VEUCLIN, Ernest-Victor
(1846-1914) : Documents inédits sur
les armoiries de la ville de Bernay.-
Bernay : impr. E.
Veuclin, 1818.- 16 p. ; 23 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (18.III.2016) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm brC 77). ~*~
Les Armoiries de Bernay
Le premier document faisant mention des armoiries de la ville de Bernay est un gros manuscrit in-folio de la Bibliothèque nationale, intitulé : Etat des armoiries des personnes et communautés envoyées ès bureaux établis par Maitre Adrien Vanier, chargé de l'exécution de l'édit du mois de novembre 1696, pour être présentées à Nosseigneurs du Conseil, députés par sa Majesté, par arrest du 4 décembre audit an, et 23 janvier 1697. Dans le volume consacré à la Généralité d'Alençon, page 449, n° 135, on lit : La ville de Bernay porte d'azur à un lion d'or, armé et lampassé de gueules. Le volume donnant le dessin des armoiries renferme une légère variante ; il y a écrit : Les Maire et Echevins de la ville de Bernay : d'azur au lion rampant d'or, armé et lampassé de gueules. — Reçu 50 l. Il nous paraît vraisemblable que les armoiries précitées ne furent point, en 1696, lors de la création de la maîtrise générale des armoiries, imposées à la ville mais que les officiers municipaux de l'époque envoyèrent et décrivirent celles qui ornaient, depuis longtemps peut-être, leur bannière communale. L'enregistrement des armoiries bernayennes coûta 7 l. 10 sols, qui furent remboursés, le 20 octobre 1698, à Guillaume Le Danoys, « eschevin de la ville ».
I
SCEAU COMMUNAL Le premier monument local portant les armoiries de notre cité était le sceau communal, exécuté à la fin du 17° siècle, sous l'administration de Mre Marc Anthoine Deshais, escuier, sieur de Ticheville, conseiller du roi et viconte de la ville de Bernay, promu à l'office de Maire de « l'hostel de ville » dudit lieu par lettres royales datées du 20 novembre 1692. Ce sceau, destiné à la cire, et dont est ci-dessous un fac-simile [NDLE : Aucun fac-sim dans notre exemplaire] exact comme dimension et type, portait cette légende mal orthographiée : SEAU DE BERNAY. Jusqu'en 1792, c'est-à-dire pendant près d'un siècle, ce sceau armorié fut employé à la Mairie, et en 1791 notamment, il est souvent fait mention du cachet aux armes de la ville scellant la correspondance municipale ou sur les scellés apposés dans les monastères supprimés. Une empreinte à sec se trouve encore sur le recto du feuillet 65 du registre de 1790. Lors de la proscription des armoiries, en 1792, ce sceau resta entre les mains du secrétaire de la Mairie, M. Formage. Possédé successivement par MM. Le Prevost, Prétavoine et Assegond, ce dernier en fit don au Musée de la ville, qu'il avait fondé en 1866. Ce rare et précieux joyau de la couronne historique de notre antique cité fut, en 1872, soustrait, on ne sait comment, de la vitrine fermée à clef (et non fracturée), où il était renfermé. Il subsiste encore heureusement quelques empreintes de ce sceau armorié que la Mairie, suivant le patriotique exemple d'un grand nombre de villes, devrait bien adopter à nouveau, au lieu du sceau banal et sans caractère local qu'elle emploie. Citons aussi un petit cachet-breloque, de la même époque que le précédent, portant seulement le Lion héraldique. Ce cachet, qui nous a été gracieusement offert par M. Assegond, servait probablement à la correspondance particulière de l'un des anciens maires.
