PANNIER, Adrien-Victor : Recueil des usages locaux de l’arrondissement de Lisieux et des cantons voisins....- Lisieux : E. Bosquain, libraire éditeur, 1887 (Caen : Typ. PAGNY, rue Froide, 27.).- 86 p. 13,5 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (11.VII.2003) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire (BmLx : nc) de la Médiathèque. RECUEIL DES USAGES LOCAUX
DE L’ARRONDISSEMENT DE LISIEUX ET DES CANTONS VOISINS Usages qui existent aussi, pour la plupart, dans plusieurs
cantons du département
Par M. PANNIER
JUGE HONORAIRE A LISIEUX On trouve dans ce Recueil la nomenclature des réparations locatives
DES USAGES LOCAUX
Le Code civil ne pouvant pas entrer dans toutes les combinaisons de localité pour y rechercher les habitudes et les convenances renvoie à l’usage. Le législateur a donc respecté la loi que se sont faite les habitants d’une contrée ou d’un pays, sur certains objets ; mais il est très difficile de constater leurs usages, parce que ce qui se pratique dans un canton n’a pas été adopté par le canton voisin ; cela a tenu à une appréciation particulière de ceux qui ont pris l’initiative. Cependant le Gouvernement, qui veille avec un soin tout paternel aux intérêts de tous, s’est adressé, par la voie du Ministre de l’intérieur, le 16 juillet 1844, aux Conseils généraux de département, organes des besoins de la localité, composés d’hommes que la capacité et la propriété ont appelés à ces fonctions, qui s’occupent des grands intérêts de leur pays, mais qui n’ont qu’une session annuelle, M. le Ministre s’est adressé, dis-je, à ce Corps pour l’engager à recueillir les différents usages. M. le Ministre avait frappé juste sous un rapport, mais malheureusement les membres des Conseils généraux ne peuvent pas facilement s’occuper d’intérêts pris en dehors des sujets qui leur sont soumis, dans leurs sessions, et qui font l’objet de leurs méditations du moment ; aussi M. le Ministre n’a-t-il rien obtenu. Je vais constater les usages que j’ai recueillis. Mon travail a été laborieux, mais je serai flatté si j’ai fait une chose utile. De quelle manière se forme et s’établit l’usage, c’est la première chose à examiner. Il sort du consentement tacite des habitants d’un pays, et comme ce consentement ne peut s’annoncer que par des faits, il faut que ces faits aient les caractères nécessaires pour le constituer ; qu’ils soient uniformes, publics, multipliés, observés par la généralité des habitants et réitérés pendant un long espace de temps. C’est à ces seuls caractères qu’on doit reconnaître l’usage qui doit faire une règle de conduite. Un des cas les plus ordinaires et qui présente le plus d’intérêt, c’est celui de la transition d’un bail qui finit à un bail qui commence, cas prévu par l’article 1777 ; je rechercherai ce qui se pratique en pareille occurrence. Il s’agit, dans cet article, des facilités réciproques que se doivent le fermier sortant et le fermier entrant sous le rapport du logement et sous celui de la consommation des fourrages. Les baux commencent à deux époques : Saint-Michel et Noël. Les facilités à donner sont les mêmes pour une époque que pour l’autre ; les difficultés naissent quand le logement du fermier et les bâtiments ruraux ne sont pas tout à fait en rapport avec l’étendue de l’exploitation. BAUX DE SAINT-MICHEL
Il y en a bien peu aux environs de Lisieux ; on en trouve dans les cantons d’Orbec et de Saint-Pierre sur-Dives ; il y en a aussi dans le canton de Blangy. Le fermier de cette époque a eu, pendant son occupation, autant de récoltes que comportait son bail ; il doit donc abandonner la terre ; cependant, il a dû préparer les labours pour la semence qu’ils doivent recevoir du fermier entrant ; s’il a reçu les terres bien fumées, bien labourées, il doit les rendre de même ; il y a présomption qu’il les a reçues en bon état. Comme il doit utiliser les récoltes de l’année, on doit lui donner une écurie, ou la place d’un ou de deux chevaux dans l’écurie, s’il n’y en a qu’une, pour qu’il puisse porter son blé à la halle ; il a jusqu’à la Saint jean pour le vendre. Il devra battre toutes les semaines afin que ses bestiaux aient la paille qui leur convient, et que le fermier entrant trouve celle dont il aurait besoin, sans lui faire tort, de manière à ce que tout puisse être consommé. Quant au logement du maître et de ses domestiques, il est pris dans la maison et dans le four, qui cependant reste commun pour que les deux fermiers puissent y cuire. Le fermier sortant jouit des étables, ou au moins d’une grande partie, jusqu’à Pâques, temps qui lui est donné pour faire consommer les fourrages ; pendant ce temps les domestiques nécessaires seront logés, le fermier aura une partie de la laiterie. Pendant le temps que le fermier sortant garde ses bestiaux à l’étable, il a le droit de les mener à l’abreuvoir ; il les y conduit à la corde. Comme les bestiaux ne peuvent pas rester à l’étable six mois sans sortir, on les garde quelques heures par jour dans une des pièces où ils ne puissent faire qu’un faible dommage ; c’est dans l’esprit de la loi, puisque l’article 1777 du Code porte que des facilités seront données pour la consommation des fourrages. BAUX DE NOEL
Dans les cantons de l’arrondissement de Lisieux, presque toutes les fermes sont de cette époque, parce qu’il y entre une grande partie d’herbages ; ces baux ne finissent pas entièrement à Noël : le fermier a une récolte en terre qu’il vient chercher après sa sortie. Pendant sa récolte, il aura droit à un logement pour lui et ses domestiques, logement où il pourra faire sa cuisine. Il a le droit de faire consommer les pailles et fourrages de la récolte précédente ; on doit lui laisser une partie des étables pour cet objet. Quant aux pailles de la récolte qu’il va chercher après sa sortie, il doit les disposer comme s’il devait lui-même les faire consommer ; il les livre à son successeur. On suppose qu’il a reçu les pailles de son prédécesseur. Quoique le fermier de Noël ait le droit de faire consommer les fourrages de la récolte qu’il a faite avant sa sortie, néanmoins quelquefois il néglige cet avantage quand il entre dans une ferme de même importance, à peu près, où le fermier laisse les pailles, parce que ce dernier trouve pareillement celles de la ferme où il va. PAILLES
On appelle ainsi le chaume des céréales : elles proviennent du blé, du seigle, de l’orge, de l’avoine, etc. Les pailles appartiennent au fermier ; mais comme il doit entretenir la terre en bon état, il doit les faire consommer et les convertir en fumier ; il ne peut donc pas les vendre, cependant il pourrait en disposer à son gré, à la fin de son bail, s’il était constant qu’à son entrée en jouissance il n’avait pas reçu les pailles de l’année précédente ; néanmoins le propriétaire pourrait les retenir à due estimation (art. 1778 du Code). C’est ce qui a porté M, Troplong à dire dans son Commentaire sur le louage, que les pailles appartenaient à la terre ; s’il en était ainsi, le propriétaire ne serait pas obligé de les acheter dans l’espèce prévue. En Normandie, on tolérait la vente par le fermier de ce qui lui restait de paille de seigle après avoir pris les liens nécessaires pour son blé, parce que cela devait se réduire à quelques bottes. Il en est de même encore aujourd’hui, mais il ne doit pas y avoir de fraude. CHAUME.
