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P.-M.-M. Lepeintre : Précis historique et littéraire sur la tragédie (1822) LEPEINTRE, Pierre-Marie-Michel (1785-18..) : Précis historique et littéraire sur la tragédie (1822).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (08.VI.2000)
Texte relu par : Y. Bataille
Adresse : Bibliothèque municipale, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.66.50.- Minitel : 02.31.48.66.55. - Fax : 02.31.48.66.56
Mél : bmlisieux@mail.cpod.fr, [Olivier Bogros] bib_lisieux@compuserve.com
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées
Texte introductif du premier volume de la Suite du Répertoire du Théâtre français publié à Paris chez la Veuve Dabo en 1822, pp. 52-77 (Bm Lx : R14061)
voir aussi : Considérations sur l'art dramatique,
Dénombrement des théâtres de Paris en 1791 ; 1811 ; 1822.

 
Précis historique et littéraire sur la tragédie
par
M. Lepeintre

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BACCHUS, jaloux de ce qu'Apollon était le dieu de la poésie, voulut aussi être célèbre en quelque chose d'important, et il inventa pour ainsi dire le vin, puisque pour l'obtenir de la vigne il fallait la cultiver avec soin et employer, pour l'extraire de son fruit, des moyens industrieux, le soumettre à un procédé chimique ; mais comme on ne plante pas de vigne dans l'Olympe, il enseigna son secret à un certain Icarius, habitant de cette partie de l'Attique à laquelle on donna depuis lui le nom d'Icarie. Ce fortuné mortel, dont un dieu fit la fortune en le constituant le premier et l'unique vigneron et marchand de vin de l'univers, ayant un jour rencontré un bouc puant, à longue barbe, qui mangeait les bourgeons de sa vigne, il l'immola à son bienfaiteur, autant par intérêt que par reconnaissance et le mit à la broche. Des paysans, témoins du sacrifice, se mirent à danser autour de la victime rôtissante, en chantant les louanges du dieu. Ce divertissement accidentel devint un usage annuel, puis un sacrifice public, et enfin un spectacle profane : c'est par des gradations à-peu-près semblables qu'ils se sont établis partout. Tels ont été les Mystères qui furent les premières représentations théâtrales chez nous.

Ces fêtes où naquirent les premiers jeux scèniques furent transportées dans les villes de la Grèce. Les hymmes religieux qu'on y chantait furent pour les poëtes des occasions de disputer le prix de la poésie qui, à la campagne, était un bouc et une outre de vin. On leur donna le nom de tragédie, qui voulait dire, chanson du bouc, et on continua d'appeler ainsi toute action dialoguée qui fut faite par suite de ces hymmes. Telle fut l'origine de la tragédie.

La civilisation ayant fait des progrès, les poëtes se lassèrent à la fin des éloges bachiques, et les convertirent en dialogues, qui ne furent d'abord que des traits sérieux ou comiques de la fable.

Thespis qui hasarda le premier cette innovation fit promener, dans des charrettes, des acteurs barbouillés de lie, qui lançaient des traits piquans aux passans ; mais un seul acteur paraissait et récitait, et les premières pièces ne furent qu'une suite de monologues. Nous ne suivrons pas ici la tragédie dans les divers changemens qu'elle subit depuis son origine jusqu'à Eschyle qui en fut réellement l'inventeur, et à l'égard duquel tous ses devanciers furent comme chez nous, Jodelle, Garnier et Hardi ont été par rapport à Corneille. Mais elle prit bientôt l'essor le plus hardi, et en moins d'un siècle elle arriva à un haut degré de perfection, traitée par les Sophocle et les Euripide, qui ont été les maîtres de la scène ancienne et les modèles de la scène moderne.

