FORTUNATO ZOCCHI
Le Paysage dans Les Chants de Maldoror
Revue d'histoire littéraire de la France
Mai-Juin 1974 - 74 e année - No 3
Armand Colin
La révolte romantique s'exaspère dans l'oeuvre d'Isidore Ducasse. Symbole de la révolte poussée aux extrêmes conséquences, Maldoror se dresse contre l'homme, "cette bête fauve", et contre Dieu qui l'a crée. C'est le surhomme qui s'insurge contre toute loi morale et sociale, contre toute convention, contre l'ordre établi. Sa révolte se développe à travers le crime. Maldoror n'a jamais un visage: il est comme Protée, en perpétuelle métamorphose, toujours insaisissable. Il veut accomplir sa tâche, atteindre son but. Il doit donc agir, se battre, détruire. Mais quel est son domaine? Comme il est un monstre, un être exceptionnel, qui dépasse les limites de la nature, son univers doit être "conçu à sa mesure" (Note 1). C'est donc un univers où le réel et l'irréel s'entremêlent, s'entrecroisent, se superposent; un monde insaisissable ainsi que son héros, monstre-fantôme, visible-invisible; un monde toujours près de la réalité et cependant irréel, toujours vrai et qui cependant n'est jamais dessiné dans les détails, un monde toujours faux et qui présente pourtant les reflets de la réalité. Et cela à cause de "l'intervention directe de l'irrationnel sur le plan concret". Lautréamont "puise son oxygène entre deux eaux: entre la gratuité du rêve inoffensif et une possibilité d'irruption angoissante dans le monde où nous sommes si bien assis". (Note 2)
C'est pourquoi on ne sait jamais exactement où le monstre agit; on n'en est jamais sûr: le paysage peut changer tout à coup. Comme dans un rêve ou, plus souvent, dans un cauchemar, le lecteur est amené à tourner son regard incessamment. Par ce procédé, le paysage change, s'élargit, disparaît, pour réapparaître encore. C'est un paysage dynamique, "un cinéma accéléré" (Note 3) que le lecteur est obligé de suivre. Et pourtant le paysage reste toujours le même: il a une unité, une identité, même lorsqu'il change: c'est l'espace, l'étendue énorme, le gigantesque, où prévalent les éléments morphologiques: mers, volcans, promontoires, rochers, vallées, plaines. C'est un univers sans bornes, qui semble ne jamais finir et que pourtant on peut embrasser d'un regard. Parfois il y a des événements qui ont lieu dans un même endroit, mais dont on ne distingue jamais les contours nets. C'est un univers cosmique, observé à travers une longue-vue, un paysage qui se perd aux limites de l'horizon et qui, surtout dans les deux premiers chants, est couvert par les ombres de la nuit. (Note 4)
En effet, nous sommes emportés dans un mouvement irrésistible, dans une sorte de ronde infernale, qui nous entraîne au sein d'un monde nocturne et toujours étranger au nôtre. (Note 5)
Les ténèbres ont toujours été le domaine de Satan. C'est grâce à l'obscurité (mot qui revient fréquemment dans l'oeuvre de Lautréamont) qu'on peut le mieux accomplir des crimes. Pendant la nuit, "les humains" dorment: alors, les tombes s'ouvrent, les fantômes apparaissent dans le ciel, les navires sombrent, des légions de poulpes ailés planent au-dessus des nuages, une lampe apparaît à la surface de la Seine, Dieu et son cheveu reprennent leur chemin, Maldoror rôde autour des habitations des hommes et répand des montagnes de poux sur la cité endormie. Tout ce qui est étrange, fantastique, effrayant, se passe la nuit. Mais, pendant la nuit, on ne peut apercevoir que des ombres ou des contours indistincts. Lautréamont recourt à d'autres éléments qui accroissent le climat de frayeur: orages, éclairs, vents, cris, gémissement, et toute sorte de bruits (Note 6), qui s'enflent et s'étendent, répandant la peur parmi les hommes et les animaux (Note 7). Le silence même produit parfois un certain effet de suspens. Lautréamont crée une atmosphère plutôt que des paysages. D'ailleurs, on connaît déjà ces effets typiques par le roman frénétique et par le conte fantastique. Donc, la nuit de Lautréamont est presque toujours "horrible" (Note 8), "affreuse" (Note 9); on a nuit "de tempête" (Note 10) ou "d'orage" (Note 11) ou bien "une nuit d'hiver" (Note 12), "sans étoile" (Note 13). Et cependant, Lautréamont est saisi par les charmes de la nuit. Dans "l'hymne à l'Océan", il écrira: "tu es plus beau que la nuit". Maldoror aussi regarde le firmament. Ce n'est pourtant pas pour le contempler (Note 14), mais pour le percer, le fouiller, y chercher son ennemi, le Tout-Puissant, qui d'ailleurs n'est pas si puissant que lui.
Quel est donc le rôle des étoiles dans cet univers magique, désespéré et sombre?
On dirait qu'elles ne jouent aucun rôle de décor au sens classique. En effet, on ne trouve que trois nuits étoilées dans toute l'oeuvre (Note 15), mais ce n'est là qu'une donnée sans couleur; la description n'existe pas.
Les chiens furieux du premier chant "aboient contre les étoiles au nord, contre les étoiles à l'est, contre les étoiles au sud, contre les étoiles à l'ouest".
C'est tout. Dans la strophe 13 du deuxième chant, la lumière des étoiles n'est pas assez forte pour éclairer les traits du visage d'une femme qui apparaît tout à coup. Une seule fois les étoiles constituent une partie du décor. C'est dans le troisième chant, lorsque, "au milieu des étoiles qui compatissaient à leur douleur et sous l'oeil de Dieu, s'embrassaient en pleurant l'ange de la terre et l'ange de la mer" (Note 16). Même ici, cependant, les étoiles n'occupent qu'un petit coin de l'univers cosmique dans lequel les deux fantômes se déplacent. Elles sont là tout simplement, toile de fond d'un événement prodigieux, extraordinaire, ce qui fait partie des effets optiques de gigantisme, chers à Lautréamont.
Les autres allusions aux étoiles sont occasionnelles; on les trouve assez fréquemment dans les comparaisons. Ce qui est curieux, c'est que dans la plupart de ces images, on rencontre des comètes ou des météores (Note 17).
Si les étoiles n'ont qu'une très faible importance dans le paysage des Chants, en revanche on a des nocturnes lunaires. Trois strophes ont leur dénouement au clair de lune (Note 18); mais il y a encore deux scènes où notre planète brille dans le ciel: celle du champ de bataille (Note 19) et celle où Maldoror, appuyé sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, en attendant le crépuscule du matin, "contemple la lune qui verse sur sa poitrine un cône de rayons extatiques où palpitent comme les phalènes, des atomes d'argent d'une douceur ineffable" (Note 20). Cette lune, dont Maldoror subit les charmes, brille sur la campagne (Note 21), sur la mer (Note 22), sur la plaine endormie (Note 23), sur une prairie verdoyante (Note 24), sur le marbre des tombeaux (Note 25), sur un champ de bataille (Note 26). Même quand il ne s'agit que d'un raccourci, d'une évocation occasionnelle, l'image est nette, précise, vivante. Elle s'accompagne toujours de sentiments de douceur (Note 27); parfois elle rappelle un monde fabuleux et fantastique (Note 28). Quand la lune apparaît, il n'y a jamais de crimes; l'enfer maldororien cesse de tourbillonner; la frayeur et la peur disparaissent; tout reste tranquille, paisible.
A vrai dire, dans la strophe 8 du premier chant, la scène s'exaspère de plus en plus; la lune ne sert qu'à créer des jeux d'ombres: "Au clair de la lune [...] l'ont voit [...] toutes les choses revêtir des formes jaunes, indécises, fantastiques. L'ombre des arbres, tantôt vite, tantôt lentement, court, vient, revient, par diverses formes, en s'aplatissant, en se collant contre la terre" (Note 29).
