M
ESSIEURS (*),
On a dit et on répète chaque jour que les proverbes sont « la sagesse
des Nations. » Cet aphorisme nous semble manquer d’exactitude. En
effet, pour peu que l’on jette les yeux sur un recueil
parémiographique, on est frappé du nombre des dictons qui se
contredisent. Si l’un dit :
Pauvreté n’est pas vice, un autre
répondra :
C’est bien pis ! (1) et tandis qu’un sage soutiendra avec
La Fontaine que
Il ne faut pas juger des gens sur l’apparence,
on objectera que jadis nos pères voulaient
juger les gens sur la
mine, et que, bien longtemps avant les Lavater, les Gall et autres
faiseurs de systèmes, ils avaient cherché les rapports des passions
avec les traits du visage, les lignes de la main, la couleur des yeux,
de la peau, des cheveux ou de la barbe.
Nous pensons donc qu’il serait préférable d’appeler les proverbes «
l’esprit des Nations » (2), ou mieux « l’esprit de Tout-le-Monde (3). »
Tout-le-Monde, cet être impersonnel,
celui qui à lui seul a plus
d’esprit que M. de Voltaire ! disait feu M. le prince de Talleyrand.
Tout-le-Monde, c’est l’humanité tout entière, c’est-à-dire un composé
de bonnes et de mauvaises qualités, de vertus et de vices ; et, si nous
prenons les proverbes comme critérium des tendances de l’esprit de M.
Tout-le-Monde, nous verrons que M. Tout-le-Monde, en tous les temps,
sous tous les climats, à tous les âges, est enclin à la malignité et à
la médisance envers autrui, qu’il
blasonne volontiers son prochain,
et que, comme son prochain lui-même, ses fâcheuses habitudes l’amènent
à débiter beaucoup de mal sur son propre compte.
Homo quisque sibi
inimicus !
Étant données ces prédispositions du coeur humain et ces tendances de
l’esprit de M. Tout-le-Monde, on ne s’étonnera pas si, en parlant des
proverbes relatifs à la Normandie et à ses habitants, nous avons à
citer plus de dictons défavorables à nos compatriotes que
d’apophthegmes élogieux à leur adresse. Ne nous en fâchons point et
soyons les premiers à en rire. Rappelons-nous d’ailleurs que, si l’on
reproche aux enfants de la Normandie de nombreux défauts et de
sérieuses imperfections, les citoyens des autres provinces de la France
et des cinq parties du monde ne sont pas plus épargnés que nous par la
langue envenimée du prochain (4).
Tous ces sobriquets que se jettent réciproquement à la tête les nations
ou les cités voisines ont le plus souvent leur origine dans de vieilles
rancunes, dans des rivalités séculaires, que le temps n’effacera
peut-être jamais. Ce
blason populaire explique parfois l’histoire et
en confirme les données ; aussi, les écrivains les plus sérieux se
sont-ils livrés à des recherches approfondies sur ces traditions orales
de faits parfois oubliés (5).
Il faut bien reconnaître que nos ancêtres, les pirates du Nord, qui
pendant si longtemps ravagèrent les côtes de l’Occident, méritèrent
quelque peu les épithètes malsonnantes que les chroniqueurs du moyen
âge accolaient à leur nom. Les moines du XIe siècle, qui inscrivaient
sur les marges d’un missel les évènements les plus mémorables de chaque
année, n’avaient que trop souvent à enregistrer les invasions de ces
fléaux de Dieu, - les rois de la mer partageaient alors cette
appellation avec les hordes d’Attila (6), – invasions toujours suivies
de massacres, d’enlèvements de femmes et d’esclaves, d’incendies, de
destructions d’églises et de monastères.
Rapacitas Northmannorum, crudelitas Hunnorum, ferocitas Francorum,
slultitia Saxonum, voilà ce qu’on lit dans un manuscrit du XIe siècle
de la Bibliothèque de Rouen, contenant une longue et peu édifiante
nomenclature des défauts reprochés aux différents peuples (7).
«
A furore Normannorum libera nos, Domine ! » s’écriait-on dans les
monastères à la fin des litanies. Et la crainte de la fureur des
Normands était bien profonde, la mémoire de leurs sanglants exploits et
de leur audacieuse tentative sur la capitale du royaume de France était
bien vivace, puisque, sept cents ans après le siège de Paris, cette
naïve invocation se répétait encore à Ste-Geneviève. Un auteur du XVIIe
siècle, Jacques de Charron, nous l’affirme en ces termes : « Néanmoins,
dit-il, les Normands, avant que de partir, saccagèrent et brûlèrent le
monastère de Sainct Germain des Prez et celui de Saincte Geneviefve qui
n’estoient encore lors enfermez dans la ville, qui est cause que les
religieux de Saincte Geneviefve n’ont jamais voulu depuis recevoir en
leur compagnie aucunes gens de cette nation (ce qui s’entend des
Normands septentrionaux et non de ceux qui sont de présent naturalisez
François), et entre leurs prières ecclésiastiques continuent encore de
dire celle-ci : «
A furore Normannorum libera nos, Domine ! (8. »
Wace rapporte que, dans son temps, les Français avaient un certain
nombre de
reproviers, c’est-à-dire de proverbes assez méchants, à
débiter sur le compte de nos ancêtres :
Mult ont
Franceiz Normanz laidiz
E de
mefaiz è de mediz ;
Sovent
lors dient reproviers (9).
Plus tard, Estienne Pasquier constatait cette tendance, tout en faisant
un aveu que nous enregistrons précieusement : « A la vérité, dit-il,
encore qu’il semble que nous autres François (piquez des anciennes
querelles qu’eusmes avec les Normans) leur voulions naturellement mal ;
et qu’en commun propos mesmement nous détestions ceux qui leur ont
succédé, si faut-il que je reconnoisse franchement, qu’entre toutes les
nations du Ponant depuis que les autres demeurent calmes et
tranquilles, cette-cy principalement s’adonna d’un coeur gay et
magnanime, à nouvelles conquestes (10). »
Prenons acte de ces mauvaises dispositions du peuple parisien à notre
égard et nous ne serons plus surpris si un soi-disant « docteur de
Paris » prétendait, dans un petit livre de la Bibliothèque bleue, le
Catéchisme des Normands (11), que les oeuvres de miséricorde de nos
compatriotes sont : trahison, flatterie, gourmandise, larcin, mensonge,
envie et imposture ; et si l’auteur des
Illustres proverbes (12)
disait en parlant de certain personnage : « Il estoit de Caen en France
(comme parlent ceux du païs), c’est-à-dire franc Normand et vray
traiflagoulamen, estant doué de toutes les rares qualités que tout le
monde attribue aux Normands, épiloguées en ce mot et désignées par les
cinq syllabes de traiflagoulamen, car il estoit traistre, flatteur,
gourmand, larron et menteur. »
Voilà les brillantes qualités qu’on nous prêtait, vers 1650, à la porte
du Louvre.
En Bretagne, c’était encore bien pis ! Si les Normands disaient :
Les
plus sots en Bretagne ; ou bien :
Qui fit Breton, il fit larron, et
autres gentillesses du même genre, un Breton trouva moyen d’accumuler
en quelques pages une série de calomnies contre notre province. Citons
quelques passages du
Catéchisme d’un Normand qui quitte son pays pour
venir s’établir en Bretagne (13) :
« Demande. Savez-vous quelque chose de l’histoire des Normands ?