On vient de dire que les pailles appartiennent au fermier sous une condition : le chaume fait partie des pailles. Pourrait-il en conclure qu’il peut le faire à sa volonté ? Non, il ne le pourrait pas, parce qu’il doit le faire consommer, ce qui l’oblige de le récolter en saison convenable, et, dans le cas où il voudrait l’abandonner au fermier entrant, il l’avertirait, afin que ce fermier pût le faire recueillir à temps ; l’usage veut qu’il soit serré avant le 15 octobre. Il arrive quelquefois, mais rarement, que les fermiers ne coupent pas le chaume et mettent leurs bestiaux dedans jusqu’à la fin de leur jouissance ; ces fermiers commettent une dégradation : ils doivent employer le chaume à sa destination, comme le ferait le père de famille qu’on leur impose pour modèle. Le chaume doit servir de litière, il est employé aussi à couvrir les bâtiments ; les fermiers n’ont pas le droit de le perdre, c’est ce qui arriverait, car le pied des bestiaux le couche, le foule et le rompt. Mais le fermier sortant a-t-il le droit de laisser le chaume sur pied, ou de le laisser dans la campagne coupé seulement, ou en bottes ? On pense qu’il peut le laisser sur pied ; il ne peut pas le détruire, mais il a la faculté de renoncer à en profiter ; c’est au fermier entrant à le prendre et à l’utiliser. Si le fermier sortant avait reçu le chaume en bottes ou en meules, il devrait le rendre de même. S’il utilise le chaume, le fermier entrant a le droit d’en prendre pour faire de la litière à ses bestiaux, et le fermier sortant ne pourrait s’y opposer d’autant qu’il n’en aurait que pour ses besoins, ce qui serait apprécié par des experts : seulement, le fermier devrait rembourser les frais de chômage à raison de ce qu’il en prendrait. FOIN
Le fermier a le droit de vendre son foin qui est considéré comme récolte. PRESSOIR
Le fermier jouit du pressoir pendant le temps nécessaire pour faire son cidre ; mais les fruits pressurés, il doit en abandonner la jouissance : il le nettoie et retire la cuve du trou où elle est placée. CAVES
On donne au fermier le temps convenable pour tirer parti de son cidre ; il jouit des caves jusqu’à la Saint-Michel. Ce temps ne fait que compléter son bail, parce que en entrant il a été privé de la jouissance des caves pendant un an ; cependant, si le fermier n’avait pas de cidre, il devrait remettre les clefs. Le fermier sortant doit livrer une des caves ou une partie de cave, au fermier entrant, pour qu’il puisse avoir le cidre dont il a besoin. BOUILLERIE
Cette objet a été affermé pour le même temps que les caves ; mais la jouissance cesse avec les besoins. MARC DE POMMES
Il est d’usage que le fermier l’enlève et le porte sur la ferme à l’endroit désigné par le propriétaire ; cependant il n’est obligé à l’enlèvement entier qu’autant que la fosse lui a été donnée vide. JARDINS
Si le bail finit à la Saint-Michel, le fermier a le droit de laisser les légumes dans le jardin et d’en prendre à mesure de ses besoins pour les personnes qu’il emploie à soigner ses bestiaux à pressurer ses fruits et à battre son blé ; s’il sort à Noël, il n’en reste presque plus dans la terre ; il peut y laisser ceux qui s’y trouvent pour les prendre plus tard, il ne fait aucun tort au fermier entrant. L’usage est en rapport avec la prescription de l’art. 1777. Mais s’il s’agit de jardins dépendant de maisons, le locataire enlève ses légumes et les arbrisseaux qu’il a plantés ; il ne peut enlever les arbres ; ils appartiennent au fond par droit d’accession. (Poth., De la Propriété, n° 171. - Ruelle, p. 65.) Le propriétaire doit rembourser la valeur des arbres et les frais de plantation. (Art. 555 du Code). Si le fermier sort sans avoir enlevé les arbrisseaux, ils restent sur le fond. RÉPARATIONS A FAIRE AUX BIENS RURAUX HAIES
Le fermier qui sort à la Saint Michel ne répare les haies que lorsqu’elles lui ont été données en réparation : dans ce cas, il fait le travail dans la saison convenable ; il prend le bois sur la ferme, à moins de dommage possible. S’il sort à Noël, la haie en coupe appartient au fermier entrant ; cependant l’usage permet au fermier sortant de prendre dans cette haie le bois dont il a besoin pour réparer les haies ; mais il faut qu’il le coupe avant Noël. On suppose que les haies ont été bien entretenues et qu’il n’y a que peu de choses à y faire ; que la haie en coupe soit seule à réparer. Si les haies n’avaient pas été bien entretenues, le fermier sortant serait obligé d’acheter le bois nécessaire à la réparation. Dans le canton de Livarot, le fermier sortant a la tonte des haies. BATIMENTS
Si tous les objets on été donnés en bon état de réparation, le fermier doit les rendre de même. On doit faire une observation qui domine tout ce que l’on va dire sur cet article ; c’est que, à peu d’exceptions près, il ne doit réparer que ce qui a été dégradé par sa faute, car il ne répond ni de l’action du temps, ni de la vétusté, ni de l’usage de la chose, excepté dans certains cas dont il sera question ci-après. MAÇONNERIE
Le fermier ne doit réparer que la partie des murs qui a pu être dégradé par sa négligence, ou par celle de ses gens ; il ne répond pas de la mauvaise qualité des matériaux. Il n’y a présomption de négligence que pour la détérioration des murs intérieurs des lieux d’habitation et seulement jusqu’à la hauteur d’un mètre (art. 1754 du Code), parce que l’on présume qu’en posant des meubles on a endommagé ces murs. (Poth., Du Louage, n° 220.) Si l’humidité avec détruit le crépi, le fermier ne devrait pas le réparer. (Ruelle, p. 191. - Lepage, 535.) Il ne s’agit que du récrépiment ; si la réparation était plus considérable, elle regarderait le propriétaire. On doit faire remarquer que la loi ne renvoie pas à l’usage des lieux pour fixer la hauteur, qu’elle la fixe elle-même ; elle s’en réfère seulement à l’usage pour déterminer quelles réparations il met à la charge du fermier. Quant aux murs extérieurs, ils ne doivent pas être réparés par le fermier ; il n’est pas présumé les avoir dégradés ; leur détérioration est due à l’action de l’eau, de l’air et de la gelée. (Lepage, 535. M. Troplong, 2,340) Le récrépiment doit être fait avec une matière de même nature que celle qu’on avait déjà employée. Dans quelques localités, les aires sont en plâtre ; ces aires ne doivent pas être réparées par le fermier, parce que les pas les détériorent et que l’on ne fait qu’user de la chose. AIRES EN ARGILES
Il en est de même des aires en argile. Ces aires se trouvent rarement dans les chambres de fermes un peu importantes ; on ne les voit que dans les petites locations. TONNES
Le fermier doit mettre les tonnes, tonneaux barils, cuves et brocs en réparation ; quand il les a reçus en bon état, s’il n’y a pas de convention, il fournit les cercles et l’osier ; la réparation est faite dans l’année qui suit celle où il a cessé de jouir, c’est-à-dire dans la deuxième année de sa sortie, car on sait qu’il jouit encore de la cave une année après cette époque. FOUR
Le fermier ne doit réparer que la chapelle ; on présume que c’est par sa négligence qu’elle a été détériorée. La masse regarde le propriétaire, parce que c’est l’action du temps ou la mauvaise construction qui le plus ordinairement donne lieu à sa dégradation. Le fermier doit aussi réparer les enduits des murs intérieurs (1) mais seulement jusqu’à la hauteur d’un mètre ; il fréquente le four, il apporte du bois pour cuire et y dépose différents objets ; on présume la négligence. La réparation des murs au delà d’un mètre n’est pas à sa charge, soit qu’il s’agisse des enduits, soit qu’il s’agisse de trous. Au-dessus du mètre, on ne présume pas de défaut de soin. ÉCURIES
Le fermier ne doit aucune réparation à ce bâtiment ; si la mangeoire, le ratelier et les barres servant de séparation avaient été endommagées par des chevaux vicieux il devrait réparer la partie qui aurait été dégradée ou cassée. Si les chevaux avaient été atteints de maladie contagieuse, le fermier serait obligé de faire ce qui conviendrait pour désinfecter. Le fermier ne doit pas renduire l’argile qui garnit le colombage : cette dégradation est l’action du temps. Il ne doit pas non plus renduire le maçonnerie, même à la hauteur d’un mètre, parce que ce n’est qu’aux bâtiments d’habitation qu’on doit cette réparation. Que l’aire soit en terre, en pavé ou en marne, mélangée, il ne doit pas la réparer ; l’usage seul a pu la dégrader. ÉTABLES A VACHES
Le fermier ne doit réparer que le dommage causé par les bestiaux aux colombages d’agile ; il ne doit pas réparer l’aire. JARDINS