Pas de doute, nous sommes en pleine description réaliste; ces tableaux nous sont connus: le romantisme et le symbolisme ont largement exploité cet élément de décor. Mais Lautréamont ne laisse rien au hasard. A ces premiers coups de pinceau, on s'aperçoit qu'il veut créer un climat halluciné de désolation et de peur. Il suffira d'y ajouter quelques autres éléments, et le jeu sera fait. En cela Lautréamont est maître, et on peut bien dire qu'il a obtenu des effets uniques.
L'élément qui remplit les nuits où vont se dérouler les épisodes les plus terribles, les plus affreux, c'est le vent, qui souffle, siffle, gémit, beugle, qui nous apporte les cris les plus divers, qu'il accroît, multiplie, exaspère.
"Précurseur de la tempête" (Note 30), il gémit sur la mer, à travers les feuilles, autour de la cabane de paille; il s'abat sur le feu qui réchauffe la chaudière et augmente les plaintes de ceux qui vont être offerts en holocauste à la nuit. Il est tour à tour, étrange, froid, violent, furieux, strident. Ses sifflements plaintifs attristent l'humanité. On l'entend, on l'écoute, on le voit même: il balance des fleurs fanées, flagelle les cheveux de Maldoror, ébranle les frêles murailles d'une cabane, répand les flammes obscures du feu, balance la chevelure noire du pendu, ainsi que le squelette desséché de Mervyn suspendu au dôme du Panthéon (Note 31). Lautréamont réussit ainsi à créer une atmosphère de crainte (Note 32) et confère en même temps au paysage un mouvement étrange et mystérieux.
Mais le vent n'est qu'un des éléments auditifs dont Lautréamont se sert pour créer ses effets magiques. Il y a encore toute une technique et une vaste gamme de bruits qui remplissent certaines strophes. Souvent le paysage n'est composé que d'un décor très pauvre, qui, en général, manque de couleur. Lautréamont en esquisse quelques traits; il y met toute sorte de bruits mystérieux; il le remplit d'animaux les plus différents et le milieu où Maldoror agit est prêt. C'est un tour de prestidigitateur.
Voyons la première strophe où le paysage commence à paraître; celle des chiens furieux (Note 33).
C'est un nocturne: la lune brille dans le ciel. On est tout près de la mer, dans "des endroits isolés de la campagne". L'ombre des arbres revêt toutes les choses de formes fantastiques. Le paysage est, à notre avis, tout à fait particulier. Rien n'y manque. On y voit des rochers et des montagnes, des fossés et des chemins, des pierres escarpées, des herbes, des bruyères et un étang. On y trouve des chouettes, des lièvres, des serpents, des crapauds, des araignées, des corbeaux, des poissons, des animaux sauvages et même un voleur qui s'enfuit. Ce n'est pas "un endroit"; c'est une étendue, un panorama: c'est le monde entier parcouru par toute sorte de bruits: le vent gémit à travers les feuilles ses notes langoureuses, le hibou chante sa grave complainte; on entend le bruit sourd des vagues, les coups secs de mâchoire et les aboiements des chiens qui courent à travers la campagne et, après avoir mangé un voyageur attardé, se précipitent les uns sur les autres et se déchirent en mille lambeaux.
Mais le récit n'est pas fini. Le décor change; Maldoror continue à régner. Lorsque le matin arrive, tout redevient tranquille; le monstre se cache au fond de sa caverne aimée, sur un lit de paille, et regarde l'horizon, à travers les broussailles qui recouvrent l'entrée. Le paysage s'est rétréci; le panorama a disparu; il n'en reste qu'une caverne. Mais l'horizon est là, qui attend l'apparition du monstre. D'ailleurs où peut-on trouver Maldoror? Il faut le chercher dans des "parages solitaires" (Note 34), dans des "parages non fréquentés" (Note 35), dans des "parages de désolation", dans des "contrées dépeuplées". Il fréquente les cavernes et prend pour refuge les "endroits inaccessibles", où il se cache secrètement (Note 36). Si l'on veut savoir où il est, il faut "demander aux cités immobiles si elles ont vu passer un instant (Note 37), le long des remparts, celui dont le sperme sacré embaume les montagnes, les bruyères, les forêts, les promontoires (Note 38) et la vastitude des mers" (Note 39).
En effet, la mer est une composante très importante du paysage des Chants. Lautréamont devait certainement avoir été frappé par la majesté de cette étendue d'eau qu'il avait franchie, lorsque de l'Amérique il était parti pour la France. Ecoutons-le: "Il n'y a pas longtemps que j'ai revu la mer et foulé le pont des vaisseaux et mes souvenirs sont vivaces comme si je l'avais quitté la veille" (Note 40). Et c'est encore lui qui prête à Maldoror ce désir: "Je veux mourir bercé par la vague de la mer tempêteuse [...]" (Note 41). Sur quoi, l'Hymne à l'Océan nous renseigne d'abondance (Note 42). Cette immense étendue menaçante et périlleuse est l'objet de son admiration, car, pour la contempler, "il faut que la vue tourne son télescope, par un mouvement continu vers les quatre points de l'horizon" (Note 43). C'est donc une étendue dont il n'aperçoit pas les limites et qui permet à Maldoror d'accomplir ses crimes dans un décor primordial, mythique, gigantesque. Mais c'est aussi un élément dont la puissance déchaînée offre un spectacle grandiose de destruction.
A la première mention qu'il en fait (Note 44), Lautréamont nous présente la mer comme l'élément destructeur qui, avec les ouragans, les tremblements de terre et les maladies, afflige l'humanité. Elle représente une puissance indomptable. C'est un symbole, encore plus qu'un élément de décor. Les "eaux salées qui se soulèvent jusqu'aux nuages" (Note 45), et contre lesquelles les hommes ne peuvent rien, font partie de ce monde obsédant, dangereux, où Maldoror règne en prince incontesté.
La mer est mentionnée vingt-six fois dans l'oeuvre. Trois fois elle constitue le décor essentiel: dans la description du navire qui sombre (Note 46), dans le récit de l'amphibie (Note 47), et dans la lutte entre Maldoror et l'archange (Note 48). On pourrait ajouter à ces scènes la strophe où apparaissent les deux fantômes, même si le paysage ici est très mouvementé, même si l'on voit, et à peine, la plage plutôt que la mer. La première scène (celle du navire qui sombre) révèle les caractéristiques du paysage-atmosphère qu'on a déjà rencontré. La vision est panoramique; Maldoror la regarde d'en haut, "assis sur un roc, près de la mer" (Note 49). Les rocs ne manquent jamais dans les paysages marins de Lautréamont (Note 50). Ils sont le point d'où l'on domine le spectacle, d'où l'on peut observer la scène et d'où l'on peut plonger. Ils sont un symbole d'isolement, de solitude, de danger même. Parfois le protagoniste est assis sur un rocher: il contemple le paysage, il s'abandonne, il est spectateur passif; mais, lorsqu'il est debout, alors c'est qu'il veut se rendre compte de ce qui se passe, il veut dominer, il est le protagoniste vigilant et actif. En général, le paysage est solitaire; personne n'assiste aux crimes de Maldoror; la plage n'existe pas ou bien elle est déserte. Lorsque l'amphibie apparaît (Note 51), quelques paysans s'arrêtent, mais ils ne peuvent rien voir du spectacle auquel Maldoror va assister (Note 52). Au début du troisième chant, lorsque les deux fantômes apparaissent sur la plage, le pêcheur "s'empresse" de faire le signe de la croix et se cache "avec son chien paralysé, sous quelque roche profonde" (Note 53).