II
PRIVILÈGE DES ARMOIRIES Autrefois, il n'était pas permis aux particuliers d'emprunter, comme cela se fait de nos jours, les armoiries d'une ville, soit comme enseigne commerciale, soit pour tout autre motif ; ce droit n'était accordé par les officiers municipaux que pour des raisons tout-à-fait exceptionnelles et d'intérêt public. A Bernay, ce privilège fut donné, en 1739, comme nous le verrons plus loin, à l'une des principales corporations ouvrière de la ville. En 1781, cette faveur fut aussi donnée à un particulier, dans les circonstances suivantes : La construction en bois de la majeure partie des maisons et l'insuffisance de pompes à incendie laissaient au feu des facilités de destruction dont nos annales renferment les lugubres récits ; or, en 1781, le 22 avril, un sieur Joseph Court, maître ramoneur, demande la liberté de faire sa résidence à Bernay, ainsi que ses enfants, « avec la permission de porter les armes de la ville à leurs chapeaux ou bonnets, ou à leur boutonnière. » Les officiers municipaux font droit à la demande du sieur Court, « pour estre lui et ses enfants requis à tous jours et heures par tous les habitans de ramoner les cheminées ou prêter leur secours en cas d'incendie…, et voulant donnner audit une marque de l'approbation de la part de la ville, il lui est permis et il est autorisé de porter et faire port ter par ses enfans et aydes une plaque de cuivre, en teste ou à la boutonnière, portant les armes de cette ville… »
III
MARQUES DES TOILIERS Sur les « marques » que les gardes-jurés de l'importante corporation des « toilliers » apposèrent, de 1739 à 1785, sur toutes les toiles tissées dans la ville et les environs, nous voyons l'emblème héraldique de Bernay. Une cinquantaine d' « étampes » portent en effet, comme signe distinctif, un animal léoniforme qui, malgré sa grossière exécution et ses bizarres postures, est bien le Lion Bernayen. Le doute, du reste, n'est pas permis, car le lieutenant de police, à partir de 1770, décrivant lesdites marques, indique : « ...un lion,... ; ...un lion au milieu de chaque empreinte,... ; ... dans le milieu est une espèce de figuere d'un lion,… » Rien d'étonnant à ce que, de même que ceux de Rouen et autres, les toiliers de Bernay aient pris les armoiries de leur cité pour marque de fabrique, pour preuve de garantie commerciale de leurs produits qui, pendant si longtemps, jouirent d'une grande renommée. Nous avons le fac-simile de la première et de la dernière de ces marques armoriées.
IV
ENSEIGNE DE L'HOTEL-DE-VILLE Le 3e monument qui portait les armoiries de Bernay était « l'enseigne de la maison de ville », panonçeau en bois placé au-dessus de la porte de l'appartement servant aux réunions communales, car, jusqu'à la Révolution, il, n'y avait pas d'hôtel-de-ville, et le local qui en servait, loué habituellement 40 l. par an était là où ailleurs, mais toujours dans la partie de la ville appelée LA COMTÉ et place du Pilori, (actuellement place du Collège). - Un curieux tableau, représentant un chapitre d'histoire locale dont nous parlerons quelque jour, nous montre cette « enseigne » dont nous avons un croquis exact. Le registre des comptes du receveur de la ville, pour 1745, porte cette mention : « Payé 3 1. pour avoit fait raccommoder l'enseigne de la maison de ville ». En 1792, le 8 mai, des gardes nationaux volontaires d'Ile-et-Vilaine tentent de supprimer les « armoiries » subsistantes sur « l'ancien hôtel-de-ville », et prennent une échelle pour enlever la planche sur laquelle est écrit : HOTEL DE VILLE et des « fleurs de lys imprimées » mais ils en sont empêchés par le grenadier factionnaire du cor de garde établi dans cet ancien hôtel-de-ville. Les officiers municipaux, en présence des troubles qui semblent vouloir éclater, arrêtent que ladite planche sera détachée, et donnent l'ordre d'anéantir toutes « armoiries et écussons »• sur toutes les portes et dans les lieux où il s'en trouverait.
V
Au début de la Révolution, les armoiries communales reprirent un éclat nouveau. Sous le souffle d'indépendance qui agitait alors la France, ces emblèmes, considérés à juste titre comme des témoignages de gloire et de liberté, furent exhibées avec plus d'enthousiasme que jamais. Toutes les villes eurent à honneur d'orner de leur blason les drapeaux de leurs gardes nationales, les boutons de leurs habits, etc. Bernay ne resta point en arrière dans ce moment de ferveur patriotique qui faisait ainsi revivre ce qui rappelait au peuple, demandant à être libre, l'affranchissement de ses aïeux, et cette ville, fière de ses armoiries, leur donna un hommage mérité, dans cette époque si mouvementée.
