Emploi du speculum laryngien du Docteur de LABORDETTE,
Chirurgien de l'Hôpital de Lisieux, Chevalier de la Légion d'Honneur,DANS LES BOITES DE SECOURS POUR LES NOYES ET ASPHYXIES.
EXTRAIT du Bulletin de l'Académie impériale de médecine, 15 juin 1865, séance du 16 mai 1865.
RAPPORT de M. Ch. ROBIN, en réponse à une lettre de M. le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, concernant une note de M. le docteur de LABORDETTE, sur l'emploi du Speculum Laryngien :
MESSIEURS,
Son Excellence M. le ministre des travaux publics a écrit à l'Académie, le 7 avril dernier, pour lui demander son avis sur le mérite d'un instrument destiné à faciliter l'exploration de l'arrière-bouche et du larynx. Cet instrument, imaginé par M. le docteur de Labordette, chirurgien de l'hôpital de Lisieux, vous a été présenté le 31 janvier dernier, et deux notes concernant ses applications ont été communiquées à l'Académie par M. de Labordette.
L'instrument appelé speculum laryngien et les documents que je viens de mentionner ont été renvoyés à l'examen de MM. Trousseau, Gosselin et Ch. Robin. Vos commissaires ne répèteront pas ici la description du speculum laryngien et de son emploi, description déjà publiée dans votre Bulletin(du 31 janvier 1866), avec des figures qui en rendent l'intelligence facile. Ils se borneront à vous dire qu'ils ont constaté l'exactitude des faits signalés par M. de Labordette, dont l'énumération suit :
1° Cet instrument, d'une introduction facile, est supporté sans nausées par le plus grand nombre des sujets bien portant ou atteints d'angine auxquels on l'applique ;
2° Il permet d'examiner aisément l'épiglotte, les replis aryténo-épiglottiques, l'ouverture supérieure du larynx, les portions de l'arrière-gorge placées à ce niveau et l'état de ces parties, soit directement, soit dans le miroir dont sont munis certains des modèles du speculum laryngien ;
3° Il facilite par suite l'introduction des instruments destinés à agir sur ces organes, ou à les débarrasser des mucosités, des fausses membranes, etc., qui leur adhèrent ;
4° Il rend particulièrement sûr et rapide le cathétérisme de la trachée, en permettant à l'oeil de suivre l'extrémité de la sonde jusque dans l'orifice supérieur du larynx ; il peut par conséquent être utile à ce point de vue dans l'administration des secours à donner aux noyés et asphyxiés, ainsi que l'a signalé M. de Labordette dans sa deuxième note.
Tel est l'énoncé succinct des faits que vos commissaires ont constatés, tant seuls qu'en présence de plusieurs chirurgiens et élèves des hôpitaux, durant leurs essais sur le vivant et sur le cadavre.
En conséquence, votre commission a l'honneur de vous proposer d'adresser le présent rapport à M. le Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, en réponse à sa demande concernant l'avis de l'Académie sur le mérite de cet instrument.
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EXTRAIT DU COMPTE-RENDU DE LA SEANCE PUBLIQUE ANNUELLE DU LUNDI 11 MARS 1867 DE L'ACADEMIE DES SCIENCES
CONCOURS DE L'ANNEE 1866
Citation très-honorable est accordée à M. le Dr DE LABORDETTE, chirurgien de l'hôpital de Lisieux, pour un ingénieux instrument imaginé et décrit par lui sous le nom de Speculum Laryngien. Non-seulement cet instrument, fort simple et d'un emploi plus facile que ne le sont les laryngoscopes, permet d'examiner directement l'arrière-gorge, l'épiglotte, les ligaments aryténo-épiglottiques et les cordes vocales, mais encore il peut être utilisé dans d'autres circonstances. Il résulte, en effet, des essais tentés par M. le Dr A. Voisin, que, sur les noyés, le Speculum Laryngien de M. de Labordette, introduit après le desserrement des dents à l'aide d'un levier, facilite la distension de l'arrière-gorge, l'arrivée de l'air dans le larynx et enfin l'introduction des sondes ou d'autres instruments chirurgicaux.
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PREFECTURE DE POLICE, 2e division, 4e bureau
SECOURS PUBLICS SPECULUM LARYNGIEN AVIS D'UNE DECISIONMONSIEUR,
Le Conseil d'hygiène publique et de salubrité du département de la Seine a examiné le Speculum Laryngien de votre invention, que vous avez proposé de placer dans les boîtes de secours pour les noyés et asphyxiés.