Les descriptions sont toujours réalistes, mêmes si elles ne se composent que de très peu d'éléments: les vagues, les rochers, les bancs de sable, l'horizon. Il suffit d'y mettre un protagoniste, du mouvement, des bruits, et l'enchantement a lieu. Voilà donc un navire au milieu de la mer; c'est un vaisseau de guerre qui jette l'ancre (Note 54), car la tempête va commencer. Il vaut mieux obscurcir le ciel (Note 55). (Il ne faut pas oublier que le deuxième chant est dominé par la nuit). On ne voit que des "masses aqueuses qui ouvrent une brèche énorme sur les flancs du navire" (Note 56) et des "paquets d'eau salée qui viennent, en écumant, s'abattre sur le pont, comme des montagnes" (Note 57). "Enfin, la nuit arrive, épaisse, implacable, pour mettre le comble à ce spectacle gracieux" (Note 58). On ne voit plus rien. C'est alors que les éléments auditifs entrent en jeu. On peut entendre "les beuglements de quelque vieille", "les glapissements d'un enfant", des "gémissements", "des plaintes", "des imprécations", "des menaces", "le mugissement de l'océan", et "des coups de canons d'alarme". Ce sont évidemment des procédés à effet. Aussi Lautréamont a-t-il oublié que sur un "vaisseau de guerre" il ne devrait pas y avoir de "vieilles" ni d'"enfants" (Note 59). De toute façon c'est un paysage plus imaginé que vu. On a encore un climat crée à dessein. Et, comme si tous ces effets n'étaient pas suffisants, Lautréamont recourt à un procédé stylistique, à un refrain angoissant: "Le navire en détresse tire des coups de canons d'alarme. Il y ajoute encore des remarques d'humour (Note 60) qui ne sont pas placées au hasard, car elles reflètent la haine du monstre qui ricane et jouit de la souffrance et de la peur de ceux qui vont mourir. Mais, à ce qu'il semble, Lautréamont n'est pas encore satisfait. Un navire qui sombre, ce n'est pas un spectacle assez terrifiant. Il faut accroître le ton, exaspérer la situation. Quelqu'un pourrait se sauver, malgré le naufrage. Et Maldoror est là à dessein, prêt à commettre son crime. Le paysage reste toujours le même; mais le navire n'y est plus. "La coquille de noix s'est engouffrée complètement" (Note 61). A sa place, sur la mer, on voit "une tête énergique, aux cheveux hérissés (Note 62), surnageant sur les eaux" (Note 63). Maintenant, Maldoror est debout sur le rocher; le vent fouette son manteau ainsi que ses cheveux. Il saisit son fusil à deux coups: "un son sec s'entendit et la tête s'enfonça pour ne plus réapparaître" (Note 64).
Les "scènes de la nature bouleversée" (Note 65) ont cédé la place à la scène du crime; mais voilà que six requins apparaissent à travers les vagues. On a ainsi une "scène de carnage", car ils font une "omelette sans oeufs de naufragés" (Note 66). Mais Lautréamont a décidé de détourner notre regard et fixer l'attention du lecteur sur un autre détail. Il interrompt le discours, use des points de suspension et introduit une interrogation. C'est la surprise. On oublie presque ce qu'on était en train de voir, l'attention se concentre sur le nouvel événement. Cette fois, c'est une femelle du requin qui survient. Une lutte s'engage entre les monstres marins. "Du haut du rocher l'homme à la salive saumâtre se jette à la mer et nage vers le tapis agréablement coloré" (Note 67). L'accouplement de Maldoror avec la femelle du requin a lieu "au milieu de la tempête qui continuait de sévir, à la lueur des éclairs" (Note 68).
Cette tempête, on l'avait déjà oubliée; l'action avait pris l'avantage. Mais Lautréamont s'empresse d'y revenir. Autre aspect de sa technique. Au lieu d'insérer de nouveaux éléments descriptifs, le poète rappelle ceux qu'il avait déjà introduits, parfois en les changeant d'intensité, de façon que l'action se développe et que les événements s'enchaînent, le paysage restant toujours le même (Note 69).
Dans les deux autres paysages marins, on n'a pas de tempête. L'apparition de l'amphibie a lieu "un soir d'été où le soleil semblait s'abaisser à l'horizon". Si l'on excepte le kilomètre de sillon écumeux que l'amphibie laisse après lui et les poissons qui lui font cortège, le décor est ici presque inexistant. Sur quoi donc s'appuie le récit? Par quels moyens Lautréamont tient-il éveillé l'attention du lecteur? C'est bien simple. La description s'arrête sur l'amphibie plutôt que sur le paysage qui l'entoure. Ce monstre titanique, immense, majestueux, remplit la scène par sa grandeur. On dirait d'un être féerique sorti de la fantaisie d'un conteur de fée. N'habite-t-il pas la mer "et ses grottes de cristal"? Et le récit de sa vie antérieure ne se ressent-il pas de certains thèmes qu'on retrouve dans les contes pour les enfants (Note 70)? La toile de fond disparaît donc derrière cette apparition grandiose (Note 71). Bref, c'est le premier plan qui occupe toute la scène, de telle façon qu'on aperçoit à peine le paysage où il agit.
Le paysage est à peine esquissé même dans la troisième scène de mer, celle où a lieu la lutte entre Maldoror, "caché derrière une sinuosité de la plage", et l'archange, "qui se tenait sur la pointe d'un écueil, au milieu de la mer" (Note 72). Tout autour on ne voit que "les vagues croissantes" de la marée qui monte. Un seul détail, si l'on veut, mais très important, car il donne un dynamisme au paysage. Et surtout ce n'est pas un élément purement descriptif. Ces vagues grossissantes ont une fonction précise: elles sont indispensables au dénouement de l'action. Il faut que la marée monte pour que l'archange puisse descendre de l'écueil. Le silence, le paysage désert, les distances qui agrandissent la scène font le reste. Maldoror peut ainsi tuer son ennemi. Une fois de plus son crime n'a pas de spectateurs. Il peut tranquillement attendre que la marée lui apporte le cadavre de l'archange.
Au début du troisième chant, autre paysage marin. Mais on ne voit que la grève, au long de laquelle galopent deux chevaux montés par deux personnes-fantômes: Mario et Maldoror. Ici, dans un monde tourbillonnant, c'est l'espace qui occupe une place importante.
C'est "au milieu des airs que les deux génies promènent leur majesté fendant les membranes vertes de l'espace", c'est "parmi les couches d'atmosphère qui avoisinent le soleil" qu'ils "planent en cercles concentriques"; c'est "vers les régions sidérales qu'ils se dirigent à grandes brassées", pour ne plus distinguer "la silhouette suspendue de la planète immonde" (Note 73).
Maldoror vit à son aise "dans les couches supérieures de l'air". L'espace est son domaine: il y règne, il s'y déplace, il le domine. Il annonce qu'on le verra "parcourir comme une comète effrayante l'espace ensanglanté" (Note 74). Parfois il "jette des regards fauves sur les membranes vertes de l'espace" (Note 75); son regard "peut donner la mort même aux planètes qui tournent dans l'espace" (Note 76); sa voix "s'étend dans les couches plus lointaines de l'espace" (Note 77). Pour échapper à la conscience-fantôme, il se précipite "dans la bouche de l'espace" (Note 78).
Dans le combat contre l'aigle et le dragon (Note 79), l'espace constitue la toile de fond de l'action. Le paysage ici est ouvert. "Debout sur la vallée", un personnage "palpe le sein de l'espace, avec le bras horizontal et immobile" (Note 80). Il regarde, "sur la pente de la côte, les guêtres du voyageur aidé de son bâton ferré" qui chemine "sur un étroit sentier". Mais, dès que le combat à lieu, le paysage disparaît. Il n'en reste que la campagne et l'espace. Toute la scène se déroule dans une large étendue; c'est encore un paysage regardé de loin, une vision large, qui offre un large rayon d'action. Tout prend un aspect gigantesque; le paysage doit donc être suffisant pour renfermer le tout.