Le fermier ou le locataire est obligé d’entretenir en bon état les allées sablées, les parterres, les plate-bandes, les bordures et les gazons. Les arbres et arbrisseaux doivent être rendus de même espèce et en même nombre. Ceux qui sont morts on dû être remplacés. Il doit tondre la haie d’épines à la fin de sa jouissance. (Ruelle, 93.) Ni l’un ni l’autre ne doivent point entretenir les treillages, les palissades, les bassins, les jets d’eau ; mais si ces objets sont dégradés par leur faute, ils doivent les réparer. (Ruelle, page 98) Après avoir recherché les réparations locatives que l’usage met à la charge du fermier, particulièrement en ce qui concerne certaines parties des bâtiments d’habitation et de ménage, ainsi qu’en ce qui regarde les jardins, il est bon, il est même très utile de donner ici la nomenclature des autres réparations locatives qui concernent d’une manière générale tous les objets dont le fermier ou le locataire a joui, réparations réclamées par l’usage et la loi s’il les a reçus en bon état. Ces réparations s’appliquent aux âtres, contre-coeurs, chambranles et tablettes des cheminées de quelque nature qu’ils soient ; on présume que le défaut de soin a causé le dommage. Les plaques en fonte qui ont été cassées, doivent être remplacées. Le locataire répond aussi des descellements de ces objets et des croissants qui reçoivent les pelles et les pinces. Si les marbres ne sont que fêlés, il faut rechercher s’ils n’avaient pas quelques défauts au moment où ils ont été posés : on ne doit pas perdre de vue que le locataire ne doit jamais réparer que le dommage qu’il a causé, ou qui est présumé provenir de son fait, ou du fait des personnes dont il doit répondre. Aux tables de marbre ainsi qu’aux coquilles et cuvettes :ces objets sont remplacés s’ils sont cassés ou endommagés. Aux pavés et carreaux des appartements ; le fermier ne doit pas de pavage entier ; il ne doit remplacer que les pavés enlevés ou cassés par sa faute ou par sa négligence : si presque tous les pavés sont cassés ou usés, et que le fermier ne puisse pas facilement faire remplacer ceux qu’il aurait cassés ou déplacés, le pavage entier doit être fait par le propriétaire ; le fermier ne doit qu’une indemnité pour la réparation dont il est tenu. Si des pavés sont seulement ébranlés, le propriétaire doit réparer, parce que l’ébranlement peut provenir du lavage que le locataire est en droit de faire. Si la pierre à laver la vaisselle est cassée ou endommagée, le locataire doit la remplacer ou la réparer, à moins qu’elle n’eût quelque défaut ou qu’elle ne fût usée. Il répare aussi la grille qui reçoit les eaux. Le pavage des cours, remises et bûchers regarde le propriétaire, soit que les pavés soient cassés, déplacés, écrasés ou ébranlés. Aux vitres : lorsqu’il y en a de cassées ou de fêlées, le locataire est aussi tenu de leur lavage ; mais il ne répond pas des cas fortuits tels que tremblements de terre et grêle, à moins que dans ce dernier cas il y eût négligence. Si les vitres tiennent à des panneaux de plomb, la réparation des plombs est à la charge du propriétaire ; quant aux verges de fer qui tiennent les panneaux, si elles sont cassées ou enlevées, le locataire en répond. Aux glaces : elles doivent être remises nettoyées et entières. Si elles sont cassées, le locataire les doit de même valeur, de même qualité et de même dimension, à moins qu’il ne soit prouvé qu’elles avaient des défauts ; dans ce cas, il n’en doit que la valeur ; si elles ne s’étaient cassées que par l’effet des parquets, le locataire n’en répondrait pas. Aux portes, croisées, cloisons, fermetures, contrevents, chambranles, embrasures des croisées et des portes, lambris d’appui, ceux à hauteur de plancher, mais seulement si la détérioration peut lui être imputée. Si un trou de chatière a été fait, ou si une planche de porte a été endommagée par la pose d’une nouvelle serrure, une planche entière doit être remise par le locataire ; il ne pourrait se contenter de faire entrer un bout de planche. Aux tableaux du dessus des portes, aux autres tableaux ainsi qu’à leurs bordures : les objets de sculptures et autres ornements doivent être réparés ou remplacés s’ils sont détériorés par la faute du locataire ; il en serait de même des papiers qui tapisseraient les appartements. Aux poulies et doubles poulies servant au jeu des cordons des rideaux laissés quelquefois par le propriétaire, ainsi qu’aux croissants propres à les tenir ouverts : si ces objets manquent ou sont cassés, le locataire doit les remplacer ; s’ils ne sont que détériorés, il doit prouver que cela ne vient pas de sa faute. Il en serait de même des balcons et grilles en fer. Aux ferrures et fermetures des portes, des fenêtres, des armoires ; ce qui comprend les targettes, verroux et serrures, s’il y manque quelques pièces ou s’il y en a de cassées, la présomption est contre le locataire. Il doit remplacer ou réparer ces objets, à moins qu’il ne prouve la vétusté ou le cas fortuit. Si quelques fers son déscellés, le locataire doit les faire resceller. A l’égard des serrures, le locataire pourrait dire que les garnitures ne sont pas assez solides pour soutenir le frottement continuel des clés et qu’elles se sont détériorées sans faute de sa part, mais on n’aurait pas égard à son objection : le Code a établi cette responsabilité pour que les locataires ouvrent et ferment les portes et les armoires avec précaution ; si cette responsabilité n’existait pas, il pourrait y avoir abus dans la jouissance (Lepage, p. 538. - M. Troplong, 2. p 343.) Le locataire doit aussi faire ramoner les cheminées ; il ne doit dans le courant du bail plus ou moins souvent, selon l’usage de la cheminée. Si le feu prenait à une cheminée faute d’avoir été ramonée, le dommage serait réparé par le locataire. Les fourneaux de potager ou autres, les voûtes et murs sont à la charge du propriétaire, mais le locataire est tenu à la réparation des carreaux de dessus, ainsi que ceux de dessous où tombe la cendre. Il doit aussi resceller les réchauds, les remplacer quand ils sont cassés, ainsi que leurs grilles même lorsqu’ils ne sont que brûlés. (Lepage, p. 540. - Desg., 467.) Le locataire est tenu pareillement de réparer le pavage de la paillasse de la cheminée. Les poulies ou chaînes des puits, les sceaux, les mains de fer, les poulies des greniers, les chapes des poulies, entrent dans les réparations locatives. Ces objets ont été confiés par le propriétaire. Le locataire est tenu aussi de l’entretien des jalousies à cordons et des stores, ainsi que leurs mécaniques. Quant aux pompes, le locataire ne doit réparer que le piston, la tringle qui sert à le mouvoir et le balancier ; c’est l’opinion de Goupil sur Desgodets. Les tuyaux de descente pour conduire les eaux des toits et des appartements restent à la charge du propriétaire ; s’ils s’engorgent il doit les faire vider ; mais si les grilles sont rompues ou les tuyaux enfoncés, le locataire doit les remplacer ou réparer. Puits, latrines. - Le curement des puits et des fosses d’aisances est à la charge du propriétaire. Il doit aussi réparer les choses qui sont à l’usage de plusieurs locataires. Opinion de M. Troplong qui cite Merlin. Le locataire répond de la soustraction des objets qui lui sont confiés : ainsi il répond du vol des plombs, du fer, des pierres et autres objets. On présume que la négligence a occasionné la perte. S’il avait pris les précautions convenables, ou si le vol avait lieu à main armée, il serait déchargé de la responsabilité. Je dois faire observer que le locataire n’est pas tenu de faire les réparations pendant la durée du bail, à moins que le défaut ne pût donner lieu à une dégradation. Il ne peut dégrader ni gâter les peintures qu’il a fait faire ou les papiers dont il aurait tapissé les appartements. DÉLAI POUR FAIRE LES RÉPARATIONS
On a un an pour faire les réparations des fermes ; l’année part du jour de la cessation de jouissance. Pour les tonnes et tonneaux dont le locataire jouit encore une année après sa sortie, il n’en fait la réparation que l’année suivante, ainsi qu’on l’a dit plus haut. Quoique le propriétaire ait une année pour réclamer les réparations, il peut les demander auparavant s’il a besoin qu’elles soient faites. Quant à la réparation des maisons, on accorde huit ou quinze jours, selon l’importance de la location. Après avoir parlé de la transition d’un bail qui finit à un bail qui commence, et des facilités que doivent se donner réciproquement le fermier sortant et le fermier entrant ; après avoir énuméré les réparations dues par le fermier et par le locataire, je dois entrer dans l’examen d’un programme de questions publié par la Société d’Emulation de Lisieux, dont la solution peut intéresser le pays et éviter beaucoup de petites difficultés. Mais, avant cet examen, je dois rendre un hommage public à cette Société, composée d’hommes qui y apportent le fruit de leurs connaissances diverses ; elle projette des lumières sur beaucoup d’objets d’un grand intérêt, et fait de continuels efforts pour l’amélioration de l’agriculture et des productions de la propriété. Je pourrais placer ici quelques réflexions sur les immenses avantages que dans tous les temps on a retiré des diverses académies que l’on a formées, mais je craindrai de m’éloigner du sujet que je me suis proposé. Je dois dire ici que l’impression de mes notes a été retardée longtemps, parce que cette Société, ayant eu le désir de les faire vérifier par quelques-uns de ses membres, hommes d’expérience et d’intelligence, en a réclamé deux copies : ces copies sont depuis près de trois ans aux mains des sociétaires auxquels elles ont été confiées, et elles n’ont produit aucune réflexion. J’en ai réclamé la remise, mais je n’ai pu l’obtenir. Quoique mon but ne soit que de rechercher les usages locaux, cependant il est bon que je dise un mot du droit de preneur dans la chose louée : il doit en conserver la substance ; il ne peut détruire un bâtiment pour le reconstruire en lui donnant plus d’étendue, soit en largeur, soit en hauteur, quand même il demanderait à rétablir le bâtiment démoli, parce que les matériaux pourraient souffrir dans le changement, mais il pourrait faire une construction nouvelle, sauf à l’enlever. Le preneur peut faire des appropriations dans l’intérieur des pièces de la maison : exemple des alcôves, des cloisons, des portes et autres petits changements, à condition de remettre les choses dans leur état primitif. (M. Troplong, sur l’art. 1729. Voir aussi Duranton et Teulet sur le même article. *
