ACTE IV
Une
rue devant la maison de Zangler. La lune éclaire la
scène; à gauche à l'arrière-plan se trouve la maison de Zangler,
haute d'un étage. À l'avant une fenêtre vitrée en dur, sous la fenêtre on voit
la porte fermée du magasin, et au dessus la pancarte avec l'inscription:
«NEGOCE PLURIVALENT B. ZANGLER». Un peu en retrait de la porte du magasin se
trouve la porte d'entrée de la maison.
Scène 1
Melchior, puis
Gertrude
Melchior (seul, sortant des coulisses par le côté droit): Ah, j'ai superbement
dormi tout au long du chemin…. (il bâille) et
maintenant je suis en forme comme s'il faisait jour…. Et voilà la maison… pas
de doute… Il faut que je sonne. (Il
cherche des deux côtés de la porte d'entrée.) Quoi, pas de sonnette? Ah,
sauf leur respect, ils n'ont pas encore de concierge ici, ils ont vraiment une
civilisation de sous-développés. (Il frappe à la porte.) Eh, ouvrez! (Il frappe plus fort.) Ouvrez!… On
n'entend personne… Si seulement je pouvais réveiller la gouvernante, c'est la
seule dans cette maison qui me connaisse. À la fin, s'ils ne me laissent pas
entrer, je vais lancer un grain de sable sur la fenêtre. (Il en prend un qu'il lance sur la fenêtre vitrée). Personne ne
m'entend, il faut que je prenne un caillou. (Il en prend un qu'il lance contre la fenêtre). Ça ne va toujours
pas, je vais essayer avec un plus gros.
(Il prend une pierre qu'il lance sur la fenêtre, une vitre vole en
éclats, on entend un cri poussé par Gertrude de l'intérieur. ) Maintenant, je crois qu'on m'a
entendu. Madame Gertrude!… Madame Gertrude!…
Gertrude (de l'intérieur): Où est-ce que ça brûle?
Melchior: Nulle part! Que
Madame Gertrude daigne venir à la fenêtre!
Gertrude (un bonnet de nuit sur la tête, regardant par
la fenêtre): Qu'y a-t-il donc, au nom du ciel?
Melchior: Soyez assez bonne
pour m'ouvrir la porte!
Gertrude: Vous êtes bien
impertinent, qui êtes-vous?
Melchior: Je suis Melchior,
le nouveau valet.
Gertrude: J'aurais pu mourir
de frayeur!
Melchior: Il ne s'agit pas
de frayeur, mais de mariage! Le patron va arriver au point du jour.
Gertrude: Il est saoul,
celui-là !
Melchior: Alors il faudrait
qu'il ait bu, mais quand je l'ai quitté il était à jeun. Ouvrez donc!
Gertrude: J'en ai eu peur
dans tous les membres! C'est révoltant! Qu'est-ce qu'il s'imagine, ce type? (Elle quitte la fenêtre en grommelant)
Melchior (à part): Voilà ce qui se passe dans une
maison quand il n'y a pas de concierge! Moi, ça m'est égal, ce n'est pas moi
qui paierai le carreau. Il me semble que je l’entends.
Gertrude (qu'on entend ouvrir la maison en grommelant):
Je le dirai à Monsieur, comme si c'était normal qu'on tire comme ça les gens du
sommeil…
Melchior (de l'extérieur, debout devant la porte):
Calmez-vous, Madame Gertrude!
Gertrude (de l'intérieur, comme avant): Ce ne sont
pas des manières, ce ne sont pas des façons, cette frayeur si tard dans la
nuit…
Melchior (de l'extérieur): Voyez-vous, vous avez
tort de vous mettre en colère.
(La
porte d'entrée s'ouvre, Melchior entre)
Gertrude (de l'intérieur, alors qu'on l'entend refermer
la porte): Nous verrons bien ce que
dira Monsieur, je ne laisserai pas passer ça.
Melchior (de l'intérieur): Mais arrêtez donc!
(On entend les deux voix de plus en plus
faiblement, puis tout redevient calme.)
