et des Poètes forts,
Donne-moi le repos et le calme des morts,
Ou la sérénité des choses demeurées,
Depuis les temps lointains, des Races effondrées !..

(Le Penseur.)

Tous ces passages, je les ai tirés des « Roses s'ouvrent », œuvre de jeunesse d'un poète qui se cherche, et qui bientôt nous révélera toute la puissance de son beau talent.

Car je voulais des cieux la plus lointaine étoile :
Celle qu'aucun regard n'a découvert encore,
Et qui laisse affaiblir, à travers un long voile,
L'éclat, à peine né, d'un mince rayon d'or.

(L'Etoile d'espérance.)

CAMY-RENOULT.


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Deux Expositions du Peintre Lexovien
Jean-Ch. CONTEL.
 (chez Devambez et à la Galerie La Boëtie) à Paris
 
 
Nos lecteurs se souviennent que, dans les Activités Régionalistes du dernier numéro de notre revue, M. Georges Normandy étudiait le récent album du peintre et dessinateur Jean-Ch. Contel, dont ils ont pu, d'ailleurs, admirer sur nos pages d'énergiques interprétations des maisons à colombages de nos vieilles cités. Le succès de notre compatriote n'aura pas mis longtemps pour aller de Lisieux — où l'excellent artiste a la sagesse de demeurer — à Paris. La Galerie La Boëtie (rue La Boëtie), expose plusieurs de ses tableaux et le graveur, artiste et marchand à la mode Devambez (43, boulevard Malesherbes), a placé divers cadres de lui sur ses cimaises. Nous devons ajouter à la louange des amateurs parisiens qu'ils font l'accueil le plus flatteur à ces œuvres énergiques, où la sûreté du coup d'œil s'allie à la plus heureuse largeur d'exécution. Normandie suivra avec le plus grand plaisir l'ascension certaine de Jean-Ch. Contel vers des succès qu'elle a été la première à prédire.

N.
 
 
L’effort que nous tentons dans cette revue doit intéresser tous les Normands ; qu'ils nous aident en s'abonnant et en faisant abonner leurs amis.

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UN   BEAU   DÉBUT LITTÉRAIRE

CES DAMES DE L'HOPITHAL 336 (1)
par GENEVIEVE DUHAMELET
  
Le parfait écrivain, le gracieux poète Georges Docquois a voulu être le « parrain » de notre compatriote, Mlle Geneviève Duhamelet, infirmière U. F. F. depuis le début des hostilités, titulaire de la médaille d'argent des épidémies, depuis le mois de juin dernier. Les initiés prétendent que la ville d'Angerville-sur-Mer, dans laquelle vivent ces dames de l'hôpital 336, n'est autre que Fécamp (Seine-Inférieure). Nous chercherons ce que vaut cette affirmation dans la petite étude spéciale que nous consacrerons bientôt, ici même, au premier roman de Geneviève Duhamelet. Qu'il nous suffise pour aujourd'hui de signaler cette œuvre curieuse où la tendresse et l'ironie s'unissent étroitement, — cette œuvre vivante qui ne met pas en scène, enfin ! comme tant de nouvelles et de volumes déplorables, des soldats pour dessus de pendules et des infirmières pour couvercles de boîtes à bonbons !   

G. N.

(1) 1 vol., sous couverture illustrée, par S. MEUNIER , 3 fr. 60, Albin Michel, éditeur , 22, rue Huyghens, Paris.


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NORMANDIE commencera dans son prochain numéro, la publication du Carnet de Route d'un Architecte, en Normandie, par M. Charles Chausssepied, architecte des monuments historiques, illustré de reproductions de dessins de l'auteur.


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Nouvelles Régionales
 
Un Député normand cité à l'ordre du jour — M. le marquis de Ludre-Frolois, député de l'Orne, commandant au 85° régiment d'artillerie lourde a été cité à l'ordre du jour pour sa brillante conduite ; voici sa citation : « Officier d'une grande bravoure. Parti avec la première vague d'assaut, le 31 juillet 1917, a rapporté au commandement les renseignements les plus précieux en particulier sur la valeur des destructions effectuées par notre artillerie sur les organisations allemandes. »  Le commandant de Ludre est le troisième parlementaire normand, cité à l'ordre ; nous avons déjà publié les citations de M. Louis Quesnel, sénateur de la Seine-Inférieure, et de M. Blaisot, député du Calvados.