** Questions du programme. - La Société a donné un programme et posé des questions. Je répondrai aux questions par article. ART. 1er
Les fermiers doivent-ils curer les rivières et les maintenir dans leur cours ? Relativement au curage, il faut faire une distinction : si on est dans l’usage de curer les rivières à des périodes rapprochées et que la curure serve d’engrais, les fermiers sont obligés de faire ce que les prédécesseurs ont fait. Ils doivent curer à leur sortie si la période arrive à cette époque et surtout si les rivières étaient curées à leur entrée. Mais si on ne cure les rivières qu’à des périodes éloignées comme dix, quinze ou vingt ans, le fermier n’est pas obligé au curage, lors même que la vase aurait servi précédemment d’engrais à la ferme, et encore que les rivières eussent été curées au commencement du bail. Les fermiers doivent maintenir les rivières dans leurs cours ; ils n’y peuvent faire aucun changement. ART. 2
Des observations qui précèdent s’appliquent aux ruisseaux. ART. 3
Rigoles. - Quant aux rigoles, il en est autrement. Le propriétaire les a établis pour dessécher le fonds ; elles sont d’une bonne administration ; elles empêchent la croissance d’herbes aquatiques et donnent par là plus de valeur à la propriété. Le fermier qui doit jouir en bon père de famille doit donc curer les rigoles dans le cours de son bail et les rendre dans l’état où il les a reçues. ART. 4
Pierres. - Le fermier est-il tenu de ramasser et d’enlever les pierres que les eaux jettent sur les fonds affermés ? Non, il n’y est pas tenu ; c’est un cas fortuit dont il ne répond pas. ART. 5
Curage et dimension des fossés. - Le fermier doit-il, dans le courant de son bail et à la fin, curer les fossés ? Quelle doit être la largeur des fossés à l’ouverture et au fond ; quelle profondeur doivent-ils avoir ? Ici s’applique l’observation que nous avons faite : le fermier ne doit faire dans le courant de son bail que les réparations dont le défaut pourrait entraîner des dégradations ; dans le cas posé, le fermier peut attendre la fin du bail ; mais à cette époque, il doit réparer les fossés s’il les a reçus en bon état. La largeur des fossés varie selon leur destination. Si les fossés garantissent une haie, ils n’ont ordinairement qu’un mètre de profondeur, 1 m 33 c. de largeur, largeur qui se réduit dans le fond à 33 c. S’ils sont destinés à clore des herbages ou des cours et qu’ils soient fortifiés par des hauts bords, ils ont les mêmes dimensions, hors la profondeur, qui a 33 c de plus. Les fossés qui divisent les bois des particuliers des bois ou forêt de l’Etat ont d’autres proportions. on leur donne 1 m 33 c. de largeur et 1 m. 66 de profondeur. ART. 6
Banques. - Le fermier doit-il rebanquer les fossés ? Non, il n’y est pas obligé ; si les hauts bords s’écroulent ou se détériorent par l’action de l’eau ou de la gelée, le propriétaire doit réparer ; si la dégradation provient du fait des bestiaux, le fermier doit faire la réparation. ART. 7
Emondes, arbres. - Quels sont les arbres de haut jet que le fermier a le droit d’émonder dans le cours de son bail ? La réponse est bien simple : il ne peut émonder que des arbres qui ont coutume de l’être : ainsi tous les arbres qu’on émondait à l’entrée de sa jouissance ont pu être émondés par lui. Des fermiers se permettent de couper quelques branches aux chênes, c’est sans droit ; ils doivent indemniser le propriétaire. ART. 8
Haies. - A quel âge et à quelle époque le fermier doit il émonder les haies ? C’est ordinairement à six ans que l’on coupe les haies ; les périodes de coupe sont de ce temps, parce que la réparation des haies faite avec les émondes qui en proviennent ne dure pas plus. Pour la coupe, on la fait depuis décembre jusqu’au mois d’avril. ART. 9
Quelle force doivent avoir les haies et comment doivent-elles être liées et réparées ? Quelle doit être la distance entre les harts ? Quelles doivent être la grosseur et l’essence de celles-ci pour clôtures des pâturages, prés, bois-taillis et terres labourables ? Les clôtures qui séparent des herbages doivent être fortes, parce que les boeufs sont quelquefois difficiles à contenir ; si elles sont vives et bien garnies de plantes qui aient quelques années et de la vigueur il suffit de renforcer les parties faibles et de les lier solidement. Les clôtures entre cours et prés peuvent être un peu moins solides, parce que les cours sont ordinairement dépouillées par des vaches, qui sont en général plus faciles à contenir que les boeufs. Entre terres labourables les clôtures ne sont nécessaires que dans les pays de petite culture, seulement pour contenir les moutons que l’on met dans les chaumes. Les bois sont clos ordinairement par des fossés sur la crête desquels existent des haies peu épaisses. Les liures des haies sont plus ou moins fortes, selon que la clôture doit être plus ou moins solide. La haie à réparer doit les fournir si le bois convient. Il en est de même des harts, elles doivent avoir ordinairement au milieu de leur longueur 0 m 056 m. de tour, elles sont prises sur la haie à émonder. Les harts ne doivent être espacées que de 50 c., elles sont de chêne. La réparation des haies doit se faire d’après les observations que l’on vient de faire et qu’on a faites à l’article des réparations principales. Depuis quelques années la plupart des fermiers se servent de fil de fer pour lier les haies. Je ne crois pas que le propriétaire puisse s’en plaindre. ART. 10
Lorsqu’une haie a trop d’épaisseur, le fermier a-t-il le droit, pour la réduire à des dimensions convenables, de couper par le pied des plantes vives de l’âge des branches à émonder ? La question ne fait aucune difficulté. Le fermier a le droit de couper le bois qui croît à côté des haies ; en le faisant, il ne les réduit pas, il maintient leur épaisseur ; s’il en était autrement, les haies, en s’étendant, porteraient préjudice au fermier, le privant de la jouissance du terrain dont elles s’empareraient. Mais si on demandait si le fermier a le droit de diminuer l’épaisseur que les haies ont acquise depuis longtemps, on répondrait qu’il ne le peut pas ; la haie tout entière appartient au propriétaire, le fermier n’en a que les émondes ; il doit laisser les choses dans l’état où il les a reçues. Les buissons du pied des haies et ceux qui ont été pénétré dans les herbages et cours doivent être soigneusement coupés. ART. 11
Bois-taillis, abattage. - A quelle époque doit commencer et finir l’abattage des bois-taillis ? Quand l’enlèvement des bois abattus doit-il être achevé ? On peut commencer l’abattage dès le mois de décembre et le prolonger jusqu’au quinze avril. On fait les bourrées et les fagots, ainsi que la corde, jusqu’au mois de mai ; l’enlèvement des bois se fait jusqu’au mois de septembre. C’est la même chose pour les haies. ART. 12
Quel âge doivent avoir les bois-taillis pour être mis en exploitation ? Neuf ans ordinairement, parce que c’est le terme le plus long des baux qui contiennent d’autres natures de biens. ART. 13
Bois, bestiaux. - Les fermiers peuvent-ils mettre leurs bestiaux à la pâture dans les bois-taillis ? Non, ils ne le peuvent, n’importe l’âge du bois, parce que les bestiaux pourraient brouter des petits baliveaux et les endommager. ART. 14
Extirpation des mauvaises herbes. - Le fermier est-il obligé d’extirper les mauvaises herbes dans les herbages et prairies ? Il doit jouir en bon père de famille ; cette obligation entraîne celle qu’on met en question ; il y trouve aussi son compte parce que les mauvaises herbes feraient tort à sa jouissance.
