Vers une Action Normande
IX. – LES CAUSES.
(Suite.)
Nous avons maintenant les données du problème : celui-ci sera facile à
résoudre.
D’abord, une race impulsive, généreuse ; race disciplinée,
dans son
ensemble, par des siècles de Monarchie,
dans ses individus par la
culture gréco-latine et par une morale à base franchement religieuse ;
cette race habite une contrée justement enviée, et cette situation
géographique exceptionnellement favorable, lui commande une politique
faite de prudence et de fermeté, une politique réaliste : en outre nous
constatons que cette race, ce pays, ont de mauvais et puissants
voisins, des voisins inaccessibles aux idées nobles, généreuses et qui
ne respectent que la force. Tout concourt donc : tempérament, défaut
d’éducation politique, nécessité d’être forts, pour qu’on ne se lance
point dans les aventures.
Que faisons-nous ?
La plus formidable expérience politique qu’il puisse être donnée à un
peuple de tenter !
Cette société française façonnée par des siècles de pouvoir
monarchique, étayée, pour reprendre la figure de Balzac d’un côté par
la royauté, de l’autre par le catholicisme, nous la privons brusquement
de ses appuis séculaires, et nous lui donnons pour breuvage, le vin
fort de la liberté ! Nous opérons ce changement radical dans son
Régime, sans transition, sans frein, sans l’ombre d’une éducation
préalable !
A cette mineure pliée à une tutelle de tous les instants dans l’ordre
matériel, à une discipline morale sévère dans l’ordre spirituel, on
donne l’émancipation totale.
Du jour au lendemain cette enfant inexpérimentée, naïve, de tempérament
léger et impulsif, retenue d’obéir aux instincts qui nous sollicitent
tous si fort, par le frein moral le plus puissant connu jusqu’alors, se
trouve chargée d’accomplir seule les tâches les plus délicates et les
plus redoutables, et libérée de toute obligation morale.
La société française devenue soudain orpheline et majeure, devra :
Gérer son domaine.
Administrer les individus.
Diriger la politique étrangère, etc., etc.
Et pour ce faire, à défaut des mandataires et des tuteurs, non
seulement on ne lui laisse ni papiers, ni testament, ni même ces
recettes empiriques parfois si précieuses, mais encore on lui impose
des directions nettement contraires à celles observées jusqu’alors. Il
faut nécessairement continuer à exploiter le beau domaine de la
monarchie, mais avec défense expresse d’employer des méthodes
ressemblant même de loin, à celles usitées jusque-là. Systématiquement
on condamne les procédés de gouvernement de l’ancien régime,
systématiquement, en en prend le contre-pied ! Comme les théories
nouvelles procèdent d’un idéal humain très élevé, comme elles rompent
nettement avec les systèmes utilitaires et prosaïques du régime déchu,
l’enfant impulsive et généreuse qu’est la société française
s’enthousiasme éperdûment pour elles. La folle du logis exercera ses
ravages à loisir : il sera superflu de lutter contre cette vague
formidable d’idéalisme qui dégénère presque instantanément en
idéologie. La France est folle, la France est grisée, il faudra la
lente mais inéluctable leçon des faits, du temps, pour qu’elle se
demande si l’on n’a pas fait fausse route ou tout au moins brûlé les
étapes, et supprimé des freins de première utilité.
La France a une situation géographique, des voisins, qui commandent la
prudence et la force ? Allons donc ! Tous les peuples comme les hommes
naissent libres et nous déclarerons la guerre au monde pour assurer le
triomphe du principe des Nationalités. On ne se demande point si
l’intérêt français bien entendu ne commande pas, lui, quelque
circonspection, quelque tempérament dans la réalisation de ce grand et
beau Rêve. Le vent est à la fraternité humaine. Durant tout le XIXe
siècle, la griserie intellectuelle continue. L’Encyclopédie, la
Révolution, Michelet et Victor Hugo présentent successivement
l’enivrante liqueur sous les espèces les plus séduisantes. Michelet
appelle de tous ses vœux l’heure bénie où les peuples auront réalisé
leur unité : il a pour la future unité allemande une tendresse
particulière. De nos jours, ne voyons-nous pas le gouvernement de la
République prisonnier des mêmes théories, sanctionner l’indépendance
d’une Finlande dont les armes se pourraient bien retourner contre nous !
Voilà un exemple pris entre mille de l’erreur commise par la société
française et envisagée dans son ensemble. Prenons un autre exemple d’erreur aussi grosse de conséquences, mais au
point de vue de l’individu.
Sous l’ancien régime, le peuple avait en quelque sorte remis son sort
entre les mains de mandataires munis de pleins pouvoirs : il importait
fort que ces mandataires fussent bien pénétrés de leurs devoirs
vis-à-vis du peuple, il importait peu que celui-ci ne fût pas
aussi pénétré des siens puisqu’il était gouverné et ne détenait aucune
parcelle de l’autorité publique. Le peuple avait le rôle passif, le roi
le rôle actif ; or l’expérience démontre que la nature humaine est
toujours encline à abuser de son rôle et de ses attributions ; on peut
donc dire que ce qui importait à l’équilibre de l’ancien régime,
c’était une monarchie très soucieuse de ses devoirs avec un peuple
sachant défendre ses droits.
Du jour où les rênes du gouvernement passaient des mains défaillantes
de la royauté dans celles du peuple, il devenait clair pour des esprits
que la passion n’eût pas aveuglés, qu’une des premières conditions de
santé sociale c’était que le peuple devînt très soucieux de ses
devoirs. Le gouvernement du peuple par le peuple ne se conçoit pas
autrement. Il n’est possible qu’à la condition que l’individu qui
devient le maître de ses propres destinées comme de celles de la
société dont il est un élément, soit assez armé de moralité pour
toujours, en toutes circonstances, faire passer l’intérêt général avant
son intérêt particulier.
Si l’individu n’est pas cet être de haute et inflexible moralité, le
gouvernement démocratique – appelons-le par son nom – sera vicié dans
son essence même : nous n’aurons plus la démocratie, mais la démagogie
: ce ne sera plus l’idéalisme, qui guidera nos pas incertains, mais la
dangereuse idéologie ; nous ne cheminerons plus sur la terre ferme,
mais au milieu des nuées. Ces réflexions suffisent, je pense, à faire
comprendre le raisonnement que je veux tenir.
Du jour où les théoriciens que nous savons renversaient l’ancien
régime, ils avaient pour premier devoir non pas d’abattre toutes les
barrières morales, non pas d’énerver et de supprimer les disciplines
spirituelles, non pas de tarir les sources de moralité, mais bien d’en
créer de nouvelles, plus abondantes, plus riches, plus puissantes.
Or, vous savez ce qui fut fait : je n’y reviendrai pas. On proclama les
droits de l’Homme et du Citoyen, mais dans le moment même où l’on
abattait le trône qui les eût mis en valeur et leur eût donné toute
leur signification. Enfin et surtout alors que les devoirs seuls vont
devenir essentiels à la bonne marche des affaires publiques, on n’en
souffle mot : la démocratie commence l’édifice sur le sable mouvant,
sans base, sans assises, probablement pour ne pas s’aliéner le « lion
populaire », mais voilà comment par une capitulation de conscience, on
crée de la démagogie là où l’on se flattait de faire de la démocratie !
J’entends bien que pour justifier cette façon de faire une démocratie
on invoque la bonté foncière, la droiture, le désintéressement de l’âme
humaine ! Ouais ! comme dit l’autre, j’aimerais mieux voir… Et qu’on ne
me dise pas que je soutiens là un raisonnement « bien usé » ; je
répondrai en invoquant mille et un témoignages sur la nécessité de la
forte armature morale, clef de voûte des démocraties.
Quelle est la démocratie qui s’impose le plus à l’attention émerveillée
du monde ? La République des Etats-Unis bien entendu. Ouvrez une
histoire et dites-moi si les Franklin, les Washington, ne l’ont pas
construite sur le roc solide de la moralité et de la « vertu » pour
reprendre l’expression de Montesquieu.
Voyez ces jeunes combattants qui se révèlent comme des âmes ferventes
dans des corps robustes, ne nous donnent-ils pas l’impression d’êtres
disciplinés moralement. Est-ce le matérialisme ou le spiritualisme qui
est à la base de toutes les graves décisions, de tous les discours que
prend ou que prononce le consciencieux Wilson ?? Craint-il d’invoquer
le secours de la Providence divine celui qui est de l’aveu de tous, le
plus éminent des démocrates de l’époque ? Reconnaissons qu’en voulant
fonder la démocratie sur le matérialisme nos directeurs de conscience
ont commis la « plus grande erreur du siècle » !
………. Jouis, dit la raison païenne ;
Jouis et meurs ; les dieux ne
songent qu’à dormir ;
Espère seulement, répond la foi
chrétienne !
La crise française est donc avant tout une crise d’ordre moral : c’est
ce que j’ai voulu préciser en disant que l’action de demain devrait
être : morale d’abord ! Cette crise morale nous la retrouvons à la
racine de tous nos maux : dépopulation, altération de la cellule
familiale, désertion des campagnes, pornographie, mœurs politiques
néfastes, etc.
Il semble bien que la guerre ait ouvert les yeux de beaucoup et les
citations par lesquelles je voulais clore cet article, mais que le
défaut de place m’oblige à reporter au prochain numéro, démontreront
que l’union sacrée est encore à la base de ces critiques.
(
A suivre.)