Ces grands espaces, ces immenses étendues, s'ouvrent sur la campagne, qui constitue l'un des décors principaux du monde de Maldoror.
Le thème de la campagne est traité d'abord dans la strophe 8 du premier chant, en une description réaliste. Ici la campagne, qui s'étend à perte de vue, est l'élément essentiel de la scène. C'est l'espace terrestre qui revient même dans d'autres strophes. C'est encore le paysage en fonction de l'action. Un monde macroscopique en mouvement. En général, la campagne est le théâtre du crime ou bien révèle la présence, même invisible, de Maldoror (Note 81). Elle est solitaire et sauvage. C'est le côté triste de la nature: landes, bois épais, forêts, étangs, marécage. Il est tout à fait naturel que l'action de Maldoror se développe dans un décor dépouillé, aride, dans un vaste espace qui permet au monstre d'agir sans que personne ne le voie, en pleine liberté d'action. Le monde de Maldoror est dépourvu de toute présence: pas d'habitations, si ce n'est des agglomérations mortes ou endormies; pas de témoins, si ce n'est quelques pêcheurs ou laboureurs. Donc des paysages étranges, inaccoutumés. La végétation a souvent une fonction précise: elle constitue un endroit caché, un repaire. Les broussailles et les ronces servent à dissimuler des animaux dangereux tels que les vipères ou les serpents, ou Maldoror qui est encore plus dangereux (Note 82).
Le bois permet à l'hermaphrodite de "fuir la présence d'un ennemi invisible" (Note 83) et la forêt permet à Maldoror de "couper le poignet" à Elsseneur. Mais cette campagne morne, sèche, qui donne un sentiment de tristesse et de malais lorsque Maldoror est sur la scène, sourit chaque fois qu'elle accompagne la vision d'un enfant, d'un adolescent, de l'hermaphrodite. Alors tout change, on retrouve le paysage typique de l'Arcadie; un paysage doux, léger, simple, où les arbres, les ruisseaux, l'ombre, les oiseaux, la fraîcheur, la lune créent une atmosphère paisible, tranquille, sereine.
C'est "l'harmonie apaisée du paysage où dort l'hermaphrodite" (Note 84). On peut retrouver ces deux aspects différents et opposés dans la même strophe: celle de Reginald et Elsseneur (Note 85). La beauté de ce dernier, dont "le front était enveloppé par une auréole de rayons étincelants" (Note 86), donne naissance à un paysage frais, riant. "Les cheveux au vent et respirant les haleines des brises, nous marchâmes quelques instants devant nous, à travers des bosquets touffus de lentisques de jasmins, de grenadiers et d'orangers, dont les senteurs nous enivraient" (Note 87).
Le paysage change tout à coup, quelques lignes après, dès que l'accomplissement du crime approche. La nature devient sauvage, la végétation s'épaissit, prend un aspect terrible et irréel en même temps, par le rapprochement de types de végétation opposés: "Nous atteignîmes enfin la lisière d'un bois épais, dont les arbres étaient entrelacés entre eux par un fouillis de hautes lianes inextricables, de plantes parasites et de cactus à épines monstrueuses" (Note 88).
La forêt est donc un des éléments du décor à effet, grandiose, immense, absurde parfois. On la retrouve même au commencement d'une strophe, sans aucune raison. C'est tout simplement une image isolée et gratuite, sans aucune relation avec ce qui suit. Et soudain elle disparaît aussi vite qu'elle avait surgi (Note 89).
Dans l'oeuvre de Lautréamont, la végétation joue un rôle modeste en comparaison du monde animal, mais lorsqu'on affirme qu'"aucun végétalisme symbole de la vie tranquille et confiante n'est sensible dans l'oeuvre de Lautréamont" (Note 90), on n'a pas tenu compte que dans ce monde tourbillonnant de crimes et de méchancetés, dans ce monde où prédomine la nuit, Lautréamont a réservé une bonne place aux tableaux souriants. On en a déjà rencontré un exemple dans le récit de Reginald et Elsseneur; il y en a d'autres. La tentation de l'enfant (qui nous rappelle l'épisode de la tentation de Jésus dans le désert), se dénoue dans une "atmosphère lourde", mais "le vampire" présente à l'enfant des images merveilleuses (ainsi, Ch. I, p. 148-149). Quand la folle évoque les souvenirs d'enfance de sa fillette morte (Maldoror l'a tuée, et c'est le seul crime commis à la clarté du jour), le paysage qui entoure cette enfant est printanier, joyeux, plein de soleil, de végétation, de fleurs. Même le cimetière perd sa tristesse et nous apparaît comme un endroit gai et souriant (Note 91).
Après sa mort, elle ne peut plus écouter "les babillements de la tulipe et de l'anémone et les conseils des herbes du marécage" (Note 92), mais quand elle était pleine de vie, elle "s'échappait à travers les marguerites et les résédas" (Note 93). Elle aurait voulu avoir une petite soeur, pour laquelle elle aurait tressé "des guirlandes de violettes, de menthes et de géraniums". Les fleurs ne manquent pas dans le monde végétal de Lautréamont (Note 94). L'hermaphrodite dort "dans un bosquet entouré de fleurs. Il rêve que "les fleurs dansent autour de lui en rond, comme d'immenses guirlandes folles et l'imprègnent de leurs parfums suaves" (Note 95). La petite fille, que le regard de Maldoror fera tomber dans un lac, se penchait pour cueillir "un lotus rose" (Note 96). "Un être humain est emporté vers la cave de l'enfer par une guirlande de camélias vivants" (Note 97).
Se référant à cette dernière citation, Bachelard affirme que "si les fleurs restent vraiment végétales, elles sont puériles" (Note 98). Mais c'est peut-être cela que Lautréamont voulait. On sait que les enfants ont une conception animiste de la réalité. Lautréamont, qui d'ailleurs semble avoir un certain penchant pour quelques aspects féeriques de la réalité, se rapproche de la psychologie enfantine. Il nous représente le monde tel que la petite fille de la folle le voit. Et cela sert aussi à créer un climat joyeux, féerique, fabuleux, qui s'oppose et préexiste à l'arrivée de Maldoror sur la scène. Il y a un seul cas où les fleurs apparaissent dans un paysage triste et sombre, pour être détruites. C'est dans le couvent lupanar, lorsque les nonnes, réveillées pendant la nuit, "rôdent dans le préau, écrasant avec le pied les renoncules et les lilas". "Un bouquet de fleurs noires est penché sur leurs seins" (Note 99). Ce qui nous donne à penser que Lautréamont s'est soucié des moindres détails.
L'action de Maldoror se déroule donc surtout au milieu de larges espaces ouverts, mais la ville aussi est souvent théâtre de scènes étranges, fantastiques, déroutantes.
On a souligné le réalisme de Lautréamont (Note 100), qui est remarquable surtout au cours du sixième chant, mais la peinture de la réalité n'intéresse que très peu l'auteur des Chants. Il sait et il veut aller, "au-delà des apparences sensibles" (Note 101), et encore une fois il nous entraîne dans un monde inconnu et saisissant. La ville n'est pour lui qu'un prétexte. Parfois c'est un décor pur et simple, une vision qui surgit du néant et qui soudain disparaît comme un mirage; c'est de la pure fantaisie, sans autre but que celui d'étonner par une rapide succession de paysages irréels. C'est le cas de la ville orientale qui apparaît au cours du cinquième chant:
"Nous arrivâmes à la tombée de la nuit devant les portes d'une cité populeuse. Les profils des dômes, les flèches des minarets et les boules de marbre des belvédères découpaient vigoureusement leurs dentelures, à travers les ténèbres, sur le bleu intense du ciel. Nous longeâmes le bas des fortifications externes, comme des chacals nocturnes, [...] nous nous évitâmes la rencontre des sentinelles aux aguets; et nous parvînmes à nous éloigner, par la porte opposée, de cette réunion solennelle d'animaux raisonnables, civilisés, comme les castors" (Note 102).