ART. 15
Droits de faucher. - Le fermier a-t-il le droit de faucher les prés deux fois dans la même année ? Il n’a pas ce droit, à moins que les près ne baignent et qu’on ne soit dans l’usage de faire deux récoltes. ART. 16
Le fermier peut-il faucher des relais dans les herbages où on a l’habitude de mettre des boeufs ou des vaches à engraisser ? Les herbages parqués convenablement, les herbes dépouillées autant que possible par les boeufs ou les vaches, s’il reste des herbes grasses, l’usage permet au fermier de les faucher, mais seulement dans ce cas. ART. 17
Bestiaux à embricoler. - Dans les pâtures où il existe des arbres fruitiers, le fermier est-il astreint à embricoler les bestiaux, même les élèves, s’ils les endommagent ? Il doit jouir comme le propriétaire jouirait lui-même ; il ne peut laisser endommager les arbres par les bestiaux ; il doit prendre les précautions nécessaires pour les garantir, parce que le propriétaire en agirait ainsi ; il est donc obligé d’embricoler ses bestiaux. ART. 18
Perches - Le fermier est-il obligé de fournir des perches pour empêcher les branches trop chargées de fruits de casser ou d’éclater ? Le propriétaire livre au fermier la jouissance de tous les objets qui composent la ferme ; le fermier est obligé de faire tout ce qui dépend de lui pour leur conservation ; s’il y avait négligence il commettrait une dégradation dont il répondrait ; il est donc obligé de soutenir les branches des arbres et de se procurer des perches pour cet objet. Pour donner une solution contraire, il faudrait regarder les perches comme les accessoires des arbres, ce qui n’est pas possible. ART. 19
Retaille des arbres. - Le fermier a-t-il le droit de retailler les arbres fruitiers, et quelles sont les époques périodiques où ce travail doit avoir lieu ? La retaille des arbres n’est pas un produit périodique sur lequel le fermier ait dû compter ; cette retaille se fait à des intervalles plus ou moins longs et au gré du propriétaire, lorsqu’il pense qu’elle est nécessaire ; il a fait faire de manière à conserver ses arbres et à leur donner une bonne direction ; il faut donc décider que le fermier n’y peut rien prétendre. ART. 20
Bois morts. - A qui appartiennent les bois morts et les arbres fruitiers qui viennent à tomber ? Ces bois appartiennent aux propriétaires ; il n’a affermé que les produits annuels et périodiques : on ne peut considérer comme tels les bois dont il s’agit ; c’est une partie de la chose qui pèrit ; elle revient au propriétaire. ART. 21
Je viens de dire que les bois secs appartiennent au propriétaire ; mais il doit remplacer chaque arbre par deux entes, parce qu’il doit maintenir le produit de la ferme autant qu’il le peut. ART. 22
Bêcher les arbres. - Qui doit bêcher les arbres fruitiers et à quelle époque ? Si les arbres fruitiers ont coutume d’être bêchés à une certaine circonférence, le fermier doit entretenir cet usage et observer les périodes de ce travail ; cette obligation dérive de celle que lui impose la loi d’user de la chose en bon père de famille ; c’est en février et mars que se fait ce petit labourage. ART. 23
Assolement - Dans l’assolement triennal, quelle quantité de blé, avoine, pois, vesce, trèfle commun, le fermier, doit-il et peut-il faire. Le fermier ne peut dessoler ni changer la culture ; l’usage bien ou mal entendu lui en fait une loi. On sait que l’agriculture est encore arriérée dans notre pays, mais ce n’est pas au fermier à essayer des améliorations de cette nature : c’est au propriétaire, en louant sa ferme et pour en tirer plus de parti, à permettre au fermier de faire tels changements dans les saisons et dans le mode de culture. Cependant, le fermier peut faire plus ou moins de trèfle, parce qu’on regarde qu’au lieu de prendre des sels de la terre ce produit lui en donne. Il n’en est pas de même de l’avoine, des pois et de la vesce ; le fermier n’en peut pas faire dans la terre destinée à rester en guéret, parce que cette production épuise. Enfin, on le répète, le fermier doit faire ce que faisait son prédécesseur, ou ce que font les autres fermiers du canton. ART. 24
Colza, - Le fermier peut-il faire du colza, du lin et autres plantes épuisantes ? Non, il ne le peut pas, à moins qu’on ne soit dans l’habitude d’en faire sur la ferme ; dans ce cas, le fermier n’en fera que suivant l’usage et en fumant la terre convenablement. Dans le cas où il aurait le droit de faire du colza, il devrait en laisser à la fin de sa jouissance, pour que le fermier le plante en entrant. On suppose qu’il en a trouvé. (Caen, Rec. 1849) ART. 25
Plantations. - A quelle distance du fonds voisin doivent être plantés les arbres et les haies ? Le règlement de Normandie de 1751 portait que les pommiers, poiriers et les arbres de haute futaie ne pourraient être plantés qu’à sept pieds du fonds voisin. Il ne prescrivait pas de distance pour les arbres aquatiques, qu’on plantait au bord des ruisseaux ou rivières. Ainsi, on doit se conformer à ce règlement, parce que le Code civil a respecté l’usage et n’a prescrit une distance que pour le cas où il n’y en aurait pas de fixée. On doit donc planter à 2 m. 33 c. les pommiers, poiriers et arbres de haute futaie. On a prétendu que l’art. 10 de ce règlement faisait une exception pour les plantations entre herbages et masures ; mais c’était une erreur. (Voir un arrêt de la Cour de Rouen, du 17 novembre 1827.) Les haies ne peuvent être plantées qu’à 50 c. du voisin. Les fossés ne peuvent non plus toucher le fonds voisin ; ils doivent être aussi à 50 c. et même à 66 c. de la terre en labour. (Art. 13 du Règlement.) Les fossés à eau doivent être à 2 m. des murs. (Coutume de Paris.) Distance à observer pour les mares et marnières. - Mares - On exige une plus grande distance que pour les fossés, on veut qu’elles soient éloignées du fonds voisin ; on réclame une distance égale à leur profondeur. Sur ce point, on suivrait le droit écrit. (Voir la loi 13, ff. livre 10, titre 1er ; Proud’hon, Du Domaine public, 2, n° 589.) Il en est de même des fosses, des citernes, des viviers et des réservoirs. On exige un espace égal à la profondeur. (Même loi.) Ni la loi, ni l’usage ne font de distinction fondée sur la nature de l’exploitation voisine ; que les fosses ou autres excavations soient entre cours, herbages et labours, l’intervalle est le même. Marnières. - Carrières. - Les carrières doivent être à 66 mètres du bord des chemins. (Déclaration du Roi du 27 mars 1780.) Elles sont exploitées de manière à ce que les rues ne soient pas dirigées du côté du chemin. On doit laisser 200 perches entre les carrières et les bois de l’Etat. (Ordonnance de 1669, art 12, titre 37.) L’ouverture doit être entourée par une palissade. (Ordonnance de police du 15 novembre 1784.) Les carrières à plâtre ne peuvent être exploitées par cavages ; elles doivent l’être par tranchées et être éloignées des routes de 16 mètres. (Déclaration du 15 janvier 1779.) On exige une distance moindre que pour les autres carrières. Mines. - On ne peut ouvrir des puits de mineurs qu’à la distance de 100 mètres des clôtures murées et des habitations. (Art. 1er de la loi du 21 avril 1810.) ART. 26
Forières. - A quelle distance des lignes de bornage peut-on lever les forières ? On n’est pas obligé de laisser de distance, parce que la terre enlevée de la forière ne creuse pas de manière à porter préjudice au fonds voisin. ART. 27
Cordon. - Quand on laboure, doit-on laisser un espace entre la ligne de séparation et le champ voisin. Non, on n’est pas obligé de laisser un cordon ; le milieu de la raie où se trouvent les bornes peut être labouré. ART. 28
Haies. - Hauteur. - A quelle hauteur doivent être réduites les haies vives servant de clôture entre deux propriétés, qu’elles soient mitoyennes ou non ? Elles devaient être réduites à 1 m. 66 c. et à 2 m. selon le Règlement de Normandie de 1751 ; l’usage les a maintenues à cette hauteur. ART. 29
Elagage. - Peut-on contraindre le voisin à élaguer ses haies chaque fois que des branches dépassent la ligne séparative ? Oui, on le peut, parce que les branches, par l’ombre et l’égout, causent un peu de dommage ; cependant, le bon voisinage souffre les branches les premières années du recru. ART. 30 Arbres. - Distance. - Le propriétaire d’un arbre âgé de plus de trente ans, n’ayant jamais été élagué, planté à une distance moindre que la distance légale, peut-il être forcé de couper celles des branches qui dépasseraient la ligne de séparation ? Branches avançantes. - On ne prescrit pas le droit d’avoir des branches avançantes sur le fonds voisin ; ces branches, dans les premières années, ont pu ne pas nuire ; d’un autre côté, le bon voisinage les souffre, tant qu’elles ne causent pas un dommage appréciable. Tous les auteurs sont de cet avis. Par-dessus, tome 1er, p. 440 et 441 ; Vareille, Prescription, 1, n° 119 ; Duranton, 5, n° 398 ; Proud’hon, Droits d’usage, 2, 572, et autres ; Sirey, 1815, 2, 479. Cependant, MM. Delvincourt, 1, 564, et Troplong, au mot Prescription, n° 347, sont d’avis contraire. L’article 6 du Règlement sur les plantations en Normandie. de 1,751, obligeait à l’élagage jusqu’à 15 pieds et de couper les branches qui s’étendaient sur le voisin. ART. 31
