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Normandie : Revue régionale illustrée mensuelle de toutes les questions intéressant la Normandie N°11 Février 1918
Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°11 - février 1918.Normandie : Revue régionale illustrée mensuelle de toutes les questions intéressant la Normandie : économiques, commerciales, industrielles, agricoles, artistiques et littéraires / Miollais, gérant ; Maché, secrétaire général.- Numéro 11 Février 1918.- Alençon : Imprimerie Herpin, 1918.- 16 p. : ill., couv. ill. ; 28 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (01.VII.2014).
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : 41060-nor598).


NORMANDIE

REVUE RÉGIONALE ILLUSTRÉE MENSUELLE
DE TOUTES LES QUESTIONS INTÉRESSANT LA NORMANDIE
Économiques, Commerciales, Industrielles, Agricoles, Artistiques et Littéraires

DEUXIÈME ANNÉE. - N°11   FÉVRIER 1918

Normandie, revue régionale illustrée mensuelle, n°11 février 1918.

~*~


Vers une Action Normande

VII. – LES MAUX DU MONDE AGRICOLE, INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

O nimium agricolas !


Je m’excuse de la sécheresse, de l’aridité de cette partie de nos études. Les lecteurs de « Normandie » voudront encore bien me tolérer le « genre ennuyeux » pour un article ou deux. Le rôle des Cassandre n’a jamais été enviable, bien qu’il ne manque pas d’être utile : j’aime encore mieux le jouer que celui trop facile et si néfaste de « bourreur de crânes ». N’oublions pas, au surplus que nous dressons un bilan, un inventaire et que de tels travaux n’ont jamais été considérés comme attrayants. Mais comment s’en passer ? Un commerçant qui veut connaître où en sont ses affaires, avant de repartir sur des bases nouvelles, ne peut s’y soustraire. Si nous voulons voir clair dans la tâche de demain, débrouiller le travail immense qui nous attend, il nous faut bien faire comme l’honnête et diligent commerçant. Continuons donc notre examen par celui des maux dont souffraient le monde agricole d’abord, le monde industriel et commercial ensuite, dans les années qui ont précédé le cataclysme mondial.


A) La Crise agricole

Je ne puis écrire ce titre sans que reviennent à ma mémoire, les mots par lesquels commence ce chef-d’œuvre de touchante poésie qu’est : The Deserted Village, d’Olivier Goldsmith :

O sweet Auburn, o the loveliest village of the Plain ! (1)

Ce vers retentit douloureusement dans mon cœur. Moi aussi je suis né à l’ombre d’un « Clocher dans la plaine », et le cher village dans lequel s’éveilla ma sensibilité normande est bien près de partager le sort du village chanté par le poète anglais : morne, désert, abandonné !

Et si, sur la ligne de feu, dans les abris profonds de notre terre de France, l’idée m’est venue, à moi, que rien ne désignait particulièrement pour cette tâche, d’apporter ma pierre à l’édifice de demain, c’est que je m’y suis senti poussé par cette force inexplicable, mystérieuse mais qui est, et dont Maurice Barrès a donné l’heureuse formule : La Terre et les Morts !  Et si je n’ai pas résisté à cet autre appel du sol, c’est que je crois, en toute conscience, avoir comme tant d’autres, ma part de responsabilité dans la désertion de mon village natal. Ce n’est qu’aujourd’hui, à l’âge de la maturité, que j’ai compris que ne pas rester fidèle à sa terre, c’est manquer à un devoir sacré : quelle plus noble tâche que celle de faire sortir du sol nourricier, légué par les ancêtres, les blonds épis ! Quel labeur plus utile ! Quelle profession  est plus indépendante et – ce qui achève de la rendre enviable entre toutes – quelle vie est plus saine et plus justement honorée ?

Cependant, nos campagnes de France se dépeuplent avec une effrayante rapidité. Et les plus riches provinces sont les plus mortellement touchées. Qu’on se reporte pour notre opulente Normandie, aux études si probes, si documentées, de ce bon ouvrier de lettres, de ce clairvoyant compatriote qu’est Henri Blin, et l’on sera édifié. Je lis chaque mois dans cette revue, avec un intérêt sans cesse accru, les sages conseils, les consciencieux exposés de cet homme de bien, et je crois reconnaître chez lui aussi – déraciné comme moi – la Voix de la Terre et des Morts. Je m’en voudrais d’insister après lui : il a tout dit sur cette grave question. Qu’il me permette seulement d’apporter à l’appui de ses judicieuses et affligeantes statistiques, le fait suivant :

Au temps de ma toute prime enfance, mon village avait encore les apparences de la prospérité – je dis les apparences, car bien des ménages n’avaient qu’un ou pas d’enfants, bien des nids étaient sans oiseaux ! – mais toutes les maisons étaient habitées et la vie y paraissait normale. Deux ans avant la guerre, le chiffre de la population était tombé de 40 % : les vieux s’en étaient allés reposer sous les pommiers bas, dans l’enclos funèbre à l’ombre d’un clocher, dont les voix se sont à peu près tues ; deux ou trois enfants uniques, malgré leurs jeunes années, les y avaient prématurément rejoints ; des filles ont quitté le « derrière des vaches » pour les villes prochaines… et décevantes, les garçons ont fait de même. Aujourd’hui, beaucoup de maisons de mon village sont fermées : la vie se retire, les actuels occupants se lamentent sur les difficultés qu’on rencontre à trouver la main-d’œuvre  nécessaire… c’est la « Terre qui meurt ! » Cependant « pastourage et labourage n’ont pas cessé d’être les mamelles de notre grasse Normandie, ses vraies mines d’or du Pérou » : cependant la guerre a démontré, ainsi que je le disais au début de ces études, que la Race n’a rien perdu de ces magnifiques qualités qui en ont fait une des premières du monde ! Lisez la Douce France, de René Bazin, lisez cette série d’études publiées dans l’Echo de Paris sur l’héroïsme des femmes de la terre pendant la grande guerre, feuilletez enfin cet autre livre d’or des rudes et des obscurs héros du front de l’arrière ; les discours sur les prix de vertu, et vous verrez que la Race de nos admirables paysans de France n’a pas dégénéré au vrai sens du mot. Pourtant il n’est que trop vrai que l’histoire de mon village natal n’est qu’un exemple pris entre mille et que le cri d’alarme de René Bazin répond à une angoissante réalité. Il n’est que trop vrai que le paysan ne veut plus d’enfants pour ne pas diviser le patrimoine, qu’il rêve de faire, de son fils unique, un bourgeois habitant de la ville, parasite souvent, déraciné toujours. Et cependant Bourget dans l’Etape, après le Barrès des Déracinés, a montré le danger de ces transplantations sans transition. Par quelle aberration ce sage, cet observateur, ce méditatif au labeur lent et patient, qui sait que le temps, l’effort, la continuité sont les facteurs nécessaires des entreprises prospères a-t-il été amené à commettre ces fautes contre ses véritables et lointains intérêts ? Nous essaierons de l’expliquer ; mais dès maintenant, en présence de contradictions aussi étranges, nous pouvons bien dire qu’entre la Race et le Milieu il y a incompatibilité…

Alors ?... Que conclure, si ce n’est que cette race vigoureuse observe une hygiène déplorable, que son véritable milieu vital lui fait défaut, qu’elle respire un air empoisonné, se nourrit de fruits qui ne conviennent pas à sa vraie nature ! Lorsque nous examinerons les causes, nous verrons quelles idées fausses ont fait adopter ce détestable régime et nous constaterons une fois de plus que les idées sont des forces, qu’elles tuent aussi sûrement que les balles et les obus lorsque du  domaine de l’abstraction elles passent dans celui des faits concrets.

Cette désaffection pour la terre des aïeux se trouve aggravée de ce fait que l’Individualisme forcené auquel nous avons déjà fait allusion s’est profondément enraciné dans le cœur du paysan où il a trouvé un terrain exceptionnellement favorable. Si la terre est féconde, elle ne l’est pas sans effort : souvent elle est dure à l’homme des champs. Les intempéries, l’inclémence des saisons, parfois, anéantissent en un clin d’œil, le fruit d’un labeur persévérant et opiniâtre. Et le paysan rude à lui-même l’est aussi aux autres. En un siècle où la richesse, la prospérité, le développement économique ne valent que par comparaison, où la loi de la concurrence est devenue internationale, mondiale, et nécessite des groupements, des ententes de plus en plus étroites, le paysan de France est demeuré un isolé, vivant encore trop souvent replié sur lui-même, les yeux rivés à terre, indifférent à des progrès d’ordre scientifique, économique et social d’un intérêt vital pour lui cependant. Loin de moi la pensée de méconnaître les effets bienfaisants dans beaucoup de régions de France, des Syndicats agricoles, Associations, Mutuelles d’assurances (contre la grêle, la mortalité du bétail), des Groupements laitiers, puis des Sociétés de Crédit agricole, mais franchement nous ne faisons qu’entrer timidement dans une voie où se sont engagés à fond et pour le plus grand profit du petit et du moyen cultivateur, des pays beaucoup moins riches que le nôtre au point de vue agricole. Le Danemark, la Hollande, la Suisse même pour ne citer que les tout petits, nous donneraient à cet égard, des leçons de choses pénibles pour notre amour-propre national. Les revues anglaises et allemandes d’avant-guerre, témoigneraient si c’était nécessaire, des avantages insoupçonnés chez nous, qu’en des régions presque déshéritées par la nature, les étrangers ont su tirer des associations pour les achats et les travaux en commun. C’est en vertu des mêmes causes que des routines tenaces s’opposent à la « modernisation » des maisons de paysan, à l’industrialisation de certaines branches agricoles ainsi qu’à une solution plus avantageuse pour patrons et ouvriers, du problème de la main-d’œuvre dans les campagnes. Je ne veux pas anticiper, mais je note en passant, que notre Enseignement primaire et que nos professeurs d’agriculture sont loin d’avoir fait tout ce qu’ils pouvaient pour modifier la mentalité paysanne à ces différents points de vue.