La ville est peinte d'abord en panoramique et ensuite dans les détails, mais on vient d'y pénétrer et déjà on la quitte pour ne plus la revoir. C'est donc une ville fantastique, surgie de l'imagination du poète, qui se rattache peut-être aux souvenirs d'enfance ou à des lectures enfantines; quelque chose de gratuit, de superflu, qui cependant donne une certaine étrangeté à la scène. Seul exemple, d'ailleurs, qu'on rencontre dans toute l'oeuvre. S'il y a d'autres rappels de villes imaginaires, ce n'est qu'en passant, sans insistance (Note 103). Pour Lautréamont, la ville est surtout Paris, qui occupe cinq scènes du deuxième chant et presque tout le sixième. La technique descriptive ne change pas. Lautréamont esquisse quelques traits essentiels à l'action, il y ajoute du mouvement, des bruits, et le paysage est prêt. Il s'agit donc encore d'un paysage-atmosphère, d'un paysage actif.
En général, Lautréamont localise topographiquement son récit: "On ne voit plus un omnibus de la Bastille à la Madeleine" (Note 104); un enfant "est assis sur un banc des Tuileries" (Note 105); la lampe jetée dans la Seine surgit "sur la surface du fleuve, à la hauteur du pont Napoléon [...]" et passe "sous les arches du pont de la Gare et du pont d'Austerlitz, [...] jusqu'au pont de l'Alma" (Note 106). Et c'est encore la Seine qui "entraîne un corps humain" (Note 107).
On dirait que l'auteur se sert d'une technique opposée à celle des paysages ouverts. Là, il laissait tout dans le vague, l'incertain, l'approximatif; ici il place l'action dans un endroit bien défini de Paris. Une fois localisée la partie de la ville où la scène se développe, il met parfois en relief quelques détails. Dans la strophe de l'omnibus, par exemple, on a "le pavé en saillie" que l'omnibus fait craquer, "de la poussière" au milieu de laquelle court une masse informe, "des fenêtres" qui s'ouvrent avec impétuosité. C'est un décor dépouillé, linéaire, à peine ébauché. Parfois on n'a qu'une simple localisation géographique dépourvue d'autres éléments (Note 108). De toute façon la description n'est presque jamais unitaire. Elle n'est pas placée au début du récit comme une toile de fond immobile. Le paysage aussi est actif. Lautréamont trace les grandes lignes, mais il les distribue savamment au fur et à mesure que l'action se développe, de façon que le paysage s'enrichit de plus en plus des détails indispensables.
C'est une caractéristique ou peut-être une technique qu'on rencontre dans toute l'oeuvre, mais surtout là où Lautréamont fait "basculer le monde réel, soulevé, craquelé, par la pression d'invisibles forces" (Note 109), là où le paysage réel se mêle à des éléments irréels. Les exemples pourraient être nombreux. Mais l'épisode de la lampe (Note 110) est assez indicatif. Des éléments de décors surgissent par-ci par-là, car Lautréamont les distribue un peu partout comme autant de touches de pinceau. Ces caractéristiques sont accentuées au cours du sixième chant, où le détail devient plus fréquent et plus soigné, car on a ici toutes les caractéristiques du roman (Note 111). Lautréamont suit ce même procédé dans la description des intérieurs qui d'ailleurs ne sont pas nombreux. Il n'y en a que dix (Note 112) dont le premier (Note 113) n'existe pratiquement pas quant au décor. On a des chambres, un ancien couvent, une cour, un salon, une salle à manger. Les descriptions sont toujours très simples au long des cinq premiers chants et deviennent de plus en plus riches et systématiques au cours du sixième. Une atmosphère sombre y domine, produite par des effets auditifs ou optiques (Note 114); plusieurs fois un orage éclate au dehors (Note 115).
D'autres éléments du paysage, bien que moins éclatants, pourraient compléter le tableau. Le soleil, par exemple, qui occupe une place bien réduite dans l'univers de Maldoror (Note 116) et qui apparaît souvent dans des scènes où il y a un enfant. Le lac qu'on trouve trois fois (Note 117) comme toile de fond d'un crime et pour lequel Lautréamont doit avoir très peu de sympathie, puisque dans les métaphores il le définit: "Lac du désespoir" (Note 118), ou le "lac funèbre de sombres malédictions" (Note 119). La montagne, qui est abrupte, froide, sauvage, qui entre souvent dans les scènes où le crime a lieu, qui sert à produire des effets de gigantisme, qui est le symbole de la solitude et, avec la mer, l'un des endroits où Maldoror voudrait mourir (Note 120).
Et enfin les cimetières et les tombeaux, images parfois obsédantes, avec celle des funérailles, qui reviennent plusieurs fois dans l'oeuvre.
Donc le paysage des Chants est étendu, énorme, mais vague et imprécis. En général, on a des visions ouvertes, panoramiques, qui frappent, surprennent, étonnent. Toutefois ne manquent pas les décors plus étroits, les espaces plus réduits: la ville et les intérieurs. C'est un monde assez complet, mais tout à fait particulier, sans couleur et à peine ébauché.
Quelques traits suffisent à Lautréamont pour transporter le lecteur dans un certain "endroit"; il ne lui donne presque pas le temps de regarder ce qui l'entoure, car il y place une action si rapide et surprenante, qu'on est entièrement pris. C'est pourquoi on ne se préoccupe pas des détails. L'effet d'ailleurs est voulu: de cette façon le milieu de la scène a quelque chose de mystérieux qui accroît une certaine atmosphère.
Que Lautréamont sache même nous donner des descriptions plus minutieuses et détaillées, on le voit dans le sixième chant. Mais on a ici un changement de technique. Dans le paysage dominent les intérieurs; la description se fait de plus en plus minutieuse et détaillée; elle s'éloigne de l'esquisse linéaire des paysages précédents, et se rapproche toujours plus des structures descriptives, typiques du roman du XIXe siècle.
Sans doute l'habileté technique de Lautréamont ne perd pas sa valeur, surtout lorsqu'elle est enchaînée dans le déroulement de l'action, de façon que le décor s'enrichisse au fur et à mesure que l'action se dénoue. Mais cette structure architectonique, minutieuse et soignée, équilibrée et statique, nous fait douter que ce changement soit encore une fois un expédiant pour remplir les vides. La recherche de détails qu'on ne rencontre jamais avant, n'est, à notre avis, qu'une surcharge des lignes pures de l'architecture précédente. En effet, le monde fantastique des cinq premiers chants disparaît presque ici. Les strophes qui se terminent toujours d'une façon qui semble illogique et étrange, ne font que nous donner des allusions qui vont se souder vers la fin du sixième chant. Cet artifice dans la structure des strophes se substitue à l'atmosphère hallucinée qui avait animé les chants précédents et qui s'est peu à peu épuisée.
L'ébauche des paysages des premiers chants révèle une caractéristique individuelle, remarquable; mais cette constante typique s'affaiblit dès le quatrième chant et cesse d'exister au sixième. Les images immédiates disparaissent, et Lautréamont y substitue des artifices, dont l'un est l'enrichissement du décor.
En outre, les grands panoramas se répètent, avec des thèmes qui reviennent, se développent. Ce qui pourrait être encore un expédient auquel Lautréamont recourait à des fins de composition.
Dans ce cas l'habileté de Lautréamont est bien étonnante. Lorsque l'inspiration s'affaiblit, il réussit encore à attacher le lecteur, par des artifices que celui-ci n'arrive pas à saisir et qui ont donc l'effet déroutant de l'étourdir, de le "crétiniser".