Scène 2
Christopherl et Weinberl, (sortant des coulisses à droite)
Weinberl: Avez-vous entendu
le coq, Christoph? S'il ne s'est pas trompé d'heure, c'est qu'il va faire jour.
Christopherl: Ça ne fait rien,
nous sommes arrivés, nous pouvons dire que le but est atteint.
Weinberl: Oui, au fait, quel
but?
Christopherl: Eh bien nous avons
eu notre partie de rigolade et nous retournons chez nous exactement aussi
raisonnables que nous en sommes sortis.
Weinberl: Mais maintenant je
me demande si une partie de rigolade comme ça en vaut vraiment la peine, quand
on la paye par une peur, par trois épouvantes, cinq situations pénibles et sept
frayeurs mortelles. Une telle affaire n'est pas tellement moins sotte que si
l'on paie un florin pour une demi once de salami, un Taler pour un quart de
livre de caroube, et deux ducats pour une demi sardine. Mais si nous percevons
bien ça, c'est avec un peu plus de sagesse que nous rentrons chez nous.
Christopherl: Je suis encore
trop jeune pour en juger de façon juste.
Weinberl: Ah... Je suis
épuisé par mes émotions.
Christopherl: Moi aussi! Et pour
moi c'est bien plus dangereux encore car je suis en pleine croissance.
Préoccupons-nous d'aller nous coucher! Dois-je frapper à la porte?
Weinberl: Surtout pas! Nous
allons nous faufiler doucement dans le magasin et dormir un peu. Dans deux
heures, de toute façon, ce sera l'heure d'ouvrir. J'ai la clé du magasin. (Il cherche dans sa poche) Là... Non,
là... Bon sang, j'ai perdu la clé.
Christopherl: Soyez assez bon!
Weinberl: C'est quand j'ai
dû payer le cocher avec ma montre en argent, elle doit être tombée.
Christopherl: Bon, mais ça ne
fait pas 300 pas! Attendez, je retourne, je connais bien l'endroit, je vais
tout de suite la trouver. (Il sort vers
la droite par les coulisses.)
Scène 3
Weinberl, (seul)
Weinberl: Maintenant j'ai eu
le bonheur d'être un sacré luron, et tout ce que je retire de ce bonheur, c'est
que je ne veux plus à aucun prix être un sacré luron. Quand on est vendeur, ça
ne se fait pas. C'est comme notre demoiselle qui dit tout le temps: "ça ne
se fait pas", et pendant ce temps,... il se passe bien des choses qui ne
se font pas.
Quelqu'un sans intérêt
a prêté son argent.
Le débiteur l'a oublié
totalement.
Le créancier un jour
courtoisement réclame;
Le débiteur vexé d'un
ton furieux s'exclame:
-"Vous l'aurez,
votre argent, bougre d'âne bâté!
En bas de l'escalier
je m'en vais vous jeter!"
C'est
bien souvent qu'on fait, sur terre
Des
choses qu'on ne doit pas faire.
On peut voir au café,
lorsque l'on joue aux cartes,
Ceux qui sans se gêner
commentent et regardent.
Tel, ayant vu les
jeux, va dire à un joueur
De jouer pique ou
trèfle, ou bien carreau ou cœur.
Et si l'un des joueurs
possède un atout maître,
On lui voit sur le dos
les spectateurs se mettre.
Cela
se fait dans bien des cas
Et
pourtant ça ne se fait pas.
Danser et trépigner
comme une possédée,
Ça va pour une jeune
enfant bien élancée
Que dire quand on
voit, malgré leurs cinquante ans,
Des fleurs dans les
cheveux tournoyer des mamans?
Elle pèse déjà cent
kilos, cette fille,
Sautant comme un lutin
au milieu du quadrille.
Cela
se voit dans bien des cas
Et
pourtant ça ne se fait pas.
Certains aiment parler
de façon peu aimable:
"Votre mine est
horrible, et quel teint effroyable!"
"Le coeur de
votre amie pour un autre a fondu?"
"Quel tailleur
vous a fait cet habit tout tordu?"