Il serait injuste enfin de clore cette sorte d’inventaire sans y inscrire que les familles rurales les plus riches, les plus éclairées, sont souvent les plus coupables ; elles ont leur large part de responsabilité dans la crise de la Terre. Au lieu de porter ailleurs, à la ville le plus souvent, l’or péniblement amassé, mais si honnêtement dans les sillons du champ paternel, elles devraient consacrer leur intelligence, leurs ressources à cette Terre dont elles sont issues. L’aristocratie du sol manquant aux devoirs que lui dicte la Tradition, donnant l’exemple de la désertion des domaines ruraux, « réalisant » pour jouir, c’est bien le plus démoralisant tableau qu’on puisse donner au paysan et ce tableau – faisons notre meâ culpâ  ̶  nous l’avons offert souvent.

L’élite semble l’avoir compris et le retour à la Terre est plus qu’une belle formule, mais comme il faudra le favoriser encore. Soyons fiers de notre village natal, et redisons avec le poète Ch. Péguy, tombé joyeusement au début de cette guerre :

Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles !


G. VINCENT-DESBOIS.
__________
(1) Oh mon doux Auburn, le plus aimable village de la Plaine !





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L’abondance des matières nous oblige à remettre au prochain numéro : La suite de l’Etude sur les Richesses minières de Normandie et le Carnet de route d’un Architecte, par Charles Chaussepied.

*
* *


La Vie Rurale
Et la Production Agricole
Au Pays Normand


(Onzième article de la série.)
_______

XI

LES CULTURES ET LE COMMERCE AGRICOLE DANS L’ORNE. – LES CÉRÉALES : BLÉ, ORGE, AVOINE, SARRASIN.  ̶  LES ORGES ET LA BRASSERIE. – LES MARCHÉS AUX GRAINS. – POMOLOGIE ET CIDRERIE. – LES FRUITS A CIDRE ET LES PÉPINIÈRES DE POMMIERS. – LES INDUSTRIES DE LA POMME A DÉVELOPPER. ̶  LES MARCS DE POMMES SÉCHÉS. – L’AVENIR DE L’INDUSTRIE CIDRICOLE.

____

La précédente étude sur les transformations de l’agriculture dans le département de l’Orne (1) a montré que la diminution de la population de ce département a déterminé une orientation de plus en plus marquée vers le régime herbager, au détriment de la superficie qui, jadis, était consacrée à la culture arable (terres de labour.)

Nous étudierons de plus près, aujourd’hui, les éléments de prospérité de l’agriculture et de l’élevage dans l’Orne, département qui comprend une partie du Haut-Perche ou Grand-Perche, subdivision territoriale ayant Mortagne et Bellême comme villes principales. Cette région qui présente une suite de collines et de vallons couverts de prairies sillonnées de cours d’eau ou de petits ruisseaux, est remarquable autant par son ensemble panoramique que par sa grande fertilité.

La nature argileuse et fraîche des terrains est favorable à l’exploitation du sol en herbages et prairies de vaste étendue, c’est-à-dire à l’élevage des animaux des espèces chevaline et bovine.

Mais l’agriculture proprement dite a aussi une grande importance malgré les transformations résultant de l’abaissement des effectifs ruraux et des difficultés que l’on rencontrait, bien des années déjà avant la guerre, pour trouver la main-d’œuvre de culture. Sous ce rapport, le département de l’Orne ne paraît ni mieux ni plus mal partagé, pour son agriculture, que les autres départements normands.

A la faveur d’une rénovation grandement désirable, l’agriculture de l’Orne, lorsqu’elle disposera des ressources de main-d’œuvre nécessaire, pourra certainement mettre en valeur tous les éléments dont elle dispose. En effet, les produits agricoles qui donnent lieu, dans ce département, aux transactions les plus importantes, en temps normal, sont nombreux, et l’on sait que la richesse agricole d’un pays s’apprécie surtout à l’importance et à la variété des produits du sol qui, dans l’ordre naturel des choses, acquièrent une valeur d’autant plus élevée que les terres sont plus fertiles, la culture plus soignée, et les débouchés assurés. Nous voyons que les denrées agricoles faisant l’objet du commerce le plus actif, sont les céréales (blé, avoine, orge, sarrasin) ; les produits de laiterie (beurre et fromages) ; les fruits à cidre ; les plants maraîchers, et les plants d’arbustes.

Avant la guerre, l’Orne consacrait environ 60.000 hectares à la production du blé, qui, en année moyenne, atteignait un million d’hectolitres environ, dont 400.000 hectolitres pour le seul arrondissement de Mortagne. Cette production était – et à plus forte raison l’est-elle actuellement – manifestement insuffisante pour subvenir aux besoins de la population du département ; aussi, pour combler le déficit, importait-on, bon an mal an, 100.000 hectolitres de blé sous forme de grain ou de farine. Il est certain que les difficultés de recrutement de la main-d’œuvre agricole pendant la guerre ont augmenté considérablement le déficit de la production.

Le commerce du blé s’est modifié avec les années, dans cette région de la Normandie. C’est ainsi qu’autrefois les cultivateurs apportaient tout leur blé aux halles, le jour du marché ; mais depuis une quinzaine d’années, le commerce se fait presque tout entier sur échantillons. Les meuniers ou minotiers, ou leurs acheteurs commissionnés, achètent aux 100 kilogr., et les livraisons se font directement au moulin. Sur les halles, on vend, le plus souvent, à la mesure, au double-décalitre, à l’hectolitre et demi (120 kilog.). Dans les campagnes a subsisté l’habitude, chez les petits cultivateurs, de porter leur blé au moulin et de faire eux-mêmes leur pain. Actuellement, avec les réquisitions, les taxations et les restrictions, les vieilles coutumes de nos braves gens des campagnes ont dû se plier aux exigences de la situation.

L’usage de porter le blé au moulin pour rapporter la farine à la ferme et y faire ce bon pain de ménage – que le travailleur de la terre apprécia toujours comme l’aliment traditionnel – a disparu sur bien des points et c’est pourquoi les petits moulins utilisant les meules ont disparu peu à peu, eux aussi, pour faire place aux moulins à cylindres, ou du moins ne subsistent-ils que là où on les emploie à écraser les grains destinés à la nourriture du bétail. Bon nombre de cultivateurs achètent leur pain aux boulangers, ou bien ils fournissent leur grain en échange d’une quantité déterminée de pain.

La culture de l’orge occupe, dans l’Orne, une superficie de moins de 20.000 hectares, en temps ordinaire ; la moitié de cette superficie intéresse le seul arrondissement de Mortagne. Sur les 350.000 hectolitres produits, la plus grande partie est consommée dans le pays même et sert à la nourriture des animaux. Le reste est acheté sur les marchés, ou sur échantillons, par les marchands grainiers ou par des commissionnaires. On en vend aussi une certaine quantité aux brasseries et les orges de la contrée, bien travaillées d’après les bons principes de fabrication, donnent une bière dont les qualités sont très appréciées.

Les marchés les plus importants pour la vente des orges sont : Alençon, Mortagne, Rémalard, Bellême, Sées, Argentan, où l’on trouve des orges de brasserie, puis Domfront, Flers-de-l’Orne et La Ferté-Macé. De tout temps, la culture de l’avoine a occupé une large place dans l’Orne. La plus récente statistique indique 55.000 hectares et une production de plus d’un million d’hectolitres. Cette production est consommée presque en totalité sur place ; généralement, il est peu de fermes qui aient un excédent de la production sur la consommation. C’est que l’élevage du cheval a besoin de fortes quantités de ce grain. Les vigoureux et massifs chevaux percherons, en particulier, sont de gros mangeurs d’avoine, et celle-ci leur doit être d’autant plus nécessaire, que le régime habituel à l’orge cuite et au son se trouve modifié, du fait des circonstances actuelles.

L’avoine amenée sur les marchés est achetée par les éleveurs de chevaux de demi-sang ou les propriétaires de chevaux de luxe. Des achats sont faits, également, par le commerce et l’industrie utilisant des chevaux de service, et par les marchands grainiers. C’est un grain qui, en tout temps, se paie toujours bien, c’est dire que la culture de l’avoine est une des plus avantageuses parmi les cultures de céréales qui se font dans l’Orne.

Dans l’arrondissement de Domfront, et les cantons limitrophes, on cultive le sarrasin ou blé noir ; la superficie occupée par cette céréale secondaire est de 15.000 à  18.000 hectares. On évalue la production à  300.000 hectolitres, environ. Les marchés de sarrasin sont, ordinairement : Domfront, Flers-de-l’Orne, La Ferté-Macé, Tinchebray, Alençon, Ecouché et Sées.

*
*   *

Un bel avenir s’offre à la cidrerie industrielle. C’est une branche de production vraiment intéressante, une industrie agricole qui permet de faire acquérir aux fruits à cidre le maximum de valeur commerciale et de multiplier les débouchés les plus rémunérateurs de la pomiculture.

Les pommes se vendent tantôt sur les marchés, tantôt les fabricants de cidre vont faire leurs achats dans les fermes. Les fruits à cidre sont produits dans tout le département, qui possède des pépinières de pommiers assez nombreuses et importantes, principalement dans les communes de Tinchebray, Messei, Mantilli, Passais, La Ferté-Macé, (arrondissement de Domfront) ; Vimoutiers, Almenêches, Le Merlerault (arrondissement d’Argentan), Courtomer, Alençon (arrondissement d’Alençon) ; Saint-Maurice-les-Charencei, Mortagne, Rémalard (arrondissement de Mortagne).