G. VINCENT-DESBOIS.
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Le Canard de Rouen
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La Normandie a ses titres de gloire, non seulement dans l’héroïsme de
ses enfants, qui luttent pour la sauvegarde de la Patrie et de la
Liberté, et dans ses hommes illustres par leur talent dans les arts,
les sciences, les lettres, etc., mais encore par le renom qu’elle a
conquis pour la valeur des produits de son sol fertile. Parmi ces
produits qui jouissent d’une renommée légitime et, en quelque sorte,
mondiale, le fameux canard de Rouen mérite, à tous égards, les honneurs
d’une particulière citation. C’est d’ailleurs, pour lui, un droit au
même titre que la citation du poilu qui, en se comportant vaillamment
devant l’ennemi, illustre nos gloires nationales et fait honneur à son
pays.
Sans médire des canards gascons, nantais, ou vendéens, qui ont
d’incontestables qualités, on me permettra bien cette manifestation
toute spéciale en faveur du régionalisme – oserais-je dire du
régionalisme… avicole – dont l’utilité ne me paraît pas discutable
puisque nous voulons, ici, mettre en relief l’importance et la valeur
des ressources de notre petite patrie, en même temps que l’intérêt qui
s’attache à leur accroissement, à leur amélioration, en vue de retirer
de leur exploitation le plus grand profit. Il me semble que l’on ne
saurait traduire en termes plus élogieux ni plus exacts les brillantes
qualités du canard de Rouen qu’en débutant par la flatteuse
appréciation et le portrait fidèle, frappant, qu’en a donné le très
érudit et très spirituel Fulbert Dumonteil, le subtil écrivain à qui
l’on doit les plus enthousiastes descriptions mettant en relief
l’attrait qu’offre le peuple de nos basses-cours :
« A la Normandie, si riche en tant de choses, appartient le plus
délicat, le plus fin, le plus gras, le plus savoureux, le plus opulent,
le plus estimé de tous les canards de France et de Navarre. La
merveille de la broche et la volupté de la table, c’est le canard de
Normandie. C’est à croire que les navets ne poussent que pour lui faire
cortège et que la douce Provence se pare d’oliviers pour lui faire
honneur. Ses aiguillettes roses, que le citron relève, sont exquises,
et ses cuisses, un peu grasses, triomphent dans ces daubes odorantes
qu’adorait le vieux Corneille.
« Le premier de tous les canards de Normandie : fine chair, fine
graisse et fine fleur, c’est le canard de Rouen. Il est de noble
origine, issu en ligne directe du canard sauvage dont il a gardé le
plumage superbe et le fumet original. On dirait qu’il porte son extrait
de naissance sous son aile. Un jour de jeûne, il s’est laissé séduire
par les charmes de l’auge et l’attrait du grain. Le voilà conquis à la
civilisation et à la casserole. C’est le mieux vêtu de nos canards :
bec jaune taché de noir, couleurs vives et tendres, capuchon d’un vert
charmant aux reflets veloutés, poitrine marron et collier blanc, ventre
gris-perle, ailes cendrées que terminent de beaux miroirs à reflets
verts et bleus, rehaussés d’un liseré blanc. La robe est fort jolie,
mais c’est particulièrement le dessous qui nous intéresse : la plume
s’envole, la chair reste, et la fourchette a des plaisirs aussi sacrés
que le regard. Quelque admirable profusion de teintes et de nuances
artistement combinées que présente son plumage, la plus belle couleur
d’un canard de Rouen est la robe d’or qu’il emprunte à la flamme des
cuisines. »
Ainsi s’exprime Fulbert Dumonteil, ce fervent de la lèchefrite, autre
Monselet, autre Brillat-Savarin, amateur délicat, fin connaisseur sans
être disciple de Pantagruel. La description physique et gastronomique
qu’il nous donne du canard de Rouen est d’une exactitude, d’une
fidélité que l’on ne saurait contester, car notre canard rouennais est
bien de ressemblance parfaite avec son ascendant, le canard sauvage, le
joli col vert, joie du chasseur au marais ; mais sous l’influence de la
domestication et d’un élevage qui en a amplifié les formes, augmenté le
volume, le canard de Rouen présente une différence de poids
considérable. Tandis que le poids du canard sauvage n’atteint que 1 k.
500 environ, celui du canard de Rouen amélioré par la sélection et un
élevage rationnel, atteint jusqu’à 4 k. 500. Le même écart existe entre
la cane sauvage et la cane rouennaise, dont l’aptitude à la ponte
s’élève au quintuple. Cette dernière a le fond du plumage isabelle
clair, les plumes du dos, des flancs et du ventre marquées de brun,
d’un liseré marron et d’une autre marque en fer à cheval, de couleur
marron. Son plumage est moins riche que celui du mâle, mais dans
l’ensemble elle présente bien les caractères d’une parenté extrêmement
étroite avec la cane sauvage. Notre canard de Rouen est, avant tout, un
canard pratique, gros, gras, plantureux, massif comme nos rudes gars
normands. On critique son allure, on dit qu’il marche en titubant comme
s’il avait bu six pintes de cidre. On oublie trop que son véritable
élément c’est l’eau, la mare ou la rivière où il déploie toute son
élégance aquatique, surtout quand il baigne sa tête veloutée et tourne
vers le ciel l’antipode du bec, friandise artistement rôtie des bouches
sensuelles, croupion fameux qu’on appelle avec une gaîté gouailleuse :
« Le sot-l’y-laisse. » M. de Talleyrand, qui l’aimait fort, ne le
laissait jamais. C’était sa bouchée de prédilection ; et c’est de même
celle de tout gourmet qui se respecte.
Le canard de Rouen aime ses herbages, ses vergers de pommiers, ses
marais et ses ruisseaux. S’il se balance fièrement comme pour faire
sonner les écus que la nature a mis sous son aile, s’il traîne en
chantant, comme un bourgeois de Lisieux ou de Pont-l’Evêque, et prend
toujours à droite….. pour aller à gauche, c’est qu’il, transporte avec
lui, en lui, le trésor que représente la plasticité de ses formes
rebondies, riches des plus séduisantes promesses gastronomiques. Car le
canard de Rouen est une race utile, sérieuse, productive, ainsi que
l’atteste le rôti du pays arrimé en un grand plat de Rouen à fleurs
bleues tout tapissé d’aiguillettes fumantes et roses.
N’est-ce pas aussi une race facile à élever ? Le canard de Rouen est
apprécié partout en France et à l’étranger. En temps ordinaire, la
Vendée, particulièrement, en fait un important commerce. Les huttiers
vendéens élèvent de grandes quantités de canards, et ce sont nos
canards rouennais, qu’ils expédient à Nantes. A son tour, Nantes
expédie sur Paris, en sorte que le commerce de notre précieux canard
est bien plus important qu’on ne le croit, généralement, puisqu’il
n’est pas limité à la Normandie, mais s’est étendu, de longue date,
dans d’autres régions françaises. Le canard de Rouen, suivant la route
de son glorieux compatriote, Guillaume le Conquérant, s’est même
implanté jusqu’en Angleterre où ses descendants ont su conquérir….. les
fourchettes britanniques.
Le canard de Rouen a pour lui les plus authentiques parchemins, et l’on
a tout intérêt à le conserver dans toute sa pureté, à éviter, dans son
pays d’origine, les mésalliances qui terniraient la grande et légitime
renommée acquise par cette race. Dans les petites vallées qui
aboutissent à la Seine, dans la partie occidentale de l’arrondissement
de Rouen, à Yvetot et dans ses environs, l’élevage des canards a
toujours été une spéculation avicole d’un excellent rapport. Les
canards se vendent principalement sur les marchés de Duclair, Gournay
et Dieppe.
Mais qu’est-ce que la race de Duclair ? demandent les profanes.
Le canard de Duclair est une variété locale du Rouen, obtenue et
sélectionnée plus particulièrement à Duclair, localité située à vingt
kilomètres de Rouen. Ce canard a le bec vert noir, la tête et le
derrière du cou d’un beau vert bronzé brillant ; deux traits blancs
au-dessus des yeux et à la base du bec ; le devant du cou et la
poitrine sont blancs, formant une sorte de bavette blanche, large comme
le fond d’un verre ; le corps est brun en dessus, noir en dessous ; le
miroir est vert ; les tarses sont bruns ; les formes massives ;
l’envergure a 1m05. C’est, comme on le voit, un très gros canard.
La cane a le bec presque noir, le plumage gris et brun ; chez les
jeunes, le duvet est brun et jaune. Les œufs sont verdâtres.
Le canard de Duclair est précoce, fécond ; à neuf semaines, les
canetons sont bons à consommer. La chair est excellente, à saveur plus
prononcée, plus « canard » que celle du Rouen ; c’est du reste ce que
l’on constate chez les races où le noir domine (Duclair, Cayuga,
Labrador). On attribue cette saveur prononcée à l’effet du
milanisme,
à la présence, dans le sang, d’une grande quantité de pigment, colorant
non seulement la plume, mais aussi la chair. L’excès contraire,
l’
albinisme, produit l’effet opposé : plumage blanc et belle chair
blanche.
L’influence favorable exercée par le canard de Rouen sur la production
du canard de rapport, sur les autres races qui doivent être améliorées
dans ce sens, est connue de longue date. On sait que pour produire le
canard bien gras, c’est au gros canard normand qu’il faut s’adresser,
et que si l’on donne à une cane ordinaire un beau canard rouennais, on
obtient des sujets de bonne taille, robustes, faciles à élever et à
nourrir. On sait aussi que la chair des canards qui se baignent
régulièrement est plus savoureuse, et qu’en exploitant une grosse race
comme le Rouen, à développement rapide, on a des canetons bons à
consommer vers huit à dix semaines. Si on les gardait jusqu’à sept ou
huit mois, ils seraient certainement moins appréciés pour la table.