Syndicat agricole du Roumois. — M. Emmanuel Boulet, membre de l'Académie d'agriculture de France, Commandeur du Mérite agricole, Président du Syndicat agricole du Roumois, vient de faire connaître à M. Georges Normandy, qu'en raison de la publication de ses récentes études agricoles et de son action régionaliste, le titre de membre fondateur perpétuel de ce syndicat lui était décerné. Ajoutons que les parrains de notre éminent collaborateur ont été : MM. Emmanuel Boulet et Paul Sagourné, directeur de l'Agriculture au ministère de l'Agriculture, qui l'ont présenté à son insu.
 
Aux Consommateurs de Cidre. — Le Comité consultatif commercial des Cidres désirant faciliter le ravitaillement en cidre des régions où le vin est rare ou cher, s'est préoccupé de l'obtention de wagons pour le transport des pommes. Il est indispensable que les consommateurs se groupent pour que le matériel soit employé avec un maximum de rendement. Les groupements doivent adresser leurs demandes à M. Geslin, secrétaire général du Comité consultatif commercial des Cidres, 61, Avenue de la République, à Paris.
 
Dans un de ses échos, publiés journellement par le Matin, Louis Forest écrivait à propos du travail de réenfantement, dont les clairvoyants de l'avenir essaient de tracer le programme, et dans lequel la renaissance de l'art français tient sa place :  ..... Il y a tout de même ici aussi quelque chose qui nationalement cloche. Ce déséquilibre provient, je pense, de ce que si quelques cerveaux dominent, le peuple dans sa moyenne n'a plus sa solidité de goût. De quels objets navrants s'ornent trop de demeures ! Ah ! les vases universels du grand bazar international ! Jadis c'était tout de même mieux quand, originale, chaque province avait ses idées d'art à elle et que chacun trouvait son bonnet plus fin que celui de la voisine... Oui... on ne peut pas revenir en arrière ; mais peut-être que si l'on réussissait dans nos départements à lutter un peu contre l'ornement en série et le corsage interchangeable, on ne reviendrait pas en arrière, on reviendrait en avant. Cette idée est la même que celle qu'exprimait M. Chaussepied, architecte des monuments historiques, dans le rapport que nous signalions dans notre numéro d'août dernier : ... Nous voulons faire du régionalisme, c'est-à-dire conserver dans nos arts, comme dans nos industries françaises, le style régional qui les caractérise et les fera prospérer.


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Le Palmarès Normand

 
LÉON RICHARD, lieutenant au 65e bataillon de chasseurs à pied. « Officier de renseignements qui, au cours des combats du 16 au 20 avril 1917, a donné une fois de plus les rares exemples d'un courage poussé jusqu'à la témérité et d'une abnégation sans bornes, en se portant constamment aux points les plus dangereux pour y faire ses observations ou y effectuer des liaisons. Cinq blessures : quatrième citation. » Le lieutenant Richard qui est le fils de M. Richard, du bureau municipal d'hygiène de Rouen, a commencé la campagne comme caporal, et a été blessé cinq fois. Son frère, Richard Paul, engagé volontaire, tombé au champ d'honneur le 27 septembre 1914, avait été l'objet d'une citation à l'ordre de l'armée.
  
PAUL BRETEVILLE, lieutenant de chasseurs alpins, déjà cité deux fois, vient de nouveau d'obtenir la citation suivante : « Officier très brave ; le 8 juillet 1917, a poussé son peloton énergiquement dans des boyaux et tranchées violemment bombardés. Au contact de l'ennemi, a assuré personnellement, à deux reprises différentes, la liaison avec un P. C. voisin, malgré un bombardement continuel. Déjà deux fois cité. » M. Paul Breteville est le fils de notre sympathique confrère, directeur du Réveil d'Yvetot.

TASSEL, soldat au 239e d'infanterie, a reçu la médaille militaire et a été l'objet des deux citations suivantes :  « Très brave soldat. Modèle de courage et de sang-froid. Dans les moments difficiles conserve un calme admirable qui a contribué au maintien moral de ses camarades. Deux fois blessé. »  « Excellent soldat, deux fois blessé et revenu au front dès guérison. A été à nouveau, très grièvement atteint, le 16 mars 1917, alors qu'il s'acquittait avec énergie et bravoure, sous un violent bombardement, des fonctions de guetteur dans une tranchée de première ligne. Amputé de la jambe gauche. » M.Tassel était coiffeur au Havre, rue Gustave-Brindeau.
  

Normands, faites vos achats dans les maisons normandes.


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Le Gérant : MIOLLAIS.
_________________________________________________________
IMPRIMERIE HERPIN, Alençon. Vve A. LAVERDURE, Successeur.




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