Pour ce qui concerne les pépinières d’arbustes et de plants divers, on trouve ces pépinières notamment à Vimoutiers, Le Merlerault, Laigle (arrondissement de Mortagne) et Alençon. En année ordinaire, un certain nombre de producteurs fabriquent du cidre qu’ils vendent dans le pays ou expédient sur Paris. Il conviendrait de développer la vente du cidre sur le marché de Paris, et ce développement commercial serait grandement facilité par l’industrialisation de la fabrication du cidre comme le font quelques producteurs avisés, malheureusement trop rares dans ce département. Bien des années avant la guerre, MM. Rotrou, à Dorceau, étaient signalés comme s’étant engagés, avec succès, dans cette voie.

Il y aurait à annexer à l’industrie pomologique, dans l’Orne, comme dans les autres départements normands, le sèchage des fruits à cidre – industrie naissante que nous aurons à étudier dans cette revue dévouée aux intérêts de nos producteurs normands – de même que l’utilisation des marcs de pommes, notamment par la dessiccation. Nous observons qu’actuellement les marcs séchés, provenant des cidreries, sont achetés en totalité par l’Intendance ; c’est pourquoi on ne trouve pas, sur le marché, ces marcs séchés qui ont une utilisation avantageuse dans l’alimentation du bétail et peuvent contribuer à solutionner le problème, en ce moment si complexe, du rationnement économique de nos animaux de ferme (2). Il y aurait encore une industrie rémunératrice à développer, après la guerre, celle des cidres champagnisés, qui peut compter sur des débouchés constants et permettre à nos producteurs normands de se livrer à l’exportation dans le monde entier. Ils n’auront pas de peine à concurrencer, au point de vue de la qualité, de la valeur du produit, ces prétendus cidres mousseux que les Boches, grâce à leurs emprunts faits à la chimie, osaient présenter comme des produits de marque, et d’origine française.

Il appartient à notre belle et riche Normandie si heureusement dotée, sous le rapport du climat, de mettre à profit les trésors de Pomone, de faire valoir ses richesses fruitières et les hautes qualités de sa production cidricole, comme les résultats des progrès accomplis dans l’industrialisation de la pomme. C’est là une œuvre à la fois patriotique et d’intérêt régional, et qui contribuera à accroître la renommée des produits du Pays normand sur le marché mondial.


Henri BLIN,
Lauréat de l’Académie
d’Agriculture de Franc
.

___________

(1) Voir Normandie, n° 10, de janvier 1918.
(2) Nous consignons ici cette observation pour répondre aux préoccupations des cultivateurs et propriétaires normands qui désireraient se procurer des marcs de pommes séchés. Nous complétons ces renseignements par l’indication de cidreries normandes faisant la dessiccation des marcs de pommes : MM. Saffrey, à Lisieux ; Périer, à Mesnil-Guillaume (Calvados) ; Molinié, à Saint-Sever (Calvados) ; Leblanc et Mauduit, à Cormeilles (Eure) ; Jeanne à Cherbourg ; Turquet, à Pontaubault (Manche). – H. B.


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LE CONGRÈS ANNUEL DE LA F. R. F.
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Le prochain Congrès annuel de la FÉDÉRATION RÉGIONALISTE FRANÇAISE tiendra ses assises de 1918, à Paris, le jour de la Pentecôte. Il étudiera le passionnant sujet suivant : LA DIVISION DE LA FRANCE EN RÉGIONS. Nous croyons inutile de souligner l’importance capitale et du problème posé et du Congrès qui s’appliquera à le résoudre. Il faut que les questions économiques capitales, qui devront être rapidement examinées après la guerre, trouvent nos provinces prêtes à recevoir l’indispensable organisation nouvelle. Toutes les communications relatives au Congrès de la *Fédération Régionaliste Française* doivent être adressées à M. Charles BRUN, délégué général, 22, rue Delambre, à Paris.

Organisez-vous, car à l’heure de la paix, il ne faudra pas être pris au dépourvu. C’est d’ailleurs votre intérêt et celui du pays.

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ACTIVITÉS RÉGIONALISTES
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Courrier Trimestriel
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En avril 1912, Octave Uzanne écrivait, à l’occasion du projet d’un monument à ériger, à Rouen, lancé par M. Pierre Varenne : « …La vie de Saint-Amant aurait pu tenter un esprit amoureux d’aventures véridiques et imaginaires à la fois. Cette vie ne fut ni profondément explorée, ni noblement écrite… La physionomie du Bon Gros est l’une des plus solliciteuses qui soient pour un écrivain de loisir nourri d’études du grand siècle. Le père Dumas aurait pu magnifier quelque peu, à la façon des imagiers d’Epinal, cette figure poétique ; mais un pur littérateur, curieux fervent, passionné, ferait mieux assurément que l’auteur de Monte-Cristo. » Le projet de M. Pierre Varenne n’a pu aboutir jusqu’à présent, malgré le concours du sculpteur Fernand David, qui exposa, au Salon des Artistes Français, une charmante maquette du monument, malgré la constitution d’un comité réunissant toutes les constellations du monde des lettres et des arts, malgré la publication d’un manifeste, malgré l’organisation de spectacles et de conférences, malgré l’impression de listes de souscriptions élégantes, malgré tout enfin… Cela alors que nos places publiques sont encombrées d’horreurs coûteuses célébrant la gloire, pourtant nettement viagère, d’innombrables politiciens vite oubliés et de tant de grands hommes de sous-préfecture !... A la vérité, les efforts de M. Pierre Varenne ne furent pas absolument improductifs puisque, nous déclare-t-il, il reçut « avec toutes sortes d’encouragements, de marques de dévouement et de haute estime littéraire, la somme globale de 687 francs, qui ne suffit même pas à payer les frais de la maquette du monument ». Depuis, la guerre est venue… Je veux croire, pour l’honneur de notre glorieux pays normand,  ̶  qui ne m’a pas marchandé son concours pour une entreprise analogue que j’ai pu mener à bien, après six ans d’efforts, il est vrai,  ̶  je veux croire, dis-je, que ce trop modeste résultat doit être partiellement attribué à l’inexpérience relative de M. Varenne. Je suppose, en outre, que l’auteur de Sylvette ou le Devoir domestique n’a pas abandonné pour cela son excellent projet. L’ouvrage précieux et charmant qu’il vient de faire imprimer (1) m’autorise à faire une telle supposition. Cet ouvrage : Le Bon Gros Saint-Amant (1594-1661), est déjà, lui-même, une manière de monument, - ou d’esquisse de monument, car l’auteur de Moyse sauvé mérite les honneurs du grand in-folio et de l’Imprimerie Nationale – et je ne me ferais pas beaucoup prier pour avouer que je le préfère à toutes les effigies de bronze ou de granit.

M. Pierre Varenne semble bien sûr être « le pur littérateur curieux, fervent, passionné », souhaité par Octave Uzanne. Qu’il considère son livre comme un plan très détaillé et qu’il écrive, en prenant son temps, l’ouvrage définitif encore attendu par les admirateurs du Bon Gros. Quel intérêt, quelle gloire on trouverait à reconstituer l’existence de Saint-Amant en Amérique ! Car, s’il y est allé, nous ignorons tout de ce voyage… et à peu près tout, hélas ! de ses autres pérégrinations à Java, à Sumatra et en Afrique.

L’espace me manque pour étudier ici avec quelque détail l’existence de Saint-Amant et l’œuvre de M. Pierre Varenne. Je veux dire toutefois que le Bon Gros, esprit libre, amoureux éperdu de la vie, homme, brave homme avec des faiblesses, poète, bon poète avec des outrances, apparaît, dans le recul des années qui ne laissent debout que ce qui est solide, comme un prodigieux artiste du Verbe – le grand prosateur Flaubert ne le vantait pas sans raison – comme un gaillard au brave cœur – l’illustre crapule Tallement des Réaux ne le brocarda pas sans perfidie – et le plus étincelant précurseur du romantisme d’hier, de celui d’aujourd’hui, et, j’ose l’écrire, de celui de demain.

Saint-Amant mourut à Paris, après avoir vécu, depuis 1654, une existence « de maladie, de soins pieux et d’obscurité », le 29 décembre 1661, « dans la maison du cabaret du Petit Maure, qui existe encore au coin de la rue de Seine et de la rue Visconti, et porte actuellement le n° 26 de la rue de Seine – où les vieilles pierres semblent gorgées de souvenirs que leur bref écho répète lorsqu’un passant à l’esprit fantasque et rempli de lectures l’éveille dans le silence qui ne règne là, sous les étoiles éternelles, qu’entre minuit et deux heures du matin…

M. Pierre Varenne a bien du talent. Nous le savions.

Cela se saura de plus en plus.

En attendant la publication (chez Lemerre) impatiemment attendue du Poème du Bugey  ̶  événement régionaliste d’importance – le poète bugiste Pierre Aguétant se passe la fantaisie d’offrir au public un volume de prose : La Tour d’Ivoire, impressions et pensées (les femmes, le monde, l’amour, le cœur), préfacé avec délicatesse et avec une éloquence paisible par Mme Alphonse Daudet, bon poète elle-même et meilleur prosateur encore.