J'ai l'honneur de vous informer que, d'après son avis favorable, j'ai décidé que l'appareil en question ferait partie des objets composant les boîtes de secours (dites fumigatoires).
Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
Le Préfet de Police,
PIETRI.****
SOCIETE CENTRALE de SAUVETAGE des NAUFRAGES
Rue du Bac, 53MONSIEUR,
Nous avons l'honneur de vous informer que, dans sa dernière séance et après avoir pris connaissance de l'opinion émise par le Conseil d'hygiène publique et de salubrité du département de la Seine, sur l'utilité de votre Speculum Laryngien dans les boîtes de secours pour les noyés et asphyxiés, le Comité a décidé que cet instrument serait adopté par la Société centrale de sauvetage des naufragés et compris dans ses boîtes de secours.
Recevez, Monsieur, l'assurance de nos sentiments les plus distingués.
Pour le Comité,
L'Administrateur délégué,
J. DE CRISENOIS.****
PROCEDE POUR L'EMPLOI DU SPECULUM
L'asphyxie des noyés et des pendus est occasionnée par la cessation de la respiration. L'introduction de l'air dans les poumons étant supprimée, le sang n'est plus revivifié et la mort survient dans un temps assez rapproché.
Le but que l'on doit se proposer, c'est de rétablir au plus vite la fonction des organes respiratoires.
En énumérant quelques-unes des difficultés que l'on a à vaincre, je vais essayer de faire comprendre le mécanisme du Speculum Laryngien, chez les asphyxiés :
1° La bouche est fermée et souvent très-contractée ;
2° La langue adhère à la partie postérieure de l'arrière-gorge, cette adhérence est compliquée par la présence d'une plus ou moins grande quantité de mucosités ;
3° La bouche est difficilement maintenue ouverte et l'épiglotte qui recouvre la partie supérieure du larynx est soulevée avec peine.
Voici comment le Speculum Laryngien peut vaincre ces obstacles, - le corps du sujet étant placé sur le dos, un peu tourné sur le côté droit, la tête étant légèrement élevée.
Après avoir desserré les dents, si cela est nécessaire, avec le levier en buis, le Speculum, tenu dans la main droite par son manche F, est introduit dans la bouche par l'extrémité arrondie de sa valve postérieure ou supérieure C. On le pousse de façon à ce que cette valve C suive le voile du palais sur lequel sa courbure la fait glisser sans effort et sans qu'elle puisse blesser aucune des parties qu'elle franchit. L'instrument est introduit jusqu'à ce que la charnière D touche à peu près la lèvre supérieure. Quand cce premier temps est exécuté, on attire avec un doigt le manche E de la valve inférieure vers celui que l'on tient. Les deux manches E et F rapprochés sont alors saisis dans la main gauche. On aura soin de bien maintenir l'instrument enfoncé. Sa valve inférieure E arrive à la base de la langue qu'elle déprime de haut en bas et d'arrière en avant, elle ouvre complètement l'arrière-gorge ; et l'épiglotte qui recouvrait le larynx se trouve élevée : la partie supérieure des voies respiratoires est, par ce seul mouvement, complètement dégagée, et en rapport direct avec l'air.
Rien n'empêche alors, si des mucosités gênent la respiration, de les enlever avec une baleine munie d'une éponge ; un main reste libre à l'opérateur qui, s'il est médecin, pourra user de tel instrument qu'il jugera convenable, sonde ou insufflateur ; mais il est bien entendu qu'un médecin seulement doit user de ces moyens.
Si le sujet ne respire pas de suite après l'introduction du Speculum, on maintiendra néanmoins l'instrument en place, tandis que l'on emploiera, pour faire respirer, les mouvements thoraciques recommandés en pareille circonstance. Je recommande particulièrement la pression exercée par la main posée à plat sur l'épigastre et retirée brusquement. L'effet de cette manoeuvre devra être d'autant plus efficace que la partie supérieure du larynx est libre d'ailleurs de tout obstacle.
L'application du Speculum Laryngien dans les cas d'asphyxie n'exclut aucun des moyens recommandés en pareil cas.
J'appelle de tous mes voeux des résultats qui viennent confirmer son utilité.