"Cette
guimbarde-là, c'est votre automobile?"
"Je l'ai lue,
votre pièce... elle est un peu débile!"
On
entend ça dans bien des cas
Et
pourtant ça ne se fait pas.
Il
est bon qu'un Monsieur qu'a fait Polytechnique
Soit aimable et gentil
avec un' domestique.
A la cuisine il va le
jour, sans se cacher,
Pour pouvoir tournoyer
près d'une ours' mal léchée.
Il lui prend la
paluche et lui serre la hanche:
"Ce soir
êtes-vous seule à la maison, mon ange?"
C'est
bien souvent que l'on voit ça
Et
pourtant ça ne se fait pas.
Les blagues des gommeux sévissent aujourd'hui.
Tel parfois s'en prend
même aux p'tits vendeurs de fruits.
Il dit, ayant fourré
dans son sac quelque agrume:
"Tu l'auras, ton
argent, mais il faut que tu fumes!"
Le gosse fume, et les
gens rient, se tapant sur la cuisse
Jusqu'à ce que,
fumant, le gosse enfin vomisse.
Des choses de ce genre
ont bien eu lieu, n'est-ç'pas?
Et
pourtant ça ne se fait pas.
Scène 4
Kraps et Rab (venant
des coulisses à gauche. Rab porte une lanterne, Kraps
a un manteau et un masque noir sur son visage)
Rab: Et ben mon gars,
on dirait que tu trembles?
Kraps: Non, c'est
seulement que je claque des dents.
Rab: Quel poltron,
j'aurais voulu que tu me voies, comme j'ai bien souvent...
Kraps: Je n'en doute pas,
mais... laissons ça pour une autre fois....
Rab: Tu n'as pas honte?
Voilà un gars qui a eu l'idée géniale de prendre l'empreinte de la clé, et au moment d'agir le courage lui manque!
Kraps: C'est seulement
aujourd'hui, vois-tu, une autre fois...
Rab: Pas de ça! prend la lanterne et éclaire-moi!
Kraps: (prenant la lanterne en tremblant)
Vois-tu, mon vieux!...
Rab: Au boulot! (pendant ce qui suit il ouvre les serrures des
barres de fermeture du magasin.)
Scène 5
Les mêmes, Christopherl et Weinberl (sortant des coulisses à gauche et voyant ce
qui se passe à la porte du magasin)
Weinberl et Christopherl (effrayés, à voix basse) Qu'est-ce que
c'est?
Rab: (sans remarquer les nouveaux venus,
continuant sa tâche et son discours) C'est là que tu dois éclairer! Tu ne
vois donc pas?... Mais, abruti, hahaha, pourquoi donc
mets-tu un masque, bougre d'andouille?
Kraps: Si ça tourne mal
et que nous devons détaler,... mon visage est connu dans cette maison!
Rab: (qui a sans arrêt continué sa tâche, ouvrant
l'un des battants de la porte du magasin) La porte est ouverte! Maintenant
allons-y, et pour commencer, une visite à la caisse! Donne-moi la lanterne,...
le bureau est à gauche derrière?
Kraps: (lui donnant la lanterne) Oui
(Weinberl et Christopherl,
qui sont d'abord restés comme pétrifiés, mais se sont ensuite retirés ensemble
dans l'arrière-plan à droite)
Weinberl: Christoph!
Christopherl: Weinberl!
Kraps: Allons, mon vieux,
laissons ça pour une autre fois!
Rab: Ça serait pas mal!
Renoncer à moitié chemin! Reste ici encore quelques minutes et regarde s'il n'y
a pas quelqu'un qui allume la lumière, avec le bruit qu'on a fait, puis
rejoins-moi! Mais ne tremble donc pas, espèce de poltron! Du sang-froid dans la
tête, du schnaps dans l'estomac et un pistolet dans la poche, et tout va bien. (il rentre dans le magasin.)
Scène 6
Les mêmes, sauf
Rab
Kraps: Je n'ai rien
compris à ce qu'il a dit... C'est la peur! Je croyais que j'avais des
dispositions, mais je ne suis pas doué pour ce boulot... Si au moins il... je
disais bien, il aurait mieux valu, une autre fois...