Cette fantaisie de Pierre Aguétant a beaucoup plus d’importance qu’un caprice ordinaire. Il y a des esprits qui transfigurent ainsi tout ce qu’ils touchent et qui, sans effort apparent, créent des œuvres très durables. Je crois que les parrains (et les marraines) de Pierre Aguétant : Herriot, la princesse Hélène Vacaresco, Mme Alphonse Daudet, entre autres, peuvent être déjà fiers de leur filleul en lisant La Tour d’Ivoire (2). Pierre Aguétant a eu assez de force d’âme, non pour s’abstraire de la tourmente actuelle dans une solitude orgueilleuse, mais pour essayer de résumer les aspirations éternelles, les erreurs généreuses, le destin moral de « la douloureuse et belle humanité ».

La Tour d’Ivoire est l’œuvre bien personnelle d’une nature d’élite, qui ayant connu la bonne souffrance et a su s’élever vers la sérénité confiante, quasi divine, par les chemins de la réalité et de la sagesse chèrement acquise. D’une expression personnelle, ces pensées, qui apparentent leur auteur aux grands moralistes classiques, sont parfois relevées d’un soupçon d’ironie souriante, mais, dans leur vol hardi, elles sont soutenues par les ailes de l’amour et de la foi. Les âmes contemporaines, martyrisées par l’effroyable épreuve à laquelle le monde est soumis, voudront connaître ce bréviaire apaisant, où certaines phrases rendent le son grave de l’Imitation : elles y trouveront aide, lumière et réconfort.

Pierre Aguétant qui, par ses premières œuvres nous faisait de splendides promesses – desquelles Emile Faguet prit acte publiquement – en tient déjà plusieurs.

Il les tiendra toutes.

Ж Philéas Lebesgue, le grand régionaliste normanno-picard – de la Neuville-Vault (Oise), où il partage ses heures entre l’agriculture et l’art littéraire – écrit dans la brochure collective consacrée par la Revue Les Humbles (3) au poète et à l’historien A.-M. Gossez :

« … Si l’émotion devant la vie, au milieu des paysages familiaux, a formé le lyrique impressionniste qu’il est devenu, c’est bien le culte de la Province, voire de la Région, le dessin pieux de rendre justice aux grands morts du Terroir, de mettre en lumière leur effort généreux, qui a dirigé l’Historien dans la voie féconde des recherches strictement documentées et suggéré au Sociologue ses vues de fédéralisme intégral.

« L’un des fondateurs et directeurs du Beffroi, [revue publiée par un intéressant groupe littéraire de Lille, qui comprenait, vers 1900, des poètes de grande valeur tels que Léon Bocquet devenu parisien et Théo. Vorlet, devenu méditerranéen] il avait su créer un centre véritablement autonome de culture provinciale, en conformité d’idées qui avaient, en 1848, guidé son propre aïeul maternel, Alphonse Bianchi, dans la carrière politique.

« A.-M. Gossez possède au suprême degré le sens de la liberté dans l’ordre ; c’est pourquoi il échappe à notre détestable travers contemporain : il n’esquive aucune responsabilité. De ce fait, il n’entreprend rien sans y mettre toute sa conscience d’homme, d’artiste et de poète. Educateur, il aime susciter des initiatives, éveiller des vocations et quoique jeune encore, il compte parmi ses anciens élèves plus d’un écrivain d’élite. Homme de goût, il possède le sens inné des beaux arrangements et, en toutes choses, éclate son esprit inventif, son génie de l’organisation.

Même si Marcel Lebarbier, Francis Yard, Rémy Houssin, Camille Belliard, Rémi Bourgerie et Emile Lebarbier, n’avaient pas voulu disposer autour du nom d’A.-M. Gossez leurs jeunes palmes et leurs rameaux de laurier vert, les lignes que je viens de transcrire suffiraient à donner une légitime fierté à l’auteur du Département du Nord sous la Deuxième République et des Mémoires de l’ouvrier Fr. Leblanc.

Je ne partage pas toutes les idées poétiques de A.-M. Gossez, mais descendant comme lui d’un modeste héros de 1848, je comprends sa prédilection pour cette époque encore très mal connue (tant de documents, hélas ! furent détruits par ordre : ô ignominie !) – cette époque fiévreuse, où tout a été dit, envisagé, discuté, prévu et pressenti – cette époque admirable, où la nation tout entière frémissait devant tant de belles idées viables et de splendides utopies toutes neuves ;  ̶  cette époque trop courte et trop remplie pour aller au delà de la gestation. ll y aurait à écrire une étude curieuse, dépouillée et tendue, pour établir que le talent et la mentalité d’A.-M. Gossez reflètent nettement, fidèlement et  complètement l’esprit général de la génération de 48.

Jamais le grand poète normand Paul Harel, le « Mistral d’Echauffour »,  ̶  dont la Société Libre de l’Eure et la Société historique et archéologique de l’Orne ont fait leur président, ce qui honore également l’un et les autres – jamais Paul Harel n’a montré plus d’esprit, plus de talent, plus de régionalisme de bon aloi que Un Mariage au XVIIIe siècle (4), petit roman en vers, aussi bien construit, aussi alertement mené qu’un ouvrage de bonne prose. Une œuvre pareille ne s’analyse pas en quelques lignes. Sa technique et sa doctrine valent une longue étude. Quand Joseph l’Hôpital, mieux désigné que personne, l’écrira-t-il ?... Un seul moyen est ici à ma disposition, pour donner une idée exacte d’Un Mariage au XVIIIe siècle sans trahir le Poète : citer !


A cheval, ce deux mai dix-sept cent quatre-vingt,
Le Bailly du Tremblay, messire Poidevin,
Trottine vers le beau logis des Chauvinières.
………………………………………………………
Plus il trottine, plus le domaine s’allonge.
Souriant et replet, Monsieur le Bailli songe
Que cette année, avec le métayer Pilon,
Il a peuplé la côte et peuplé le vallon
Mais qu’il est temps enfin que le propriétaire,
Louis-Jean Ducastel, vienne exploiter sa terre.
Il murmure : « Ceci doit être, ô mon neveu,
Conforme à ta raison et conforme à ton vœu.
Ton frère Alain ayant suivi ta sœur Elise
Au tombeau, tu ne peux, jeune homme, être d’Eglise.
Au logis, l’orphelin vaut mieux que l’étranger.
Louis-Jean Ducastel, tu seras herbager !
Au Tremblay, quand la vieille et sévère abbaye
Par de hauts pèlerins se trouvait envahie,
Très humble, accompagnant le Prieur ou l’Abbé,
Je te voyais, de loin, dans ton rêve absorbé.
Tu portais la lévite et chaussais les sandales,
Puis, tombant à genoux et le front sur les dalles,
Tu répandais dans l’ombre une belle oraison.
Du cadet le Seigneur a changé la maison.
Il a, d’un pauvre clerc, changé la destinée.
Pour obéir à Dieu, tu viendras cette année
Dans ta gentilhommière endosser le pourpoint.
Au lieu du chapelet, tu verras à ton poing
La solide courroie et le bâton de frêne,
Ou, montant, comme moi, le cheval qu’on réfrène,
Ami, tu t’en iras dans le pays herbeux
Voir tes veaux, tes moutons, tes juments et tes bœufs
Et tes quatre moulins chantant sur deux rivières.
Le soir, à ton bidet donnant les étrivières,
Brûlant la politesse à Monsieur le Bailli,
Tu rentreras chez toi pour manger le bouilli
Avec une compagne aimable – blonde ou brune,
Blonde plutôt. Eh ! Eh ! Cadet, j’en connais une…



Et voilà le sujet d’Un Mariage au XVIIIe siècle, agréablement, alertement et complètement exposé. Louis-Jean Ducastel quittera l’abbaye pour la gentilhommière, après maintes péripéties fort attachantes. Il reprendra la tradition des Ducastel que Messire Poidevin a su si fidèlement maintenir. Il faut l’entendre, ce bon bailli, plus « popote », à dessein, en apparence qu’il ne l’est ; il faut l’entendre se glorifier de ses aïeux devant Mlle de La Palu, la plus insupportable descendante d’un maréchal de camp, de deux généraux d’armée et d’une kyrielle de nobles inutiles sans mésalliance ! Ce passage est un des plus brillants de l’œuvre ; il est le cri d’amour et de fierté d’un homme bien racé pour son irréprochable hérédité roturière dont la noblesse réelle vaut bien toutes les autres noblesses…, trop souvent nominales sans plus. Lisez :

        Mlle DE LA PALU

    … Allons droit au sujet :
Oncle du prétendant, vous allez, j’imagine,
Nous éclairer au moins sur sa double origine.
    … Parlons d’abord des Poidevin.
J’espère (nous verrons si mon espoir est vain),
Que vous allez montrer ici quelque droiture.

        LE BAILLI, s’inclinant

Madame, nous comptons cinq cents ans de rôture.
……………………………………………………….
…. Avocats ou meuniers, c’étaient de braves gens
On trouve aussi, chez eux, des baillis, des sergents…

        Mlle DE LA PALU

Et si vous y trouviez un peu de valetaille ?

        LE BAILLI, redressé.