« Réponse. Oui, je sais qu’autrefois notre province portait dans ses
armes trois faulx, qui signifiaient qu’il se trouve parmi nous trois
sortes de personnes, savoir : faux témoins, faux sauniers et faux
monnayeurs.
« D. N’y a-t-il pas autre chose de remarquable dans l’histoire de votre
province ?
« R. Notre province est si ancienne qu’elle a eu l’honneur de donner
naissance au treizième apôtre de Jésus-Christ.
« D. D’où était-il ?
« R. De la Haie-Pesnel.
« D. Comment avait-il nom ?
« R. Judas Iscariot. Le vendredi-saint on chante en son honneur cette
épître : Il y avait un homme de la Haie-Pesnel, capitaine de
bandouliers. Il s’en fut dans le jardin des Olives, où il trouva
Notre-Seigneur J.-C., à qui il dit : « Bonjour, mon doux maître... »
Plus loin, nous trouvons :
« D. Qui est celui que l’on doit appeler Normand ?
« R. C’est celui qui fait profession de s’enrichir à droite et à
gauche, et de prendre à toutes mains.
« D. Quel est le signe du Normand ?
« R. C’est d’avoir la main au-dessus de la tête, prête à faire un faux
serment (14).
« D. Combien y a-t-il de commandements en cette nation ?
« R. Sept.
« D. Dites-les.
« R. Dieu en vain jurer tu pourras,
Pour affirmer un faux serment.
Père et mère morts désireras,
Pour avoir leur bien promptement.
L’argent d’autrui n’épargneras,
Ni son bien aucunement.
Faux témoignage tu feras
Et maintiendras adroitement.
L’oeuvre de la main n’oublieras,
Pour attraper incessamment.
Grand favori tu te feras,
Pour te conserver longuement.
Le bien d’autrui tu ne rendras,
Mais retiendras à ton escient. »
Enfin, notre pauvre compatriote, auquel on demandait s’il savait son
Pater, disait :
« Seigneur, je ne vous demande point d’argent ni de biens, mais qu’il
vous plaise de me mettre où il y en a, me préserver de la goutte des
mains et des jambes, mais que je les aie libres, soit pour atteindre en
haut, soit pour fouiller en bas, et m’enfuir promptement ensuite. »
Tout cela n’est que le résumé des mille brocards qui se répètent depuis
dix siècles par toute la France sur le compte des Normands, et que
ceux-ci se renvoient entre eux de village à village.
Nous ne pouvons entrer ici dans des détails sur tous ces dictons. M.
Canel les a recueillis dans son
Blason populaire de la Normandie (15)
et en a donné de piquantes explications, assaisonnées de sel gaulois et
de malice normande. De son côté, M. Georges Garnier a commenté, avec
une érudition du meilleur aloi, les
Origines de quelques coutumes
anciennes et de plusieurs façons de parler triviales, de Moisant de
Brieux (16). Nous ferons de nombreux emprunts à ces deux ouvrages, au
premier surtout, et nous nous occuperons spécialement des expressions
proverbiales qui ont trait aux habitudes processives des Normands et à
leurs relations jadis trop fréquentes avec la potence.
Dès le XIIIe siècle, il était question des
juréor de Baiex (17), et,
depuis, vingt localités de la province ont vu adresser à leurs
habitants l’épithète de faux témoins. Ne connaît-on pas les
parjures
de Vouilly (18), les
témoigneurs de Montgaroult (19) et ceux de
Survie (20), les
faux témoins de Bretoncelles (21) et ceux de
St-Jean-des-Baisans (22), dont les paroissiens, interrogés sur leur
profession, répondaient naïvement : « Je témoigne, » de même que les
citoyens de Tinchebray (23),
caverne de voleurs ?
Si la légende répandue dans le département de l’Orne était vraie, cette
appellation de « caverne de voleurs », appliquée à la ville de
Tinchebray, serait la plus ancienne de toutes celles du blason
populaire normand. César aurait écrit : «
Tandem advenimus
Tinchebraium speluncam latronum ! Inutile de dire que cette phrase ne
se trouve pas dans les Commentaires du conquérant des Gaules ; mais
elle n’en est pas moins historique, et c’est Henri Ier, roi
d’Angleterre et duc de Normandie, qui, selon Orderic Vital, dit au pape
Calixte II, dans une conférence à Gisors, en 1119 : «
Tandem
Tenerchebraïum speluncam doemonum obsedi (24). » Il y a une variante
dans le texte du chroniqueur ; mais,
voleur ou
démon, l’épithète
est toujours peu flatteuse.
Nos compatriotes méritent-ils le reproche qu’on leur fait d’aimer trop
la chicane ? Quoique en Normandie, tout Normand et très-Normand que
nous sommes, nous n’oserons affirmer le contraire. D’ailleurs, notre
réputation de plaideurs infatigables est fortement enracinée dans
l’opinion publique ; elle est passée à l’état de chose jugée. Nous
n’avons qu’à nous incliner devant cette sentence, car l’appel nous
semblerait téméraire. Et pourtant le verdict qui nous condamne est bien
sévère, et l’on a omis de nous accorder le bénéfice des circonstances
atténuantes.
N’est-ce point l’esprit d’ordre, d’économie, d’épargne, encore
caractéristique des sages populations de nos campagnes, qui a fait si
longtemps de notre province la terre classique de la chicane et par
suite le paradis des procureurs ? Quand on a pendant de longues années
énergiquement travaillé,
ahané sans cesse, pour nous servir d’un mot
de terroir, afin d’acquérir le champ qu’on laissera à ses fils,
n’est-on pas disposé à défendre son bien
unguibus et rostro contre
les empiètements d’un voisin ? Ce qui nous a coûté le plus de peines et
de labeurs nous est toujours le plus cher.
Au moyen âge, la Normandie était, de toutes les contrées de la France,
celle où relativement le paysan était le plus heureux (25). Il y
devenait facilement propriétaire.
Qui terre a, guerre a. Il n’y a
donc pas lieu de s’étonner si La Roche-Flavin classait notre province
parmi « les plus contentieuses et litigieuses de France. » Aussi, les
poëtes et les auteurs dramatiques sont-ils venus chercher chez nous les
types des plaideurs les plus intrépides.
C’est Boileau qui, dans le
Lutrin, nous dépeint les Normands
assiégeant sans cesse le Palais.
Entre ces vieux appuis dont l’affreuse
grand’salle
Soutient l’énorme poids de sa voûte
infernale,
Est un pilier fameux des plaideurs
respecté
Et toujours des Normands à midi
fréquenté.
C’est Racine, plaçant la scène des
Plaideurs dans une ville de
Basse-Normandie. Oui, Mme la comtesse de Pimbesche, Chicaneau et Dandin
sont nos compatriotes, grâce à leur immortel créateur, et peut-être la
fameuse enquête sur
Le foin que peut manger une poule en un
jour,
a-t-elle été inspirée par le
grand prochez meu pour un nid de pie,
cité par David Ferrand, le poëte
purin, compilateur de l’
Inventaire
de la Muse normande (26).
A l’envi, les auteurs comiques ont imité Boileau et Racine, et depuis
trois siècles c’est toujours un Normand qu’ils mettent sur la scène dès
qu’ils veulent peindre quelque chicaneur endurci.
Les poëtes nous ont fait au loin cette réputation, mais ils ne sont pas
les seuls.