VI
DRAPEAU DES VOLONTAIRES Le 25 août 1789, eut lieu la bénédiction des deux drapeaux offerts aux cinq compagnies des volontaires bernayens. La relation de cette cérémonie nous apprend que l'un de ces drapeaux était aux armes de France et l'autre aux armes de la ville. D'après les notes des fournisseurs, nous savons que ce drapeau, plus grand et plus décoré que le premier, était tricolore ; qu'il fut employé pour sa confection 2 aunes de taffetas anglais blanc à 7 l. 10 s. l'aune, une aune de taffetas cerise à 8 1. 10 s., une aune de taffetas gros-bleu du prix de 8 livres. Ce drapeau était à deux faces ; sur l'une étaient peintes les armes de la ville et une inscription ; sur l'autre face était le chiffre du Roi et une inscription. Ces « peintures et escritures » dorées qui coûtèrent 30 livres, furent exécutées par un artiste du lieu, Descours le fils, disciple distingué de Deshayes. Ces deux drapeaux revinrent à la somme totale de 169 l. 13 sols, furent probablement détruits en 1792, car nous n'en n'avons pas trouvé d'autre mention.
VII
TAMBOURS Sur la note du peintre Descours, relative aux drapeaux ci-dessus, on lit : « Pour la peinture des armes de la ville sur 4 tambours..., à 3. l. pièce...12 l. »
VIII
AFFICHES Pour donner plus d'éclat à leur blason communal, les officiers municipaux le firent reproduire en tête de leurs affiches imprimées, en 1791, chez J. Delaunay à Lisieux, car l'imprimerie ne s'implanta à Bernay que l'année suivante, 1792. La vignette, grossièrement gravée sur bois, mesure 100 x 62 en travers ; un cartouche ovale, soutenu par deux larges palmes et timbré d'une coquille, renferme le lion rampant sur champ d'azur. Une banderolle, encadrant le haut du dessin, porte cette inscription en capitales : MUNICIPALITÉ DE BERNAY. Les archives de la Mairie possèdent plusieurs de ces affiches armoriées et nous avons fait graver, mais agrandie et retouchée, la curieuse petite vignette qui est certainement l'œuvre d'un artiste du cru.
VIII
DISPARITION DES ARMOIRIES Nous avons dit qu'en mai 1792, les officiers municipaux, afin d'éviter des troubles provoqués par des gardes nationaux d'Ile-et-Vilaine, ordonnèrent l'anéantissement de toutes armoiries et écussons. De cette mesure résulta la mise à l'écart du sceau armorié de 1696 et de la vignette des affiches. Quant aux marques des toiliers, la suppression des jurandes et corporations les avait fait disparaître dès 1789.
IX
RÉAPPARITION DES ARMOIRIES La gravité des évènements politiques qui s'accomplirent depuis 1792 jusqu' en 1826, la rapide succession des gouvernements, avaient totalement fait oublier le blason de la ville de Bernay sur lequel 1/3 de siècle avait fait une telle obscurité que l'on avait plus souvenance de sa composition. Les divers décrets et ordonnances rendus, à partir de 1809, au sujet des armoiries de villes, né réussirent point à remettre en faveur celles si honorables de notre cité. Ce ne fut qu'en 1826, que M. Dulac, maire, homme distingué et érudit, eut la patriotique pensée de les faire revivre. Il trouva, heureusement, en la personne de son ami M. Auguste Le Prevost, le savant qui pouvait, seul, déchirer le voile qui couvrait, depuis 34 ans, les armoiries bernayennes. M. Le Prevost, qui possédait alors l'ancien sceau dont nous avons parlé, rédigea une note historique dont l'original, revêtu d'une empreinte à la cire, existe aux archives municipales, et que M. Canel a reproduite presque entièrement dans son Armorial des Villes et Corporations de la Normandie. Cette note se termine par ces observations : « Nous supposons que cet exposé et surtout la preuve matérielle que nous y joignons, suffiront pour servir de base à la réclamation des armoiries de la ville de Bernay. Dans le cas où le Conseil du sceau des titres demanderait d'autres témoignages, il serait bon de recourir à des actes déposés chez Mr le Président d'Hozier, mais dont on ne pourra avoir copie ou même communication que moyennant des déboursés assez considérables. On peut toujours commencer par s'appuyer sur l'empreinte ci-jointe et sur les faits que nous venons d'exposer, sauf à recourir plus tard à Monsieur d'Hozier si l'on ne pouvait s'en passer.
