GAUBERT,
Charles : Un
nouvel appareil chantant (1912). Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (10.III.2007) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 31 bis GF) du numéro de mai1912 de La Revue illustrée du Calvados, publiée à Lisieux par l'Imprimerie Morière. Chez nos savants Un
nouvel appareil chantant
par Charles Gaubert
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Depuis la stupéfiante découverte
d’Edison qui réussit à reconstituer les sons et la parole, grâce aux
vibrations d’une membrane, il semble bien que les seuls travaux
concourant au même but aient été ceux qui tendaient à faire produire
les vibrations sonores par l’air comprimé, distribué par une soupape
oscillante et passant par un larynx artificiel. M. Buffet, un distingué
professeur doublé d’un artiste, s’est passionné pour ces recherches et
a obtenu dans une autre voie des résultats forts intéressants qui ont
été communiqués au récent Congrès des Sociétés Savantes. Nous devons à
l’obligeance d’un de nos collaborateurs, collègue du savant et qui a
suivi de très près ses travaux, l’article qu’on va lire. Le Congrès des Sociétés savantes s'est tenu à Paris, du 9 au 13 avril dernier à la Sorbonne. Ce Congrès empruntait cette année une importance particulière à ce fait que c'était le cinquantenaire de sa fondation qu'il célébrait. Ses assises furent solennelles et ses travaux des plus brillants. C'est avec un grand plaisir que nous avons relevé parmi les noms des savants qui avaient été les plus remarqués au Congrès, celui d'un de nos compatriotes, M. Henri Buffet, de Condé-sur-Noireau. C'est dans la section des Sciences (sous-section de physique) que présidait M. Angot, l'éminent directeur du Bureau central météorologique, que M. Henri Buffet a fait sa communication et ses expériences dans l'après-midi du Mercredi 10 avril. M. Buffet, professeur, expose des recherches sur l'emploi des vibrations moléculaires pour la reproduction de la musique et de la parole articulée. L'auteur cite les travaux de Moncel, Coulon et Mercadier sur les vibrations moléculaires au sujet de la transmission et de la réception des sons dans le téléphone. Il applique ces théories des vibrations moléculaires à la reproduction phonographique. Partant de ce principe que tout corps solide peut vibrer, il préconise l'emploi de blocs coniques en bronze, placés sur la pointe, dans le sillon d'un phonogramme. Ces blocs coniques reproduisent nettement la parole. L’emploi d'un microphone en charbon et d’une caisse sonore donnent d'excellents résultats pour augmenter la puissance de ces blocs coniques, ainsi que la qualité des timbres. M. Buffet présente un appareil construit sur ses principes. On entend successivement un morceau de chant et un fragment de sonate de Beethoven pour violon et piano reproduits avec toutes les inflexions de timbre et une grande netteté. M. Henri Buffet qui vient de se révéler ainsi par le monde savant au grand public est un chercheur et un modeste ; c'est un esprit toujours en éveil, fort curieux et très artiste. Rappellerons nous que M. Buffet, musicien de talent, est l'auteur des Violetti, le si vibrant hymne des chansonniers picards et normands ; d'un Salut au Soleil, grand choeur avec orchestre ; d'une valse symphonique en style fugué, etc. ! Mais le musicien qu'est Henri Buffet se devait à lui-même d'innover dans les moyens de reproduction du timbre humain et de l'orchestre, et maintenant que je viens d'entendre son psalmodian, je me demande si cet appareil est l'ouvrage d'un artiste ou celui d'un scientifique, tant s'harmonisent dans le plus heureux accord d'expression sentie et vibrante, la certitude rigoureuse d'un phénomène physique, en même temps que l'imprécision toute tenue et gracile d'un sentiment qui palpite, d'un art qui éclate, d'une âme qui va vers d'autres âmes. Qu'est-ce que le Psalmodian ? Cela m'est si difficile à dire que j'aime mieux dire ce qu'il n'est pas : le psalmodian (de deux mots grecs, qui signifient : la voix qui vibre) le psalmodian n'est pas un phonographe. L'inventeur établit le principe de son appareil sur une conception toute différente de celle qui était la base de tous les reproducteurs phonographiques jusqu'à ces derniers temps. En effet tous les phonographes actuels empruntent leur loi d'origine à la théorie d'Edison, lequel reproduit les sons à l'aide des vibrations mécaniques d'un diaphragme. Buffet au contraire tirant parti des travaux antérieurs de physiciens et savants français reproduit la parole par des vibrations moléculaires et celles-ci rendent naturellement la voix sans nasillement, avec une grande chaleur d'expression et de timbre, aussi bien que l'orchestre avec tout son merveilleux coloris depuis le retentissement des timbales jusqu'aux cris aigus de la petite flûte, et je crois que c'est ce caractère de nouveauté qui explique le grand mouvement de curiosité soulevé par la découverte de Buffet. CH.
GAUBERT. |