Un des anciens directeurs de la Société des Antiquaires de Normandie,
le savant et regretté M. Floquet, qui a si patiemment fouillé les
papiers du greffe de la Cour d’appel de Rouen, nous a révélé bien des
faits curieux sur l’esprit processif de nos pères. Dans les liasses
poudreuses qui se sont accumulées pendant des siècles aux archives du
Parlement de Normandie, il a saisi sur le vif nos plaideurs acharnés.
« En ce temps-là, dit-il (au XVIIe siècle), un vrai et bon Normand ne
mourait pas sans avoir son petit procès au Parlement. Plus tôt, plus
tard, il fallait de toute nécessité en passer par là ; c’était,
voyez-vous, comme le voyage de la Mecque, où tout musulman fidèle doit
aller une fois en sa vie. »
« Ah ! dit plus loin M. Floquet, qu’il connaissait bien les besoins de
son époque, ce bon curé d’Avranches, Maître Jacques de Camprond, qui,
en 1597, mit en lumière et dédia au Parlement de Rouen le
Psautier du
juste Plaideur, contenant, pour chaque jour de la semaine, un cantique
de sa façon et quatre psaumes arrangés par lui, que l’honnête plaideur
devait réciter exactement pour gagner son procès. Il ne manquait pas,
dans ses prônes, d’en recommander la lecture à ses paroissiens, et il
prêchait d’exemple, car il plaidait sans cesse, le bon curé, et sans
cesse il récitait son
Psautier du juste Plaideur ; ce qui (soit dit
sans blasphème) ne l’empêchait point de perdre, çà et là, quelques
procès sur la quantité (27).
Jacques de Camprond n’était pas le seul des ecclésiastiques normands à
plaider avec acharnement et à se mêler sans cesse des contestations de
ses paroissiens. Le mal était général (28).
Les évêques d’Avranches Roger d’Aumont, en 1646, et Gabriel-Philippe de
Froulay de Tessé, en 1682, défendirent sous peine de suspense
ipso
facto aux curés de quitter leurs presbytères pour s’occuper « à la
sollicitation des procès. »
Le second de ces prélats, dans ses Statuts synodaux, après avoir
défendu aux ecclésiastiques de se faire solliciteurs de procès pour
autrui, ajoutait : « La défense qui a été faite aux prêtres et aux
ministres de l’Église... d’entreprendre aucune chose que par le conseil
et consentement de leur évêque, nous met en droit d’employer notre
autorité pour donner des bornes à l’humeur inquiète de quelques prêtres
et autres ecclésiastiques de notre diocèse, qui aiment tellement les
procès qu’ils en entreprennent pour des choses de peu de conséquence et
les poursuivent avec une opiniâtreté insurmontable... Nous leur
défendons... d’entreprendre, à l’avenir, aucun procès, sans nous avoir
auparavant informé, ou nos doyens ruraux de la matière desdits
procès... prétendant seulement empêcher qu’ils ne plaident sans une
extrême nécessité et ne s’exposent aux reproches qu’on leur fait dans
les tribunaux, d’être des plaideurs et même des chicaneurs. »
Ces défenses restèrent vaines et, quelques années plus tard,
Pierre-Daniel Huet, dans ses Statuts synodaux de l’an 1693,
était obligé de dire (art.III) :
« Quelque prudent que soit l’ancien statut de ce diocèse qui défend aux
ecclésiastiques, sous peine de suspense, d’entreprendre ou de
poursuivre aucun procès sans nous en avoir informé..... nous les
révoquons toutefois, non que notre intention soit d’autoriser l’esprit
de chicane et de contention, qui ne règne que trop parmi les
ecclésiastiques de ce diocèse, mais aimant moins les retirer de cette
malheureuse disposition par la terreur de la peine, qu’en leur
remettant devant les yeux les avis salutaires de saint Paul..... Nous
avertissons ceux qui se rendent coupables de ce vice, et qui sont notés
et diffamés dans ce diocèse par leur perverse inclination aux procès,
que, s’ils ne s’en corrigent pas, nous les ferons connaître
publiquement pour tels qu’ils sont, par les reproches que nous leur
ferons devant toutes personnes et en toutes rencontres, afin de les
faire regarder avec horreur comme l’opprobre de leur ordre (29). »
Hélas ! Huet, en édictant ces sages prescriptions, voyait la paille
dans l’oeil de son clergé, il oubliait la poutre qui l’aveuglait. Ne
sait-on pas, en effet, quel batailleur c’était que notre savant
compatriote ? Ses
Mémoires et sa volumineuse correspondance sont là
pour en témoigner. Des procès, il en a eu toute son existence, et il a
dépensé un temps incalculable à plaider contre ses moines de l’abbaye
d’Aunay et de celle de Fontenay, contre ses voisins, contre ses amis,
contre ses parents. Il s’est plaint, à la vérité, « de la pluie de
procès », qui a été, dit-il, « l’affliction d’une partie de sa vie » ;
mais, si Daniel Huet a été un érudit profond et un prélat recommandable
par sa piété et la pureté de ses moeurs, son amour extrême des
contestations n’en reste pas moins péremptoirement établi.
Si tel était l’esprit du clergé, quel était celui des fidèles ?
Ce n’est qu’en Normandie que l’on pouvait concevoir l’idée de
translater la Coutume en vers, comme l’ont fait un rimeur du XIIIe
siècle et un avocat du siècle dernier (30).
Nous pourrions citer mille exemples de procès interminables à la fin
desquels vainqueurs et vaincus se trouvaient presque toujours ruinés.
Deux nous suffiront ;
Voici d’abord une querelle de trois cents ans entre deux famille nobles
des environs de Vire, les La Rivière et les du Rosel de Saint-Germain,
au sujet de droits honorifiques. Outre les amours-propres en jeu, il y
avait à trancher un point de liturgie, celui de savoir ce qu’on doit
entendre par le côté droit et le côté gauche d’une église, et la
question est plus délicate à résoudre qu’on ne le croirait au premier
abord. « La justice prit son temps, dit notre savant confrère, M.
Gaston Le Hardy, et les péripéties du procès furent telles qu’il
s’écoula plus de deux siècles et que, de chaque côté, on dépensa plus
de cent mille livres avant que le jugement définitif fût rendu. Ceux
qui avaient entamé l’affaire étaient en parfait repos bien avant
l’issue de cette interminable procédure ; elle avait tant impatienté
les parties que ces gentilshommes, trop faciles à tirer l’épée, avaient
eu recours maintes et maintes fois à l’argument du duel, et cinq ou six
d’entre eux y avaient trouvé la mort (31). »
Second exemple, révélé récemment par un autre de nos confrères, M. le
comte Gérard de Contades. En 1732, se terminait un procès relatif au
compte de tutelle des enfants de messire Jacques-René de Montpinçon,
baron de Lougé. Il y avait trente ans que l’on plaidait, et c’est quand
les frais dépassaient plus de dix fois les sommes en litige que les
parties avaient songé à un accord. Il ne fallut pas moins de dix
journées pour examiner le compte et les pièces du dossier. Tout cela,
pour 833 livres 19 sous (32) !
Après le clergé et la noblesse, passons au tiers-état et continuons à
enregistrer les observations de nos devanciers, ne voulant pas nous
exposer pour notre propre compte à un bel et bon procès que voudrait
peut-être nous intenter un des représentants actuels des familles
Pimbesche ou Chicaneau.