Je ne cèderais pas un pouce de ma taille,
Car, dans tout ce passé profond, je n’ai pu voir,
Dieu merci ! que des gens fidèles au devoir.
Et je puis ajouter, sans que cela vous blesse :
Ces vieux fastes obscurs prouvent quelque noblesse.
Les meuniers, librement, exploitaient leurs moulins.
Les avocats, toujours dévoués et malins,
Se levaient pour le droit du client qu’on pressure
Et les baillis jugeaient fort bien, je vous l’assure.
Donc, nous revendiquons la toque et le bonnet.
Quant aux sergents royaux, coiffés du bassinet,
Portant la hallebarde ou la hache danoise,
Aux larrons court vêtus, ils allaient chercher noise.
Plus tard, jouant aussi, faisant les freluquets,
Laissant à des porteurs la charge des mousquets ;
Mais, quand il le fallait se ruant aux batailles,
Appelant, sous le casque et la cotte de mailles,
La victoire ou la mort en des cris singuliers.
Braves, non plus sergents, mais presque chevaliers.
Le prêtoire, le camp, le moulin, la caserne,
Voilà, de mon côté, tout ce qui nous concerne.
Les Ducastel, je dois le dire, sont plus grands.
Ce sont des herbagers, presque des conquérants.
Ils eurent, m’a-t-on dit, pour ancêtre un colosse,
Avec quelques troupeaux, un jour, venus d’Ecosse.
Sur un vaste domaine ils ont nourri le bœuf
En dressant des chevaux pour le roi Charles neuf.
En ces temps, dites-moi, sans vous prendre à partie,
Votre gentilhommière était-elle bâtie ?
Or, deux cents ans plus tard, Thiville, La Palu,
Ducastel des Aubiers figuraient, je l’ai lu,
Avec Roger du Sap et Philbert de Carrouges,
Tous comme lieutenants dans les Escadrons rouges.
Ils se battaient au son du fifre et du tambour
Sous François, maréchal et duc de Luxembourg ;
Et quand il les lança par les plaines de Leuze,
Ducastel s’abattit dans la charge fameuse.
De mon neveu Louis, c’était le trisaïeul.


L’auteur d’En Forêt, grand poète normand, n’a jamais été mieux inspiré et n’a jamais écrit une langue plus belle. Un Mariage au XVIIIe siècle mériterait de devenir populaire chez nous et hors de chez nous… si la politique et l’argent, autant, sinon plus que la guerre elle-même, n’enlevaient depuis longtemps à la Littérature la place à laquelle elle a droit dans le Pays et dans le Monde.

M. Lucien de Flagny, compositeur de talent reconnu, fait imprimer ses compositions en province, chez Grou-Radenez, à Montdidier (Somme). Il n’a pas à s’en repentir, car l’édition des Chansons d’Enfants (poèmes de Pierre Alin), que je viens de recevoir, est aussi agréable que n’importe quelle édition musicale « parisienne ». Parmi ces Chansons d’Enfants (5), mes préférences vont au Bateau sur le Lac, bijou poétique et musical, simple et gracieux, à souhait. M. Lucien de Flagny, auteur, entre autres œuvres, de Lauriers (sur un poème de Rivollet, tiré des Phéniciennes), peut légitimement prétendre à un bel avenir.

Quelques revues recommandables :

Les Fleurs d’Or, publiées à Nice, 12, boulevard Joseph-Garnier, sous la direction de M. Maurice Rocher, contient beaucoup moins de mots inutiles que la plupart des jeunes revues. Parmi ses meilleurs collaborateurs : Roger Allard, Marcel Lebarbier, Camille Le Mercier d’Erm, Gérard de Lacaze-Duthiers, Raoul Toscan, Gaston Picard, Georges Turpin, Eléonor Daubrée. Un numéro spécial a été consacré au grand poète belge Emile Verhaeren avec le concours de Philéas Lebesgue, de Guillot de Saix et de Marcel Loumaye, entr’autres. Souhaitons que les jeunes revues acceptent généralement la salutaire et facile discipline des numéros spéciaux aux sujets bien choisis.

Les Tablettes publiées à Saint-Raphael (Var), par M. Ch. de Magneux. Pour n’avoir pas voulu « s’asseoir sur le banc étroit des écoles », Les Tablettes offrent, pêle-mêle, à leurs lecteurs les productions les plus disparates. Nous pouvons prendre plaisir à voir un volcan – de loin. De près, nous n’hésitons jamais à choisir des pierres précieuses parmi des scories. Les esprits contemporains aspirent après l’Ordre – dans la Liberté – ce qui n’est contradictoire que pour les bolchevicki.

Gallia, publiée à Buenos-Aires (Esmeralda 264), par A.-R. Resurgo est l’organe de la colonie française établie dans la capitale Argentine. Très vivante et très au courant du mouvement régionaliste français, elle inscrit fréquemment à ses sommaires des noms normands : Jean Mirval (Georges Lebas), Paul Harel, Gabriel-Ursin Langé, etc. L’effort francophile de M. Resurgo mérite d’être apprécié et encouragé, chez nous.

La Revue Normande, publiée à Rouen (place de la Haute-Vieille-Tour), sous la direction de M. Aristide Frétigny, est bien connue dans nos régions. Elle poursuit avec vaillance et méthode son magnifique effort régionaliste. Remarqué : En marge des grands souvenirs, croquis exact et vibrant d’Albert Herrenschmidt, Rouen, la ville aux belles verrières, attachante et pieuse étude du savant docteur Ed. Tulasne, Glose sur un tercet de Paul Harel, par Fernand Mazade, et son digne pendant : Glose sur un quatrain de Fernand Mazade d’Henry Gauthier-Villars, qui signe Willy lorsqu’il oublie d’être sage – c’est-à-dire poète et historien –, de premier ordre d’ailleurs.

M. Gaston Le Révérend, lexovien, est un poète de la grande race et même de la grande tradition, oserai-je écrire – car la sagesse insigne qu’il manifeste déjà éteindra dans quelques années les flammes superficielles du marinettisme dont il se déclare dévoré trop volontiers. L’Epître à Damon (6) qu’il vient de faire tirer à petit nombre, enlève d’ailleurs tout mérite à ma prédiction.

Voici quelques bons vers de l’Epître à Damon :

Damon, je n’irai pas vous rejoindre à Paris.
Là, naïf, égaré parmi les beaux esprits,
Inhabile à changer d’âme et de caractère,
Doutant de mon génie et sûr de ma misère,
Je gagnerais mon pain plus durement encor.
Laissez-moi – l’aile est courte, au pauvre, pour l’essor –
Végéter, satisfait des loisirs que procure,
Dans la petite ville, une besogne obscure
Et, revenu de mes beaux rêves d’autrefois.
Pour d’indulgents amis écrire quelquefois.
……………………………………………………
………………………………………………
Je bannis de mes vers autant que je le peux
Les maussades splendeurs d’un lyrisme pompeux.
Patient ouvrier, d’une forme très claire,
J’attends les mots qui font naître de la lumière.
A Lisieux, ma cité, Courtonne, mon village,
Je goûte ces plaisirs qu’un ancien prête au sage.
A l’ombre d’un vieux chaume ou des maisons de bois,
Je fais, mon âme, égale aux âmes d’autrefois,
Des voyages menus, des promenades brèves,
Changent mes horizons, alimentent mes rêves
Puis, vite las d’errer par la plage ou le bourg,
Je reviens me blottir au foyer, dans l’amour.
……………………………………………………
… Et l’on ne sait de moi chez mes meilleurs voisins
Que ma figure maigre et mes regards lointains
Enclin au rêve, épris de lecture et d’étude,
J’ai, naguère, sauvage, aimé la solitude :
Je la fréquente encore et préfère toujours
La rancune des sots à leurs pauvres discours.
…………………………………………………….
Ici, n’espérant rien, toujours prêt pour la tombe
Jusqu’à ce qu’en l’effort de vivre je succombe,
Peut-être plus qu’un jour, peut-être encor trente ans,
Je veux, frugalement, disposer de mon temps.
La raison me conseille et le devoir m’oblige ;
Rien, pas même un vieux rêve ignoré, ne m’afflige
Et je reste, en province, à jamais enterré
Le rimeur le plus fier et le plus ignoré.


Nous n’avons pas souvent l’occasion de lire des vers de cette valeur. Je voudrais que tous les jeunes que le démon littéraire tourmente, lussent l’Epître à Damon, comme les prêtres lisent leur bréviaire.

Que Gaston Le Révérend, déjà nanti d’une enviable renommée d’ailleurs, se souvienne qu’entre autres, Mistral ne quitta pas plus Maillane, qu’Achille Millien ne quitta Beaumont-La Ferrière et Jean Revel Rouen et Conteville. La vraie sagesse porte en elle-même sa récompense – et le reste vient par surcroît.
                              
 Georges NORMANDY.
(A suivre.)


NOTA. - Tout ce qui concerne la rubrique : ACTIVITÉS RÉGIONALISTES doit être adressé directement à M. GEORGES NORMANDY, 51, rue du Rocher, Paris (8e arrond.)
_____________________
(1) Chez Lecerf, fils, 46-48, rue des Bons-Enfants, à Rouen.
(2) Plon-Nourrit, éditeur, 8, rue Garancière, à Paris, 1 vol., 3 fr. 50.
(3) 4, rue Descartes, à Paris.
(4) Imprimerie Alençonnaise, 11, rue des Marcheries, Alençon.
(5) Dépôt général à Paris (XVIe), aux éditions Sinfonia, 25, rue de La tour.
(6) A l’Image Saint-Ursin, 10, rue de la Paix, et chez l’auteur, 23, rue de Rouen, à Lisieux.



*
* *

Au moins cher et pour le mieux

A Georges NORMANDY.


« All’ a passé l’ pas », murmuraient les travailleurs en passant devant la ferme du père Déculbat. Précisément, il sortait. Tous le saluèrent avec cette gêne coutumière aux paysans peu habitués aux civilités.

Sec, taillé à coups de serpe, le fermier, plus sévère qu’à l’habitude, s’acheminait vers la petite église pour annoncer au bon vieux curé, oublié dans ce soin de campagne, le malheur qui venait de le frapper.

Evidemment, il y était préparé depuis longtemps puisque le médecin, dès sa première visite, ne lui avait laissé aucun espoir.