Arbres. - Tronc incliné. - Le propriétaire d’un arbre âgé de plus de trente ans, planté à une distance légale ou non, mais dont la cîme s’inclinerait sur le terrain voisin, pourrait-il être contraint de couper la partie du tronc de cet arbre qui, d’après une ligne perpendiculaire, se trouve excéder la limite de son héritage ? On doit respecter le corps de l’arbre qui a prescrit le droit d’être planté à l’endroit où il a pris sa croissance et le droit de rester dans la direction qu’il a prise ; mais les branches qui s’étendent sur le fonds voisin doivent être coupées, parce qu’on ne peut invoquer de prescription en leur valeur, d’après ce que j’ai dit sur l’article précédent. ART. 32
Arbres plantés sur la berge. - Est-ce au propriétaire du fossé qu’appartiennent les arbres plantés sur la berge ou répare ? La berge appartient au propriétaire du fossé ; par conséquent, les arbres qui y sont plantés lui appartiennent aussi, à moins que la prescription n’en ait donné sa propriété au voisin ; ce dernier aurait pu se plaindre de ce que la distance n’avait pas été observée, mais en ayant souffert la croissance pendant trente ans, le propriétaire a prescrit contre lui le droit de les avoir à moindre distance. ART. 33
En est-il de même si ces arbres ont été émondés par le voisin depuis plus de trente ans ? Non ; il n’en est pas de même, parce que la possession que l’on acquiert par l’élagage donne la propriété de l’arbre, si cette possession a duré trente ans avec les caractères voulus par la loi. ART. 34
Banques. - Distances. - Dans le cas où l’on clorait un héritage par une banque de terre, la base de cette banque pourrait-elle être contiguë à la ligne de bornage, ou devrait-on observer une distance quelconque ? La raison qui exige la distance de 0m50 pour les fossé est la même qui doit réclamer une distance égale pour les banques ; la terre qui s’ébou’e dans le fossé doit provenir de ce qu’on appelle répare ; celle qui tombe de la banque doit être reçue par l’intervalle laissé entre les propriétés ; s’il en était autrement la banque nuirait au voisin et le priverait d’une partie de la chose. ART. 35
Quel sera l’angle d’inclinaison de la banque ? On pense qu’il doit avoir de 30 à 35 degrés. ART. 36
Arbres. - Banques. - Distances. - Dans le cas où l’on planterait des arbres sur une banque, le talus de cette banque devrait-il être compté pour les distances à observer ? Il n’y a pas de doute qu’il devrait être compté ; en effet, les distances sont gardées pour deux causes, d’abord pour que les racines ne portent aucun dommage ; en second lieu pour que l’ombre de l’arbre et des branches ne nuise pas au fonds voisin, encore que ces branches n’avancent pas. ART. 37
Le propriétaire d’une banque peut-il, pour la réparer, relever les terres éboulées sur le voisin. Cette question se résout pour l’affirmative ; les terres éboulées appartiennent à la banque, le propriétaire peut les reprendre ; c’est sa chose ; il peut la réclamer, mais il devra le faire dans l’année ; si l’éboulement a causé du dommage, il devra le réparer. ART. 38
Un perré de 0,20 à 0,30 centimètres de hauteur, servant de base à une banque, devra-t-il être considéré comme un mur et placé à fin d’héritage ? Le perré n’a ni la qualité ni la hauteur d’un mur ; il ne peut donc, avec la banque, être considéré comme tel ; une Pareille clôture peut éprouver des éboulements qui doivent tomber sur le terrain laissé pour les recevoir ; il faut donc qu’il existe un intervalle entre la banque et le voisin comme s’il n’y avait pas de perré. ART. 39
Jardins. - Taille des arbres. - Quel est l’usage pour la taille des haies entre jardins ? Le réglement de 1751 ne faisait pas de distinction et l’usage n’en a pas admis ; on a donc six ans pour les émonder ou tailler ; seulement on oblige de couper les branches avançantes. (Voir le Code rural.) ART. 40
Haie d’épines. - Taille - Comment le propriétaire d’une haie d’épines, plantée à fin d’héritage, la tondra-t-il du côté du voisin ? Il ne peut planter à fin d’héritage, il doit laisser les 0m50 exigés par la loi ; mais si du consentement du voisin il n’a pas laissé d’intervalle, ce voisin a par là consenti que le propriétaire de la haie passe sur son terrain pour tailler sa haie ; qui veut la fin veut les moyens ; il a permis la haie sans distance, il doit permettre aussi qu’on la taille pour la conserver, sauf dédommagement, s’il y a lieu. ART. 41
Comment en avait-il été usé avant le règlement de 751, dans les cas des art. 7, 10 et 14 de ce même règlement ! L’art. 7 porte sa réponse ; on plantait les arbres aquatiques sur le bord des ruisseaux et rivières ; on a continué à les y planter. La solution réclamée sur les art. 10 et 14 se trouve aux art 25 et 30 ci-dessus. (Voir ces articles.) ART. 42
Un propriétaire a ouvert un fossé, ou planté une haie, à la distance légale ; le voisin, à son tour, veut planter une haie ou ouvrir un fossé dans une direction perpendiculaire, ou à peu près, à la ligne séparative ; devra-t-il, dans ce cas, s’arrêter à la distance légale, en deça de cette ligne, ou pourra-t-il, au contraire, continuer ses travaux jusqu’à ceux du voisin ? S’il doit y avoir un intervalle, comment et par qui sera-t-il clos ? Le voisin qui vient en second lieu faire un fossé perpendiculaire doit aussi laisser la distance légale, autrement son fossé n’aurait pas ce qu’on appelle répare, et la terre de l’autre voisin s’éboulerait dans le fossé. L’intervalle laissé par les voisins (qui est d’un demi-mètre chacun), ne peu être séparé que par des lisses ou par une haie sèche. C’est à celui qui a un intérêt à clore cet intervalle, à placer, les lisses ou à faire la haie ; on doit regarder que l’intéressé à la clôture est le voisin qui vient en second lieu faire un fossé. Il en est de même pour les haies vives. ART. 43
Haies dans les villes. - Distance. - Dans les villes et faubourgs de Lisieux et d’Orbec, et dans la partie des communes de Saint-Pierre-sur-Dives, de Livarot et de Mézidon, où la population est agglomérée, quel est l’usage constant relativement aux haies vives à pied, se composant d’arbustes susceptibles d’acquérir un assez grand développement (de sureaux, par exemple), lorsque ces haies servant de séparation entre cours et jardins, appartiennent à un des deux propriétaires riverains ? Est-il d’usage reconnu que la limite séparative des deux propriétés soit prise au centre des souches principales, ou bien cette ligne est-elle prise à un demi-mètre du centre de la haie, du côté du voisin qui n’en est pas propriétaire, ainsi que cela se pratique pour les campagnes d’après l’article 10 du règlement de 1751 ? C’est du centre des souches. Si la distance a été observée, le voisin ne peut planter une haie ou des arbustes, qu’en s’éloignant aussi d’un demi-mètre ce qui fera un intervalle d’un mètre entre les deux haies : s’il fait un mur, il ne sera tenu à aucune distance. ART. 44
Congès de fermes. - S’il y a bail écrit pas de congé. (Troplong, 2, n° 406.) S’il y a bail verbal et que l’objet affermé ne contienne pas des terres de labour il expire à la fin de l’année parce que ce temps a suffi pour faire la récolte. La tacite reconduction par suite d’un bail écrit ne dure qu’un an si l’objet affermé ne contient que des herbages ; s’il contenait des terres de labour, il se renouvellerait pour deux ou trois ans, selon les sols et saisons. Le bail verbal de terre de cette nature a la même durée. Un bail écrit, fait pour trois ou six années, sans qu’on ait déterminé le temps du congé, réclame un avertissement de six mois, qu’il y ait des terres de labour ou non. Le tribunal de Lisieux l’a jugé le 11 novembre 1840 ; il s’agissait d’une ferme du canton de Mézidon. ART. 45
Locations verbales. - Quelle est la durée des locations verbales de maisons et d’appartements ? Un mois, trois mois, six mois, un an. La durée est différente selon l’importance de la location Une maison entière n’est presque jamais louée pour moins d’une année ; si elle ne l’était que pour trois mois, même pour six mois, cela ne vaudrait pas la peine ni les frais d‘un déménagement. Un logement composé de deux ou trois chambres est souvent loué pour trois ou six mois : une chambre, pour un mois. ART. 46