D'autre part, il faut remarquer que, surtout dans les trois premiers chants, les traits essentiels du paysage ne sont pas placés au hasard, et ne servent pas seulement à préparer et à maintenir un certain climat. Ils ont aussi une fonction bien précise: Lautréamont les choisit avec l'expérience d'un metteur en scène, afin que l'action puisse avoir lieu: chaque élément du paysage est utilisé: les personnages s'y cachent, s'y déplacent, y dominent.
Et comme l'action doit se dérouler dans un certain climat, voilà que ce qui manque en lignes et en couleur, est remplacé par des éléments auditifs et optiques qui augmentent les effets. En outre, ce paysage est toujours et essentiellement dynamique. Par des changements inattendus et rapides, on est transporté d'un milieu réel dans un monde inconnu, étrange, irréel. Parfois, le gros plan d'un personnage cache et fait presque disparaître le paysage: mais c'est encore un procédé: une technique cinématographique.
Ces caractéristiques constantes qui dominent toute l'oeuvre ne peuvent que démontrer l'existence d'un plan et d'un système de composition, tout à fait original et personnel, et, de plus, une structure générale prévue et voulue, ce qui n'amène pas le poète à se transformer en simple artisan du mot, en ciseleur de formes, en rigide architecte de son oeuvre, qui, au contraire, se distingue par originalité et souplesse. Ainsi, le plan de l'oeuvre, soignée dans les détails, reste caché derrière un semblant d'improvisation due à un génie fou. C'est pourquoi on se demande toujours secrètement si le poète n'est pas prêt à se moquer de nous.
C'est le ton général de l'oeuvre qui nous laisse cette impression initiale difficile à effacer. Cependant l'analyse semble n'autoriser aucun doute; l'oeuvre de Lautréamont est l'enfantement d'un esprit éveillé, multiforme, conscient et ces images qui, à première vue, peuvent donner l'impression d'être sorties de la plume, par une sorte d'improvisation hallucinée, révèlent au contraire une unité de style et de construction.
L'humour, la raillerie, les jeux de mots, le kaléidoscope des images qui rendent la lecture déroutante et nous laissent éblouis, choqués, surpris, reprennent leurs dimensions naturelles et commencent à se placer organiquement dans cette oeuvre si difficile à saisir dans son authenticité, et pourtant si parfaitement construite.
Et, s'il est vrai que ce discours doit être développé dans une perspective plus large, c'est-à-dire dans le panorama de thèmes qui nous amènent toujours aux mêmes conclusions, il est aussi vrai que cette nouvelle analyse de l'oeuvre de Lautréamont nous laisse encore une fois perplexes. Le doute qu'une mystification subsiste n'enlève cependant rien au charme éblouissant et mystérieux de cette poésie vraiment bizarre, singulière, unique, qui prélude à la production surréaliste, laquelle, on le sait, n'a pas hésité à recourir aux artifices et aux mystifications.NOTES
(Note 1). P. -G. Castex, Le Conte fantastique en France de Nodier à Maupassant, Paris, Corti. 1951, p. 325.
(Note 2). J. Gracq, "préface" aux Chants de Maldoror, Paris, Corti, 1963, p. 78 (éd. de référence).
(Note 3). G Bachelard, Lautréamont, Paris, 1968, p. 23. Pour Bachelard. "ce n'est pas en terme d'images visuelles qu'on doit analyser la poésie ducassienne. C'est en termes d'images cinétiques" (p. 79). Ce qui est partiellement vrai, non complètement. Notre analyse se propose de voir de plus près cette construction du monde de Maldoror, pour essayer d'en saisir les caractéristiques les plus saillantes.
(Note 4). Il est intéressant de constater que l'oeuvre commence et se développe pendant la nuit qui, peu à peu, s'efface et disparaît. Pour Marcelin Pleynet, cela fait partie de la technique du renversement rhétorique. (M. Pleynet, Lautréamont par lui-même, Paris, Editions du seuil, 1967.) En effet, les deux premiers chants abondent en nocturnes, et aucune action ne se déroule à la clarté du jour. Dans les troisième, quatrième et cinquième chants les nocturnes diminuent et au sixième disparaissent. C'est pourquoi il nous semble utile d'avoir sous les yeux un tableau indicatif des fréquences.
Chant Ier
str. 7 J'ai fait un pacte avec la prostitution. Cit. 1 (= la nuit est citée 1 fois)
str. 8 au clair de la lune... cit. 2
str. 9 Je me propose... cit. 1
str. 10 On ne verra pas... cit. 1
str. 11 Une famille entoure une lampe... cit. 2
str. 12 celui qui ne sait pas pleurer... cit. 1
str. 13 Le frère de la sangsue...cit. 2
Nous avons sept nocturnes. Les six premières strophes ne présentent pas de paysages Dans l'"Hymne à l'océan" la nuit apparaît une seule fois dans une comparaison (p. 141).
Chant II
str. 4 Il est minuit... cit. 1
str. 7 Là dans un bosquet... cit. 7
str. 9 Il existe un insecte... cit. 4
str. 10 O mathématiques sévères... cit. 3
str. 11 O Lampe au bec d'argent... cit. 2
str. 13 Je cherchais une âme... cit. 6
str. 14 La Seine entraîne... cit. 1
str. 15 Il y a des heures... cit. 2
Nous avons huit nocturnes. Dans "L'Hymne aux mathématiques" il y a une seule image qui pourrait être considérée comme faisant partie d'un certain effet de décor: "Pendant mon enfance vous m'apparûtes, une nuit de mai, aux rayons de la lune, sur une prairie verdoyante, aux bords d'un ruisseau limpide..." (p. 192).
Chant III
str. 1 Rappelons les noms... cit. 2
str. 2 Voici la folle... cit. 1
str. 5 Une lanterne rouge... cit. 3
On a trois nocturnes, mais moins nets que les précédents. L'action de la cinquième strophe commence le soir et se termine la nuit. C'est la seule strophe où le temps de chronologie se développe régulièrement. Il faut rappeler que le troisième chant est aussi le plus court.
Chant IV
Str. 6 Je m'étais endormi sur la falaise... cit. 1
Str. 8 Chaque nuit... cit. 2
On a deux nocturnes, mais dans la sixième strophe on n'en aperçoit pas les effets. Il faut remarquer que le quatrième chant est aussi celui où le récit s'affaiblit et où la déraison prend l'avantage.
Chant V
str. 5 O pédérastes incompréhensibles... cit. 2
str. 7 Chaque nuit... cit. 2
On a deux nocturnes. Le premier (str. 5) est une description d'un champ de bataille, tout à fait accidentelle. Il ne constitue pas le décor d'une action.
5. Suzanne Bernard, Le poème en prose de Baudelaire à nos jours, Paris, Nizet, 1959.
6. On pourrait citer de nombreux exemples, mais il y en a un qui nous semble particulièrement efficace: "Accablé sous le poids de l'insomnie [...], Maldoror entend la sinistre respiration des rumeurs vagues de la nuit" (Les Chants de Maldoror, p. 215.)
7. Ce thème de la peur nocturne revient souvent dans la poésie de Lautréamont. Un exemple suffit: "Nous sommes dans une nuit d'hiver, alors que les éléments s'entrechoquent de toutes parts, que l'homme a peur et que l'adolescent médite quelque crime sur un de ses amis." (Les Chants de Maldoror, p. 143.)
8. Chant III, p. 242 et chant II, p. 193.
9. Chant II, p. 208.
10. Chant II, p. 203.
11. Chant II, p. 213.
12. Chant I, p. 143 et chant V, p. 306.
13. Chant I, p. 146.
14. Dans une apostrophe qu'on trouve dès le début du premier chant, il écrit: "[...] firmament bleuâtre dont je n'admets pas la beauté" (chant I, p. 127).
