VEUCLIN, Ernest-Victor
(1846-1914) : Le Pain bénit
dans la ville de Bernay au XVIIIe siècle.- Bernay : impr. V. E.
Veuclin, [1888].- 6 p. ; 23 cm..
Numérisation du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (15.II.2013) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm brC 96). LE PAIN BÉNIT
DANS LA
VILLE DE BERNAY AU XVIIIe SIÈCLE par E.-V. VEUCLIN, ~*~ « PAIN BÉNIT, est un pain qu'on offre à l'Église pour le bénir, le partager entre les Fidèles & le manger avecdévotion. Panis lustratus, vel lustricus.
Quelques sçavans en fixent l'institution au septième siècle dans le
Concile de Nantes. On le donnoit autrefois aux seuls Catechumenes, afin
de les préparer à la communion. Ensuite on l'a donné aux autres
Fidèles. »
A cette citation, empruntée au Dictionnaire de Trévoux, ajoutons la suivante, tirée de l'Histoire ecclésiastique de l'abbé Fleury : PAIN BÉNI, marqué dans les capitules d'Hincmar au 9e siècle (852). - Tous les dimanches & fêtes, le prêtre bénira des morceaux de pain, soit du reste des offrandes, ou du sien, et après la messe il en distribuera des eulogies à ceux qui n'étoient pas disposez a communier. » Ces courtes analyses suffisent pour démontrer l'importance que les populations attachaient autrefois à l'antique coutume du pain bénit, laquelle donna lieu, au siècle dernier, dans les deux paroisses de Bernay, à des abus et à des procès sur lesquels nous avens recueilli les documents suivants : Un inventaire des titres du trésor de N.D. de la Couture signale une sentence rendue au bailliage de Bernay, le 13 mai 1719, portant, règlement du pain à bénir. Le texte de cet acte judiciaire ne nous est pas parvenu, mais nous pensons qu'il se rapportait à l'obligation rigoureuse qu'il y avait pour tous les paroissiens chefs de famille, riches et pauvres, de « rendre le pain bénit » à leur tour (1). Cette obligation rencontre des difficultés. En effet, le 6 février 1729, devant le curé de ladite paroisse, les paroissiens s'assemblent en état de commun pour délibérer... ; sur ce que, par délibération faite en 1723, il est dit que ceux qui seront chargés de faire le pain bénit seront tenus de fournir une quêteuse pour la Vierge sinon de payer au trésor la somme de 3 livres ; en conséquence, lesdits trésoriers auraient chargée le nommé Conard, de la rue aux Charettes, il y a environ un ou deux mois, de faire sa part du pain bénit et de fournir une quêteuse, il en fit refus, pourquoy il n'y eut aucune quête pour la Vierge alors et a refusé de payer lesdits soixante sols. - Le trésorier demande si la communauté entend que le trésor perde les 3 1ivres ou si elle veut autoriser le trésorier d'intenter action coutre ledit Conard pour l'obliger à payer lesdits 60 sols. - Les paroissiens ont dit qu'ils sont d'avis et autorisent le trésorier d'agir contre ceux qui ont refusé ou refuseront de faire le pain bénit et dis fournir une quêteuse comme la maîtresse de la maison ou autre de condition égale, à ce défaut faire payer au refusant la quête sur le pied de 3 livres. L'affaire est portée au bailliage, mais Conard est déchargé envers le trésor et celui ci est même condamné à lui rendre l'argent qu'il a déboursé. - Le 8 janvier 1730, les paroissiens sont. d'avis d'interjetter appel de ladite sentence. L'année suivante, le 29 mai, le grand archidiacre fait la visite de l'égliseSainte-Croix, en présence du promoteur général. A la requisition de celui-ci, il ordonne que les paroissiens de la paroisse « présenteront le pain à bénir en la forme prescrite par l'Église et continueront de le fournir à leurs frais de la qualité et de la pesanteur ainsi que la forme accoutumées, séparément et seul à seul à moins que les sieurs curé et trésoriers ne jugent qu'un seul chef de famille soit impuissant de le fournir séparément, auquel cas seulement il lui sera permis d'en joindre 2 et quelquefois trois, ce qui doit arriver très rarement et jamais plus de 3, dont nous chargeons leur honneur et conscience. Defense faite auxdits sieurs curé et trésoriers de donner cours à l'abus qui commence à s'introduire dans la coupe