Aristote, l'esprit le plus vaste et le plus plein de connaissances qui ait jamais existé, qui a parlé de tout, depuis l'histoire naturelle jusqu'à la poésie lyrique ; Aristote a fixé ce qu'il a cru les bornes de la tragédie d'après les ouvrages de Sophocle, d'Euripide et autres auteurs dont le nom ne nous est pas parvenu. Il en a établi les principes, selon ce qu'elle était de son tems, et il n'en a certainement imaginé aucun. Il faut un peu diminuer de cette admiration qu'on a eue pour le précepteur d'Alexandre : il est plus facile qu'on ne pense d'établir les règles d'un art déjà cultivé ; et qui a fleuri depuis long-tems. Les poétiques sont toujours venues long-tems après les beaux jours de la poésie, et quand il n'y a plus de poëtes. Lorsqu'Aristote a traité de la tragédie, on ne fesait déjà plus de tragédies. Cet art est d'ailleurs beaucoup plus étendu aujourd'hui que de son tems ; les grands pas que l'esprit humain a fait depuis lui, l'expérience des siècles, les efforts réitérés du génie y ont prodigieusement ajouté.

On aurait tort de vouloir juger sur les mêmes règles le théâtre des anciens et le nôtre, qui ne se rapprochent que par des beautés qui leur sont communes, mais qui s'éloignent tout-à-la-fois par des différences essentielles dans les accessoires et dans les moyens, et par quelques-uns des premiers principes de l'art. Les Grecs se contentaient en fait de tragédies, à bien moins de frais que nous. Il leur suffisait que le sujet fût pris dans leur histoire, et que le style en fût harmonieux pour leur plaire. Mais il était bien plus facile de faire de beaux vers dans leur langue que dans la nôtre. Une scène ou deux par acte, des choeurs qui ne quittaient pas la scène et se mêlaient au dialogue dans les scènes les plus intéressantes, voilà tout ce que l'on demandait au poëte : tous les sujets nationaux les attachaient sans peine, quelle qu'en fût la simplicité, sans qu'il fût nécessaire que les combinaisons d'une intrigue compliquée, réunie au jeu des passions, offrît du mouvement jusqu'à ce haut degré d'intérêt que nous voulons trouver aujourd'hui dans le drame tragique.

Les péripéties étaient rares dans leurs pièces ; et la curiosité n'y était point suspendue dans le cours des cinq actes, de manière qu'elle ne fût satisfaite entièrement qu'à la fin.

Une grande raison de cette différence, c'est que chez eux le spectacle était pour le peuple entier de toutes les classes, au lieu que, chez nous, il n'a été long-tems que pour une société choisie. En un mot, une tragédie était pour les Athéniens une fête que leur donnaient leurs magistrats, et pour laquelle les richesses de la république étaient prodiguées.

Un peuple entier se rassemblait dans un amphithéâtre immense, et l'on représentait devant lui des événemens célèbres, dont les héros étaient les siens, dont l'époque était présente à son souvenir, et dont les détails étaient dans la mémoire des derniers artisans ; les spectateurs n'étaient point alors renfermés dans des salles étroites et obscures, où règne un air puant et méphitique, comme dans nos salles de spectacle modernes, où l'on va en cherchant le plaisir, respirer des gaz délétères, germes d'une multitude de maladies. En un mot, on y était en plein air : seulement on y était exposé à recevoir la pluie et le vent ; mais c'était un petit inconvénient pour une génération vigoureuse qui, comme celle des Grecs était exercée à la gymnastique. Une architecture imposante, de magnifiques décorations attachaient d'abord les yeux, et seules eussent suffi comme à notre opéra à former un spectacle ; souvent même le théâtre était adossé au bord de la mer, comme à Naples, encore aujourd'hui, de sorte que lorsqu'on en ouvrait le fond, on avait en perspective une véritable mer, au lieu de ces flots peints sur guenilles qu'on fait mouvoir dans nos théâtres. Un pareil coup-d'oeil frappait les sens et l'ame tout-à-la-fois.