Les qualités du canard de Rouen sont mises à contribution largement,
dans bien des contrées, même les plus méridionales. C’est que ce canard
a des aptitudes telles qu’on trouve en lui un excellent facteur de
croisement améliorateur. C’est le croisement du canard de Barbarie avec
notre cane de Rouen qui permet aux éleveurs du sud-ouest (région de
Toulouse, des Landes, du Gers, etc.), de produire ce canard dit
Mulard ou
Mulet, de fort poids, de grande taille, métis infécond,
mais dont la chair est fine, délicate, et ayant une forte propension à
l’engraissement et au foie volumineux chargé de graisse
extrêmement fine, que l’industrie des foies gras met en œuvre, et
dont elle obtient ces pâtés exquis, renommés dans le monde entier. Pour
obtenir ces volumineux foies, les éleveurs gascons ont recours au
gavage des mulards. L’élevage de ce canard mulard devrait être répandu
dans toute la France. Ce serait une grande ressource. Pour cela, il
faudrait que se vulgarise cette industrie des pâtés de foies de canards
et autres conserves alimentaires fournies par cet utile palmipède.
Quelle précieuse ressource alimentaire ne serait-ce pas par ces temps
de restrictions et de vie chère !
Notez que les croisements du canard de Rouen avec d’autres races telles
que le Pékin, l’Aylesbury, donnent d’excellents résultats : chair fine
et succulente, juteuse, croissance rapide, grande précocité, forte
taille, rusticité. Le croisement du canard anglais d’Aylesbury avec la
cane de Rouen est en tous points recommandable.
Ce même canard anglais croisé avec notre excellente race de Duclair
donne des sujets encore plus robustes que ceux issus des croisements
précités, et ayant même précocité, forte taille et finesse de chair.
Les canes de Rouen mariées au canard de Barbarie donnent des produits à
chair excellente et abondante ; sur leur poitrine, on détache des
filets qui ont l’épaisseur d’une tranche de gigot. On a constaté qu’il
faut près de trois kilogrammes de nourriture sèche pour produire un
kilogramme de canard vif. En passant, qu’il me soit permis cette simple
observation relative à la préparation des canards pour la vente sur les
marchés ou l’expédition ; Le canard étouffé a une chair rouge, de goût
et d’aspect sauvage. Le canard saigné est plus blanc, plus fin, sa
chair a une saveur plus douce, moins caractéristique. Mais si on saigne
« à blanc » la chair devient alors trop sèche. Il semble que la méthode
de sacrifice qui consiste en la désarticulation du cou est la plus
simple, la plus expéditrice et la moins cruelle.
En terminant ce panégyrique amplement justifié par les mérites, les
qualités réelles qu’on doit reconnaître au canard de Rouen – qui est à
sa façon une de nos célébrités locales – souhaitons que nos éleveurs
normands en développent le plus possible la production, non seulement
pour subvenir, présentement, aux grands besoins de l’alimentation, mais
encore pour apporter, dans l’avenir, une part contributive à la
reconstitution du patrimoine national.
Henri BLIN,
Lauréat
de l’Académie d’Agriculture de
France.
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L’Organisation Economique
Régionale
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Nous n’avons cessé dans cette revue d’appeler l’attention sur
l’organisation économique régionale qui doit être créé dès à présent,
afin de parer aux besoins d’après-guerre. Dans notre numéro d’avril,
nous signalions celle de la région du centre. Aujourd’hui, nous
constatons le mouvement qui se dessine en Normandie, à la suite de
l’initiative prise par les représentants des intérêts bas normands.
Toutes les régions d’ailleurs ont compris l’intérêt vital qu’il y
avait, pour elles, à préparer l’organisation économique d’après-guerre.
En Provence, notamment, notre excellent confrère
La Race, mène une
vigoureuse campagne pour l’organisation de cette région. Dans le bassin
du Rhône, les représentants des populations se sont réunis en un
groupement de l’
Aménagement du Rhône et de ses affluents, et, avec le
concours du Ministre des Travaux publics, ils sont bien décidés à
poursuivre vigoureusement l’aménagement du fleuve par l’exécution
simultanée des travaux afférents à la navigation, à l’irrigation et à
la production de l’énergie.
En ce qui concerne la Normandie, lors de l’établissement du projet
gouvernemental en vue de la distribution de la France en régions
économiques, par la fédération régionale des Chambres de Commerce, il
avait été prévu l’organisation d’une seule région comprenant les cinq
départements normands.
Mais, depuis, sur l’initiative de M. Blaisot, député du Calvados, les
représentants des Chambres de Commerce du Calvados, de la Manche et de
l’Orne avec l’appui des sénateurs et députés de ces départements ont
soumis au ministre du Commerce un vœu tendant à la création d’une
région économique de la Basse-Normandie.
Sous prétexte que les trois départements précités avaient entre eux des
contacts économiques permanents qu’ils n’avaient pas avec la
Seine-Inférieure et l’Eure, les Chambres de Commerce de Caen, Honfleur,
Alençon, Cherbourg, Granville, Flers, souhaitaient de se réunir entre
elles plutôt que d’être rattachées à Rouen, et, naturellement, la
Chambre de Commerce de Caen qui doit bénéficier de cette nouvelle
organisation demandait la division en deux parties de la région
économique prévue au projet gouvernemental : Région de Caen pour la
Basse-Normandie et région de Rouen pour la Haute-Normandie.
C’est ce vœu qui a été présenté par M. Lefebvre, président de la
Chambre de Commerce de Caen au ministre du Commerce dans l’audience
accordée par celui-ci aux représentants des Chambres de commerce de la
Basse-Normandie.
M. Clémentel a répondu que le souci de ne pas trop morceler les régions
étaient la cause de la décision contenue dans le projet gouvernemental,
mais que l’intérêt du vœu qui lui était présenté ne lui avait pas
échappé et que déjà il avait songé à prévoir cette région économique de
la Basse-Normandie avec Caen, comme chef-lieu et que, après une
nouvelle étude de la question, il avait été amené à se rallier au point
de vue soumis par le Président de la Chambre de Commerce de Caen, et il
a assuré la délégation que cette région économique figurerait dans le
projet gouvernemental.
Voilà donc, décidé, en principe, la division de la Normandie en deux
régions distinctes.
Que pensent de cette décision les Chambres de Commerce et les
représentants des départements de l’Eure et de la Seine-Inférieure ?
Nous ne sommes pas de ceux qui croient que les anciennes provinces
françaises qui n’ont jamais cessé d’exister, doivent seulement revivre
dans leur intégralité, mais si l’on doit tenir compte pour la
délimitation de ces régions de la production du sol et du sous-sol, des
voies de communication, des moyens de transport, etc., nous croyons que
les intérêts spéciaux ne peuvent trouver satisfaction que dans une
œuvre d’ensemble.
Dans l’élaboration du projet gouvernemental, M. Clémentel n’a eu,
dit-il, qu’un seul souci : l’intérêt du Commerce et de l’Industrie
français. C’est parfait, mais ces branches de notre activité ne sont
pas les seuls éléments de la prospérité nationale. En Normandie,
notamment, nous avons un autre élément qui, par son importance, devrait
bien avoir voix au chapitre. C’est l’agriculture. Mais celle-ci n’a
probablement pas été consultée dans ses Syndicats.
Et c’est ici que l’on voit l’importance qu’aurait la création, réclamée
dans la proposition de M. de l’Estourbeillon, des
Chambres
d’agriculture, des Chambres de métiers et des
Commissions régionales
des Arts français, car comme l’a fort bien dit, M. Charles-Brun « la
formule la meilleure de la région future sera celle qui satisfera le
plus grand nombre d’éléments. »
Aussi espérons-nous que la décision du Ministre du Commerce n’est pas
irrévocable et qu’une consultation plus générale des intérêts normands
précédera la solution définitive dans l’organisation régionale normande.
A. MACHÉ.
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Les Activités régionalistes, le très important courrier trimestriel de M. Georges NORMANDY, paraîtront dans un prochain numéro.
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Tout en causant…
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Depuis longtemps déjà, la nuit était tombée, une nuit que la
réverbération lunaire et le scintillement des étoiles laissaient claire
et illuminée. Heure exquise, dont je savourais le charme enveloppant,
en compagnie du capitaine Percy Fergusson, dont j’étais l’hôte ce
soir-là, et d’un jeune sergent canadien, Paul Dumoustier, originaire de
Québec, et qui, parlant notre langue avec un archaïsme savoureux,
compte probablement parmi ses aïeux quelqu’un des hardis compagnons de
Champlain.
Nous étions tous trois assis sur le perron d’un chalet bâti à mi-flanc
du mont Thuringe, et dont les toits pointus, comme ceux d’une pagode
chinoise, abritèrent les derniers jours d’un savant chimiste rouennais
qui fut des familiers de Flaubert.
Dans cette « villa des chimères » comme l’avait appelée son original
propriétaire, que de fois, il y a maintenant des années de cela, je
m’étais attardé à écouter le père Houzeau, me raconter, sur la vie du «
grand Flô », mille piquantes et curieuses anecdotes qu’on ne trouvera
pas dans les doctes biographies de l’auteur de
Madame Bovary.
Et ce soir-là, par un de ces hasards imprévus qui brisent d’une
surprise la ligne monotone de notre vie, dans cette même « villa des
chimères », louée par le capitaine Fergusson, je me retrouvais causant
avec un officier de l’armée britannique et un sergent canadien.
A vrai dire, notre causerie qui, depuis le dîner, avait roulé sur
Flaubert, et sur son disciple Maupassant, dont les œuvres, comme nous
l’avait longuement exposé Paul Dumoustier, sont l’objet d’un véritable
culte dans les milieux intellectuels d’outre-Atlantique – et en
Angleterre aussi – avait ponctué le capitaine Fergusson, notre causerie
s’était arrêtée.