Weinberl (l'attrapant à la
gorge): Non, il vaut mieux
maintenant.
Kraps: Pitié!
Christopherl (qui l'a aussi
attrapé): Ne bouge pas, ou alors...
Weinberl: Je t'étrangle.
Kraps: Monsieur Weinberl, Maître Christopherl!
Weinberl: Mais c'est...
Kraps (enlevant son
masque): ...Le valet, c'est moi, Kraps!
Weinberl et Christopherl: Quel salopard!
Kraps: Je veux devenir un honnête homme.
Weinberl: Je vois, tu es en
bon chemin!
Kraps: J'avais déjà commencé, j'y étais résolu,... aussi vrai
que... Pitié!
Christopherl (à Weinberl ): On le laisse filer!
Weinberl: Il le faut bien,
sinon avec ses gémissements il va faire venir son copain. (À Kraps)
Ton manteau, ton chapeau et ton masque!
Kraps: Voilà, voilà tout ça, mon très excellent, très noble,
très magnanime Monsieur Weinberl! (Il lui donne ce qu'il demande.)
Weinberl: Et maintenant fiche
le camp!
Kraps (lui baisant la main): Vous n'y croyez
pas, mais je vais devenir terriblement honnête! (Il sort en courant par les coulisses de gauche)
Scène 7
Les mêmes, sauf Kraps
Weinberl: L'honnête homme, on le pincera bien grâce aux
déclarations de son complice... (Il se
drape dans le manteau de Kraps et met son chapeau).
Christopherl: Que faites-vous
donc là?
Weinberl: Il faut bien que j'attrape l'autre!
Christopherl: Fermons le
magasin, comme ça il sera enfermé.
Weinberl: Pour que dedans il
enfonce une porte, abatte quelqu'un et à la fin parvienne encore à s'enfuir!
Non, je sais bien ce que je vais faire. Allez simplement éveiller le veilleur
de nuit et faites procéder à l'arrestation.
Christopherl: Bien! mais on a de la chance... Dans notre mansarde le cambriolage
ne nous aurait pas réveillés.
Weinberl: C'est donc que la
partie de rigolade avait bien quelque chose de bon!
Rab (de l'intérieur, s'approchant de la porte): Qu'est-ce que tu attends donc, par le
diable?
Weinberl (se mettant le
masque pour déguiser sa voix): Je viens, je viens!
(Il fait signe à Christopherl de se
dépêcher et rentre dans le magasin):
Changement de décor
La salle de séjour
chez Zangler.
Sur le côté droit, une porte. Au fond,
une autre qui mène au magasin. À l'avant-scène, à droite une armoire à argenterie,
et à gauche une fenêtre avec un rideau. On aperçoit le lit de Zangler.
Scène 8
Melchior (seul, entre avec une lampe de la porte
latérale de droite)
Melchior: Et dire qu'il faut
faire des préparatifs pour la noce! La gouvernante s'enferme dans sa chambre,
ne m'écoute pas et râle à n'en plus finir jusqu'à ce qu'elle se mette à
ronfler! La cuisinière, je l'ai trouvée, mais cette bonne femme, elle a un sommeil de première classe! Je dois dire que je n'ai
jamais vu ça. Si je savais où est ma chambre, j'irais bien dormir aussi! Je
pourrais bien me mettre dans le lit de Monsieur, mais qui sait si ça lui
plairait; oui, je peux aussi me mettre
dans le fauteuil. (On entend du bruit au
fond.) Qu'est-ce que c'est?... Ah, j'ai compris... Ce n'est rien. C'est
quand on est seul éveillé dans une maison où tout le monde dort, on devient
cinglé... (On entend de nouveau du bruit.)