La déclamation des acteurs, assujétie à un rhythme régulier et au mouvement donné par l'orchestre ; un choeur nombreux dont les chants harmonieux, élevés sur un mode hardi devenaient plus retentissans sur tous les moyens qui peuvent seconder la voix ; l'accord soutenu entre la déclamation, notée qu'on nommait Mélopée, sorte de récitatif ; les gestes mesurés et l'accompagnement, tout cela formait un ensemble qui fesait un des plus grands plaisirs d'un peuple doué d'un sentiment plus musical encore que celui dont sont doués les Italiens et les Allemands d'aujourd'hui. Les masques que portaient les acteurs, qui étaient faits de manière à enfler la voix ; les vases d'airain disposés pour la multiplier, tout nous prouve qu'ils accordaient aux sens infiniment plus que nous : que la nature vue de plus loin sur leurs théâtres était nécessairement agrandie ; enfin, que par l'emploi des plus gigantesques moyens, et des procédés les plus hardiment combinés, ils cherchaient à réunir toutes les jouissances physiques et morales, et à charmer les yeux et les oreilles, en même tems qu'à séduire l'âme par des illusions.

Que l'on considère maintenant notre système théâtral. La représentation dramatique ayant lieu dans un local étroit, l'illusion doit y être ménagée avec une vraisemblance beaucoup plus rigoureuse, mais aussi bien plus mesquine. Le poëte y parle à une classe de spectateurs d'élite, rassemblés autant pour le juger personnellement, que pour se récréer, qui sont d'une sévérité excessive, et qui blasés par l'habitude des émotions sont par-là plus difficiles à émouvoir. Le malheureux auteur est chargé de tout ; on ne lui fait grâce de rien ; point de musique, point de chant ; on le sifflerait s'il osait mettre un ode dans un acte, ou se borner à un récit, comme il arrivait souvent aux poëtes grecs. Il faut qu'il aille toujours au fait : que, pendant cinq actes il soutienne la curiosité, quoiqu'il n'ait à s'occuper que d'un seul évènement ; que l'intérêt aille toujours en augmentant, et tourmente sans cesse le spectateur palpitant, qui, tel qu'un coursier en haleine, ne veut pas qu'on le laisse respirer un moment. Outre tant de difficultés que doit vaincre tout auteur qui veut obtenir un succès durable, il y a celle bien plus grande encore que doit surmonter l'auteur qui veut être lu par ses contemporains et par la postérité, c'est l'obligation singulière de paraître le moins poëte et le plus raisonnable possible, par suite de ce fatal système d'analyse sèche à laquelle on a soumis la poésie parmi nous. On ne doutera pas d'après tout cela que Corneille, Racine, Voltaire, Crébillon, Lemierre, Ducis, Legouvé et Chenier même ne soient des hommes plus rares encore que les Sophocle, les Euripides et autres.

D'un autre côté l'idiome des Grecs leur permettait une foule d'expressions naïves qui dans le nôtre seraient basses et populaires ; de sorte que le poëte pouvait être naturel sans craindre d'être bas. Chez eux, les détails de la scène commune et de la conversation familière n'étaient point exclus de la langue poétique ; aucun mot n'était par lui-même trivial : ce qui tenait à l'esprit républicain et à la part que le peuple avait dans le gouvernement, à son commerce avec les auteurs. Un mot n'était pas ignoble par ce qu'il exprimait un usage journalier, et les termes les plus communs pouvaient entrer dans les vers les plus pompeux et donner lieu à la figure la plus hardie. C'est le contraire parmi nous : en France, par exemple, où la tragédie a été inventée pour plaire aux grands, pour amuser la cour, tout ce qui retrace les usages de la vie privée et des actions communes devait être dédaigné par des spectateurs d'un rang élevé.

La langue française a dû sa fixité actuelle à l'influence des cours de Louis XIII et de Louis XIV. Mais en la polissant, on l'a dépouillée de son antique et énergique naïveté ; on l'a appauvrie en l'ennoblissant ; et on a circonscrit les poëtes tragiques dans un cercle si étroit qu'ils ne jouissent pas d'un quart de l'idiome national. Il n'y a pour eux aujourd'hui qu'un certain nombre de mots convenus ; on a prétendu même qu'il n'en est pas plus de cinq cents de cette espèce. Or, combien il doit leur être difficile d'en varier les combinaisons, et de leur faire offrir sans cesse à l'esprit des rapports nouveaux sans paraître bizarres et ridicules ?