Nous ne parlions plus ; nous regardions. Du haut du perron, nous
voyions s’allonger devant nous le ruban argenté de la Seine, et le
double ligne des lumières des quais, feux jaunes d’entre lesquels se
détachaient, çà et là, des fanaux verts et rouges. Et sur les côtés et
au delà de ces raies lumineuses, éclairant le travail nocturne du
port dont la fin du jour n’interrompt pas l’incessant labeur,
s’estompaient la masse sombre de la ville endormie, surmontée de la
flèche altière de la cathédrale, et là-bas, tout au loin, fermant
l’horizon, la courbe de ces collines de Croisset au pied desquelles
Flaubert promena l’amertume désenchantée de son génie créateur.
Pourquoi, par quelle association d’idées inconsciente, devant ce
spectacle s’encadrant dans un décor lunaire, dans le calme et la
sérénité silencieuse de cette douce nuit, des petits vers, ingénus et
charmants, me revinrent-ils soudain à la mémoire que je me suis mis à
fredonner tout haut :
Il est un âge dans la vie
Où chaque rêve doit finir
Un âge où l’âme recueillie
A besoin de se souvenir…
Lorsque ma muse refroidie
Aura fini ses chants d’amour
J’irai revoir ma Normandie…
C’est le pays qui m’a donné le jour !
- Ah ! pardon ! s’exclama Paul Dumoustier en riant, quand votre muse
sera refroidie, ̶ ce qui, je vous le souhaite de tout mon
cœur, n’arrivera pas encore demain – vous n’irez pas revoir votre
Normandie, vous continuerez à la voir, car si je m’en rapporte à vos
propres confidences, aimable Normand que vous êtes, vous ne l’aurez
guère quittée, votre Normandie et vous seriez bien embarrassé de dire,
comme Frédéric Bérat…
- Comment, interrompis-je, vous connaissez Frédéric Bérat ?
- Parbleu, répliqua le jeune canadien, et il chantonna à son tour :
J’ai vu les champs de l’Helvétie
Et ses chalets et ses glaciers
J’ai vu le ciel de l’Italie
Et Venise, et ses gondoliers…
Je fus bien forcé de convenir qu’en effet je n’avais vu ni les
glaciers de l’Helvétie, ni les gondoliers de Venise.
- A part quelques excursions, ajoutai-je, et de courts séjours en
Bretagne, dans les Vosges, sur les rives de la Loire et dans les
montagnes d’Auvergne, ma vie pourrait être figurée dans un tryptique
dont Paris et le Havre seraient les vantaux, et Rouen le panneau
central. Je n’ai jamais visité les peuples « estranges », comme disait
le bon poète rouennais Paul Delesques. Je le regrette d’ailleurs.
- Pourquoi, fit à son tour le capitaine Percy Fergusson ? Pourquoi
aller chercher au loin des sensations fugitives et souvent décevantes
quand votre propre pays, votre « patelin » comme vous dites, a des
beautés suffisantes pour émouvoir et émerveiller votre sensibilité ? Et
c’est votre cas, à vous autres, Normands !...
Il resta un moment silencieux, puis :
- Ce que j’admire dans les Français, c’est leur attachement au sol
natal, ce sol sacré que vos poilus depuis quatre ans défendent avec un
si splendide héroïsme. C’est aussi l’affection profonde, indéracinable,
qu’a chacun de vous pour sa « petite patrie ».
- Les Anglais n’ont-ils pas, eux aussi, leur « petite patrie ? »
demandai-je.
- Oh ! que si. Et tenez, en ce moment, je songe à mon cher pays de
Galles, et à ma petite ville de Cardignan, qui baigne ses vieilles
maisons sur les bords du canal Saint-Georges. C’est là que je suis né,
c’est là que j’ai vécu jusqu’au jour où le devoir m’a fait répondre à
l’appel de mon roi et de mon pays. C’est là que m’attend mon père.
Pauvre père, le reverrai-je jamais ?
Le capitaine se tut. De nouveau, nous demeurâmes silencieux. Une
angoisse indéfinissable opprimait maintenant notre rêverie.
Tout à coup, brusquement, sur toute la ligne des quais, les lumières
s’éteignirent.
De la ville plongée dans le noir, des appels de clairon montèrent,
stridents et prolongés.
Le canon tonna.
Et sur nos têtes, dans les hautes couches de l’atmosphère, un
vrombrissement passait, lugubre, sinistre……
Henry BRIDOUX.
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Organisez-vous, car à l’heurede la paix, il ne faudra pas être pris au
dépourvu. C’est d’ailleurs votre intérêt et celui du pays.
~~~~~~~~~~
FIGURES NORMANDES
__________
Auguste Dorchain
_____
Je me souviendrai toute ma vie de la
Fête des Roses qui, sur
l’initiative du poète Emile Lesueur et de M. Tersen, fondateur et
président des
Rosati d’Artois, eut lieu en 1914, à Cambrai, cité
natale d’Auguste Dorchain. Dans le cadre fleuri du parc, devant le plus
bel horizon d’azur sombre, nous parlâmes à la foule, le président Soïl
de Moriamé, de l’Académie d’archéologie de Belgique – demeuré dans sa
bonne ville de Tournai et quoi devenu parmi le mascaret boche qui la
submergea ? – et moi, avant le poète de la
Jeunesse pensive, qui
célébra sa cité natale, la paisible gloire de Martin et de Martine et
les roses, toutes les roses, dans un des plus magnifiques discours
qu’il m’ait été donné d’entendre. Or, le soir, lorsque les musiques se
turent, lorsque les applaudissements s’éteignirent, lorsque la foule se
dispersa, l’
Echo du Nord nous apprit la tragédie de Serajevo. A vrai
dire, nous étions loin de nous douter que le mince ruisseau rouge sorti
des veines d’un déplorable archiduc autrichien, allait s’allonger en
rü, s’enfler en rivière, rouler en fleuve, déferler en océan sur le
vieux continent et sur le monde tout entier. Nous célébrions la beauté
dans la paix de nos vieilles cités tranquilles sans nous douter que de
sinistres gredins se préparaient à remplacer l’épanouissement de nos
roses rouges françaises par celui des atroces blessures faites dans la
plus pure des chairs humaines par la guerre – la guerre « fraîche et
joyeuse » aimée des hobereaux prussiens… Ce que fut notre réveil
l’univers le sait. La rapidité avec laquelle nous nous adaptâmes a
stupéfié nos ennemis eux-mêmes. Ceux qui, chez nous, ne pouvaient
combattre par l’épée se dévouèrent autrement. Auguste Dorchain plus
qu’aucun autre. Il a voulu oublier les roses de Cambrai. Il a arraché
les cordes d’argent de sa lyre pour les remplacer par des cordes
d’airain. Il s’est replongé dans les sources de notre héroïsme – et il
a écrit, lui aussi, un livre de guerre – l’un des plus beaux, l’un
des plus salutaires, l’un des plus solides parmi les rares livres qui
surnageront sur le… niagara des ouvrages de cet ordre – il vient de
publier un admirable, un passionnant
Pierre Corneille (1).
Avant toutes choses, qu’on ne me chicane pas le droit d’intituler cette
Figure Normande :
AUGUSTE DORCHAIN. Dorchain est presque aussi
normand que Pierre Corneille. Né à Cambrai en 1857, il quitta cette
ville alors qu’il était en bas-âge, grandit à Elbeuf et surtout à
Rouen, où il naquit vraiment à la vie intellectuelle et où son esprit
se forma. Il faut lire l’adorable
Avant-propos du
Pierre Corneille,
tout entier consacré à l’évocation de ces années vécues dans la paix
studieuse du
Lycée Pierre Corneille
(où il eut pour condisciples des
hommes aussi éminents et aussi modestes que l’archéologue, graveur et
peintre Léon Coutil et le poète Pierre Nebout) ce Lycée où le
Corneilliste François Bouquet, « le père Bouq », l’initia « au culte
quasi religieux de l’auteur du
Cid. » La lumière auguste de
l’immortel rouennais ne devait plus cesser de baigner l’existence et
l’œuvre du dramaturge de
Pour l’Amour. Sur la cheminée de son cabinet
de travail triomphe le « cabinet » du grand Corneille, vénérable
héritage ; sur le pupitre d’un prie Dieu s’ouvre en permanence la belle
édition de l’
Imitation de Jésus-Christ, traduite et paraphrasée en
vers français par Pierre Corneille, l’Imitation, dont l’auteur
d’
Horace a magnifiquement transmué les alinéas écrits dans une «
langue barbare mais si expressive et si suave, par un moine inconnu »
(ou plus exactement mal connu), « en périodes d’alexandrins robustes et
graves » et « en strophes ailées et ferventes », telles que celle-ci,
entre autres :
Sers pour l’amour de Dieu, mortel, sers ton prochain
Sans en avoir de honte.
Et quand tu parais pauvre, empêche que soudain
La rougeur au front ne te monte
Pour le paraître avec dédain.
A bien regarder la vie et l’œuvre de Dorchain, on découvre qu’elles
furent influencées par celles de notre immortel tragique. En expliquant
l’auteur de
Cinna et du
Menteur, Auguste Dorchain s’est expliqué
lui-même. Ecoutez-le : « … De cette œuvre si diverse, si souple dans
son développement et dont ce serait se faire une idée très fausse que
de se la figurer perpétuellement raidie dans une tension héroïque –
est-ce que nos héros sont ainsi tendus ? – je ne séparerai point la vie
du poète ; j’essaierai au contraire de l’évoquer sans cesse autour des
poèmes, en me gardant bien, pour la replacer dans son décor et à sa
date, de demander à l’imagination sympathique aucune aide qui ne se
puisse appuyer elle-même sur les renseignements les plus certains.
Ainsi, malgré les siècles, nous approcherons un peu du maître.