Selon MM. Galeron, Pluquet, Canel et vingt autres (33), la passion de
la chicane règne en souveraine dans les campagnes de la
Basse-Normandie. C’est là que M. Pluquet a rencontré les hommes les
plus processifs qu’il y ait au monde. « Pour une vétille, dit-il, pour
la plus légère discussion, ils vous menacent du
sergent, et
il
faut, disent-ils,
que la gueule du juge en pette. Ces hommes,
simples en apparence, sont familiarisés avec les termes les plus ardus
de la chicane ; ils parlent de pétitoire, de possessoire, de
déclinatoire, d’action récursoire et de référés, aussi bien qu’un vieil
huissier. » Mais si le Normand aime encore trop la procédure, si les
familles se poursuivent de leur haine devant les tribunaux pendant
plusieurs générations, au moins nous n’avons plus à déplorer dans notre
province ces violences contre les personnes, qui, ailleurs, n’ont trop
souvent de fin qu’avec l’extinction des races rivales. « Dans certains
pays, dit M. Émile de La Bédollière, on s’égorge ; en Normandie, on
plaide. On y combat à coups d’assignation, comme en Italie à coups de
stylet. Le mot
vendetta s’y traduit par procès (34). » N’est-ce pas
préférable ?
Ne nous fâchons donc point quand on nous dira :
Normand, j’y mangerai
plutôt ma dernière chemise, et plaidons, si le coeur nous en dit.
Soutenons bien nos droits : sot est
celui qui donne,
C’est ainsi devers Caen que tout Normand
raisonne.
Ce sont là les leçons dont un père
Manceau
Instruit son fils novice au sortir du
berceau.
Ainsi parle Boileau, et il savait à quoi s’en tenir sur la chicane et
les chicaneurs, lui,
Fils, frère, oncle, cousin, beau-frère
de greffier.
Ne nous ruinons pas cependant en papier timbré ; mais, si parfois nous
payons des frais de procédure, du moins nous n’aurons pas les mains
rouges du meurtre de l’adversaire et nous n’aurons pas à racheter le «
prix du sang. » La justice paix est moins dangereuse à fréquenter que
la cour d’assises.
Au temps jadis, lorsqu’une législation beaucoup moins douce usait et
abusait de la potence,
les prêtres normands, disait-on, et en
particulier ceux de Domfront,
faisaient payer l’enterrement en même
temps que le baptême parce que leurs ouailles avaient l’habitude de se
faire pendre. Hâtons-nous d’ajouter qu’on se faisait pendre bien
ailleurs qu’en Normandie. A Paris, il n’était pas de jour où les
habitués de la place de Grève chômassent de spectacle. La corde, ce
supplice des roturiers, avait même été ennoblie par d’éclatantes
infortunes. Samblançay, dont l’innocence fut bientôt reconnue,
n’avait-il pas été pendu, victime de l’ingratitude de François Ier et
de la reine-mère ? Et, au siècle dernier, un gentilhomme de grande
maison ne disait-il pas un jour : « Qui est-ce qui n’a pas un pendu
dans sa famille ? »
Les Normands se trouvaient donc parfois en honnête compagnie quand ils
Dansaient la sarabande à cinq pieds du
pavé,
comme dit Regnard, et lorsque
Le privilège des Normands
Était de mourir hauts et grands.
Quelqu’un venait à disparaître ?
Le chien quêtait en l’air son maître
(35).
Voilà pourquoi, en prévision de leur destinée,
les Normands naissaient
avec un grain de chènevis dans une main et un gland dans l’autre. Le
chènevis se transformait en chanvre, et le chanvre devenait corde ; du
gland naissant un chêne, et du chêne on faisait une potence.
Et le chanvre s’appelait alors la
salade normande. « Queu chienne de
salade, s’écriait un Bas-Normand !
Elle a étranglé mon père, et mon grand-père, sans parler des oncles et
des cousins ! »
Et l’on chantait sur l’air de
Geneviève de Brabant :
Or, écoutez, petits et grands,
Le catéchisme des Normands,
Peuple connu dans notre France
Par la chicane et la potence.
C’est la double inclination
De cette noble nation.
La Révolution, tout en laissant aux coupables la liberté de se faire
condamner, leur imposa l’égalité devant le supplice. On peut bien dire
encore de quelqu’un, et même d’un Normand : « Qu’il aille se faire
pendre ! – C’est un homme à pendre ! – Il ne vaut pas la corde pour le
pendre ! » Il n’y a plus de gibets, et, de nos jours, quand on veut
avoir de la corde de pendu, ce n’est plus à Montfaucon qu’il en faut
aller chercher. On doit se mettre à la piste des suicidés pour posséder
cet incomparable talisman, qui assure la chance au jeu. Le meilleur
est, comme chacun sait, la corde qui a fait passer de vie à trépas les
amoureux désespérés.
On ne peut donc plus dire :
N’allez pas à Domfront, parce qu’à
Domfront on pend les gens sur la mine, ni reprocher aux juges de
pendre par provision, comme à Vire, nonobstant appel, ainsi que cela
arriva aux magistrats de cette ville, le 20 janvier 1606, pour un nommé
Guillaume Le Coix, de la paroisse de Caligny, qu’un puissant complice,
le sieur de Crux de Bellefontaine, voulait arracher par la violence aux
griffes de la justice (36).
Cependant, Domfront restera éternellement célèbre par ce dicton si
connu :
Domfront, ville de
malheur,
Arrivé à midi, pendu à une heure,
Dicton qui offre plusieurs variantes. On ajoute parfois :
Pas seulement le temps de dîner.
Ce qui justifierait cet autre proverbe :
Qui a fait Normand
A fait gourmand.
Il est difficile de préciser aujourd’hui le fait qui donna naissance à
ce brocard sur Domfront. L’opinion la plus vraisemblable est qu’il date
des guerres de religion. Toutefois, une variante très-répandue de ce
proverbe semble lui donner une autre origine. C’est :
Domfront,
ville de malheur,
Arrivé à midi, pendu à une heure.
Quoi donc qu’il avait fait ? – Il avait
volé un licou.
Il n’avait fait qu’çà ? – La vaque était
au bout.
Cette circonstance aggravante excuse la sévérité de la sentence.
Ne restons pas sur ces impressions défavorables. Malgré les
baratteurs (trompeurs) de Pommainville (37), de La Selle (38) et de
dix autres villages de la Normandie, haute et basse, malgré les
fraudeurs de Saint-Germain d’Aunay (39), malgré les
pipeurs de
Saint-André-de-Briouze (40), malgré les
fripons de la Trinité (41) et
de Vrigny (42), et cent dictons injurieux de même nature, et, quoique
on répète encore :
Qui fit
Normand
Il fit
truand,
rappelons-nous qu’on dit aussi :
Les francs et loyaux Sagiens
On tous le coeur sur les mains, (43)
et :
A
Lengronne,
Tout le monde donne ; (44)
car
il y a de bonnes gens partout, comme dit le Normand.
Et, d’ailleurs,
Si bonne n’estoit Normandie,
Saint Michel n’y seroit mie.
N’appelle-t-on pas encore notre province :
Normandie, pays de sapience
? Cela efface bien l’épithète de
pays d’empoigne, qu’on lui donne si
souvent. Oui, Messieurs, nos pères ont toujours aimé la science ; aussi
sommes-nous, pour notre part, disposé à leur pardonner bien des défauts.
