Les merveilleux élancements des colonnes et des archivoltes que le
Moyen-Age et la Renaissance ont prodigué dans la construction de leurs
églises, le souci que gardaient les architectes religieux de ne pas
s’écarter des principes rituels, sont cause que jusqu’à nos jours on
s’est défié des décorations murales qui mettaient en œuvre, la fresque,
la mosaïque ou le revêtement de marbres précieux.
L’art chrétien français semble en effet ne comporter dans ses principes
essentiels aucun de ces artifices, alors que l’architecture italienne
en a fait le plus large usage.
Chez nous, les « maîtres de l’œuvre » retiraient tous leurs effets de
la seule pureté des lignes et beaucoup d’entre eux préférèrent
même, à d’excessives sculptures, la beauté de la pierre nue.
Cependant, au cours des siècles, il ne fut pas rare de voir les voûtes
et les murailles se couvrir de fresques, souvent rehaussées d’ors, qui
rappelaient, ainsi que les vitraux, les épisodes de la vie des patrons
de l’église ou les faits remarquables qui s’étaient déroulés dans ses
murs.
Plus tard, soit zèle restaurateur, soit inconscient vandalisme, on
recouvrit d’un épais badigeon ces peintures qui avaient à défaut
d’autres mérites, celui de constituer de précieux documents pour
l’histoire de la région.
On peut voir des exemples de ces peintures ajoutées, puis supprimées, à
Notre-Dame de Froide-Rue, à Caen, notamment, et à St-Jacques-de-Lisieux.
Dans beaucoup d’églises modernes, les décorateurs se rattrappèrent de
la continence voulue qu’on leur avait imposée et peignirent avec plus
ou moins de bonheur, les voûtes, les murs et jusqu’aux piliers. Malgré
le luxe et l’ingéniosité qu’ils y mirent, l’ornementation ainsi
obtenue, n’arrivait pas en général à créer l’atmosphère solennelle et
recueillie qui doit être celle d’un édifice religieux.
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Il est évident que ce but ne pouvait être atteint par la seule
décoration florale au pochoir dont on a tant abusé.
Il était tout naturel que l’artiste ayant à décorer une église recourût
au symbolisme et aux allégories touchantes que renferme le
christianisme.
C’est ce thème que M. L. Barillet, élève de Gérome, a traité avec
talent, dans la décoration de l’église Sainte-Cécile de Beuvillers,
près Lisieux, et il y a été intelligemment et heureusement secondé dans
la partie purement décorative par M. P. Machart .
- La voûte principale a reçu les attributs eucharistiques, et celle du
chœur est presque entièrement couverte par un immense
Christ en
croix. Autour de lui, les symboles du dogme catholique, l’arc-en-ciel,
l’auréole de branches d’olivier, les douze colombes, le sang divin qui
ruisselle…. Deux suites de personnages occupent le bas de la voûte à
droite et à gauche sur une longueur de 9 mètres.
Le côté droit est celui de la jeunesse : au milieu un prêtre célèbre la
messe, autour de lui se pressent des communiants, des jeunes filles,
une mère tenant son enfant sur les bras, une petite fille offre des
fleurs, symbole du printemps de la vie, plus loin des communiants, des
jeunes gens, un novice, un soldat.
Au-dessus de leur tête cette inscription :
Sicut novellæ olivarum Ecclesæ filii sint in circuitu mensæ Domini.
La seconde galerie est consacrée à l’âge mur et à la vieillesse. Ce
sont des pauvres, puis des cultivateurs avec leurs instruments de
travail, un ménage sur le déclin de la vie, un petit garçon qui offre
des fruits.
Au milieu, un prêtre dont les cheveux ont blanchi, revêtu du surplis et
de l’étole, fait le geste de bénir. A côté de lui, les ouvriers de
l’usine, représentant la manufacture, avec leurs instruments de
travail, la navette pour figurer les tisserands, la clef pour
représenter les mécaniciens ; vient ensuite un jeune ménage, puis une
grand’mère en prière dont le bras est soutenu par une petite fille,
gracieux bâton de vieillesse.
Cette galerie est encadrée par ce texte, tiré de l’Ecriture : «
Peccata nostra pertulit in corpore suo super lignum, ut, peccatis
mortui justitiæ vivamus.
Immédiatement au-dessous des galeries du chœur et soutenant la
corniche, l’artiste a mis en action les huit Béatitudes.
La coupole représente la Gloire du Christ et l’apothéose de Cécile.
Enfin des médaillons entre chaque fenêtre représentent les principaux
personnages qui ont figuré dans la vie et l’histoire de la patronne de
la musique. Les personnages, comme aussi d’ailleurs toutes les
peintures décoratives de l’église, sont dans toute l’acception du mot
des « peintures murales », faisant corps, et pour employer l’expression
consacrée « se tenant bien », se fondant avec tout l’ensemble,
s’harmonisant parfaitement avec le ton général.
C’est de plus une heureuse tentative dont le résultat montre qu’une
intelligente décoration pourrait donner un intérêt d’art considérable
aux pauvres et mesquines églises qui en sont les plus dénuées.