J
EUNES
époux, gardez la foi jurée ;
Pour être heureux, il faut être
constant ;
La volupté d'un tendre sentiment
Par
l’infidèle est en vain désirée.
N'écoutez point le frivole
langage
Des vains amis de la
légèreté ;
Souvent au sein de leur fausse gaîté,
Le
repentir punit leur coeur volage.
Suivez plutôt l'exemple doux
et sage
De ces oiseaux consacres aux amours ;
Toujours
unis, ils se plaisent toujours ;
Et chaque jour ils s'aiment
davantage.
Sur cet avis croyez-en l'amour même,
Depuis
long-temps ce Dieu me l'a dicte ;
Ainsi que moi, perdant la
liberté,
Il est fixé près de celle que j'aime.
L'HOMME CONTENT.
Air de la Pipe de tabac.
L
A
vie est plaisante et bizarre
Par son étrange mouvement ;
Le
gueux trouve son sort barbare,
Le riche n'est jamais content.
Moi
qui vis suivant l'ordonnance,
Et que nul objet ne retient,
Soutenu
par la providence,
Je saisis le temps comme il vient.
J'ai
vu dans le cours de ma vie
Plus d'une révolution,
A
présent je suis sans envie
Et je n'ai point d'ambition.
Je
ne cherche point l’abondance.
Seigneur, donnez-moi le vrai
bien,
Eloignez de moi l'indigence,
Pour prendre le
temps comme il vient.
CANTATE.
Air : Jeunes amans, cueillez des
fleurs.
H
EROS
francois peuple brillant !
Né pour l'honneur et pour la gloire,
Ecoute
encor le noble chant
Qui te guidoit à la victoire.
Rappelle-toi
ce, doux refrain,
Signal d‘amour et de vaillance
Pour
les Roland, les Duguesclin :
Vive le Roi ! vive la France !
Il
animoit le preux Bayard,
Alors qu’arme pour leur défense
Aux
lys il faisoit un rempart
De sa valeur et de sa lance ;
Du
preux sans reproche et sans peur
Conserve aussi la souvenance,
Du
vœu qui fut cher à son cœur :
Vive le Roi ! vive la France !
A
Taillebourg, l'honneur des Rois,
St-Louis seul dans la mêlée,
Par
son courage et ses exploits,
D'Albion repoussoit l'armée.
Le
soldat vole sur ses pas
Imite sa noble vaillance,
S’écrie
en bravant le trépas :
Vive le Roi ! vive la France !
Quand
Lahire, le beau Dunois
Aidés d'une fière Amazone,
De
Charle assuroient autrefois
Les hauts destins, les droits au
trône ;
Des ennemis quand ces guerriers
Trompoient la
superbe espérance,
Ils portoient sur leurs boucliers :
Vive
le Roi ! vive-la France !
Ainsi quand le jeune Nemours,
Emule
du Dieu des batailles,
A peine au printemps de ses jours
Trouva
d'illustres funérailles,
A Ravenne, expirant vainqueur,
Objet
de gloire et de souffrance,
Il crioit, bravant la douleur :
Vive
le Roi ! vive la France.
Ainsi quand aux plaines d'Yvry,
Marchant
sur sa trace éclatante,
Les compagnons du bon Henry
Rendoient
sa cause triomphante,
Heureux de s'immoler pour lui,
Sa
gloire était leur récompense,
Et l'on chantoit comme
aujourd'hui :
Vive le Roi ! vive la France !
TOUT EN PETIT.
Air : Mon père étoit pot.
Pour
t'instruire, portant aux cieux
Ta petite nacelle,
Où
va, petit ambitieux,
Ta petite cervelle ?
Gagne à
petit bruit
Ton petit réduit,
Petit être superbe ;
De
tout en petit,
Un ciron t’instruit,
Sur un petit brin
d‘herbe.
Petite pluie abat grand vent,
Dit un petit
proverbe.
Un petit grain produit souvent,
Une très
forte gerbe.
En analysant,
En décomposant
Ce
colosse effroyable,
C‘est de toutes pars,
En morceaux
épars,
Un petit grain de sable.
Dans un petit coin,
je voudrois
Un petit hermitage,
Où je pourrois jouir
en paix,
De mon petit ménage,
Un petit berceau,
Un
petit ruisseau
Faisant petit murmure,
Un petit bateau
Un
petit côteau
Couronné de verdure,
Prenant petits
Poissons au bout
D’une petite ligne,
Je voudrois
posséder surtout
Une petite vigne.
Dans
mon petit bien,
Même un petit chien
Combleroit mon
envie ;
Un petit enfant,
Et par conséquent
Une
petite amie.
Un petit souper sans façon
Est un bien
délectable.
Je veux en petite maison
Une petite table
;
Dans tous mes repas
Force petits plats ,
Puis
d'un vin de Tonnerre
Boire un petit coup,
Ou boire
beaucoup,
Mais dans un petit verre.
CHIMENE ET LE CID
ROMANCE ESPAGNOLE
Air : Faut attendre avec patience.
L
E Cid, après son hymenée,
Pour les combats veut repartir ;
Sa Chimène en est consternée,
Mais n'ose pas le retenir.
Elle garde un profond silence,
Fixe sur lui des yeux en pleurs,
Et tout à coup sa voix commence
Ce chant d'amour et de douleurs :
« Ah ! qu'une chaîne glorieuse
Nous prépare de cruel maux !
La villageoise est plus heureuse,
Son époux n'est point un héros ;
Si, pour aller au labourage,
Cet époux la quitte au matin,
Au moins le soir, après l'ouvrage,
Il revient dormir sur son sein.
« Paisiblement elle sommeille
Sans voir en songe des combats ;
Si quelque chose la réveille,
C'est l'enfant qu'elle a dans ses bras.
Elle lui donne sa mammelle,
Le baise et l'endort doucement ;
L'univers se borne pour elle
A son époux, à son enfant.
« Chaque Dimanche elle s'habille
Et prend ses beaux ajustemens ;
Douce gaîté dans ses yeux brille,
Et lui donne l'air de quinze ans.
Vers l'église s'achemine,
Pressant son fils contre son coeur ;
Elle rencontre sa voisine,
Elle lui parle de son bonheur. »
Sur le pommeau de son épée
Le Cid appuyé tristement,
De ces accents l'ame frappée,
Répond à Chimène en pleurant :
« Va, rassure-toi, ma Chimène,
Nos deux coeurs ont même désir ;
Peu d'instans finiront ta peine,
Je vais voir, vaincre et revenir. »