Au XIIIe siècle, on lisait dans le
Dit de l’Apostoile : Li plus
enquerant en Normandie : où aliax ? que queriax ? d’où veniax ?
Laissez-nous croire que cette curiosité, déjà signalée chez les Gaulois
par Diodore de Sicile (45) et par César (46), était uniquement inspirée
par un louable désir de s’instruire.
Enfin, n’oublions pas que notre chère et bonne cité de Caen s’appelle
encore l’
Athènes normande, la
Ville de sapience.
Messieurs, il n’est pas permis de douter de l’exactitude de ce dicton
populaire, quand on se trouve au milieu de vous, dans l’enceinte de
cette Université de Caen, quatre fois séculaire et illustrée par tant
de générations de maîtres érudits et de disciples distingués, dans
cette salle de la Faculté de Droit, rendue célèbre entre toutes par
l’enseignement de M. Demolombe, l’éminent jurisconsulte qui est l’une
des gloires de notre France moderne.
NOTES :
() Ce travail a été lu dans la séance publique tenue, le 16 décembre
1880, par la Société des Antiquaires de Normandie.
(1) Le mot fut dit par Dufresny et ne tarda pas à devenir proverbe. On
sait que cet auteur épousa en secondes noces sa blanchisseuse pour
s’acquitter de trente pistoles qu’il lui devait, trait que Lesage a
rapporté dans son
Diable boiteux. Du reste, l’infortune de Dufresny
venait de sa mauvaise conduite et Voltaire a eu raison de dire de lui :
Et Dufresny plus sage et moins
dissipateur
Ne fût pas mort de faim, digne mort d’un
auteur.
Louis XIV, au récit des prodigalités de l’arrière-petit-fils de la
Belle Jardinière d’Anet et de Henri IV, disait : « Il y a deux hommes
que je n’enrichirai jamais, Bontems et Dufresny. »
(2) Il existe un recueil de proverbes intitulé :
Le Brahme voyageur ou
la Sagesse populaire de toutes les nations, par Ferdinand Denis ;
Paris, 1832, in-18, de 108 pages. Ce recueil avait d’abord paru avec un
Essai sur la philosophie de Sancho, qui a été reproduit dans les
pièces préliminaires de la première édition du
Livre des proverbes
français, de M. Le Roux de Lincy, p. vij-xxvij.
(3) Sur un personnage proverbial nommé
Tout-le-Monde, vacquier de
Chauny, V. M. l’abbé Jules Corblet,
Glossaire étymologique et
comparatif du patois picard ancien et moderne ; Paris, 1851, in-8°, p.
186-187, et le très-intéressant livre de M. Édouard Fleury,
Origines
et développements de l’art théâtral dans la province ecclésiastique de
Reims ; Laon, 1881, p. 244-261.
(4) V. à ce sujet les nombreux recueils parémiographiques et notamment
Le Livre des proverbes français précédé de recherches historiques sur
les proverbes français et leur emploi dans la littérature du moyen âge
et de la renaissance, par Le Roux de Lincy ; Paris, A. Delahays, 1859,
2e édit., 2 vol. gr. in-16.
(5) On trouve la description de la plupart des collections de proverbes
dans la
Bibliographie parémiologique, études bibliographiques et
littéraires sur les ouvrages, fragments d’ouvrages et opuscules
spécialement consacrés aux proverbes dans toutes les langues, par G.
Duplessis ; Paris, 1847, in-8°. Depuis la publication du travail de M.
Duplessis, il a paru un grand nombre de recherches sur les dictons
populaires et les proverbes historiques.
(6) Les Hongrois, qui se livraient à d’incessantes invasions en
Allemagne, en Italie et en France pendant la première partie du moyen
âge et qui se vantaient d’être les successeurs d’Attila, se donnaient à
eux-mêmes le titre de
fléaux de Dieu. Voici à ce sujet une curieuse
anecdote empruntée à l’histoire de la lutte d’Henri l’Oiseleur, duc de
Saxe, élu empereur d’Allemagne, contre son compétiteur Arnoulf le
Mauvais, duc de Bavière, qui se termina par la défaite et la mort de ce
dernier. « Parmi les prisonniers étaient Leel et Bolchu, célèbres par
leur naissance et leur courage. L’empereur voulut voir ces deux
guerriers et leur demanda quel outrage ils avaient reçu des chrétiens
pour venir ainsi dévaster leurs terres. « Nous sommes, dirent-ils,
comme le fut Attila, les fléaux de Dieu ! » L’empereur irrité leur
répondit qu’ils n’avaient plus qu’à mourir, mais que, cependant, il
leur laissait le choix du supplice. Alors Leel demanda la trompette
dont il se servait dans les combats pour exciter ses compagnons, et
déclara qu’il dirait ce qu’il voulait en faire quand on la lui aurait
donnée. Aussitôt qu’il l’eut entre les mains, il sauta sur l’empereur
et le frappa à la tête. Le coup fut rude ; Henri tomba, et Leel s’écria
: « Meurs donc, va annoncer aux enfers ma prochaine arrivée et
prépare-toi à m’y servir. » On se jeta sur lui et sur Bolchu ; le
peuple les entraîna à Ratisbonne où ils furent étranglés. » L.
Dussieux,
Essai historique sur les invasions des Hongrois en Europe et
spécialement en France ; Paris, V. Lecoffre, 1879, in-8°, 2e édit., p.
35.
(7) Bibliothèque municipale de Rouen, ms. Y 20-92.
(8) Jacques de Charron,
Histoire de toutes les nations ; Paris, 1621,
in-8°, p. 832, D.
Le même verset se trouvait dans l’ancien paroissien du diocèse de
Chartres, au milieu des Litanies de la sainte Vierge et n’en fut effacé
qu’en 1773, par ordre du Chapitre. Il y existait depuis le temps où le
pirate normand Hasting assiégea et saccagea la ville de Chartres, en
855.
(9) Wace,
Le Roman de Rou, édit. Pluquet, t. II, p. 70, v.9899-9901.
(10)
Les Recherches de la France, liv. I, chap. XII, dans les oeuvres
d’Estienne Pasquier ; Amsterdam, 1723, in-f°, t. I, p. 36, D.
(11)
Catéchisme des Normands, composé par un docteur de Paris. S. l.
n. d. : in-12 de 12 pages. Ce livret a été réimprimé plusieurs fois,
notamment dans la collection de la Bibliothèque bleue, imprimée à Caen,
chez Chalopin.
A la fin, on trouve, en général, l’approbation suivante, qui manque
dans l’édition de Chalopin :
APPROBATION DES DOCTEURS.