N’espérons pas, ou plutôt ne craignons pas, de rencontrer en lui un
surhomme – on sait que pour les inventeurs de ce mot c’est par
l’inhumanité que se définit la surhumanité – mais réjouissons-nous
d’avoir à hanter un grand homme qui fut, avec beaucoup de génie, mais
avec une simplicité non moindre, un homme, un honnête homme, un brave
homme. »
..
Un homme, un honnête homme, un brave homme, ah ! que cela
s’applique donc exactement à Auguste Dorchain pour qui connaît un peu
l’intimité de sa vie auprès d’une épouse idéale, la sincérité profonde
et la pureté de son œuvre dédaigneuse des succès faciles et des effets
trop certains, la sobriété de sa prose plus robuste qu’éclatante et de
sa poésie plus cornélienne qu’hugolienne.
L’espace m’est, hélas ! étroitement mesuré. La photographie laissera
deviner en ce que je n’ai plus la possibilité d’écrire, car je veux
signaler tout spécialement le passage du
Pierre Corneille qui, à mon
sens, replace le mieux l’auteur de
Polyeucte dans son cadre et, parmi
tant de pages de tant d’auteurs, met le mieux en valeur son œuvre,
enfin lui rend le plus complètement justice.
« … En ce temps-là, écrit Auguste Dorchain, on s’instruit quand on peut
; aussi n’est-il pas rare de trouver assis côte à côte, dans une même
classe, des jeunes gens et des hommes faits qui, plus véritablement que
le Dorante du
Menteur, reviennent des guerres d’Allemagne. C’est
pourquoi, si la discipline est sévère au-dedans du collège, si la peine
du fouet y est prévue, et si pour surprendre les fautes, les meilleurs
élèves,
décurions et
censeurs, sont particulièrement chargés de
l’espionnage et de la délation de leurs camarades – c’est la tare
abominable et honteuse de cette éducation si remarquable à tant
d’autres égards – les pères sont obligés de fermer les yeux, car il y
aurait trop à dire, sur ce qui se passe au dehors, où les collégiens ne
se font pas faute de troubler le repos nocturne des bourgeois, de
molester les passants, de causer du scandale à la foire du Pré, où
Gauthier-Garguille nous a si plaisamment célébré les
tracas, de
hanter les combats de coqs et les jeux de paume mal famés de la Cigogne
et du Château-Rouge, enfin d’assister aux exécutions capitales. Sur ce
dernier point, l’autorité rectorale dut intervenir et signifier
d’expresses défenses avec une exception, toutefois, pour les exécutions
d’hérétiques, dont le spectacle resta permis, sinon recommandé, aux
collégiens.
« On pense bien que le jeune Corneille n’était pas de ceux que
pouvaient toucher ni cette permission ni ces défenses ; mais en se
rendant de la rue de Pie à la rue du Grand-Maulévrier, il a pu malgré
lui percevoir quelque chose de l’horreur de ces supplices et il a
certainement, de sa chambre même, entendu les hurlements des suppliciés
; car c’est sur la place du Vieux-Marché que se dressait alors, sans
parler du pilori où l’on expose, l’échafaud où l’on décapite, où l’on
écartèle, où l’on roue. En 1635, l’année d’avant le
Cid, un camarade
de Corneille au collège, le bon Hercule Griset, en son poème latin des
Fastes de Rouen,
Fasti Rothomagenses, nous l’y montre construit en
pierre,
structum saxo, ainsi que les potences,
cruces, et que la
cuve de cuivre,
olla œrea, où avant que le Parlement n’adoucit un peu
la peine pour ces sortes de crimes, il a vu cuire un faux monnayeur : «
Dans mon enfance, je m’en souviens, elle rougit et bouillonna sous
l’action des flammes ; à peine avais-je vu mon quatrième automne. Le
ciel se couvrit des vapeurs noirâtres de l’huile bouillante ; on y
plongea, ligotté en boule, le corps vivant du condamné… » Si l’on ne
lisait que le noble livre de M. Guizot sur
Corneille et son temps, on
ne saurait pas au juste ce que fut ce temps encore atroce.
IL LE FAUT
POUR COMPRENDRE MIEUX DE QUELLE HAUTEUR D’HUMANITÉ UN CORNEILLE LE
DOMINE. »
C’en est assez. On a lu suffisamment pour avoir le désir de tout lire.
On a compris l’importance de l’étude, enfin complète, consacrée par
Dorchain au poète immortel qui fut notre premier et qui reste notre
meilleur professeur de noblesse
réelle et d’héroïsme raisonné.
Le
Pierre Corneille du poète de
Vers la Lumière est une œuvre
capitale, un livre de chevet. J’ose espérer qu’il sera, de plus, un
livre de propagande française.
Georges NORMANDY.
____________
(1) Garnier frères, éditeurs, 6, rue des Saints-Pères, Paris. 1 vol. de
500 pages, 3 fr. 50.
~~~~~~~~~~
L’ÉCOLE DE FÉCAMP
____
Conférence
Le 28 mai, en la salle des spectacles du collège de jeunes filles, M.
Eugène Leroux donna sous ce titre : « La dépopulation rurale et le
retour à la terre », une très solide conférence, suite et complément
attendus de la causerie : « La terre et le paysan », faite précédemment
par M. G. Demongé, le maît’ Arsène des « Gars de Normandie. »
La dépopulation rurale et le retour à la terre : ce vaste plan d’action
où nous avons glané quelques idées neuves et originales, clairement
exposées en un style sobre et précis, émaillé çà et là de poèmes dus à
l’inspiration de poètes du terroir : Brizeux, MM. Paul Harel, Georges
Normandy, G. Demongé, etc., de fragments d’articles signés par
d’éminents économistes : R. Béchaux, de l’Institut (le
Correspondant), MM. Henri Blin et Vincent-Desbois (
Normandie), fut
unanimement apprécié des auditeurs compétents.
Les chiffres officiels épars dans le texte, permirent de mesurer toute
l’ampleur du péril (la dépopulation rurale), qui, si l’on n’y remédie à
temps et avec une très grande énergie, menace de devenir un véritable
désastre national.
Les remèdes nécessaires furent présentés en grand nombre par l’orateur
qui préconisa entr’autres la création d’une « Œuvre des concerts ruraux
» ayant pour but la lutte contre le cabaret. Ce fut, en même temps
qu’une belle œuvre oratoire, un acte d’un caractère généreux et noble,
d’inspiration toute patriotique pour lequel nous ne saurions trop louer
son auteur.
A l’issue de la soirée, Mme A. Constantin, avec un charme exquis et un
rare talent, interpréta deux ravissantes mélodies de son mari, M.
Adrien Constantin, qui détailla lui-même quelques très spirituelles
chansonnettes humoristiques de sa veine, accompagné au piano par Mlle
Annette Constantin.
Les poètes dirent des vers et Maît’ Arsène, à la satisfaction générale,
joua quelques-unes de ses inimitables imitations du Paysan cauchois.
La quête, aimablement faite à l’entrée par Mme Dubosc-Duglé, produisit
la somme de 320 francs qui fut remise au Comité des orphelins de guerre.
Ce fut une soirée charmante qui aura, nous l’espérons, des « sœurs dans
l’art et dans la charité. »
Au Tombeau de Jean Lorrain
Parmi le funèbre, disparate et solennel chaos des monuments
orgueilleux, des marbres luisants, des granits simples, des humbles
pierres blanches, il est, dans le cimetière de Fécamp, une tombe, « une
vaste dalle de granit poli, posée sur une dalle beaucoup plus vaste
encore, grave comme la mort et solide comme la gloire (1) » où nul être
ne s’agenouille : c’est là, sous cette pierre que, mêlée à la clémente
terre natale, en ce coin du charmant pays si cher à son pauvre grand
cœur nostalgique, gît la cendre de celui qui fut Jean Lorrain.
C’est sur cette tombe que, le 30 juin, les membres de l’Ecole de
Fécamp, en commémoration du douzième anniversaire de sa mort, vinrent
rendre un touchant hommage au grand homme, à l’illustre écrivain, l’une
des gloires les plus curieuses et les plus originales de la Littérature
contemporaine.
Ce fut une cérémonie très intime, très simple, très belle, qui dût être
bien douce aux mânes du maître, tacitement haï et volontairement
méconnu par tels de ses compatriotes.
Sur la tombe, au-dessous des quatre vers d’une si profonde mélancolie,
où passa, un jour de spleen, la grande âme amère du jeune poète ardent,
une lourde gerbe de fleurs – de ces fleurs qu’il aima et chanta si
passionnément – fut déposée, qui se fanera demain, mais demeurera
longtemps, pauvre souvenir défloré d’un geste de pieuse vénération.
Et cet hommage rendu au maître par les « jeunes » de l’Ecole de Fécamp,
s’il ne leur avait été inspiré par un sentiment sincère d’admiration,
leur aurait paru, en ces heures tragiques, obligatoire, car ils
n’oublient pas que tous ceux des nôtres qui meurent chaque jour sur les
champs de bataille du monde, ne meurent que pour conserver intacte la
totale grandeur de la patrie que ses ouvriers du verbe, ses soldats de
la pensée, dont Jean Lorrain est un des plus remarquables parmi ceux du
XIXe siècle, ont faite ce qu’elle est : la France impérissable,
éternelle.
C. A.
___________
(1) La Légende et la Vie de Jean Lorrain. Essai biographique, par
Georges Normandy.
*
* *
Les poètes Charles Argentin, Julien Jeanne, Deschamps, Henri Maugis,
professeur au collège, le peintre Henry-E. Burel, les compositeurs Ad.
Constantin et Callet, enfin l’excellent journaliste et critique E.
Leroux, faisaient partie de la délégation qui se rendit sur la tombe de
Jean Lorrain. Les poètes G. Demongé (
Maît’ Arsène) et André Maréchal,
aux armées, s’étaient associés par lettre à cette pieuse démarche au
cours de laquelle une gerbe de fleurs fut déposée sur le granit du
mausolée par Mme E. Leroux.