et distribution du pain bénit par la singularité des morceaux. Ordonnons que l'usage de ne faire aucune distinction à cet égard sera suivi exactement à l'avenir, et en conséquence que tous les morceaux de pain bénit seront égaux pour tous les paroissiens de quelque qualités qu'ils soient, à la seule exception des morceaux être distribués aux sieurs curé et trésoriers, lesquels seront de portion égale; Exhortons lesdits sieurs curé et trésoriers de réduire leurs dites portions afin d'en faciliter la distribution à tous les peuples ; N'entendons aussi déroger à l'usage quant aux ecclésiastiques, enfants de choeur et officiers et serviteurs de l'église, auxquels serviteurs deffendons d'en donner une portion plus grande que celle des ecclésiastiques et des enfants de choeur ; - Ordonnons pareillement que l'usage de quester par les femmes ou filles des chefs des familles qui ont donné la pain bény sera observé comme il s'est toujours pratiqué, et que lesdites femmes ou filles questeront depuis l'ouverture de l'église jusqu'après la dernière messe tant dans la dite église que dans les autres accoutumées ; - Deffendons aux sieurs curés et trésoriers d'admettre au lieu desdites femmes et filles des personnes d'une condition inégale et à plus forte raison des servantes, sous les peines au cas appartenant... » Le 3 août 1732, par délibération passée devant le tabellion de la vicomté d'Orbec, les paroissiens de Sainte-Croix portent plainte contre leur curé à cause de diverses difficultés par lui suscitées, notamment « de ce que, contre l'usage de tout temps observé, ledit sieur curé, de son propre mouvement et sans leur en rien communiquer, auroit changé le lieu ordinaire à bénir le pain béni. » Le 19 décembre 1734, lors d'une assemblée desdits paroissiens, il est remontré que les deux « donneurs » de pain bénit, qui n'ont que chacun trois livres de gages par an, sont sur le point de quitter leurs fonctions s'il ne leur pourvu d'une augmentation ; les paroissiens sont d'avis que les gages de chacun des donneurs de pain bénit soient réglées et fixées à l'avenir à six livres par chacun an. Les notes de l'abbé Gautier, prêtre habitué de Sainte-Croix constatent ainsi qu'il suit, l'obligation pour tous les ecclésiastiques de fournir le pain à bénir et la liberté laissée aux paroissiens de donner ce pain de la même nature que celui destiné à la consommation ordinaire : « Le 25 8bre 1737, sentence rendue au baillage d'Orbec contre Me Germain Guillaume Gautier, prêtre, pour se voir condamner à faire le pain bénit. Le sieur curé Bayvel, en procès avec ses prêtres, a fait le pain béni pour contraindre ses confrères à le faire ; le sieur Mouton, prêtre, actionné pour faire le pain bénit, il a présenté 6 l de pain que le curé a refusé de bénir ; les trésoriers condamnés aux dépens envers le sieur Mouton le 14 l0bre 1737. » Le dernier document est du 19 janvier 1749 ; il concerne la défense de donner des servantes pour faire la quête du pain béni en l'église de la Couture où cette coutume, bien modifiée, existe encore de nos jours. Plus tard, nous aurons occasion de parler du Pain de Pasques, usage usité dans beaucoup d'endroits (2), mais qui n'existait point, croyons-nous, à Bernay. E. VEUCLIN.
NOTES : (1) Au 17.° siècle, les comptes du trésor des 2 paroisses mentionnent les sommes payées par les paroissiens n'ayant point rendu le pain bénit ; mais le chiffre était réduit pour les pauvres. (2) Un titre de 1770 rapporte qu'il a été toujours d'usage à Ranchi, comme en bien d'autres paroisses, de donner du pain à ceux qui communiaient à Pâques ; que cet usage y existait dès 1436 et que plusieurs particuliers ont fait différentes fondations à ce sujet, qui sont spécifièes pour la charité du pain de Pasques ; qu'il existe encore plusieurs des fonds et des rentes donnés à ce sujet ; que Mgr l'évêque de Bayeux, par un mandement du 7 mai 1723, défendit de distribuer à l'avenir aucun pain ou gâteau avant ou après la communion pascale... (Arch. du Calvados). - A Meulles, une quête se faisait pour le Pain de Pâques. (N. de M. Després). |