« Nous soussignés Docteurs du pays et Duché de Normandie, certifions
avoir vu le présent
Catéchisme des Normands, lequel est entièrement
conforme à l’usage de Normandie : en foi de quoi avons permis et
permettons la lecture par permission des Docteurs de Caën, d’Évreux,
d’Avranches, Bayeux, Falaise et Pont-Croix. Signé :
SOTTAYSE et
TORAB. »
Il n’existe pas, croyons-nous, en Normandie, de localité appelée
Pont-Croix ; mais il y a un chef-lieu de canton de ce nom dans
l’arrondissement de Quimper (Finistère). D’un autre côté, la dernière
signature des soi-disant docteurs est l’anagramme de Barot, nom d’homme
assez répandu. Le
Catéchisme des Normands serait-il l’oeuvre d’un
Barot, originaire ou habitant de Pont-Croix ? Nous soumettons ce
problème aux bibliographes normands et bretons. Quoi qu’il en soit, la
première édition connue de ce pamphlet, citée dans le
Manuel du
Bibliographe normand, t. I, p. 197, a été, suivant Édouard Frère,
imprimée, vers 1700, à Rouen, par Jacques Besongne. Frère cite les
réimpressions suivantes de cet opuscule : Troyes, Oudot, vers 1730,
petit in-12, suivi du
Catéchisme des Maltôtiers ; - Rouen,
Lecrêne-Labbey, s. d. (1817) ; in-18 de 12 pages (
Bibliothèque
bleue). A la fin, on a ajouté une note qui justifie le caractère
normand, non moins estimable que celui des habitants des autres
provinces. – Paris et Mirecourt, Humbert, 1837 ; in-18 de 10 pages ; -
Tours, Charles Placé, 1837 ; in-18 de 10 pages. Nous avons parlé plus
haut des réimpressions dues aux presses de Chalopin. Il existe encore
une autre édition : Sillé, Deforge, s. d. (1818), in-12, de 12 p., que
Frère semble n’avoir pas connue.
Le
Catéchisme des Normands a été, en outre, inséré dans les
Variétés
historiques et littéraires, publiées par Édouard Fournier ; Paris, P.
Jannet, 1856 ; t. VI, p. 173-180.
Dans son
Histoire des livres populaires ou de la littérature du
colportage ; Paris, Amyot, 1854 ; t. I, p. 379-383, M. Charles Nisard
s’est occupé de ce pamphlet, l’a analysé et en a cité plusieurs
passages. « C’est une satire sanglante, dit-il, contre les
inclinations naturelles de la nation normannique, pour parler comme
l’auteur, mais une satire où l’infamie du but qu’on s’y propose et la
violence outrée des expressions n’ont pas permis qu’il se glissât un
seul trait salé et non pas même un peu spirituel. L’auteur paraît avoir
écrit sous l’impression de quelque vieille rancune pour un procès qu’il
aura eu avec un Normand et qu’il aura perdu. C’est la seule
justification possible de son libelle. Il serait encore plus coupable
s’il l’avait fait de sang-froid et seulement pour payer tribut au
préjugé qui s’attache à l’esprit processif des Normands ; car alors il
serait démontré, non-seulement qu’il n’a pas voulu être spirituel, mais
encore qu’il ne l’a pas pu..... Le livret dont il est question est
divisé en sept chapitres. Le premier n’a pas de titre ; chacun des
autres a le sien, et ces titres sont : Du signe du Normand ; De la fin
du Normand ; Des moyens de parvenir à cette fin ; De l’espérance du
Normand ; Des bonnes oeuvres du Normand ; Des oeuvres de miséricorde du
Normand. »..... « J’aime à croire, ajoute en terminant M. Ch. Nisard,
pour l’honneur de la Normandie, qu’on n’y a jamais souffert qu’on y
colportât de pareilles horreurs, comme aussi que les colporteurs ont
été assez prudents pour ne jamais l’oser. Mais n’est-ce pas une honte
qu’on les réimprime et le comble de l’audace qu’on les présente à
l’estampille ? » Hélas ! M. Nisard se trompe. On a toujours imprimé et
colporté le
Catéchisme des Normands dans notre province, et,
malheureusement, on l’y imprimera et on l’y colportera longtemps
encore. Après tout, si ce pamphlet manque de sel, il est moins
dangereux à laisser entre les mains du peuple que les ignominies
pleines d’excitations immorales, irréligieuses et antisociales que les
porte-balles vendent deux sous dans les campagnes, quand ils ne les
distribuent pas gratuitement.
Le savant Gabriel Peignot a défendu notre province de l’accusation
d’avoir donné naissance à l’apôtre Judas.
« Quelques esprits saugrenus ou mauvais plaisants, dit-il, ne se
sont-ils pas avisés de placer aussi dans notre belle France le berceau
du perfide Judas ! Il y a tout au plus cent ans que l’on disait encore
dans l’Anjou et le Maine, que Judas Iscariote était né à Sablé
(Sarthe), et même on cite en preuve ce vers :
Perfidus ille Judas Sabloliensis erat.
« Heureusement pour Sablé, cette preuve poétique n’est pas péremptoire,
et n’équivaut point à un certificat de naissance bien légalisé.
« On dit encore que les Bretons, parfois en bisbille avec les Normands,
ont prétendu que ledit Judas était né entre Caen et Rouen, et on cité à
l’appui ce couplet d’une vieille chanson :
Judas était normand,
Tout le monde le dit ;
Entre
Caen et Rouen ce malheureux naquit,
Il vendit
son Seigneur pour trente marcs comptants ;
Au diable soient sous les
Normands !
« Cette pièce lyrico-populaire n’est pas plus probante que le vers
précédent. En général, il serait difficile de remonter à la source de
ces plaisanteries satiriques qui, au reste, n’ont jamais eu cours que
dans les plus bas étages de la société, et qui sont tout à fait
insignifiantes. » G.-P. Philomneste,
Predicatoriana ; Dijon, 1841,
in-8°, p. 377-378.
(12)
Les Illustres Proverbes nouveaux et historiques ; expliquez par
diverses questions curieuses et morales en forme de dialogue, qui
peuvent servir à toutes sortes de personnes pour se divertir
agréablement dans les compagnies ; Paris, N. Pépingué (ou René
Guignard), 1656, 2 vol. in-12. D’après M. Duplessis,
op. cit., p.
174-176 et 179-180, ce livre n’est qu’une reproduction textuelle de
l’ouvrage estimé de Fleury de Bellingen, intitulé :
L’Étymologie ou
Explication des Proverbes françois, divisée en trois livres par
chapitres en forme de dialogue. Avec une table de tous les proverbes
contenus dans ce traicté ; La Haye, Adrien Vlacq, 1636, petit in-8°.
Une première édition beaucoup moins complète avait paru sous le titre
de
Premiers essais de Proverbes, par Fleury de Bellingen ; La Haye,
1653.
(13) In-12, s. l. n. d. Il existe de cet opuscule un grand nombre de
copies, mais les exemplaires imprimés en sont fort rares et, malgré
toutes nos recherches, nous ne pouvons le citer que d’après Canel, qui
devait lui-même à feu M. Georges Mancel, bibliothécaire de la ville de
Caen, les extraits qu’il donne de ce pamphlet et que nous lui
empruntons à notre tour.
(14)
Un normand n’a plus qu’à mourir de faim quand son bras droit se
paralyse, dit un autre proverbe.
(15)
Blason populaire de la Normandie, comprenant les proverbes,
sobriquets et dictons relatifs à cette ancienne province et à ses
habitans, par A. Canel ; Rouen, A. Le Brument ; Caen, Le
Gost-Clérisse, 1859, 2 vol. in-8°. Canel avait précédemment publié, en
1840, dans le
Recueil de la Société d’Agriculture, Sciences, Arts et
Belles-Lettres de l’Eure, un article de quelques pages sur
la Chicane
et les Normands.