A cette occasion le poète Julien Jeanne composa l’agréable sonnet que
voici :
Pour l’Anniversaire de Jean Lorrain
Sur le granit où sont marqués, en lettres d’or,
Les vers qu’il écrivit en ses heures de rêve,
Nous avons au matin, lorsque chantait la grève,
Déposé quelques fleurs, qui font dans le décor
Du sévère tombeau, songer que de Lorrain
La gloire ne fut pas à jamais éphémère
Et que, même endormi dans l’ombre et le mystère,
Son pays le regrette et pleure l’écrivain !
A celui qui fut grand en sa magique prose
Notre fervent amour d’une gerbe de roses
Sut fleurir la demeure où le coucha le sort
Et, quand le soir viendra sur le grand cimetière,
Les fleurs en se mourant, paraîtront en prière,
Et leur parfum ira jusqu’aux cendres du mort !
Julien JEANNE.
*
* *
Nous rendrons compte, dans notre prochain numéro, du pèlerinage que les
membres de l’
Ecole de Fécamp feront au tombeau du romancier Carolus
d’Harrans, le jour de la mort de cet écrivain regretté.
Ajoutons encore que l’
Ecole de Fécamp – qui se réunit dans l’intimité
chaque quinzaine, en la
Salle de l’Union, mise à sa disposition par
le
Foyer du Soldat Belge – donnera sa troisième soirée publique
le 5 août. Au programme une conférence du bon poète rouennais
PIERRE
PRÉTEUX, rédacteur en chef de
La Revue Normande, sur
Les Trouvères
Normands. Nous y reviendrons. Quand toutes nos cités françaises, si riches en personnalités
intéressantes, suivront-elles l’exemple donné par l’
Ecole de Fécamp ?
Le meilleur régionalisme est celui qui
agit.
G. C.
═════════════════
Campagnes
____
Hiop ! hue ! avec lenteur ils parcourent le champ.
Appuyé des deux poings aux mancherons, le torse
Au vent, le laboureur hâte leur marche et force
Ses bêtes, car déjà le ciel flambe au couchant.
Et le zéphir allonge un peu l’agreste chant…
Hue ! hiop ! et le soc rompt du sol la lourde écorce
Et le groupe pensif chemine et, plein de force,
Cumule les sillons qu’il aligne en marchant.
Et parmi l’automnal et triste crépuscule,
Tandis qu’à l’occident vermeil l’astre recule,
L’équipage poursuit son auguste travail,
Car, grisé par l’odeur de la terre, qu’il hume,
L’homme, sur la charrue inclinant son poitrail,
Va, sans ouïr l’appel de son chaume qui fume…
II
SOIR
Des nuages de pourpre à l’occident serein
S’éparpillent au gré d’un lent zéphir qui muse.
Le jour décroit… Un son lointain de cornemuse
Exhale dans le soir un agreste refrain.
En l’espace, un parfum léger de romarin
Plane… Un trille parfois du cœur d’un buisson, fuse !
Seul, là-bas, l’océan qui s’enlève et refuse
Déferle incessamment au rivage marin.
Voici venir la nuit !... Vers son humble chaumière,
Ivre de chants d’oiseaux, d’odeurs et de lumière,
Le laboureur chemine à travers les sillons.
Cependant que, parmi la campagne céleste
L’Harmonieux semeur disperse d’un seul geste
Tout le poudroîment d’or des constellations.
III
MOISSON
Sous un large soleil de cuivre rutilant
Qui, du zénith en feu choît d’aplomb sur les plaines,
Les moissonneurs, humant la flamme, hors d’haleines,
Impriment à leurs faulx un rythme étincelant.
Partout, les blés rompus jonchent le sol brûlant,
Et sur les chariots où l’on rit à voix pleines,
Les épis mûrs, ployant sous la lourdeur des graines
S’écroulent, enlevés d’un sûr et brusque élan.
Tout à coup, des clameurs ! La campagne est en branle.
Un fouet claque, un char crie et pesamment s’ébranle
Sous le quadruple effort de ses lourds percherons ;
Et, vers l’agreste toit de chaume de la ferme,
Parmi les tourbillons du chanvre et les jurons
Le rustique attelage avance d’un pas ferme…
IV
RETOUR DES CHAMPS
Roulant à l’horizon sans bornes, le soleil
Qui, sans trêve, poursuit sa gigantesque ronde,
Parmi des flamboiements de pourpre et d’or, en l’onde
Enfonce avec lenteur son grand orbe vermeil.
Le ciel crépusculaire, à quelque nef pareil
Allume ses flambeaux qui brillent à la ronde,
Et la lune s’accuse, énorme lampe ronde,
Qui doit du temple obscur éclairer le sommeil.
Voici l’heure sereine où, par les hautes herbes
Quittant les champs, en chœur, les glaneuses superbes
Vont, sous le chaume heureux, savourer le repos.
Et les rires joyeux qui tintent sur leurs lèvres
Se mêlent, dans le soir, au bêlement des chèvres
Que rentrent les bergers au sein de leurs troupeaux.
Charles A
RGENTIN
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Un Honnête Homme
UN ACTE EN PROSE
(Suite)
___________
GERMAIN.
Bon. Mais, tout de même, il y a, dans la façon dont tu me parles, dans
le ton que tu as… une espèce de… désapprobation. On dirait que tu…
RAYMOND.
Eh ! bien oui, puisque, pour une fois, tu es si perspicace… Oui, je te
reproche quelque chose. Certes, tu as été ferme, mais tu n’as eu, à
aucun moment, la belle violence que j’attendais, celle qui aurait fait
cesser immédiatement les injures…
GERMAIN.
C’est ça !... Tu aurais voulu que je crie, que je m’emballe comme un
écervelé… Ah ! parbleu !... je t’entends, toi, si tu avais été à ma
place… Tu en aurais dit des grands mots, tu en aurais fait des gestes
!.... et à quoi cela t’aurait-il avancé ?... Après tout, c’est mon père…
RAYMOND.
Et à quoi ta… correction t’a-t-elle avancé, toi ?
GERMAIN. (
Embarrassé.)
Oui…, oui..., tu profites d’une circonstance… particulière. Enfin, oui
ou non, ai-je accompli mon devoir, ai-je rempli mes engagements ?
RAYMOND. (
Haussant les épaules.)
Tes « engagements » !... Mais oui, c’est entendu, archientendu, tu les
as remplis… Commerçant va !... (
Répétant.) Tes « engagements » !....
GERMAIN. (
Appuyant toujours.)
Ai-je fait mon devoir ? Ai-je été fidèle à ma qualité d’honnête homme ?
RAYMOND.
Oui, oui, oui et oui. C’est entendu, compris, définitif !... Il est
entendu aussi que tu ne comprendras pas ce que je veux te dire ?...
Précisons alors : Dans une circonstance pareille, alors que ta… plus
chère affection était en jeu, tu aurais dû avoir, il me semble, un coup
de cœur, un élan, un geste… quelque chose, enfin, de spontané,
d’instinctif, de…
MARIE. (
Entrant : elle apporte une lettre sur un plateau.)
C’est une lettre qu’un petit chasseur vient d’apporter pour Monsieur.
Il n’y a pas de réponse mais il a dit que c’était très pressé.
GERMAIN.
Donnez. (
Lisant sur l’enveloppe). « Monsieur Druard fils »
(
Stupéfait). Mais c’est l’écriture de mon père !
MARGUERITE.
L’écriture de… ?
GERMAIN. (
Ayant ouvert l’enveloppe et lisant.)
« Monsieur Eusèbe Druard attend au
Café de la Terrasse, son associé,
Monsieur Germain Druard, afin de régler rapidement l’affaire pour
laquelle il était venu le trouver… commande de fils et câbles pour les
Postes et Télégraphes. Prière de venir de suite. Druard. » C’est bien
ça lui !... Ah ! cette fois, c’est bien fini entre nous… !
RAYMOND.
Ça ne manque pas de saveur. En voilà un procédé !
GERMAIN.
Cela me navre, car je vois bien que, cette fois, la réconciliation ne
sera plus possible. C’est mon père pourtant…
MARGUERITE. (
Plaintive.)
Germain…
GERMAIN. (
Décidé.)
Enfin ! c’est ainsi. C’est bien.
RAYMOND.
Et… tu vas y aller ?
GERMAIN.
Bien entendu. J’y vais : les affaires !... Il y en a pour une heure à
peu près… Il ne faut pas que je le fasse trop attendre, d’autant plus
que le
Café de la Terrasse est à trois cents mètres d’ici…, au bout
de la rue… (
Appelant). Marie ! mon chapeau, ma canne !... (
A
Raymond). Je compte te retrouver ici tout à l’heure, hein ?
RAYMOND.
Mais…
GERMAIN.
J’en ai à peine pour une heure, je te le répète… Tu tiendras compagnie
à Marguerite… qui me paraît en avoir bien besoin en ce moment.
(
S’approchant d’elle)… Voyons, du ressort que diable !... Tu ne vas
pas te chagriner comme ça !... Nom d’un chien ! réagis…, maîtrise-toi…,
montre que tu es un homme !... (
Se reprenant vivement)… non… une…
c’est-à-dire…
RAYMOND.
Ah ! elle est bien bonne !
MARGUERITE. (
Riant, navrée.)
Oui, Germain… Ça ne sera rien… Je te montrerai, je pense, que je suis…
(
Sourire très pâle)… un homme…
GERMAIN.
La langue m’a fourché !... Tu le sais bien : je ne suis pas un beau
parleur moi… mais…
MARIE.
Voilà le chapeau de Monsieur.
GERMAIN.