« La drogue », disait-il en parlant des tisanes ordonnées, « n’pouvait point la conduire bien loin, car no a bieau dir’, c’est point aveuc du tilleul ou n’importe d’qué qu’no se r’fait un tempé’ament. No se ruine cor ed’ plus, un point c’est tout. Ah ! si all’ avait seul’ment pu absorbé eun’ tit’ goutt’ éd’café aveuc eun’ larm’ éd’ Calvados (du vieux qu’il gardait précieusement dans sa cave), p’t’êt’ bin alors qu’ça l’aurait remontée. »

C’était du moins ce qu’il pensait tout en s’inclinant devant les ordonnances rédigées en caractères illisibles « pour vous embrouiller cor ed’ plus » par les représentants de la science qui avaient une importance énorme à ses yeux.

« J’me d’mande comment qu’la têyte leu’ pette point », disait-il en parlant du curé, du médecin et de l’instituteur, trinité imposante pour lui.

« Faut dire aussi qu’c’était point eun’ femme à n’point savè qui fè d’ses dix doigts comme no en vèye tant à l’heure d’an’hui. No élève pa six mioches, sans compter la volaille et les vieaux, sans s’user à c’te besogne ! Ça dure c’que ça dure, mais tout n’a qu’un temps… »

Toutes ces idées l’absorbaient, et il se trouva devant la porte de la sacristie sans pouvoir se rappeler comment il était entré dans l’église.

Le vieux prêtre, qui revisait le registre des naissances en constatant avec peine qu’elles diminuaient de plus en plus, crut entendre frapper, mais si doucement, qu’il attendit un instant pour ouvrir.

« Ah ! bonjour Maître Déculbat. M’apportez-vous de bonnes nouvelles ? La Providence veille sur vous et tant qu’il y a une lueur de vie, il faut beaucoup espérer d’elle. »

Sans doute notre homme craignit de contredire « m’sieu l’cuè », car il se contenta de lever les épaules et de tourner sa casquette à pont en baissant la tête.

Le prêtre reprit : « Alors, toujours le même état ? » L’occasion de parler se présentait et le fermier ne la laissa pas passer. D’une voix bégayante, il annonça la triste nouvelle, en essuyant des larmes qui coulaient de ses yeux vifs et fouineurs, avec la paume de ses mains trapues.

« Ça y’est… ça y’est, m’sieu l’cuè, à s’est laisséye aller en pleine connaissance… mêm’ qu’ all’ m’a d’mandé si l’méd’chin r’viendrait, par rapport qu’à’ trouvait qu’c’était peine inutile. Vous la connaissiez su’ c’chapitre-là ? Eun’ femme d’ordre et d’économies…. pis allante, pis bonne, hein !... C’est dur, allez !

- Je partage votre peine, mon vieil ami, et je vous promets que je prierai pour l’âme de ma plus méritante fidèle que Dieu vient de rappeler dans son céleste séjour.

- C’que vos f’rez s’ra bien fait, m’sieu l’cuè… je v’nais justement…

Devinant où il voulait en venir, le prêtre ne le laissa pas achever.

« Oui, vous voudrez, et je vous approuve hautement, des funérailles dignes de votre brave femme…

- J’vâ vos dir’ é m’sieu l’cuè, c’est qu’j’y connais rien. Faut avè passé par là pou’ êt’ renseigné, c’quest point man cas. Dit’s mè vos prix car je n’veux point aller plus loin qu’ma bours’ n’me l’permet.

- Naturellement, naturellement, répliqua le curé en lui montrant des chiffres alignés sur le registre destiné à cet effet.

Le fermier, gagné par l’instinct des affaires examinait attentivement et répétait : « Mais qu’c’est cher, mais qu’c’est-y cher èd’ mou’ï ! Pour qui qui faut mou’ï ?...

Il s’avisa de demander : « Si no n’pouvait point rogner eun’ p’tieu. C’que j’vos en dis, m’sieu l’cuè, c’est autant pour respecter les volontés d’ma défunte, que pour n’point gaspiller l’ergent qu’no gagne si difficilement. »

Et, détaillant tous les accessoires que comportait la cérémonie, il ajouta :

« J’vèyes deux cierges d’écrits. J’vos d’mande un peu, deux cierges !... c’est-y cha qui i r’donn’ra la vie, hein ! pas vrai !... Y m’semble occo l’entendre èm’ dire : « Mait’ Ugène, m’brûle point la candelle par les deux bouts ! » Y’ pas, faut m’rogner un brin. »

Les prix étaient les prix, et malgré l’éloquence du prêtre voulant décider le fermier à faire des funérailles dignes à sa bourgeoise, il décida « qu’no s’en tiendrait à eun’ avant dernié’ et qu’no verrait plus tard », songeant peut-être à une exhumation possible en vue de refaire des funérailles grandioses !

Pour faire diversion, quelques paroles furent échangées sur la pluie et le beau temps, puis notre homme prit congé du curé pour se rendre à la mairie où, devant un secrétaire du midi (puisque fonctionnaire !) il s’éternisa dans les détails, aussi savants qu’ahurissants, d’une généalogie apprise par cœur.

« Véyons, pis que j’vos dis qu’ma défunte femme était eun’ fille qu’avait pour nom Brigitte Cathérène Vautreux, qui y fut donné du deuxième lit, pis qu’san pé défunt était mait’ Leroux qui t’nait la ferme qu’est an-hui la sienne a’pé Cloubin. Donc, ma bourgeoise, eun’ Leroux du premier lit, était née le 12 janvier dix-huit chent-chiquante-très. A s’est trouvée orpheline queuqu’temps auparavant d’nout’ mariage, pis qu’mait’ Vautreux, son deuxième pé, qui’ dans l’fait, y était rien, san bieau-pé si vos préférez, est mort à son tour et sa mé eun’tout’. »

Le secrétaire n’écoutait plus. Il noircissait quelques feuilles, plus ou moins timbrées, pour justifier la dépense prévue.

En possession des pièces signées et contre-signées, le fermier fit cette réflexion :

« En faut’y d’s affés pou’ se n’aller dans l’aut’monde ! M’est avis qu’c’est pus pou’ l’bonheu’ des vivants qui vivent dans l’s écrivages que pou’ l’s arrangements des morts ! Malhu d’malhu ; y vont m’tondre comme un mouton ! »

Restait à régler la question du cercueil. Certain de rencontrer mait’ Laplanche, l’unique menuisier de la commune, au café de « la Ponette », il s’y rendit en revisant mentalement tous ses comptes.

Lorsqu’il entra « aveuc son air absorbé », le silence se fit.

Mait’ Laplanche terminait une partie de dominos avec la patronne de l’établissement, plus veinarde que bonne joueuse ! Sur un signe du fermier, il vint vers lui et nos deux hommes s’installèrent à une petite table en chêne, merveilleusement encaustiquée.

Le traditionnel café commandé, ils absorbèrent la grave question.

Mait’ Laplanche, ému pour la forme, et très désireux de traiter une bonne affaire, fit ressortir son amitié désintéressée pour son vieux partenaire aux dominos, auquel il proposa du chêne qu’il gardait dans son grenier depuis fort longtemps, et qui était supérieur. Mais ce bois ne convint pas à cause du prix fabuleux que demandait l’ami, et surtout pour respecter les goûts simples de la bourgeoise qui n’avait jamais voulu remplacer le lit en bois blanc qu’elle tenait de sa grand’mère.

« J’ai m’n’idèye. J’veux qu’a dorme san dernier sommeil dans s’n’élément….. Mait’ Laplanche, no n’peut point chamailler su eun’ question d’çu genre. Tu sais cobien qu’j’étais attaché à ma Cathérène, ça s’rait donc péché d’marchander ; seul’ment, j’me sentirais point quitte envers elle si j’faisais c’qu’a’ n’aurait point permis d’son vivant. Veux-tu que j’traitions en cofiance pou’ décider d’même ? »

C’était l’avis du menuisier. On s’arrêta au bois blanc « qu’était pas à dédaigner, surtout quan’ t’no sait choisir les planches », et, pour « coclure » le marché on prit « eun’ rinchette pour n’point s’quitter su’ eun’ note aussi triste. »

Allégé, satisfait d’avoir accompli les volontés de sa défunte femme, le père Déculbat regagna la ferme où l’attendaient quelques amis venus pour lui serrer la main et lui proposer leurs services.

Tout fut simple – aussi simple que la vie de la brave Cathérène – aussi simple que leur vie où la mort est un événement qui ne doit pas déranger les habitudes.

Peut-être marche-t-il un peu plus courbé, mais cela ne l’empêche pas de supporter courageusement son chagrin.

A ceux qui lui rappellent les qualités de la « bin honorâble défunte », il répond en baissant la tête :

« C’est dans mè que j’la pleure… J’ai voulu qu’a’ sèye enterrée aveuc honneur mais sans épate. j’sieux certain qu’aveuc ses habitudes d’épargne, si all’ avait pu juger de c’que j’ai fait par ses propres yeux, a’ m’aurait occo dit que j’faisais les choses trop en grand. »

Et plus il le répète, plus il se persuade qu’il a fait son devoir, tout son devoir. Certitude qui le tranquillise et le console.

                            Gaston DEMONGÉ,
                                (Mait’ Arsène).


*
* *

Le Prévôt de Malétable

(Suite.)


II. – LE DEPOSUIT


Le narrateur suspendit un instant son récit pour placer sur la table de sa tonnelle le crâne qu’il avait gardé dans sa main, puis, humant une prise de tabac, il se mit à nous expliquer la cérémonie du « Change ».