(16)
Origines de quelques coutumes anciennes et de plusieurs façons de
parler triviales, par Moisant de Brieux....., avec une Introduction
biographique et littéraire, par M. E. de Beaurepaire, un Commentaire et
une Table analytique, par M. G. Garnier ; Caen, Le Gost-Clérisse, 1874,
2 vol. petit in-8°.
(17) « Les jureurs de Bayeux, c’est-à-dire que les bons Bas-Normands de
cette ville ne se faisoient pas prier pour lever la main devant le
juge, et promettre à Dieu, sur leur part de paradis, de dire la vérité
; et ils juroient plutôt trois fois qu’une. Ils avoient encore la
réputation de faire abus des faux témoignages. Or, ce n’est que l’abus
d’une chose qui en fait le mal ; et si les Bas-Normands s’étoient
contentés d’un usage modéré des faux sermens, comme cela se pratique à
Paris et autres villes de belle société, d’industrie et de commerce,
foyers de civilisation et de lumières, ces Normands de Bayeux
n’auroient pas mérité exclusivement la dénomination de jureurs. » G.-A.
Crapelet,
Proverbes et Dictons populaires, avec les Dits des merciers
et des marchands et les crieries de Paris, aux XIIIe et XIVe siècles ;
Paris, 1835, gr. in-8°, p. 50.
(18) Vouilly, arrondissement de Bayeux (Calvados). « Le sobriquet des
habitants de Vouilly, dit Canel,
op. cit., t. II, p. 168, n’est pas
sans analogie avec celui de
Jureurs, appliqué, dans le XIIIe siècle,
aux habitants de Bayeux. »
(19) Montgaroult, arrondissement d’Argentan (Orne).
(20) Survie, arrondissement d’Argentan (Orne).
(21) Bretoncelles, arrondissement de Mortagne (Orne).
(22) St-Jean-des-Baisans, arrondissement de St-Lo (Manche). Canel n’a
pas mentionné ce dicton que nous avons, pour notre part, entendu
répéter maintes et maintes fois dans toute la Basse-Normandie.
(23) Tinchebray, arrondissement de Domfront, Orne).
(24) Orderic Vital, liv. XIII,
apud Duchesne,
Historiæ Normannorum
Scriptores antiqui, p. 865.
(25) Il est facile de se convaincre de cette vérité en consultant le
chef-d’oeuvre d’érudition d’un Normand, les
Études sur la condition de
la classe agricole et l’état de l’agriculture en Normandie au moyen
âge, par M. Léopold Delisle, ainsi que les remarquables travaux de M.
Charles de Beaurepaire, archiviste du département de la
Seine-Inférieure.
(26)
Le Procès, anecdote normande, par M. A. Floquet, dans le
Précis
des travaux de l’Académie de Rouen, année 1834, p. 126-135. Cette
cause fut plaidée, en 1629, devant le Parlement de Rouen. D’après ce
que Canel dit de ce grave débat, les
petits piars firent défaut aux
conclusions des parties et mirent celles-ci d’accord en prenant la clé
des champs.
(27) Jacques de Camprond ou Camp-Ront, prêtre du diocèse d’Avranches, a
composé un livre de jurisprudence des plus bizarres, intitulé :
Jacobi
de Camp-Ront, Presb. abrincencis. Psalterium juste litigantium. Quo ex
libro consolatio peti ab iis potest, quibus res est sæpe et pugna
gravis cum adversariis tum visibilibus tum invisibilibus, in hoc
seculo. Ad amplissimos et ornatissimos viros in supremo Normanniæ
senatu Rotomagi considentes. Parisiis, Jam. Mettayer, 1597, petit
in-12 de 66 ff., avec 6 ff. prélim. et 2 gravures assez jolies. A la
fin du volume se trouve un chapitre avec pagination spéciale et
intitulé :
Explicatio litis. M. Dupin aîné s’est occupé de ce livre
aussi rare que singulier dans ses
Règles de droit et de morale,
Paris, 1857, p. VI, et dans sa
Bibliothèque choisie des ouvrages de
droit. V. aussi les
Curiosités judiciaires, par C.-B. Warée. Paris,
Delahays ; pet. in-8°, 1858, p. 345.
(28) « Le voisinage de la Normandie, dit Canel,
op. cit., p. 46,
n’était pas moins processif que la Normandie elle-même ; témoin, cet
évêque de Chartres (1459-1493), Miles d’Illiers, lequel, dit
Bonaventure des Périers, avoit des procès un million et disoit que
c’estoit son exercice, et prenoit plaisir à les veoir multiplier, tout
ainsi que les marchands sont aises de veoir croistre leurs denrées : et
dit-on qu’un jour le roy les lui voulut apoincter : mais l’évesque ne
prenoit point cela en gré, et n’y voulut point entendre, disant au roy
que s’il lui ostoit ses procès, il lui ostoit la vie. Toutesfois, à
force de remonstrances et de belles paroles, il consentit à ses
appoinctements de mode qu’en moins de rien luy en feurent que vuydez
que accordez, que amortiz deux ou trois cens. Quand l’évesque veid que
ses procès s’en alloient ainsi à néant, il s’en vint au roy, le
suppliant à jointes mains qu’il ne les luy ostast pas tous, et qu’il
lui pleust au moins luy en laisser une douzaine des plus beaux et des
meilleurs pour s’esbattre. »
Rabelais fait dire à Pantagruel : « ...... ie vous prirois voluntiers
que de debtes me laissez quelque centurie : comme le roy Loys vnzieme
iectant hors de procès Miles d’Illiers euesque de Chartres, feut
importuné luy en laisser quelque vn pour se exercer. »
Pantagruel,
liv. III, ch. v, édit. Marty-Laveaux ; Paris, Lemerre, t. II, p. 37.
(29)
Statuts synodaux pour le diocèse d’Avranches, lus et publiés dans
le synode tenu à Avranches, le 23 novembre M.DC.XCIII. Caen, Jean
Cavelier, 1693, petit in-8° de 4 ff., prélim. et 119 p.
(30) La traduction de la Coutume de Normandie en vers français est due
soit à Guillaume Cauph, jurisconsulte du XIIIe siècle, soit à Richard
d’Annebault que, quelques-uns appellent à tort Dourbault, poëte normand
de la même époque. V. à ce sujet : Frère,
Manuel du Bibliographe
normand, t. I, p. 201 et 373 ; - De La Rue,
Essais historiques sur
les Bardes, etc., t. III, p. 180-187 ; - les
Mémoires de l’Académie
des Inscriptions, t. II, p. 734 ; - Houard,
Dictionnaire de droit
normand, t. IV, suppl., p. 49-158, etc.
Frère ajoute à la fin de l’article qu’il a consacré à Richard
Dourbault, dont il fait un jurisconsulte, et que nous croyons être le
poëte Richard d’Annebault : « Dans le XVIIIe siècle, un avocat au
Parlement de Rouen, s’est amusé à mettre en vers une partie de la
Coutume de Normandie. Les manuscrits qu’on en rencontre portent le
titre suivant :
Coutumes de Normandie en rimes françoises avec des
notes sur l’étymologie et la propriété des termes, le tout pour
faciliter l’intelligence et la mémoire de ceux qui désirent l’apprendre
en peu de temps, par M. L. P. M. L’exemplaire de notre bibliothèque
est divisé en 622 articles. »
(31) V. à ce sujet une note de M. Julien Travers intitulée :
Que
faut-il entendre par le côté droit et le côté gauche d’une église ?
communiquée, le 10 avril 1874, à la réunion des Sociétés savantes à la
Sorbonne, et insérée dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de
Normandie, t. VII, p. 121-129.