Mais maintenant c'est... oui, il se passe quelque chose! (Indiquant les coulisses.) On entend quelque chose en bas! Homme ou
fantôme, à qui ai-je affaire? Si c'est un homme, alors je suis un gars
courageux; mais si c'est un fantôme... je ne suis plus là, les fantômes, ce
n'est pas ma spécialité. (Il regarde
autour de lui, inquiet.) Où pourrais-je donc?... Ah!... (Il court à la fenêtre et, alors qu'on entend
à l'extérieur des voix qui chuchotent, il s'assied vite sur le bord de la
fenêtre de façon à se cacher derrière les rideaux)
Scène 9
Melchior, Rab, Weinberl (avec manteau, chapeau, masque et lanterne)
(Rab et Weinberl entrent sur la pointe des pieds par la porte
du milieu)
Melchior (regardant, terrorisé, de derrière le rideau,
à part): Un pas léger, qu'on n'entend pas: ce sont des fantômes!
Rab: Vraiment, mon
gars, ça m'étonne de toi, il faut du culot pour venir jusqu'ici, et c'est toi
qui l'as voulu!
Weinberl: C'est pour l'armoire
à argenterie, tiens, celle-là!
Rab: Pour ma part, je
fous le camp tout de suite dès que j'ai l'argent. De l'argent, rien que de
l'argent!
Melchior (à part): C'est l'argent qui les
intéresse, alors ce sont des hommes.
Rab: Je ne m'occupe pas
volontiers des objets précieux. (Il prend sa lanterne à Weinberl
et se dirige vers l'armoire)
Weinberl: Ben quoi, il ne faut
pas cracher sur l'argenterie, on n'en a jamais assez.
Melchior (à part): Ils n'en ont jamais assez......
ce sont des hommes.
Rab: Il y a la clé
dessus, embarquons tout! (Il ouvre la porte de verre de l'armoire ) J'ai pris un sac dans le magasin,
on va tout y fourrer. (Il lui lance un
sac de toile, et pendant ce qui suit il
sort de l'armoire une cafetière, des
bougeoirs, des cuillers, etc. et les donne à Weinberl
qui les met dans le sac).
Melchior (à part): Ils embarquent tout; ce sont
des hommes, mais pas n'importe lesquels.
Rab: Et maintenant
dépêchons-nous
Weinberl (à part): Et maintenant doucement, dis-je, il
faut que je le retienne jusqu'à ce que Christopherl
arrive avec l'arrestateur.
Rab (en plaisantant): On pourrait lui laisser une cuiller à café
comme souvenir de son argenterie
Melchior (à part): Celui-là a vraiment de bons sentiments!
Weinberl: Bon, mais faut rien
laisser! J'crois qu'il y a des trucs dans la chambre à côté.
Melchior (à part): Celui avec le masque, c'est
vraiment le diable
Rab: Non, ce serait
trop risqué; il me vient comme un malaise... c'est mauvais signe...
Melchior (à part): Celui-ci est encore capable de
s'améliorer
Weinberl: Cette horloge, on ne
va pas la laisser.
Melchior (à part): Celui-là a une âme endurcie.
Rab: Pas question, il
faut filer... (il s'arrête) Tu entends?... (Il
tend l'oreille, inquiet)
Weinberl: Ce n'est rien, il ne
peut rien arriver.
Melchior (exaspéré contre Weinberl,
serrant le poing, à part): Celui-ci, si je pouvais... (par son mouvement impulsif, il renverse un pot
de fleur qui tombe de la fenêtre)
Rab: Ils veulent entrer
par la fenêtre... vite, on fout le camp!
(il part en courant vers la porte du milieu)
Weinberl (à part): Tu ne
vas pas m'échapper! (Il laisse le sac et
court après Rab)
Melchior (saute de sa cachette et attrape Weinberl par le cou au moment où celui-ci atteint la porte):
Je te tiens!
Weinberl: Mais vous me faites
mal! Qu'est-ce que c'est?
Melchior: J'en ai attrapé
un! (Il le tire vers l'avant)
Weinberl: Laissez-moi, vous dis-je! Et l'autre qui est...
Melchior: ...un galopin dont
il ne faut pas désespérer! Mais toi, tu es un monstre...
Weinberl: Il m'étrangle! Au
secours! Au secours!