Elle a lieu, le jour de la fête patronale, à l’église, pendant que le chœur chante le verset du Mangificat : « Deposuit potentes… »

Il s’agit, pour les quatorze frères composant la Charité, de « changer de place ». Il y en a sept qui s’en vont après deux ans de service et les sept qui ont déjà servi un an remplacent les sept partants, auxquels succèdent sept nouveaux venus.

Voici le cérémonial suivi :

Le sacriste a posé la croix sur un coussin au bas des marches de l’autel. Au coup du Deposuit, le Prévôt sortant va chercher le premier échevin par la main et le conduit au pied de la croix qu’ils embrassent.

Tous deux vont ensuite quérir le futur échevin, le mènent adorer la croix, puis l’accompagnent jusqu’à la place du premier échevin. Alors le Prévôt et l’Echevin se dépouillent de leurs insignes, entr’autres du chaperon de velours à franges et à broderies d’argent. Le premier échevin, revêt les ornements du Prévôt qui redevient un paysan en blouse bleue ; le futur échevin qui est habillé d’un veston de gros drap brun, prend le chaperon et la barrette violette de l’échevin.

Ensuite, le greffier sortant invite le sous-greffier à adorer la croix. Ils vont chercher le novice, adorent ensemble la croix, puis retirent leurs insignes. Le greffier sortant cède les siens au sous-greffier ; celui-ci abandonne également les siens au nouvel arrivant ; de telle façon qu’à la fin, les sept frères sortants ont pris place sur le banc où étaient assis les sept postulants, tandis que ces derniers occupent les stalles des premiers. Et exaltavit humiles !

Rien n’est pittoresque comme le chassé-croisé de ces hommes frappant lourdement les dalles avec leurs gros souliers ferrés et le cérémonial, pour être exécuté par des rustres, n’en est pas moins solennel et impressionnant. Aussi, les enfants de chœur ne chantent plus ; les femmes restent debout dans leur banc pour mieux voir.

Par cet après-midi de juin, il faisait dans l’église une chaleur étouffante, et Ambroise Colin avait bien soif. Certes, il eût cédé volontiers contre une bonne bouteille de cidre mousseux quelques-unes des prérogatives de son nouveau grade. Si encore, il était demeuré simple frère, s’esquiver pendant l’office pour se rafraîchir lui eût été facile. Il en aurait été quitte pour une amende. Mais de la part d’un Prévôt cela ne se pouvait point. Et puis n’avait-il pas fait devant Lejar vœu de sobriété ? Il se souvenait des meilleures beuveries de son existence et en gardait un savoureux remords !

L’abbé Monsavoir, qui devinait les louables efforts d’Ambroise Colin pour chasser le démon tentateur, se promettait de l’en féliciter ultérieurement.

Il jugeait toutefois plus prudent d’attendre pour cela la fin du dîner de Frairie !

III. – CHANSONS DE FRAIRIE

C’était la coutume qu’un repas gigantesque réunit le soir même du « Change » les quatorze frères, ainsi que les sept anciens qui venaient de résigner leurs fonctions. On l’appelait le dîner des amendes. De tout temps, les curés de Malétable avaient tenu à ce que ce dîner eût lieu au presbytère, sous leur présidence, afin d’éviter qu’il dégénérât en orgie.

La règle voulait que chaque frère apportât son barillet de cidre ou de poiré que l’on buvait l’un après l’autre. Aussi était-ce une émulation à qui fournirait la meilleure boisson. On devine si, cette année-là, Ambroise Colin se soumit volontiers à cette coutume. Il fit amener au presbytère  une grosse dame-Jeanne d’eau-de-vie et de la vieille !

Le repas fut cordial et gai, l’indulgente bonhomie de l’abbé Monsavoir enlevant toute contrainte aux charitons.

- Eh bien ! Jean Tétart, demanda-t-il à ce grand mangeur, voulez-vous encore un petit morceau ?

- Merci, Monsieur le Curé, j’en ai ma suffisance.

Du moment que Jean Tétart avait repoussé de la poularde du Mans, on pouvait croire que tous les autres estomacs étaient « à ras » !

La clarté des hauts chandeliers illuminait des figures cramoisies et plissées de gros rires. Plusieurs convives racontaient en effet les différentes circonstances de leur vie dans lesquelles ils s’étaient trouvés ivres et, comme Adonis Lejar paraissait préoccupé, ne prenait point part à la gaieté commune, on lui en fit la remarque. Il se souvenait avoir creusé au cimetière une fosse trop étroite que l’on serait obligé d’élargir au moment de l’inhumation. Et cela le tracassait car il n’y avait plus de temps à perdre.

- Vous vous lèverez demain au petit jour, et tout sera dit, fit-on pour le remonter.

Enfin, l’heure des chansons arriva :

- L’honneur de commencer revient de droit au nouveau Prévôt, dit l’abbé Monsavoir.

- Bien honnête, Monsieur le Curé, mais je vous dirai que je chante comme une barrière mal graissée. Je cède ma place à notre sacriste : c’est son art à lui.

Tout se récrièrent, tant et si bien qu’Ambroise Colin, après quelques excuses banales, dut se lever.

- J’en connais une bonne, dit-il, qui est plus vieille que moi.

Il avait le verre en main et sa face ronde et rougeaude était celle qui convenait aux chansons bachiques.

De sa voix rauque et caverneuse, il entonna les couplets suivants :

    Quand Noé planta la vigne,
    Il voulut boir’ de son jus ;
    Il n’y a rien d’superflu (sic)
    A cette liqueur divine !

        REFRAIN

    Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ne m’apportez pas
    Jamais d’eau sur une table
    Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
    Ne m’apportez pas
    Jamais d’eau à mon repas !

    Si vous voulez que je gronde
    Faites-moi venir de l’eau.
    Ça me réduit au tombeau
    Ainsi que bien d’autre monde !

    Si vous voulez que je chante
    Il faut m’apporter du vin,
    Cela bannit mon chagrin
    Et me rend la voix charmante.

    Je voudrais que les bécasses,
    Les perdrix et les levrauts
    N’euss’ jamais d’autres tombeaux
    Que le fond de ma carcasse !

    Je voudrais que les rivières
    Les fontain’ et les ruisseaux
    Ne coulurent (sic) jamais d’eau
    Que pour y rincer mon verre !


Chacun des convives, en chœur, reprit le refrain : Ah ! Ah ! Ah ! avec enthousiasme et tous applaudirent à outrance, étant en communauté de sentiments avec le chansonnier.

- Faut remplir votre verre, criait-on à Ambroise. Faut avoir le verre plein pour chanter çà !

Mais Adonis Lejar, qui s’était placé près de Colin pour le surveiller, lui toucha le bras, en disant : « Modérez-vous ! » Tandis que lui-même vida son verre d’un trait. Ça ne lui faisait pas de mal !

Après Colin, maître Louis Berrier, l’ancien prévôt, chanta les Hirondelles, de Béranger. Puis le fils Tétart, le « clergeot » commença de sa voix flûtée :

    Adam était en effet
    Le premier des hommes
    Aurait-on cru qu’il était
    Un croqueur de pommes ?

   
Là, il se gratta la tête : « Je ne me rappelle plus. »

- Passe au second couplet, mon enfant, fit paternellement le Curé.

    A la santé de Noé
    Patriarche insigne   
    Qui le premier a planté
    Sur terre la vigne,
    A l’exemple de ce saint
    Laissons l’eau, buvons le vin.
    La troupe in pin pin
    La trou fi fi fi
    La troupin, la troufi
    La troupe infidèle
    Aura l’eau pour elle.

- Ah ! dame, ça, c’est tapé ! s’écria Jean Malicorne, le greffier, et tous d’applaudir.

Mais, c’est au troisième couplet sur Moïse et la mer Rouge que la joie monta au délire, quand le clergeot chanta :

    Il l’a pas pas pas,
    Il l’a sa sa sa
    Il l’a pas, il l’a sa
    Il l’a passa toute
    Sans en boire une goutte.

- Nous en aurions tertous fait autant,  déclara avec conviction le porte-bannière, Philippe Lerat, qui, en mémoire de son père, portait comme ce dernier un veston à larges boutons, une culotte de velours brun attachée au genou avec un ruban jaune, lequel retenait des bas bleus.

Il se levait, disposé à « pousser » sa romance, quand la voix de crécelle de la vieille Josepha vint comme un rabat-joie, mettre fin à la gaieté exubérante des convives : « Il va être minuit, Monsieur le Curé », cria-t-elle. Aussitôt l’abbé Monsavoir, se levant de table, en secouant légèrement sa ceinture pleine de miettes :

« Mes chers amis, dit-il, il est une sainte coutume que nous avons de ne pas dépasser minuit. Tout a d’ailleurs une fin ici-bas, même les meilleurs repas… Et avant de nous séparer, je tiens à vous féliciter tous de votre bonne tenue et de votre modération. Vous savez que suivant un pieux usage, je dirai à 9 heures précises du matin l’Obit pour le repos de l’âme des frères défunts de votre Confrérie. C’est un devoir pour vous tous d’assister à cette messe en grande tenue, barrette et chaperon, et je suis convaincu que personne ne manquera à l’appel ! Allons ! que chacun rentre chez soi pour se livrer à un sommeil réparateur ! »

    (A suivre.)

Paul VAUTIER.

*
* *

Un Honnête Homme

UN ACTE EN PROSE

(Suite.)
________


GERMAIN. (A Marguerite.)


T’en plaindrais-tu par hasard ?

MARGUERITE. (Ton gris.)

Oh ! non bien sûr…

GERMAIN. (Rude.)

Voyons, Marguerite, qu’est-ce qu’il te prend ? Cela n’est pas clair…

RAYMOND.