M. Gaston Le Hardy a bien voulu nous communiquer le
Mémoire pour
Messire Clément de La Rivière, Chevalier, Seigneur Haut Justicier et
Patron de Mevaine, Anelle et Maronne, Mesnilsalles, les Isles et
Romilly, Seigneur et Patron de Saint-Germain en partie, à cause du fief
de Gouvi. Et pour Messire Philippe, Chevalier, Seigneur de La Rivière,
son fils. Contre Dame Marie de Prépetit, veuve de Guillaume du Rosel,
Écuyer, Seigneur et Patron de Saint-Germain en partie, de Vauldry, et
Vissoüy, Tutrice de leurs Enfans mineurs. Et contre Charles du Rosel,
Écuyer, l’un de ses fils devenu majeur ; s. l. n. d., in-f° de 15 p.
Ce mémoire donne des détails fort curieux sur la lutte qui durait entre
les La Rivière et les du Rosel depuis le XVIe siècle au sujet des
droits honorifiques dans l’église de St-Germain-du-Crioult
(arrondissement de Vire, Calvados). Il est très-malveillant pour la
famille du Rosel et assez injuste sur ce point ; car la noblesse
d’ancienne extraction des gentilshommes de cette maison avait été
reconnue par Montfaut, en 1463, puis par Chamillart, en 1666. Divers
pasteurs de la paroisse n’y sont pas non plus épargnés.
(32)
Notice sur la commune de Saint-Maurice-du-Désert, par le comte
G. de Contades. Paris, H. Champion, 1880 ; pet. in-8° carré, p. 105.
(33) Frédéric Galeron,
Statistique de l’arrondissement de Falaise ;
Falaise ; in-8°, t. II, p. 26, 43, 62 et 70 ; -
Annuaire de l’Orne,
de 1809 ; -
Annuaire normand ; - Frédéric Pluquet,
Essai historique
sur la ville de Bayeux et son arrondissement ; Caen, Chalopin, 1829 ;
in-8°, p. 337 et
passim, et
Contes populaires, traditions, proverbes
et dictons de l’arrondissement de Bayeux ; Caen, 1825 ; in-8° ; et
Rouen, 1834,
passim.
(34) Émile de La Bédollière,
Le Normand, dans
Les Français peints
par eux-mêmes. Province. Paris, Curmer, 1841 ; t. II, p. 134.
(35) Nous avons le regret de n’avoir pu retrouver en entier le texte de
cette plaisante chanson qui avait été publiée, croyons-nous, dans un
almanach.
(36) Caillebotte,
Essai sur l’histoire de l’industrie du Bocage, p.
326. A propos de cette singulière sentence dont il est question dans
La Coutume réformée, commentée par J. Bérault, J. Godefroy et
d’Aviron, au titre de Juridiction, p. 39 de l’édit. de 1684. Canel,
op. cit., t. II, p. 167, dit : « Nous ajouterons que l’on reconnut
des circonstances atténuantes pour les juges de Vire ; car ils ne
furent condamnés qu’à l’amende et à la suspension pour une année. »
(37) Pommainville, arrondissement d’Argentan (Orne).
(38) La Selle, arrondissement de Domfront (Orne).
(39) St-Germain-d’Aunay, arrondissement d’Argentan (Orne).
(40) St-André-de-Briouze, arrondissement d’Argentan (Orne).
(41) La Trinité-sur-Airon, arrondissement d’Avranches (Manche).
(42) Vrigny, arrondissement d’Argentan (Orne). M. Canel,
op. cit., t.
II, p. 169, fait remarquer que ce sobriquet pourrait bien être dérivé
du proverbe que voici :
Comme dans la famille de Vrigny, il y en a un
bon et un mauvais.
(43) Allusion aux armes de la ville de Séez (Orne).
« Nous trouvons pour la ville de Séez trois descriptions d’armoiries
qui n’ont entre elles aucun rapport.
« Pierre Delaplanche lui attribue :
De gueules, aux figures des saints
Gervais et Prothais, d’or, vestus de tuniques, tenant chacun une palme
d’or ; au chef d’azur, à trois fleurs de lys d’or..... »
« Les armoiries que d’Hozier donne à la ville de Séez sont celles-ci :
D’aur, à trois lys d’argent tigés et feuillés d’or.
« Mais ont-elles jamais été employées ? Le fait paraît douteux. Du
moins, M. Maurey d’Orville, auteur de
Recherches sur la ville et le
diocèse de Séez, n’en fait aucune mention ; il affirme au contraire,
que Séez porte :
D’azur à la foi (ou bonne foi) en fasce, sur laquelle
se repose un coeur enflammé : le tout surmonté d’une fleur de lis d’or,
en chef.
« Les détails, qui, dans l’ouvrage cité, accompagnent cette
description, semblent indiquer que l’auteur n’émet pas une opinion
isolée : « L’origine de ces armoiries, dit-il, n’est guère connue. La
devise :
Nihil nobis tollit tempus, qui, dit-on, accompagnait l’écu,
n’a rien d’authentique. » - Et, plus loin, il ajoute : « La réputation
que s’étaient acquise les Sagiens lorsque César envoya P. Crassus avec
sa treizième légion pour prendre ses quartiers d’hiver dans leur pays,
comme
in pacatissima et quietissima parte ; la douceur de leur
caractère, remarquée par Robert Cenalis et Belleforest, chez un peuple
qui ne respirait que la guerre, et ce qu’a depuis répété Bry de La
Clergerie dans son histoire du Perche :
Les Sagiens n’ont jamais
trempé dans les rébellions civiles, mais ont toujours suivi fidèlement
et courageusement la fortune de leurs rois ; tous ces motifs
contribuèrent nécessairement par la suite à leur faire concéder les
armoiries qu’on a retrouvées sur une ancienne lettre de jurande d’un
habitant de Séez et dont on fit graver une empreinte. Ajoutons à cela
cet antique et trivial dicton :
Les
francs et loyaux Sagiens
Ont tous
le coeur sur les mains.
« A l’égard de la devise :
Nihil nobis tollit tempus, si elle n’est
pas authentique, elle n’en est pas moins rendue vraisemblable par la
conduite qu’ont tenue dans tous les temps les habitants du diocèse de
Séez..... »
« L’auteur paraît trop certain de l’authenticité des armoiries qu’il
attribue à la ville de Séez pour que nous n’adoptions pas nous-même sa
description, de préférence à celles que nous avons empruntées à
d’Hozier et à P. Delaplanche.
« Dans l’
Armorial national, la bonne foi, le coeur enflammé
et la fleur de lys sont indiqués
d’or.
« Pour en revenir à la devise de Séez, nous dirons que M. du Hays nous
a signalé celle-ci :
Grand coeur et bonne foi, indiquée dans un
manuscrit du XVIe siècle ; mais c’est la suivante :
Crescit honos,
que le maire, M. Pichon de Prémeslé, a fait placer, il y a peu de
temps, sur la façade de la mairie. » A. Canel,
Armorial des villes et
corporations de la Normandie ; Paris, 1863 ; in-8°, 2e édit., p.
243-245.
(44) Lengronne, arrondissement de Coutances (Manche).
(45) Diodore, C. VI, c. IX.
(46)
De bello gallico, IV, c. v.