15. "Chiens furieux": chant I, str. 8, p132; "Navire qui sombre": chant II, str. 13, p. 204; "Mario et moi"; chant III, str. 1, p. 123.(Note 5). Suzanne Bernard, Le Poème en prose de Baudelaire à nos jours, Paris, Nizet, 1959.
(Note 6). On pourrait citer de nombreux exemples, mais il y en a un qui nous semble particulièrement efficace: "Accablé sous le poids de l'insomnie [...] , Maldoror entend la sinistre respiration des rumeurs vagues de la nuit" (Les Chants de Maldoror, p. 215.)
(Note 7). Ce thème de la peur nocturne revient souvent dans la poésie de Lautréamont. Un exemple suffit: "Nous sommes dans une nuit d'hiver, alors que les éléments s'entrechoquent de toutes parts, que l'homme a peur et que l'adolescent médite quelque crime sur un de ses amis". (Les Chants de Maldoror, p. 143.)
(Note 8). Chant III, p. 242 et chant II, p. 193.
(Note 9). Chant II, p. 208.
(Note 10). Chant II, p. 203.
(Note 11). Chant II, p. 213.
(Note 12). Chant I, p. 143 et chant V, p. 306.
(Note 13). Chant I, p. 146.
(Note 14). Dans une apostrophe qu'on trouve dès le début du premier chant, il écrit "[...] firmament bleuâtre dont je n'admets pas la beauté" (chant I, p. 127).
(Note 15). "Chiens furieux" : chant I, str. 8, p. 132; "Navire qui sombre": chant II, str. 13, p. 204; "Marie et Moi"; chant III, str. 1, p. 123.
(Note 16). Chant III, p. 223. Il faut aussi remarquer que cette strophe se compose de cinq scènes, dont seulement les trois dernières s'enchaînent dans une succession logique (Navire qui sombre, naufragé tué, accouplement avec la femelle du requin), tandis que les deux premières sont tout à fait détachées. Procédé d'ailleurs habituel dans la technique de Lautréamont qui aborde un sujet, nous présente un personnage et puis semble oublier tout pour commencer un discours qui n'a rien à faire avec celui qu'il avait abordé. On dirait qu'il éprouve le besoin impérieux de tout écrire. Il lui surgit une image à l'esprit, il l'arrête, il nous la donne tout simplement et ensuite il la quitte. Est-ce qu'il ne sait plus continuer? Ou procède-t-il ainsi pour "crétiniser le lecteur", l'étonner, le choquer?
(Note 17). "Vous me verrez parcourir comme une comète effrayante l'espace ensanglanté" (chant I, p. 143).
"L'apparition de cette comète enflammée ne reluira plus..." (chant II, p. 171).
"Mais il vaut mieux croire que c'est une étoile elle-même qui est descendue de son orbite, en traversant l'espace, sur ce front majestueux" (chant II, p. 180).
"Parfois le paysan rêveur, aperçoit un aérolithe fendre verticalement l'espace" (chant II, p. 190).(Note 18). "Chiens furieux": chant I, p. 132; "Fossoyeur": chant I, p. 151; "Hermaphrodite": chant II, p. 177.
(Note 19). Chant V, p. 306.
(Note 20). Chant V, p. 320. Ces deux nocturnes lunaires n'apparaissent qu'à un certain point de la strophe, lorsque la scène change, tandis que dans les trois premières, la scène est toujours la même.
(Note 21). Chant I, p. 132.
(Note 22). Chant VI, p. 128.
(Note 23). Chant VI, p. 329.
(Note 24). Chant II, p. 192.
(Note 25). Chant I, p. 151.
(Note 26). Chant V, p. 306.
(Note 27). L'adjectif "doux" revient trois fois dans les descriptions des nocturnes lunaires.
(Note 28). Chant I, p. 149; "Le cerf-volant qu'on a caché dans la lune".
(Note 29). Chant I, p. 132.
(Note 30). Chant I, p. 123.
(Note 31). Dans le choix des adjectifs et en ce qui concerne les images, on a tenu compte de toutes les mentions qu'on a rencontrées, y compris les comparaisons, car, par ce procédé, on peut avoir un tableau plus complet des effets que Lautréamont a voulu obtenir.
(Note 32). D'ailleurs il écrira: "Lorsque souffle le vent du nord, les plus intrépides reculent" (chant IV, p. 132).
(Note 33). Chant I, p. 132.
(Note 34). Chant I, p. 151.
(Note 35). Chant IV, p. 263.
(Note 36). Chant V, p. 306. Parages, contrées, endroits: voilà des termes généraux qui ne servent pas à une localisation exacte. C'est le non-lieu, l'incertain; ce sont des indications imprécises, vagues, fumeuses.
(Note 37). Le petit mot, glissé, presque caché à l'intérieur de la phrase, souligne la rapidité de déplacement de Maldoror.
(Note 38). Le mot revient trois fois dans l'oeuvre, mais une seule fois il fait partie du décor (chant II, p. 214).
(Note 39). Chant V, p. 306.
(Note 40). Chant I, p. 136.(Note 41). Chant I, p. 142.
(Note 42). Chant I, p. 135.
(Note 43). Chant I, p. 138.
(Note 44). Chant I, p. 127.
(Note 45). Chant I, p. 142.
(Note 46). Chant II, p. 204 sq.
(Note 47). Chant IV, p. 364 sq.
(Note 48). Chant III, p. 234.
(Note 49). Chant II, p. 204.
(Note 50). Il y en a aussi dans d'autres paysages. On dirait que Lautréamont a le goût de tout ce qui est escarpé. Les mots changent: on a des falaises, des écueils, des crevasses à pic, des précipices, mais surtout des rocs et des rochers.
(Note 51). Chant IV, p. 274 sq.
(Note 52). "En effet, cet amphibie n'était visible que par moi seul, abstraction faite des poissons et des cétacés, car je m'aperçus que quelques paysans, qui s'étaient arrêtés à contempler mon visage, troublés par ce phénomène surnaturel et qui cherchaient inutilement à s'expliquer pourquoi mes yeux étaient constamment fixés sur un endroit de la mer où ils ne distinguaient, eux, qu'une quantité appréciable et limitée de bancs de poissons de toutes espèces, distendaient l'ouverture de leur bouche grandiose, peut-être autant qu'une baleine" (chant IV, p. 277).
(Note 53). Chant III, p. 221.
(Note 54). Lautréamont ne s'attarde pas dans des descriptions inutiles.
(Note 55). Même ici on peut voir que ces effets sont très proches des procédés du théâtre et du cinéma.
(Note 56). Chant II, p. 205.
(Note 57). Chant II, p. 207.
(Note 58). Chant II, p. 205.
(Note 59). Il est vrai que, dans son intéressant article paru en 1957 dans la Rivista di letterature moderne e comparate, M. Pichois nous informe que lors du siège de Montevideo, la France avait envoyé des vaisseaux de guerre sur lesquels purent se réfugier des femmes et des enfants, mais ces événements se passaient en 1846, c'est-à-dire quand Isidore Ducasse n'avait que deux mois. Certainement on ne peut écarter l'hypothèse que le siège de Montevideo ait pu avoir des conséquences sur la vie et sur le psychisme de Lautréamont, fût-ce par le contrecoup des récits de souvenirs évoqués, surtout qu'en 1856, lorsque Isidore avait dix ans, il y eut une autre insurrection à Montevideo. Mais on peut très bien remarquer que celle que nous avons soulignée n'est pas la seule contradiction qu'on trouve dans cette strophe. Lautréamont écrit aussi: "Le vent avec fureur des quatre points cardinaux", ce qui nous donne encore une fois une idée de la façon dont notre auteur cherche les effets. Si le vent devait arriver d'une seule direction, comme dans la réalité, le paysage perdrait en puissance. Ici, il n'y a pas de doute; l'effet est voulu. L'oeuvre de Lautréamont est sous le signe de la contradiction. A ce propos, voir aussi la note 62.