Enfin, à tout à l’heure… (
Il serre la main de Marguerite comme il
serre celle de Raymond.) A tout à l’heure aussi, Favier. Ça va être
vite réglé.
MARGUERITE.
A tout à l’heure.
RAYMOND. (
Presque en même temps que Marguerite.)
C’est entendu.
(
Germain sort.)
(
A suivre.)
Georges NORMANDY.
________________
ÉCHOS ET NOUVELLES
__________
On a procédé à Beauvais, par ordre du Ministre des Beaux-Arts, à
l’enlèvement des vitraux de la cathédrale et des vitraux de l’église
Saint-Etienne. C’est une excellente précaution, car il faut si peu de
chose pour « souffler » dans le néant ces incomparables œuvres des
grandes époques de l’Art Français. Les Allemands ont assez détruit
ainsi, et s’ils essaient encore de détruire, il faut au moins limiter
les méfaits de ces remarquables vandales. En ce qui concerne Beauvais,
si proche de notre Normandie, aura-t-on mis à l’abri cette fameuse
sainte crucifiée, nommée Wilgeforte, ou encore Sainte Débarras ? Cette
sainte, raconte-t-on, voulant repousser ses prétendants, supplia Dieu
de l’enlaidir, grâce qu’elle obtint, puisque une magnifique barbe orna
ses joues. Son père, furieux, la fit crucifier. Et depuis, elle est
invoquée par celles qui désirent se débarrasser de leur mari. Dans son
savoureux volume,
De Tout, Huysmans lui consacre un curieux article,
où il mentionne que cette sainte est révérée également à
Wattetot-sur-Mer, village qui possède deux statues de Sainte
Wilgeforte. En ce village, la fête de Sainte-Débarras est célébrée le
20 juillet. La même sainte est implorée à Wittefleur, pour l’anémie et
les maux d’estomac. A Wittefleur, on la nomme aussi
Vierge forte, corruption de Wilgeforte. Efin, à Fauville, il existe d’elle une
statue du XVIIIe siècle. Elle est encore adulée dans le Pas-de-Calais,
à Wissant ; dans les Hautes-Pyrénées, à Mazères (sous le nom de Sainte
Libérate), où ses reliques se trouveraient et aussi en Suisse
allemande. C’est, en vérité, une sainte utile qu’il importe vraiment de
mettre à l’abri. Et puis l’art a ses droits ! Tant pis pour les dames
qui, dans l’intervalle, auraient à se débarrasser d’un mari « adoré ».
*
* *
Le 26 mai 1918, Edouard Dujardin (qui est de chez nous), l’auteur de
L’initiation au Péché et à l’Amour,
Les Lauriers sont coupés, faisait
au théâtre du Vieux-Colombier une intéressante causerie sur ce sujet
assez complexe :
De Stéphane Mallarmé au Prophète Ezéchiel. Cette
conférence eut lieu sous l’égide de la
Ghilde des Forgerons. Le poète
fut applaudi, et ses œuvres. Nous avons écouté des choses fort
savoureuses sur la vie littéraire au temps des Symbolistes, temps
héroïques. Toutefois, au sujet de J.-K. Huysmans, peut-être Edouard
Dujardin exagérait-il ? Il conte qu’un jour il emmena Mallarmé et
Huysmans à une matinée de musique où l’on jouait l’ouverture de
T
annhauser. A la suite de quoi Huysmans écrivit la prose de
l’ouverture de
Tannhauser, non d’après le morceau entendu de l’œuvre
de Wagner, mais simplement d’après le compte rendu du programme. Nous
avons repris notre exemplaire des
Croquis Parisiens et relu. Nous
croyons cela difficilement. Nous croirons plus facilement par exemple
que l’auteur d’
En Route n’ait pas souvent remis les pieds dans des
réunions de musique : son caractère était plutôt indépendant, mais il
faut avouer aussi que sa perspicacité en
musurgie n’était pas grande.
Ceci dit, pour montrer qu’Edouard Dujardin nous intéressa vivement,
notons que cette causerie fut ornée de la présence de Mme Jane Hugard,
artiste du talent le plus grand qui mima
A quelqu’un du Paradis, chanta des
Chansons couleur du temps (de Dujardin), récita des
passages de la Bible (traduits par E. Dujardin) et dansa (avec Mlles
Dargyl, Roselly, Sackhy et Simoni, de l’Opéra), les
Danses de la Fille
de Jephté et de la Mort, et
Arabesques (musique de Debussy.)
Aperçu dans l’assistance, Ch.-Th. Féret, toujours jeune et vibrant,
Fernand Fleuret, Marcel Lebarbier, directeur des
Pionniers de
Normandie, Louis de Gonzague-Frick, Wullens, des
Humbles,
le maître
Han Ryner, etc.
Gabriel-Ursin LANGÉ.
________________
NOUVELLES VOIES DE COMMUNICATION EN NORMANDIE
Dans nos derniers numéros, nous signalions l’activité déployée en vue
d’arriver à une solution des divers projets concernant les voies de
communication en Normandie :
Canal Paris-Dieppe et projet de
Tunnel
sous la Seine pour doubler les communications entre Paris et Le Havre.
Dernièrement, MM. Louis Brindeau, sénateur, Jules Siegfried et Georges
Ancel, députés du Havre, ont été reçus par M. Claveille, ministre des
Travaux publics et l’ont entretenu de la question des voies ferrées en
projet.
Afin d’arriver à une prompte amélioration des communications de la
région havraise avec Paris, la vallée de la Seine et le sud-ouest, ils
ont demandé au Ministre de faire reprendre l’examen de la traversée du
fleuve par ferry-boats.
Les honorables représentants du Havre ont rappelé au ministre les
projets précédemment présentés et lui ont signalé les perfectionnements
apportés depuis cette époque à ce mode de transbordement, et les
heureux résultats obtenus ainsi à l’étranger, dans des conditions
d’exploitation souvent plus difficiles qu’en Basse-Seine. Cette
solution pourrait permettre d’attendre, sans laisser plus longtemps en
souffrance des intérêts considérables, l’époque où la construction d’un
tunnel deviendrait possible. La nouvelle étude serait communiquée à la
Commission de la Chambre des députés saisie du dernier projet présenté
par le Gouvernement et, en même temps aux corps délibérants de la ville
et du département.
Ils ont fait remarquer à M. Claveille qu’une voie ferrée se dirigeant
du Havre vers la rive gauche de la Seine doit nécessairement emprunter
la rive droite sur un certain parcours : l’établissement de cette voie
s’associerait donc très heureusement à la construction sur la rive
droite, vers Caudebec et Rouen, de la ligne dont le développement
industriel des bords de la Seine démontre dès à présent la nécessité.
Tandis que cette ligne continuerait vers Caudebec et les au-delà, un
embranchement s’infléchirait au sud jusqu’au rivage du fleuve, d’où il
serait relié par ferry-boats aux lignes du département de l’Eure. Un
raccordement avec la ligne de Bréauté-Beuzeville à Lillebonne viendrait
s’ajouter à cette combinaison.
Enfin, nos représentants ont ajouté qu’étant donné le caractère de ces
voies, leur prompte exécution serait justifiée par des considérations
pouvant permettre d’abréger les formalités administratives et
d’utiliser une main-d’œuvre spéciale actuellement employée à
l’établissement de voies d’extrême urgence intéressant la défense
nationale.
M. le Ministre des Travaux publics a promis de faire mettre
immédiatement ces questions à l’étude par les services compétents.
De leur côté, les représentants des intérêts économiques de la région
rouennaise n’ont pas manqué de s’intéresser à cette question et après
une étude approfondie, ils ont donné leur adhésion au projet de la
ligne du Havre à Pont-Audemer avec traversée de la Seine par un
ferry-boat, en attendant que puisse être étudiée suffisamment, et
exécutée si possible, la traversée en tunnel.
Quant à la deuxième ligne du Havre à Rouen, elle passerait, pour
desservir les vastes terrains industriels de la rive droite de la
vallée de la Seine par Port-Jérôme, Caudebec, Duclair,
Saint-Martin-de-Boscherville. Là, elle pénètrerait en tunnel sous le
promontoire de Canteleu, déboucherait dans la vallée de Déville et
traverserait le massif de Rouen également sous un tunnel indépendant de
celui de la rue Verte. A cette ligne seraient raccordées les voies des
quais de la rive droite et celles des prairies Saint-Gervais. On
éviterait ainsi le passage des trains sur les quais de Rouen, qui
entraîne tant de gêne pour la libre circulation dans cette partie de la
capitale normande.
A la sortie de Rouen, vers Saint-Hilaire, la ligne suivrait la rive
droite de la Seine et passerait par Saint-Adrien et Port-Saint-Ouen
pour entrer ensuite en un tunnel qui déboucherait vers Pont-de-l’Arche.
C’est là que cette ligne, qui devrait être ultérieurement prolongée
jusqu’à Paris, se raccorderait avec la ligne existante Rouen-Paris.
Cette solution à laquelle Le Havre, Rouen et Paris trouveraient
d’immenses avantages, devrait être rapidement étudiée et sa mise à
exécution immédiatement envisagée.
LA SOLIDARITE LATINE
Notre collaborateur, M. Georges Normandy, dont l’action
franco-brésilienne est bien connue, vient d’être élu membre
correspondant au
Cercle des Beaux-Arts (Circulo de Bellas Artes) de
Pernambuco (l’Athènes du Brésil), présidé par S. E. Olyntho Victor,
directeur de l’Instruction publique de l’Etat, et administré par MM.
Rodolpho Lima, Eustorgio Wanderley, Bibiano Silva et Mamede da Costa.