Quel est l'auteur qui oserait hasarder aujourd'hui le mot de canon et de fusil, et employer celui de baïonnettes ? Quel génie ne faut-il donc point pour surmonter de pareilles difficultés, et se passer de tant de secours ! Un acteur tragique est un général qui est obligé de vaincre avec une poignée de soldats. Une tragédie est vraiment un tour de force à présent, et il n'y a guère qu'un homme sur cent qui puisse y réussir. Tous les autres sont déclamateurs en voulant être poëtes, ou plats en croyant être naturels. Il est bien difficile de soutenir un langage de convention, dont il n'existe aucun modèle dans la société, et de faire converser des personnages qui s'interdisent la plus grande partie des termes de la conversation. Il faut une grande étude du mécanisme de la versification et des recherches du style, une grande flexibilité d'élocution et une grande sagacité pour saisir et démêler ces règles arbitraires, ces principes de convention qu'on appelle le bon goût. Ce malheureux bon goût est le maître le plus despotique du monde, il a rétréci le cercle des expressions, de manière que la poésie noble en trouve fort peu dans notre langue, qui cependant n'est pas pauvre naturellement ; je la crois même très-riche. Mais on s'est obstiné jusqu'à présent à ne pas employer ses richesses ; elle ne manque ni d'harmonie, ni de précision, et n'a de rigueurs, que pour la tragédie, à cause du trop grand nombre de mots qu'on trouve ridicules. Sans doute elle doit son élégance à la bonne compagnie ; mais le peuple seul eût pu lui donner de l'énergie. On l'a trop épurée et on l'a tenue dans l'esclavage, parce que, non-seulement, on n'a pas voulu donner le droit de bourgeoisie à plusieurs mots venus de l'étranger et des langues anciennes, mais encore, parce que l'on n'a pas voulu donner de lettres de noblesse à d'autres, s'il est permis de s'exprimer ainsi ; de sorte qu'elle est peu maniable pour la tragédie, pour laquelle les trois quarts des mots français sont perdus.

La langue grecque au contraire a été inventée par le peuple, le génie en a fixé les règles, il a présidé à sa naissance et en est toujours resté le maître.

Mais comme tous les peuples modernes sont dans le même cas que nous, aucun n'a eu plus de facilité. Cependant, malgré toutes les entraves que le gouvernement et les préjugés ont donnés si long-tems chez nous à la littérature, jointes aux difficultés naturelles de notre langue, la tragédie y a atteint un haut degré de perfection ; mais elle est devenue impossible à faire pour de nouveaux auteurs, et voilà l'inconvénient. On ne peut plus même glaner aujourd'hui dans le champ où moissonnèrent nos grands maîtres. Tout semble d'ailleurs se réunir pour empêcher qu'on ne puisse faire une bonne tragédie.

D'abord, un des principaux obstacles vient de l'autorité qui se voit, ou qui se croit obligés, pour sa sûreté, d'interdire aux auteurs beaucoup de passages, dont l'esprit de parti pourrait s'emparer, et qui enflammeraient les passions de la multitude. Quel embarras pour un poëte tragique, que d'être obligé d'éviter continuellement tout ce qui, de près, ou de loin, peut faire illusion ou donner lieu à une application quelconque ! S'il veut moraliser, il doit tourner dans le cercle étroit des idées communes, ou se traîner dans les sentiers battus du coeur humain ; il faut qu'il ressasse les lieux communs, et qu'il reproduise des maximes sous d'autres formes. S'il veut peindre à grands traits les caractères ou mettre dans la bouche de ses personnages, des maximes analogues à leurs intérêts et à leurs passions, on le force d'adoucir les couleurs et de diminuer l'expression de leur physionomie morale. Les maximes philosophiques qu'il leur fait émettre sont présentées comme contraires à l'ordre social, à la religion, etc. On ne permettra pas que le méchant affiche ses principes hardis pour cacher sa perversité ; on défendrait à Poliphonte usurpateur, de dire aujourd'hui pour la première fois :

Le premier qui fut roi fut un soldat heureux !