Rouen, ce 31 Xbre 1826.
A. LE PREVOST. »
Le louable projet de M. Dulac ne reçut point d'exécution et dix années s'écoulèrent pendant lesquelles l'oubli se fit de nouveau sur l'emblème héraldique de Bernay. Aussi, lorsqu’en 1836-37, M. D'Avanne publia dans le Bulletin de l'Académie ébroicienne une série d'articles sur les armoiries des villes de Normandie, il reçut d'un Bernayen une intéressante note laissant supposer que les armoiries de Bernay consistaient en un mouton d'argent sur un champ d'azur, avec cette devise : LE BARON DE BERNAY. Cette indication, quoique inexacte, a cependant une autre raison d'être que celle se rapportant à la découverte, par un mouton, d'une image de la Vierge à l'endroit où s'élève aujourd'hui l'église N. D. de-la-Couture, légende rapportée dans un rarissime petit livre imprimé en 1667. L'abbaye de Bernay, appelée la Baronnie, portait, en effet, sur son contre-sceau, dès l'an 1271, un Agnus Dei ; néanmoins, il est incontestable que cette figure n'a jamais appartenu au blason de la Comté, seconde portion de la ville, ayant seule la vie et les prérogatives communales. En 1852, M. l'abbé Blais s'exprimait ainsi dans sa Notice historique... sur Notre-Dame-de-la-Couture : « On ne sait pas au juste quelles étaient les armoiries de la ville. Nous avons compulsé bien des livres pour les trouver, et nos recherches n'ont eu aucun succès.... » MM. Malbranche et Canel ont, depuis, apporté la lumière sur cette obscure question que M. A. Goujon développe d'une façon vraiment remarquable dans sa mirobolante Histoire de Bernay, couronnée en 1874, par la Société libre de l'Eure, (section de Bernay). Voici tout ce que dit ce fameux historien, à la page 54 (note 3) de la seconde édition vendue au rabais, (lisez: 1ere édition non placée malgré la réclame de l'auteur dans ses discours), de son livre incomparable et incompris : « Les armes de la ville de Bernay sont : d'azur au lion rampant d'or, armé et lampassé de gueules. C'est un souvenir des armes de la famille des Montgommery. » Nous, qui n'avons pas eu la faveur de recevoir une couronne, mais qui avons la satisfaction d'avoir beaucoup cherché, beaucoup trouve et beaucoup sauvé de souvenirs historiques inconnus, nous serions amplement rétribué de nos peines, si ceux que renferme cette notice avaient pour effet de faire refleurir sur notre hôtel-de-ville et sur le sceau de la Mairie les armoiries qui y brillaient encore il y a 89 ans, et qui ornent les papiers officiels que depuis une douzaine d’années seulement.
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* * Nous avons voulu savoir si, en 1696, la Municipalité de Bernay avait dû produire des pièces à l'appui de sa déclaration des armoiries de la ville ; voici ce que nous répond à ce sujet, par lettre datée du 22 octobre 1881, M. Gourdon de Genouillac, auteur d'ouvrages nobiliaires appréciés, rédacteur en chef du Journal héraldique : « …. Il n'y a aucun document à l'appui des enregistrements des armoiries, les registres qui existent au Cabinet des titres sont formés de cahiers dressés dans les diverses généralités, et croyez bien qu'on n'était pas difficile en 1696 pour l'acceptation des armoiries qu'on soumettait à Mrs les Commissaires qui enregistraient à peu près tout ce qu'on leur présentait en payant 20 livres. Au reste, ce n'était pas une recherche de noblesse, c'était une simple régularisation de blasons et mieux encore un impôt prélevé sur tous ceux qui faisaient, à tort ou à raison, usage d'armoiries. »
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Les matériaux inédits de cette notice ont été pris aux sources suivantes : Archives municipales, séries BB. CC. HH. B. N. P. Articles sur les Sapeurs-Pompiers de Bernay, par E. Veuclin. (Moniteur de Bernay des 13 et 20 décembre 1879, 2 et 9 janvier 1880.) Le Musée municipal de Bernay, par E. Veuclin, 1878. Le tableau représentant « l'enseigne de la maison de ville », exécuté vers 1760, est dans la demeure d'un ancien Maire de la ville en 1751. (Maison Celos, place Dulac.) |