Melchior: Je suis tellement
en colère que j'en perds mes forces! Au secours! Au secours!
Weinberl: Au secours! Au secours!
Scène 10
Zangler, Madame
Knorr, Frau von Fischer, Christopherl, Sonders, Marie, Melchior, Weinberl
Christopherl (portant une lanterne): Ils ont pincé le
voleur. Les vigiles l'ont attrapé. (Il allume la lampe sur la table de droite.)
Melchior: Le vrai voleur,
c'est moi qui l'ai...
Zangler: Qu'est-ce que
c'est que ce tapage?
Weinberl (qui a ôté son
masque): Patron...
Zangler (repoussant
Melchior qui cherche encore à maîtriser Weinberl ): Toi, tire-toi
au lieu de le tirer par le cou! (À Weinberl) Christopherl m'a tout dit... Vous êtes un homme de mérite
que je veux embrasser (il
embrasse Weinberl.)
Melchior: Le v'là qui
embrasse la canaille masquée, c'est de première classe!
Christopherl (à Madame Knorr,
suppliant): Ne dites rien, patronne!
Madame Knorr (reconnaissant Christopherl): Ah, eh bien ça, c'est fort!...
Melchior (à Zangler ): Mais regardez-donc, votre argenterie, comme il l'a...
Zangler: Par cette
argenterie il m'a manifesté l'or de sa fidélité!
Melchior: C'est de première
classe!
Frau von Fischer & Madame Knorr (reconnaissant Weinberl): Mais quoi donc! Mais c'est...
Zangler (présentant Weinberl
à Frau von Fischer et à
Madame Knorr): Mon ex-vendeur, désormais mon
associé: Monsieur Weinberl, qui a pendant mon absence
si bien tenu ma maison.
Frau von Fischer & Madame Knorr (à Zangler): Si vous permettez, c'est....
Melchior (aux dames): Oh, c'est vous qui devez lui
dire, il n'écoute pas ce que je lui dis.
Weinberl (dans une attitude
craintive et suppliante, à Frau von Fischer et à Madame Knorr): Mesdames, votre discrétion et votre
bienveillance...
Frau von Fischer (mécontente): Quoi? (À
Zangler)
C'est lui qui a osé...
Weinberl (se décidant
soudain): Oui, je suis celui qui a osé, Monsieur le Directeur, quand vous
m'avez envoyé en ville, oui, j'ai osé tomber amoureux de cette veuve
séduisante, et maintenant que je suis votre associé, j'ose mettre à ses pieds
mon coeur et ma main.
Frau von Fischer (stupéfaite): Quoi...? Si c'était pour de bon...
Weinberl: Aussi vrai que je m'appelle Weinberl!
Zangler: Bon, j'en suis
très heureux...
Melchior (à Zangler):
Mais, votre grâce...
Zangler: Encore un mot et
je vous donne votre congé.
Melchior (remarquant, en se retournant, Sonders qui tient Marie enlacée): Oh, regardez!
Zangler (désignant les amoureux) Voici pourquoi
je me réjouis doublement, Monsieur Weinberl, que vous ayez déjà fait votre choix, car je
vous destinais ma pupille, mais cette gosse s'est amourachée de ce monsieur, et
juste au moment où je voulais le faire arrêter pour enlèvement, voilà que
Monsieur le Commissaire nous révèle que sa tante vient de mourir et qu'on vient
de déposer ici, selon les formes légales, un gros héritage. Alors dans ce cas,
je ne peux rien faire d'autre....
Sonders: Cher Monsieur Zangler!
Marie: Mon bon tuteur!
Weinberl: Encore une chance! Non, quand l'oncle et la tante
meurent dans l'année, tout finit bien!
Melchior: C'est de première
classe!
Zangler (prenant Madame Knorr
par la main et désignant les deux couples) En un mot: nous avons une triple
noce!
Weinberl: Une triple noce, c'est ça la vraie partie de rigolade!
(Le
rideau tombe sur quelques mesures d'une musique joyeuse.)
Présentation - Acte I - Acte II - Acte III - Acte IV - Note.
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