Cependant cette sentence est dans son caractère, et il cherche par là à justifier son usurpation. Les autres raisons qu'il pourrait alléguer ne valent rien auprès de celle-là, et il est évident qu'on détruit l'énergie des peintures tragiques, si l'on en adoucit tant les couleurs. Il faudrait qu'un auteur eût bien du génie si, avec les entraves de la censure dramatique, il parvenait encore à être sublime, et à avoir une couleur prononcée. Certainement rien n'est plus vrai que ce qu'on a dit, depuis quelque tems, que Molière, Corneille, Voltaire et Racine même ne pourraient plus faire jouer leurs pièces, s'ils les donnaient aujourd'hui. Siècle déplorable pour la littérature, que celui où les gouvernemens, devenus ombrageux, croient devoir étouffer le génie de la littérature, pour assurer la sécurité du pouvoir !

Outre ces difficultés politiques, il y a celles de l'art qui sont grandes et qu'on s'obstine à maintenir, quoiqu'il y en ait de tout-à-fait absurdes.

Les fausses idées de l'unité dramatique qu'on s'est faites, gênent considérablement les auteurs. On trouverait tout perdu s'ils s'écartaient un moment des règles d'Aristote.

Mais si ce grand philosophe avait vécu à la Chine, il eût sans doute établi des règles d'après la tragédie chinoise, comme il en a établies d'après les tragédies grecques. C'est une grande erreur que de croire qu'il l'a profondément méditée et donnée de son crû, et encore moins puisée dans la nature.

Qu'est-ce d'abord que l'unité de lieu ? La scène doit-elle se passer dans toute l'étendue d'un empire ou d'une province, ou dans les murs d'une ville, ou dans l'enceinte d'une maison ? Mais chez nous on l'a restreinte à la seule pièce d'un appartement.

L'unité de tems offre encore de bien plus grandes gênes : rien n'est plus arbitraire, car on peut aussi bien supposer que l'action de la plupart de nos tragédies se passe en un mois qu'en un jour, et puis, est-il une seule action qui se soit consommée jamais dans une révolution diurne de la terre ?

Quant à l'unité d'action, c'est la seule raisonnable : on ne doit en aucun cas partager l'intérêt et fixer l'attention sur plusieurs choses et sur plusieurs personnages ? Cependant, tout se passe en conversation sur notre scène française, et on n'y donne rien aux yeux et aux oreilles, comme sur le théâtre des Grecs. On a tout spécialisé en vers, comme en législation. La pompe, la magnificence, la mélodie ne peuvent être rassemblées qu'à l'Opéra, et le style, l'art, la poésie, tout ce qui plaît à l'esprit est confiné au Théâtre-Français. C'est ce qui fait qu'on s'ennuie souvent dans les deux endroits. Il est donc très-probable qu'à l'avenir nous n'aurons plus de bonnes tragédies, et que Melpomène a fui loin de la France.

Elle n'y reviendra pas tant qu'on voudra la traiter en captive, ou lui lier les pieds. La littérature dramatique fondée sur les vieilles règles, la littérature classique comme on l'appelle, est tombée en caducité, ou plutôt en décadence ; on a encore beaucoup de respect pour elle, on l'admire, mais on la traite à-peu-près comme le grand pontife du Japon, qu'on respecte, mais à qui l'on n'obéit point.

Les doctrines prétendues classiques ont tout frappé de stérilité, elles étoufferont dorénavant toutes les productions, et le génie ne pouvant se frayer de nouvelles routes épuisera ses efforts sur les routes battues, semblables à ces voies romaines qui, n'ayant point été entretenues se sont dégradées et sont devenues impraticables à force d'être fréquentées.

Mais, me répondra-t-on, malgré ces difficultés que présente la langue française, et avec ces mêmes règles que vous trouvez trop sévères, nous avons pourtant les tragédies les plus parfaites qui aient jamais été faites ; si on n'en fait plus de semblables, c'est que nos auteurs manquent de génie ; c'est la faute des poëtes et non celle de la poésie. A cela, je répliquerai que même avec les lois les plus gênantes et les plus rigoureuses, on peut encore faire des chefs-d'oeuvres, et qu'il y a toujours nécessairement un petit nombre de sujets féconds qui prêtent à la perfection par la richesse du fond. Racine, Corneille et Voltaire, étant venus les premiers, s'en sont emparés, et nous aurions beau dire, comme Damis dans la Métromanie :

Ils nous ont dérobés, dérobons nos neveux,
nos efforts n'en seraient pas moins impuissans.