(Note 60). Chant II, p. 205.
(Note 61). Chant II, p. 206.
(Note 62). C'est encore une contradiction à effet. Des cheveux mouillés ne peuvent pas se hérisser. Ici le lieu commun devient pour l'occasion, un phénomène qui s'oppose à toute loi naturelle.
(Note 63). Chant II, p. 207.
(Note 64). Chant II, p. 208.
(Note 65). Chant II, p. 209.
(Note 66). Chant II, p. 209.
(Note 67). Chant II, p. 210.(Note 68). Chant II, p. 211.
(Note 69). Le thème du navire englouti par la mer avait été annoncé au chant I, p. 127 et dans l'Hymne à l'Océan (chant I, p. 140). Développé au chant II, il sera encore repris au chant V, p. 271.
(Note 70). D'ailleurs, on retrouve ces rapprochements avec les comptes enfantins, même dans la strophe de la tentation (chap. I, p. 144) où Lautréamont dit explicitement: "[...] Tu serais invisible comme les princes dans les comptes de fées". (p. 148).
(Note 71). Cette apparition, à notre avis, renvoie à la fois à la vision dantesque de Farinata et celle de certains êtres mythologiques, moitié être humain et moitié poisson. D'autre part le personnage a subi une métamorphose, ce qui fait encore parti du répertoire magique de Lautréamont.
(Note 72). Chant VI, p. 364.
(Note 73). Chant III, p. 220 sq.
(Note 74). Chant I, p. 143.
(Note 75). Chant II, p. 213.
(Note 76). Chant V, p. 271.
(Note 77). Chant II, p. 214.
(Note 78). Chant II, p. 217.
(Note 79). Chant III, p. 231 sq.
(Note 80). Chant III, p. 232.
(Note 81). L'homme à la chevelure pouilleuse "dévore les plaines rugueuses de la campagne". Le bouledogue en colère "s'enfuit dans la campagne" (chant III, p. 230). Le dragon tournoie dans l'espace, lancé en bas vers la campagne (chant III, p. 333). Reginald et Elsseneur "marchent à travers la campagne" (chant V, p. 318).
(Note 82). Chant I, p. 135. "Je regarde l'horizon, à travers les rares interstices laissés par les broussailles épaisses" (Chant IV). "Je m'élançais du buisson derrière lequel j'étais abrité" (p. 238) et "Je me recachais derrière le buisson" (p. 259).
(Note 83). Chant II, p. 178.
(Note 84). L. Pierre-Quint, Lautréamont et Dieu, Paris, Ed. de Minuit, 1969, p. 90.
(Note 85). Chant V, p. 312 sq.
(Note 86). Chant V, p. 317.
(Note 87). Chant V, p. 317.
(Note 88). Chant V, p. 318.
(Note 89). "Le frère de la sangsue marchait à pas lents dans la forêt" (Chant I, p. 157).
(Note 90). G. Bachelard, Lautréamont, op. cit., p. 13.
(Note 91). Lautréamont semble s'attendrir, s'adoucir, perdre sa fureur, là où un tableau d'enfance lui sourit, de cette enfance qui le fait rêver, de cette enfance injustement souffrante qui le fera se dresser d'une façon particulière contre Dieu et sa cruauté.
(Note 92). Chant III, p. 229.
(Note 93). Chant II, p. 227.
(Note 94). Elles sont mentionnées dix-huit fois, si l'on tient compte même des métaphores.(Note 95). Chant II, p. 180.
(Note 96). Chant IV, p. 269.
(Note 97). Chant III, p. 220.
(Note 98). Bachelard, Lautréamont, op. cit., p. 13.
(Note 99). Chant III, p. 245.
(Note 100). "Il est [...] capable dans son délire même, de regarder objectivement le monde, et de récréer certains spectacles par des descriptions si précises que bien des romanciers naturalistes lui envieraient [...] puis, insensiblement, par une suite de touches, la vision réaliste se transforme brusquement en une vision de rêve". (L. Pierre-Quint, Lautréamont et Dieu, p. 157-158).
(Note 101). P. -G Castex, Le conte fantastique..., op. cit., p. 326.
(Note 102). Chant V, p. 317.
(Note 103). On a une "cité bâtie sur le flanc d'une montagne" (chant IV, p. 259); "ses habitants sont morts; la cité est anéantie" (p. 270). On a une rapide esquisse de Saint-Malo (chant V, p. 291); on n'y voit que des "remparts". On a aussi la description de Montevideo en panorama. Dans ce cas la description est classique (chant I, p. 160).
(Note 104). Chant II, p. 168.
(Note 105). Chant II, p. 173.
(Note 106). Chant II, p. 199.
(Note 107). Chant II, p. 211. Une seule scène n'est pas exactement localisée: celle de la rue étroite (chant II, p. 170).
(Note 108). Chant II, p. 173.
(Note 109). S. Bernard, op. cit., p. 227.
(Note 110). Chant II, p. 194.
(Note 111). C'est Lautréamont même qui écrit: "Aujourd'hui je vais fabriquer un petit roman de trente pages" (chant VI, p. 323). Les renseignements topographiques sur Paris sont fréquents et précis. On a des descriptions assez détaillées, telles que la peinture de la rue Vivienne (chant VI, p. 326) et une simple énumération des rues que Mervyn parcourt (chant VI, p. 350). A ce propos voir: François Caradec, Isidore Ducasse comte de Lautréamont, Paris, 1970, p. 174.
(Note 112). Chant I, p. 142: On ne me verra pas...
Chant I, p. 144: Une famille entoure la lampe...
Chant II, p. 163: Je saisis la plume...
Chant III, p. 217: Une lanterne rouge...
Chant IV, p. 267: Sur le mur de ma chambre...
Chant IV, p. 283: (La description est à l'intérieur de la strophe)
Chant V, p. 312: Chaque nuit...
Chant VI, p. 329: Il tire le bouton de cuivre...
Chant VI, p. 333: Mervyn est dans sa chambre...
Chant VI, p. 341: Sur un banc du Palais Royal...(Note 113). Chant I, P. 143.
(Note 114). En voici un exemple: "Penché sur sa table de travail à l'heure silencieuse de minuit", un jeune homme "perçoit un bruissement qu'il ne sait à qui attribuer [...]. Il s'aperçoit enfin que la fumée de sa bougie, prenant son essor vers le plafond, occasionne à travers l'air ambiant, les vibrations presque imperceptibles d'une feuille de papier accrochée à un clou fixé contre la muraille" (chant IV, pp. 283-284).
(Note 115). "Tenez, voyez, à travers la campagne, l'éclair qui brille au loin. L'orage parcourt l'espace. Il pleut... il pleut toujours... Comme il pleut!... La foudre a éclaté... elle s'est abattue sur une fenêtre entr'ouverte et m'a étendu sur le carreau, frappé au front" (chant IV, p. 163).
(Note 116). Il est cependant mentionné quatorze fois dans l'oeuvre, même s'il n'a que rarement fonction de décor.
(Note 117). Chant I, p. 131.
(Note 118). Chant I, p. 145.
(Note 119). Chant II, p. 202.
(Note 120). "Je veux mourir bercé par la vague de la mer tempétueuse, ou debout sur la montagne".
FORTUNATO ZOCCHI (zocchi@netsys.it)
Ce texte a été dactylographié et corrigé par Paul-Elvis Jauslin, Marc Gonzalez, Rima Masrouki et Julie Pernet.
Il a, en outre, été relu et corrigé par l'auteur, Fortunato Zocchi.