PRIX ACADÉMIQUES
Dans sa séance du 19 juin, l’Académie Française a décidé d’accorder une
part de 500 fr. sur le prix Archon-Despérouses, à M. Eléonor Daubrée,
instituteur à Lessay (Manche), pour son ouvrage :
A tous nos morts sublimes. Nous applaudissons de tout cœur à cette récompense décernée
à notre aimable compatriote.
Sur le prix Lefebvre-Deumier, dans sa séance du 27 juin, l’Académie
française a accordé également une part de 500 francs, à un autre poète
normand, Auguste Bunoust, dont la figure a été tracée ici même par
notre collaborateur Gaston Le Révérend. C’est son ouvrage,
Les Nonnes
au jardin, que le délicat écrivain, surnommé M. l’abbé Bunoust, par
Campion, a vu ainsi couronner. Tous les lettrés de chez nous
applaudiront à cette juste récompense.
A l’occasion du centenaire de Gounod, le célèbre auteur de
Faust, né
à Paris, le 17 juin 1818, notre excellent confrère, Gaston Dubosc,
rappelle, dans le
Journal de Rouen, les origines normandes du célèbre
musicien. Par sa mère, Victoire Lemachois, née à Rouen, le 4 juin 1780, dit-il,
Gounod appartenait à une des familles rouennaises les plus honorables.
Son grand-père, Georges-Alexandre Lemachois, avocat au Parlement de
Normandie depuis 1776, occupait une haute situation et habitait un
hôtel place Saint-Ouen. Sa grand’mère, née Heuzey, femme de haute
valeur, poète, musicienne, harpiste, était reçue dans les familles
d’Houdetot, de Mortemart, d’Herbouville. Dans son enfance, Gounod vint
souvent à Rouen et à Sahurs dans sa famille maternelle. Il y revint,
lors de la première de
Faust, le 12 avril 1860, et lors de
l’exécution de
Mors et Vita, dans la cathédrale, le 15 décembre 1887.
Nous apprenons que le sculpteur Delteil vient d’exécuter sur l’ordre de
notre éminent compatriote, Mgr Le Nordez, ancien évêque de Dijon, un
fort beau médaillon de Vicq d’Azir, le célèbre médecin de
Marie-Antoinette, dont l’ancien évêque de Dijon s’occupe de retracer la
vie, et sur lequel il doit, paraît-il, donner prochainement une
conférence à Valognes et à Cherbourg.
Mgr Le Nordez qui, depuis quelques années, s’était complètement retiré
à Huberville, semble vouloir rompre le silence qu’il s’était imposé
depuis sa retraite. Au mois de février dernier, à Valognes, il a fait
une conférence sur la guerre qui a eu un grand retentissement et
dernièrement il a officié pontificalement à l’antique fête
Saint-Jouvin, de Brix.
Tous les régionalistes se réjouiront de voir cet érudit et avisé
normand, reprendre une place qu’on l’avait vu abandonner avec peine.
UNE HÉRÉSIE RÉGIONALISTE
Le département de la Manche, peuplé, il nous semble, de
bonne race
normande et sur le sol duquel nos pères ont construit ces magnifiques
églises aussi normandes de style que celles de Caen et de Rouen, est
rattaché au Comité des Arts appliqués de Rennes en Bretagne. Or, il
existe autant de différence entre l’art normand et l’art breton
qu’il peut s’en trouver entre la cathédrale de Coutances et celle de
Rennes et ce n’est pas peu dire. Et le Conseil général a eu, sans
formuler la moindre observation, la
bonté de voter une subvention à ce comité des Arts si bien appliqués !!!
POUR LE CAFÉ
Dernièrement, a eu lieu à la Bourse du Havre une réunion à laquelle ont
pris part cent trente négociants ou courtiers du Havre et des grandes
villes françaises dans le but de constituer une
Association Nationale
du commerce des cafés. Cette association qui a élu comme président M.
Ancel, député, a l’intention de lutter contre tous les projets tendant
à l’établissement du monopole. Elle se propose de faire appel à tous
ceux qui s’intéressent au commerce des cafés, même aux plus petits
épiciers de la France entière.
ECOLE MANUFACTURIÈRE D’ELBEUF
Depuis le 1er juin, fonctionne à l’école manufacturière d’Elbeuf, une
section de chimie-teinture. Cette création s’imposait, car depuis la guerre, les industries
chimiques ont pris une telle extension qu’il était nécessaire de former
des chimistes pouvant être utilisés directement dans un laboratoire,
pour faire, soit des analyses de produits industriels, soit des essais
de teinture, soit des recherches intéressant l’industrie textile. Les
élèves peuvent aussi, à leur sortie de l’Ecole manufacturière, entrer
dans une école supérieure de chimie (Rouen, par exemple), et obtenir le
diplôme d’ingénieur-chimiste. Les personnes que cette question intéresserait peuvent s’adresser au
Directeur de l’école, 34, rue de Caudebec.
DANS L’INDUSTRIE DU PEIGNE
Un
Centre de rééducation dans l’industrie du peigne vient d’être créé
dans la vallée de l’Eure. C’est sous les auspices de la section de
l’Union nationale des mutilés et réformés d’Ivry-la-Bataille, qu’a lieu
cette installation dont les premières bases ont été posées dans une
réunion préparatoire qui a eu lieu à Ezy le 23 juin, sous la présidence
de M. Abel Lefèvre, député de l’Eure. Les blessés qui s’orienteraient dans cette profession y trouveraient un
travail rémunérateur et les industriels un heureux complément à la
main-d’œuvre.
VISITE MINISTÉRIELLE A CAEN
Le 23 juin, M. Loucheur, ministre de l’armement, s’est rendu à Caen
afin de se rendre compte des progrès accomplis dans l’organisation
industrielle de la région. Il a visite dans tous leurs détails, les hauts fourneaux et les
chantiers navals. A la Société normande de métallurgie, dont le second
haut fourneau fonctionne depuis trois mois, il a pu constater qu’on
était arrivé à doubler la production journalière de fonte ; et qu’un
second four Martin allumé dans les premiers jours de juin livrait dès à
présent de l’acier. La Société des Chantiers navals a acquis tous les terrains disponibles
sur le territoire de Blainville, afin d’y établir un immense bassin ;
les travaux de creusement sont commencés et se poursuivent rapidement.
CHAMBRE DE COMMERCE DE CAEN
Cette chambre de Commerce vient de s’installer à l’hôtel Nicolas Le
Valois d’Escoville. C’est un des plus beaux monuments historiques de la
ville, qui date de 1538. La Chambre de commerce de Caen a été autorisée à contracter un emprunt
de cinq millions pour les travaux du canal de Caen à la mer, dont la
dépense est évaluée à 10.000.000. La part contributive de l’Etat est de
4.250.000 fr.
MINES DE LARCHAMP
Cette société au capital de trois millions, a décidé de porter son
capital à quatre millions de francs par l’émission au pair de 2.000
actions de 500 francs.
CANAL DE TANCARVILLE
Les travaux d’agrandissement du canal de Tancarville sur 2.600 mètres
de longueur entre les ponts n° 5 et 8 se poursuivent régulièrement.
125.000 mètres cubes sur 190.000 sont déjà dragués, et on active la
construction de deux grues flottantes de huit tonnes.
NOUVEAUX REMORQUEURS
Le ministère des Travaux publics avait commandé une série de douze
remorqueurs d’un nouveau type, mus par une machine à vapeur d’une force
de 500 chevaux ; l’un de ces navires a déjà été lancé ; ils sont
destinés au remorquage en Seine de façon à alléger le trafic des voies
ferrées.
LES ROSATI DU CALAISIS
Le Glaneur, l’organe de cette Société littéraire et artistique,
annonce le grand concours national de poésie, de prose et d’art, de la
« Rose du Calaisis » pour 1918. Ce concours d’œuvres inédites est doté
d’un grand nombre de prix. Les compositions devront être adressées à M. le Président des Rosati du
Calaisis, 45
bis, boulevard Jacquard, à Calais,
avant le premier
novembre 1918, dernier délai. L’enveloppe portera au coin gauche la
mention : «
Concours 1918 ». Pour tous renseignements complémentaires, s’adresser au
secrétaire-général des Rosati, 45
bis, boulevard Jacquard, Calais.
PUBLICATIONS NORMANDES
La Revue Normande, organe mensuel du Foyer artistique et littéraire,
place de la Haute-Vieille-tour, Rouen (abonnement, 10 fr. par an.)
La Mouette, revue normande de renaissance littéraire, 20, rue du
Perrey, Le Havre. (Abonnement, 6 fr. par an.)
La Normandie pharmaceutique, 38, rue Armand-Carrel, à Rouen.
(Abonnement, 5 fr. par an.)
La revue
La Race, prépare un numéro spécial pour le 14 juillet. Voir
la nouvelle couverture le nouveau format, un sommaire impeccable, et de
nombreuses primes, cartes de cinéma, etc., remboursant avantageusement
le prix du numéro. En vente partout au prix de un franc. Envoi à
domicile contre 1 fr. 10. Retenez dès à présent ce numéro exceptionnel,
vu la crise du papier, le tirage devant être limité.
PETIT ANNUAIRE DES ECRIVAINS
Sous ce titre
La Revue Littéraire et Artistique vient de publier un
livre contenant plus de 6.000 noms et adresses d’écrivains,
journalistes, critiques littéraires, etc… Nous ne saurions trop engager
nos amis à se le procurer, parce qu’il sera pour tous d’une très grande
utilité. Adresser les commandes à l’Administrateur de la Revue Littéraire ; à
Pamiers (Ariège), ou au dépôt général : Maison Française d’Art et
d’Edition, 16, rue de l’Odéon à Paris. – Prix : 3 francs.
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Le Gérant : MIOLLAIS.
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IMPRIMERIE HERPIN, Alençon. Vve A. LAVERDURE, Successeur.