C'est comme si on disait : quand la vendange est faite, vendangeons encore. Si par exemple on oblige un certain nombre de candidats à porter un poids énorme et à courir avec cela, il est sûr qu'il pourra s'en trouver un ou deux sur la quantité, qui seront assez forts pour y réussir, mais le reste n'y parviendra pas. Alors, ce qui est impossible à l'immense majorité des candidats, cesse d'être un art, ce n'est qu'un extraordinaire. Mais d'ailleurs, combien avons-nous de tragédies, je ne dis pas parfaites mais seulement supportables ?

Dans le premier Répertoire et dans la présente collection, qui en fait la suite, il n'y en a pas cent en tout. Sur ce nombre à peine y a-t-il onze chefs-d'oeuvres dont Corneille, Racine et Voltaire ont fait les frais. Chez les Grecs, Sophocle en fit jusqu'à cent à lui seul, et il y a apparence qu'elles étaient tout aussi bonnes que celles que nous connaissons, car on n'a pas choisi celles qui restent pour nous les transmettre : elles ont échappé à la barbarie. Nous avons donc été obligés de nous en tenir à un cercle très-borné de pièces de théâtre qu'on a eu bientôt épuisées, et si on eût pu faire plus facilement des tragédies, nous aurions eu peut-être moins de drames, d'opéras et de vaudevilles ; le mélodrame n'attirerait pas la foule qui allait autrefois admirer Racine. C'est peut-être là la cause de la décadence totale du théâtre français. L'obstination à ne pas changer les vieilles lois, a toujours fait perdre des empires. Pourquoi celui de Melpomène n'y serait-il pas exposé de même ?

Enfin une dernière difficulté, et peut-être la plus grande de toutes aujourd'hui, c'est qu'il faut que les tragédies soient faites pour les acteurs, tandis que ce devraient être ceux-ci qui fussent faits pour les tragédies. Ceux-qui occupent le premier emploi ne trouvent point dans une tragédie de rôles qui leur conviennent . Eh ! bien, elle ne sera pas jouée, et sera étouffée dès sa naissance, quelque bonne qu'elle soit. C'est une chose qu'il faut nécessairement qu'ait en vue par-dessus tout un acteur aujourd'hui ; or, je demande, si lorsqu'on est obligé de s'astreindre à de pareilles considérations, et d'avoir une pareille attention on ne doit pas se voir dans le cas de défigurer le caractère de ses héros ? Ce sera toujours, par exemple, M. Talma ou M. Lafon qu'il faudra faire voir dans tous les principaux personnages tragiques qu'on mettra sur la scène. Rien n'est gênant comme de ne pouvoir s'écarter d'un patron uniforme et auquel il est impossible d'ajuster tous les personnages tant imaginaires qu'historiques.

Voilà pourquoi tant de tragédies considérées comme restées au répertoire, ne se jouent cependant plus aujourd'hui. Trop peu d'entre elles offrent des rôles analogues aux moyens des acteurs existans ou qui leur plaisent, et le public est réduit à un cercle de tragédies très-circonscrit et qui se borne au plus à une douzaine.

Le cercle de la comédie est beaucoup moins étroit, et il y a bien plus d'acteurs à qui elle convient ; aussi joue-t-on moins rarement les plus anciennes. Les règles existantes, d'ailleurs, les gênent beaucoup moins. Aussi, avons-nous trois ou quatre fois plus de comédies que de tragédies dans notre langue.

Ceci nous conduit à une question qui a souvent été agitée, et qui n'a pas encore été résolue assez affirmativement, Si la Comédie est plus difficile à faire que la Tragédie. Je n'entreprendrai pas de discuter à fond cette thèse qui mènerait à un examen trop long, qui exigerait trop de considérations et de grands développemens. Je ferai valoir seulement quelques raisons en faveur de la tragédie, que je regarde comme bien plus difficile à composer que la comédie.

Premièrement d'après ce que j'ai dit plus haut, et qui est généralement reconnu, qu'il n'y a qu'un très petit nombre de mots et d'expressions qui soient permises au poëte tragique de notre langue, voilà déjà une difficulté de plus que n'a pas l'auteur comique.