Congés de locations. - Ils ne peuvent se donner verbalement, parce que la preuve testimoniale n’est pas admise ; il faut un acte fait double, sinon ils doivent être donnés par huissier. Le congé est nécessaire dans les locations de maisons ou d’appartements, lorsqu’il n’y a pas de terme fixé ; si les parties étaient d’accord sur la durée, il n’y aurait pas besoin de congé. Dans notre pays, avant le Code, le congé n’était nécessaire qu’autant qu’une jouissance verbale avait continué après l’expiration du temps pour lequel le bail était présumé fait. M. Troplong pense que l’article 1736 n’a pas dérogé à l’usage reçu en Normandie, et que l’article 1737, en parlant de baux écrits, a entendu parler de baux fixant un terme ; que le bail verbal, dans le rayon de notre ancienne province, ayant un terme fixé par l’usage, ce bail expire de plein droit à ce terme comme si le bail était écrit. (Voir le tome 2, page 228 et 230) Delvincourt et Duranton partagent cette opinion ; Duvergier est d’avis contraire. Les délais des congés sont plus ou moins longs, selon l’importance de la location. Si l’objet loué consiste dans une maison entière, ou une partie de maison, avec cave, magasin ou jardin, dont le loyer sera au-dessus de vingt francs, le délai du congé doit être de six mois. (Huard, 1, 140.) Pour une, deux ou trois chambres sans cave ni boutique, trois mois. Les chambres louées au mois, soit en garni ou non, ne réclament pas de congé ; le bail expire de droit tous les mois ; seulement, les bons procédés exigent un avertissement verbal de trois ou quatre jours. Voilà l’usage constaté par Houard dans son Dictionnaire de droit normand, tome Ier, p. 140 ; mais MM. les juges de paix de Lisieux ont reconnus que l’usage, dans cette ville, fixait les délais pour les congés : A six mois, A trois mois, A six semaines, La location d’un jardin est présumée faite pour un an, que ce jardin soit situé dans une ville ou dans la campagne, parce que les fruits qu’il produit se récoltent dans l’année. Quels sont les droits et les obligations réciproques de celui qui quitte la jouissance d’un jardin et de celui qui prend cette jouissance ? J’ai parlé plus haut des jardins dépendant des fermes (à l’accasion des facilités que se doivent les fermiers entrants et sortants) ; ici on peut appliquer à peu près les mêmes règles pour l’enlèvement des légumes ; seulement, le fermier sortant devra les vendre le plus tôt possible Il pourra enlever les arbrissaux qu’il aura plantés ; ils lui appartiennent. ART. 47
Cours et allées communes. - Y a-t-il un usage réglant le temps pendant lequel un communiste peut laisser séjourner des matériaux ou objets d’approvisionnement dans la cour ou l’allée commune ? Il n’y a pas d’usage sur ce point ; c’est le droit commun qui sert de règle. Le co-propriétaire peut se servir de la chose commune pour les usages auxquels elle est destinée ; ainsi, il pourra y déposer ses provisions pendant le temps nécessaire pour les faire entrer dans les caves, toutefois en laissant libre le passage des personnes. On ne peut y laisser séjourner aucun dépôt de matériaux ou de marchandises, parce que l’un des communistes ne peut que momentanément jouir de la plus grande partie de la chose au détriment des autres ; celui qui en use au-delà de ce qui se fait ordinairement doit éviter ce qui pourrait être regardé comme malice ou abus. ART. 48
Y a-t-il un usage réglant la fermeture, pendant le jour, de la cour ou de l’allée commune ? Les droits des parties sont réglés ordinairement par leurs titres ; s’il n’y a pas de titres, ou que les titres soient muets sur le point en question, la cour ou l’allée reste ouverte s’il y plusieurs communistes, ou si l’usage de l’un deux était tellement fréquent que la fermeture lui devint incommode (Flaust, tome 2, page 892 ; Pesnel, page 630.) Voilà les droits des communistes entre eux ; mais la police intervient pour leur imposer des devoirs dans l’intérêt de la sûreté : elle exige que les portes des cours et allées soient fermées à dix heures du soir à Lisieux. ART. 49
Fours, Lavoirs, Buanderie, Pressoirs. - Comment se règle la jouissance en commun de ces objets ? Elle est réglée presque toujours par les titres ; ordinairement, chacun a son jour ou sa semaine ; si les parties cessaient de s’entendre, la justice règlerait leurs droits. ART. 50
Fosses d’aisances. - Existe-t-il des usages relatifs à l’époque et au mode de curement ? Entend-on par époque la saison de l’année ? Si on a entendu cela, il n’y a pas d’usage sur ce point : le curement se fait en hiver et en été ; cependant il vaudrait mieux le faire en hiver, il incommoderait moins. Demande-t-on si c’est après une certaine période de temps que la vidange doit avoir lieu ? Si c’est là la question que l’on a faite, je réponds qu’il n’y a pas d’usage et qu’il ne peut pas y en avoir ; quand la fosse est pleine on la fait vider. Il n’y a qu’un mode de curement à Lisieux : c’est à petites barriques avec couvercles. ART. 51
Murs. - Hauteur. - Existe-t-il, pour les villes et faubourgs de Lisieux et d’Orbec, des usages constants qui fixent la hauteur des murs de séparation entre voisins d’une manière différente de celle fixée par le Code civil, c’est-à-dire à une hauteur inférieure ou supérieure à vingt-six décimètres (huit pieds) ? Il n’existe pas d’usages constants ; on construit les murs à toutes hauteurs, depuis 1m66 jusqu’à 3m33, ce qu’il est facile de remarquer. La coutume de Normandie s’en référait à celle de Paris sur la hauteur, des murs ; celle-ci la fixait à 3m33 ; on aurait dû construire les murs à cette hauteur, mais, l’économie, d’un côté, et les convenances, de l’autre, ont dérogé à la coutume (Voir l’art. 663 du Code civil.) ART. 52
Cas de distance et de contre-mur. - Quelle épaisseur et quelle hauteur est-on dans l’usage de donner à Lisieux, à Orbec et aux bourgs de l’arrondissement aux contre-murs entre latrines, citernes, puits et les murs, soit mitoyens, soit appartenant exclusivement au voisin ? Latrines. - L’épaisseur et la hauteur, lorsqu’il s’agit de latrines, doivent être les mêmes partout. Puisqu’on doit éviter les infiltrations. La coutume de Normandie, art. 613, exigeait un contre-mur d’un mètre tout à l’entour, depuis le fond jusqu’au rez-de-terre ; les fondements doivent avoir la même épaisseur. On a dû se conformer à cette prescription qui a paru suffisante. On fait observer que le mur doit être à pierre, chaux et sable, on emploie ordinairement aux parements de la brique grisée et du ciment. Citernes. - La même précaution est employée pour les citernes ; si le Code n’en parle pas, il n’en faut pas conclure qu’il ait voulu les affranchir des travaux nécessaires pour éviter l’infiltration ; il ne le pouvait pas sans porter atteinte au droit de propriété ; l’art. 674 n’est pas limitatif. Caves sous terre. - Le Code ne parle pas non plus des caves sous terre, parce que ces caves n’ont pas besoin de contre-mur ; le propriétaire n’est assujetti qu’à une seule précaution, à faire un mur qui puisse soutenir les terres du voisin. Si les eaux de la propriété de ce dernier s’infiltrent à travers les murs de la cave, il n’en répond pas, c’est que les murs ne sont pas faits convenablement. La coutume de Paris exigeait, pour les puits, un contre-mur d’un pied. On observait cette distance en Normandie. On voit que la loi et l’usage ont prescrit des précautions qui paraissent suffisantes pour éviter le dommage, si cependant il survenait des accidents, l’auteur des travaux serait responsable. C’est l’avis de Rolland de Villargues, tome 4, p. 234 ; de Toullier, tome 11. n° 157 ; de Bertrand de Grenille. Voir encore Daviel, sur les eaux, 2 p. 445. Pardessus et M. Demolombe tome 10, n° 524. La responsabilité serait fondée sur les art. 1382 et 1383 du Code civil : le premier de ces articles parle de tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage : or, il y aurait un fait d’où résulterait un préjudice et quoiqu’on eût pris les précautions indiquées par la loi ou l’usage, on devrait indemniser, parce que l’équité ne permet pas que votre oeuvre déprécie ma chose. L’art. 1383 prévoit le cas d’imprudence : ici il n’y en aurait pas puisqu’on aurait fait ce que l’on croyait convenable, ce qui était prescrit, mais, on le répète, le dommage existerait ; on en devrait la réparation. Cependant la première chambre de la Cour de Caen, par son arrêt du 26 décembre 1859, a décidé qu’il suffisait d’avoir pris des précautions pour être affranchi de toute responsabilité. Dans l’espèce de l’arrêt il s’agissait d’un accident : on prétendit avoir prouvé que l’on avait pris des précautions qui devaient excuser, et la Cour accueillit l’exception ; cependant la preuve n’était pas possible, puisque les prétendues précautions avaient dépendu entièrement de celui qui les alléguait, que rien n’était plus douteux, plus incertain qu’une pareille preuve ; les précautions prises la veille pouvaient ne pas exister le lendemain, que d’une heure à une autre elles pouvaient être négligées ; que le défendeur n’avait aucun moyen possible de vérification ; que la contre-enquète ne pouvait, par conséquent, avoir lieu, ce qui froissait l’égalité des droits des parties. La Cour a donc mal jugé, et l’erreur est d’autant plus regrettable qu’elle a fait rejeter une demande bien légitime. Mais, on le répète, si dans les cas prévus par le Code, et dont nous avons parlé, les précautions ne peuvent excuser, comment pourrait-on les invoquer dans les autres cas d’accident ? Exemple : si un vase ou autre objet tombe d’une croisée, si une pièce de bois s’échappe des mains de celui qui la transporte, si un balcon s’écroule, est-ce que l’on pourrait s’excuser en alléguant des précations qu’on aurait pu vérifier ? Non, assurément. ART. 53.