Tu ne vas pas nous refaire une scène je suppose ?... En voilà une conversation de five o’cloke !.., Aussi, c’est de ma faute : je suis un chenapan. J’ai dit des horreurs. Excusez-moi… et parlons d’autre chose. Voyons… Tu dois avoir des ennuis pour justifier cette humeur de porc-épic !... Des ennuis… Cherchons : tu as fait un héritage ?... Tu vas être décoré… ? Tu…

GERMAIN.

Farceur !... Non… J’attends mon père.

RAYMOND. (Stupéfait.)

Tu attends ton… ?

MARGUERITE. (A Raymond.)

C’est vrai.

RAYMOND.

Mais tu ne m’as donc pas raconté ?... Je vous croyais brouillés depuis votre mariage.

GERMAIN.

Nous sommes restés en relations commerciales.

RAYMOND.

C’est-à-dire plus ennemis que si vous étiez étrangers. Je ne savais pas. Tu ne m’avais pas dit…

MARGUERITE.

Je vais vous expliquer, Monsieur Favier… Germain me le permet (Regard à Germain impassible.) Il hésite à parler de ces choses : il a eu tant d’ennuis… Monsieur Druard père fut si dur à cause de ma qualité d’artiste lyrique (Baissant la voix) et de ma vie d’autrefois… Mon mari m’a toujours défendue, oh ! oui… Seulement, il en souffre…

GERMAIN.

Je ne regrette rien. J’ai fait mon devoir en honnête homme. je t’ai arrachée à l’atmosphère pernicieuse (Jeu de Raymond) où tu vivais, et je savais très bien quelles responsabilités j’assumais.

MARGUERITE. (A Raymond.)

Germain souffre, bien qu’il ne veuille pas l’avouer…

GERMAIN. (Rude.)

Je ne regrette rien, te dis-je !

MARGUERITE.

… Et Monsieur Druard souffre aussi…

RAYMOND.

Oh ! ça m’étonne bien ! Monsieur Eusèbe Druard et Cie n’est pas un homme à …

MARGUERITE.

Monsieur Eusèbe Druard est père… Et je crois d’ailleurs que cette commande pour laquelle il doit venir ici, n’est qu’un prétexte… Elle n’exige nullement de conférence spéciale puisqu’elle est déjà preste toute discutée…, n’est-ce pas Germain ?

GERMAIN.

Sûrement.

MARGUERITE.

Moi, je crois à une tentative de réconciliation.

GERMAIN.

Peut-être, mais pas nettement exprimée. J’aime la franchise… Et d’ailleurs, il te doit des excuses pour ce qu’il a osé te dire…

MARGUERITE.

Je lui pardonne moi, tu le sais bien : c’est ton père !

RAYMOND.

Ta femme a raison. Il faut arranger ça.

MARGUERITE.

Assurément… Si tu es malheureux…

GERMAIN. (Violent.)

Je te défens de dire que je suis malheureux ! C’est faux. Je t’ai épousée parce que cela m’a plu. J’exige tous les respects pour Madame Druard. Je ne sors pas de là… Mon devoir est de te défendre… Mon père est un honnête homme, c’est entendu, un travailleur qui a droit à notre reconnaissance. Mais il t’a manqué d’égards. Il te doit des excuses… D’autant plus que j’ai toujours marché sur ses traces. (Un temps). Ah ! si j’étais comme Favier, un artiste, un j’menfichiste !... mais je suis, comme mon père, un homme d’ordre et d’étude. Je suis du monde des industriels appliqués à leur besogne, je suis de ceux qui entretiennent et qui augmentent la richesse nationale. Je marche sur les traces de mon père, et je suis son égal maintenant, étant comme lui un homme d’affaires.

RAYMOND. (Ironique.)

Tu arranges bien ceux de mon monde au profit de ceux du tien. Tout de même, il n’y a pas que vous qui…

GERMAIN.

Il y a nous d’abord pour maintenir l’ordre économique,… Nous sommes les architectes de l’édifice social… Vous n’en êtes que les décorateurs…

RAYMOND. (Se lève et salue.)

Il n’y a pas à dire, ça c’est envoyé ! Mais là-dessus, je vous quitte. Je ne me soucie pas d’être là pour l’arrivée de Monsieur Druard père, que les artistes ont le don de mettre en fureur.

GERMAIN.

Tu vas me faire le plaisir de rester. C’est une façon indirecte de lui prouver que, s’il veut la réconciliation, il faudra qu’il achève de faire des avances.

RAYMOND. (Hésitation.)

Soit, mais ce n’est pas très folichon pour moi. Il a toujours des compliments spéciaux à me faire, des insinuations particulières… Et dame…

GERMAIN.

Si, reste. Je veux savoir s’il osera manquer une seconde fois, fût-ce à peine, à Marguerite. Ah ! si cela arrivait…

RAYMOND.

Si cela arrivait ?

GERMAIN.

Si cela arrivait, je lui dirais ceci : « Mon père,… je vous défends de manquer de respect à ma femme. Je l’ai soustraite à une atmosphère pernicieuse pour l’élever d’un échelon social. Elle a droit maintenant à être traitée comme toutes les femmes et son mari est là pour le rappeler à quiconque serait tenté de l’oublier. »

Voilà ce que je dirais à mon père, Raymond. Tu m’entends ?

RAYMOND.

En principe, certes, tu as absolument raison. Cependant si… (Coup de sonnette.)

MARIE. (Annonçant.)

Monsieur Eusèbe Druard.

    (A suivre.)

Georges NORMANDY.


*
* *

Pater Noster
____


        Notre Père, Roi des cieux,
        Protégez les malheureux ;
        Faites que sur cette terre
        Leur souffrance soit légère
        Et donnez-leur, chaque jour,
        Pour une simple prière,
        Un peu de pain et d’amour.

        Notre Père, à la fortune
        Je préfère, blonde ou brune,
        Qui, fidèle, m’aimerait
        Et près de moi vous dirait :
        « Plus rien ne nous importune,
        Par vous nous sommes joyeux,
        Notre Père, Roi des cieux. »

                V.-Louis MARTIN.


═════════════════

Vers le nouveau Pays
____

Ne désespère point sur cette route austère,
Et franchis la douleur comme un sombre tunnel.
Ce voyage trop long, pour certains éternel,
Te mène, cahoté, sous des cieux de mystère.

L’homme qui t’aiguilla sur cette affreuse artère
Ne profitera point de son jeu criminel.
Rassure-toi. Voici le moment solennel
Où la nuit va finir et le fracas se taire.

Regarde, et tu verras l’espoir, point lumineux,
Trouer la profondeur du mur fuligineux
Et rayonner, ardente et magique fenêtre.

La lumière s’étale et devient de l’azur.
Un soleil dévoilé veille, au bord du ciel pur,
Sur le nouveau pays où nous allons renaître.

                Jean MIRVAL.


═════════════════

Encore
____

Encore un chant plaintif dans la nuit étoilée,
Accent que l’âme écoute et que l’esprit entend,
Harmonieux concert des cloches en volée,
Doux angélus du soir qui vers l’homme descend.

Encore un rêve immense, un seul, celui que j’aime,
Qui dit le grand amour, qui dit l’aube sans fin…
… Encore un frais baiser avant que le jour sème
L’or trop vif du Réel où s’allume un matin !

                André MARÉCHAL.


*
* *

ÉCHOS ET NOUVELLES
______

Mort de M. Claude Aguétant. – On annonce le décès à Jullié (Rhône) de M. Claude Aguétant, ancien maire d’Ambérieu-en-Bugey. Il était le père de l’écrivain bugiste connu Pierre Aguétant et du lieutenant Charles Aguétant, mort glorieusement à l’ennemi.

Le régionalisme français perd beaucoup en perdant cet homme de bien.

Nouveaux Chantiers de Constructions navales à Caen. – Les Chantiers navals français viennent de se rendre acquéreurs de la Fonderie Nizon, à Caen, et d’immenses terrains entre la rivière l’Orne et le canal de Caen à la mer, pour la construction de plusieurs cales sèches.

Société d’électricité du littoral normand. – Le coupon d’obligation n° 12, à échéance du 31 décembre 1917, est mis en paiement à raison de net : 12 fr. 50 pour les titres nominatifs et au porteur.

Les paiements sont effectués par les soins de la Banque française pour le Commerce et l’Industrie, 17, rue Scribe, à Paris.

Laboratoire d’Etudes et d’Enseignement supérieur de la Chimie à Rouen. – La Société Industrielle de Rouen et la Société Normande d’Etudes viennent de réaliser le projet qu’elles avaient formé de la création à Rouen d’un laboratoire d’études et d’enseignement supérieur de la chimie.

Dans l’esprit des fondateurs, cette école doit préparer pour les industries de la région normande des techniciens armés d’une haute culture scientifique et aptes à faire progresser ces industries.

Il a été spécifié que pour être admis à suivre les cours du laboratoire les élèves devaient justifier de connaissances chimiques suffisantes.

Le programme d’enseignement prévu pour la première année comporte :

Grosse métallurgie. – Alliages et aciers spéciaux. – Analyse thermique. – Métallographie microscopique.

Grosse industrie chimique. – Electro-chimie.

Chimie organique : série acyclique.

Chaleur appliquée aux fours industriels et à l’étude des moteurs.

Electrotechnique : Courant continu et courant alternatif.

Application des colorants à la teinture et à l’impression.

On peut, pour obtenir des renseignements, s’adresser à la Société Industrielle, 2, rue Ampère, à Rouen.


____________________
Le Gérant : MIOLLAIS.
_________________________________________________________
IMPRIMERIE HERPIN, Alençon. Vve A. LAVERDURE, Successeur.






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