Le champ est bien plus vaste pour le style de la comédie, et il admet presque tout ce qui a rapport à la vie commune. La conversation familière, loin d'en être exclue, en constitue la principale condition ; presqu'aucun mot n'y est trouvé bas et trivial lorsqu'il n'est pas indécent. Le nombre des mots convenus y est cependant borné aussi. Par exemple, on n'oserait rien y hasarder qui représentât des idées dégoûtantes ; on n'ose plus nommer beaucoup de choses par leurs noms. Quelques termes qui se trouvent si souvent dans les comédies de Molière, ne seraient pas pardonnés aujourd'hui ; mais ce nombre est encore infiniment plus grand que celui des mots tragiques.

2°. Le style noble est le plus difficile de tous : il faut de la force pour y atteindre, de la force pour le régler, et un art infini pour le varier ; il faut une grande habileté pour n'être pas trop près de l'exagération, de l'inégalité ou de la monotonie. Or, ces trois écueils ne sont pas à craindre dans le style de la comédie. On y risque peu d'y tomber parce qu'on ne s'y élève jamais, et par la même raison, on risque peu de monter trop haut. On sait que du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas ; et quel génie il faut pour ne pas s'écarter de la nuance ! Rien n'est plus éloigné de la monotonie que la conversation familière, qui, n'ayant point de ton marqué, en les prenant tous, ne peut devenir fatiguante que par le fond des choses, et rarement par l'expression. Aussi il est reconnu qu'il faut être bien plus grand poëte pour la tragédie que pour la comédie.

Comme l'a dit très-bien La Harpe : «L'art de la tragédie est composé de parties plus nombreuses, plus divisées et plus importantes que celui de la comédie, et c'est aussi pour cela que l'un me paraît supérieur à l'autre, et demande plus de qualités réunies. Tous les peuples anciens et modernes, tous les personnages fameux de l'histoire, toutes les révolutions des états sont du domaine de la tragédie. C'est une richesse immense, et il faut la conquérir, et le grand talent en est seul capable. C'est une mine abondante, mais très-pénible à fouiller, et qui ne peut-être exploitée qu'à grands frais. Quelle force de tête ne faut-il pas pour soutenir sur la scène un grand caractère donné par l'histoire ? Quelle solidité de jugement pour toutes les convenances, pour les adopter à l'effet théâtral, pour bien représenter les moeurs nationales, par ce qu'elles ont de dramatique».

4°. La plus grande difficulté de la tragédie, c'est l'art de peindre les passions : il exige une sensibilité profonde, vive et flexible, et il est bien plus difficile d'exprimer un sentiment que de faire valoir un ridicule. Ne sait-on pas que, de toutes les facultés de l'esprit, la plus facile est celle qui s'exerce à la malignité ? Les plus médiocres des hommes sont toujours habiles à relever les ridicules des autres, et il faut tout au plus être bon observateur pour saisir les travers des hommes de la société. Mais quelle langue riche et pleine de beauté et d'énergie que celle des passions ? Qu'elle demande d'étude pour la posséder en entier ! Il faut que la nature ait organisé tout exprès un auteur pour la tragédie, vu qu'il doit ressentir lui-même toutes les passions de ses héros. Il faut qu'il ait une ame ardente ; qu'il soit capable pour ainsi dire des fureurs de ses personnages, de leurs transports ; qu'il soit susceptible d'autant d'amour, d'ambition ou de vengeance qu'eux, et en outre qu'il sache exprimer tout ce qu'il ressent. Or, la nature produit rarement des hommes dans des proportions colossales au moral, comme les personnages de la tragédie. Donc il est plus rare de trouver un auteur tragique qu'un auteur comique.

Ce n'est pas encore le colossal qui est le plus difficile, c'est le sublime. A coup sûr le colosse de Rhode a exigé moins d'art à faire que l'Hercule de Farnèse, ce chef-d'oeuvre des siècles. Demandez à un peintre et à un sculpteur si un Satyre est plus difficile à exprimer que l'Apollon du Belvédère ? Cherchez même un autre personnage, Achille par exemple. Lui donner une figure, une taille, une habitude de corps, un caractère de physionomie, qui, sans être en rien hors de la nature, présente pourtant quelque chose au-dessus des autres hommes, c'est là ce qui nécessite les derniers efforts de l'intelligence humaine.