Fait-on un contre-mur entre un âtre de cheminée et le mur du voisin auquel on l’applique ? On est obligé d’en faire un même contre le mur mitoyen ; ce contre-mur doit avoir 15 c. ½ d’épaisseur, être de la même largeur que l’intérieur de la cheminée et s’élever jusqu’au nivau du manteau, point où ce contre-mur peut s’effacer. Sa construction doit être en tuileaux ou briques. Desgodets et autres auteurs ont pensé qu’une plaque en fonte assez large pour couvrir toute la partie du contre-coeur qui reçoit le feu, peut dispenser du contre-mur. Si une plaque qui n’a pas l’étendue du contre-mur est cependant suffisante pour prévenir les accidents, on doit s’en contenter. ART. 5.
Forge, four ou fourneau. - Celui qui établit une forge, un four ou un fourneau contre un mur qui ne lui appartient pas exclusivement, laisse entre ces objets et un mur un espace de 0 m. 16 c. ½, comme l’exige l’article 614 de la Coutume de Normandie. Le Code a renvoyé aux usages locaux ; il faut donc se conformer à la Coutume et laisser l’intervalle qu’elle réclamait. Le mur à construire doit avoir 33 c. d’épaisseur, (Huard, 2, p. 308). ART. 55.
Ecuries, étables, contre-mur. - Fait-on un contre-mur entre une écurie, une étable et le mur voisin ? Si on y est obligé, quelle épaisseur et quelle hauteur doit avoir ce contre-mur ? La coutume de Paris prescrivait un contre-mur pour l’étable et l’écurie ; l’usage, en Normandie, avait adopté cette coutume. Il fallait donner à ce contre-mur, 22 c. d’épaisseur, le faire régner tout autour, lui donner 33 c. de profondeur et 50 c. de hauteur pour l’écurie, excepté à la mangeoire où il doit s’élever jusqu’au niveau. Pour les étables, on donne au mur une hauteur convenable. (Desg, p. 97 et 98). ART. 56
Magasin de sel. - Quelle épaisseur donne-t-on au contre-mur entre un magasin de sel et le mur voisin ? On fait un contre-mur de 33 c. d’épaisseur et de hauteur et profondeur suffisantes pour empêcher le dommage. Dépôts de fumiers. - Lorsqu’il s’agit de garantir les murs contre des dépôts de fumiers et contre d’autres matières corrosives, ainsi que contre l’humidité provenant des terres jectisses, on fait un contre-mur de 0m22 d’épaisseur, de 0m66 de profondeur et de hauteur suffisante. ART. 57.
Murs de clôture. - Épaisseur. - Y a-t-il un usage qui détermine l’épaisseur des murs de clôture et les matériaux dont on doit les construire ? L’usage exige 33 c. d’épaisseur. Le mur ne serait pas solide s’il était plus faible. On le fait en moëllon, mortier de chaux et de sable, avec chaîne en briques. On construit quelquefois en briques. ART. 58
Louage des domestiques - Denier à Dieu. - Quels sont les usages relatifs aux arrhes ou denier à Dieu ? On ne donne pas toujours le denier à Dieur ; on ne le donne qu’aux domestiques qu’on ne connaît pas ou qu’on connaît peu et particulièrement dans les assemblées, comme garantie de leur engagement : le denier à Dieu en est un signe, et une fois reconnu, ou prouvé par témoins, celui qui l’a reçu doit remplir la promesse qu’il a faite. Il arrive quelquefois que le denier à Dieu est remis comme preuve du refus que fait le domestique de tenir à sa parole ; dans ce cas, le maître a le droit de le faire condamner à le servir sous une contrainte qui sert de dommages-intérêts, si le domestique persiste dans son refus. Le maître ne peut pas non plus rompre l’engagement à son gré ; cependant, si l’un ou l’autre, sur des renseignements dont l’exactitude pourrait être vérifiée, avait une cause de refus, le juge de paix dirait à tort l’action. Voilà le droit ; mais dans la pratique, le maître n’oblige pas le domestique à servir malgré lui, parce qu’il craint de ne pas obtenir un bon travail ; de même le domestique peut craindre de trouver un mauvais maître dans celui qui fait des difficultés pour le recevoir, et l’un et l’autre renoncent à l’engagement. Si le domestique sert, le denier à Dieu n’est pas donné à compte sur les gages : il est en sus. ART. 50
Lorsqu’un domestique est entré au service du maître sans que la durée de l’engagement ait été stipulé, y a-t-il en usage qui détermine cette durée ? Oui, dans l’usage, le domestique qui n’est pas attaché à la culture et qui n’a pas d’emploi particulier, est présumé se louer d’une assemblée à l’autre, assemblée qui partage l’année à peu près également ; dans notre pays, elles se tiennent les 10 juillet et le jour de Noël. On appelle serte l’intervalle des deux assemblées ; quoiqu’une des périodes soit plus longue que l’autre, on ne fait pas de différence dans le paiement des gages. Mais lorsqu’il s’agit d’un domestique attaché aux travaux de la campagne, l’engagement est présumé être d’un an ; il en est de même d’un portier, d’un cocher ou d’une servante de basse-cour (Troplong, 3, p. 104) ART. 60
Le maître peut-il congédier un domestique dans le cours de la période pour laquelle il l’a loué, et de son côté le domestique a-t-il la faculté de se retirer à toute époque ? Le maître ne peut, par caprice ou parce que le travail aurait cessé, renvoyer son domestique avant le temps convenu, il doit remplir son obligation ; de même le domestique ne peut quitter son maître sans cause légitime ; l’infraction à l’engagement de la part de l’un et de l’autre donne lieu à une indemnité. Si le maître ou le domestique allègue des causes, elles sont appréciées par le juge de paix, après les renseignements qu’il a pu se procurer, et la décision qu’il porte est ex æquo et bono ; si le domestique a des torts, il perdra une partie de ses gages ; si c’est le maître, il sera condamné à payer une indemnité. Cependant on fait une distinction entre le domestique de la campagne et le domestique attaché au service des maisons ou à la personne ; lorsqu’il s’agit de ces derniers, le juge doit être moins rigoureux sur les causes de renvoi ou de retraite. La Cour de cassation a même décidé que le maître pouvait renvoyer son domestique en tout temps, et que de même ce dernier pouvait quitter son maître. (Dalloz, 34, 1, 397 ; M. Troplong, 3, 107.) *
** TABLE
A B C D E F G H J L M P Q R S T U V (1) On suivait la coutume de Paris. (Vaudoré, 2 p. 221 ; - M. Troplong, 2,340. |