Je crois qu'il serait difficile d'opposer à ces preuves en faveur de la tragédie des preuves égales pour la comédie. La seule objection un peu forte qu'on pourrait m'opposer, c'est que, de mon aveu même, le champ de la tragédie étant plus vaste que celui de la comédie, celle-ci offre moins de ressources et par conséquent plus de difficultés. En effet le nombre des caractères saillans qu'on appelle en termes de théâtre primitifs est très-borné, et Molière les a traités presque tous. Il ne reste plus après cela que les caractères dits secondaires, mais le comique trouve une compensation plus que suffisante dans l'intrigue, les moeurs, et la variété des accidens de la vie commune, les combinaisons qui résultent du choc des intérêts sociaux, la faculté de peindre des ridicules, de reproduire des travers sous mille formes différentes. Tout cela offre une mine épuisable à l'auteur comique.

En résumé, tout le monde conviendra de trois choses : que l'idéal est plus difficile à saisir que le positif ; qu'il est plus facile d'être plaisant que d'être sublime, et d'avoir de la malignité que de la noblesse. Ainsi je crois que voilà la question décidée.

Si mes alarmes sur les destinées futures de la tragédie en France sont fondées ; si nous avons perdu tout espoir de voir désormais s'augmenter nos richesses en ce genre, ce qui semble devenir de jour en jour très-probable, par le peu de succès qu'obtiennent celles faites sur des sujets tirés de l'histoire moderne, et de l'histoire nationale même ; si nous ne devons plus rien voir de supportable sur la scène tragique ; c'est une raison pour recueillir toutes les productions dues aux favoris de Melpomène, de les réunir en un corps comme nous fesons ici. Il y a dix à parier contre un, que le siècle qui vient de commencer ne produira pas la sixième partie des bonnes tragédies, qu'a produites le siècle dernier. Le tems du Bas-Empire approche pour la littérature : les symptômes d'une décadence universelle se manifestent, et quand la morale d'un siècle s'avilit et se dégrade, peut-on en attendre des conceptions littéraires sublimes ? Depuis Héraclius jusqu'à Constantin-Dragosès la littérature grecque a-t-elle été enrichie d'un seul bon ouvrage d'aucune espèce ? Les lecteurs doivent donc s'empresser d'accueillir la collection que nous leur donnons : avec la stérilité dont nous sommes menacés, si jamais elle a un supplément, il sera peu considérable.

On trouvera ici d'abord les tragédies que l'éditeur de l'ancien Répertoire avait oubliées, je ne sais pourquoi : telles sont Tiridate, de Campistron ; Ino, de Lagrange-Chancel ; Rome sauvée, de Voltaire ; Numitor et les Héraclides, de Marmontel ; Mancocapac, de Leblanc ; Virginie, de La Harpe ; etc.

Après cela viennent les tragédies des auteurs qui n'ont pu être insérées dans ce même Répertoire, comme celles de Chenier, Luce-de-Lancival, Ducis, Legouvé, Lehoc, et enfin presque toutes celles des auteurs actuels. L'on ne peut se dissimuler que toutes les tragédies qui ont paru depuis quarante ans jusqu'à ce jour ne soient bien inférieures aux précédentes, sous le rapport du pathétique ; les passions y sont moins bien traitées, mais en revanche on y trouve un ordre d'idées qui dénote une civilisation plus avancée, qui suppose une plus grande connaissance des intérêts politiques et sociaux, et en général elles supportent mieux la lecture que la représentation. Former un recueil des auteurs contemporains, c'est consacrer en quelque sorte, pour l'avenir, leur réputation : ils deviendront par là classiques dès leur vivant, et c'est en outre honorer la France entière que de présenter à ses rivaux les productions qui l'ont illustrée dans un genre de littérature aussi beau que celui de la tragédie.


Considérations sur l'art dramatique,
Dénombrement des théâtres de Paris en 1791, 1811 et 1822
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