DUBOSQ, Emmanuel : Aventure, idéologie et représentation du monde indien chez Gustave Aimard : Mémoire pour l’obtention de la maîtrise de lettres modernes, sous la direction de M. Gérard Gengembre, professeur de littérature française à l’université de Caen. Université de Caen – UFR des Sciences de l’Homme - Octobre 2003. ATTENTION : Ce texte ne relève pas du domaine public. Il ne peut être rediffusé ou reproduit sans l'autorisation de l'auteur. Troisième partie
Idéologie, roman et altérité chez Gustave Aimard
3.1. Une vision tronquée du monde indien
Nous avons déjà eu l'occasion d'affirmer que la prétention d'Aimard à connaître le monde indien repose sur des bases fortement influencées par l'idéologie racialiste du XIXème siècle. Il nous faut maintenant examiner les conséquences romanesques et les implications de ce substrat idéologique dans l'oeuvre de Gustave Aimard. 3.1.1. L'idéologie évolutionniste dans le roman de l'Ouest
Dans un passage de L'Éclaireur , Gustave Aimard rend hommage à son illustre prédécesseur, Fenimore Cooper, qui, depuis la traduction de ses oeuvres en français, n'a cessé d'être une référence pour tout écrivain « américain ». Ce témoignage de respect n'est toutefois pas dénué d'une certaine distance critique à l'égard du romancier :
« Fenimore Cooper, l'immortel historien des Indiens de l'Amérique du Nord, nous a initiés, dans ses excellents ouvrages, aux ruses employés par les Turscaroras, les Moéganes et les Hurons, lorsqu'ils veulent déjouer les recherches de leurs ennemis ; mais n'en déplaise aux nombreux admirateurs de la sagacité du jeune Uncas, magnifique type de la nation Delaware, dont il ne fut cependant pas le dernier héros, puisque, bien que fort diminuée, elle existe encore [1] , les Indiens des États-Unis ne sont que des enfants, comparés aux Comanches, aux Apaches, aux Pawnees et autres nations des grandes Prairies de l'ouest du territoire mexicain, qui, au reste, peuvent à juste titre, passer pour leurs maîtres sous tous les rapports. » [2]
Sous couvert de considération pour l'auteur américain, Aimard tente donc de se démarquer de Cooper, en renvoyant les héros de ses romans à une humanité puérile. Mais, percevant probablement le caractère péremptoire et quelque peu fallacieux de ce jugement, Aimard ne tarde pas à expliquer ce qui l'amène à penser de cette manière:
« Les tribus du Nord n'ont jamais réellement existé à l'état de puissances politiques [3] ; chacune d'elles se gouverne séparément et en quelque sorte selon sa fantaisie ; les Indiens dont elles sont formées s'allient rarement avec leurs voisins, et ont, de temps immémorial, constamment vécu de la vie nomade. Aussi n'ont-ils jamais possédé que les instincts très développés, il est vrai, des hommes qui sans cesse habitent les bois, c'est-à-dire une agilité merveilleuse, une grande finesse d'ouïe et une longueur de vue miraculeuse, qualités que, pour le dire en passant, on retrouve au même degré chez les Arabes et, en général, chez tous les peuples errants, quel que soit le coin de terre qui les abrite. Pour ce qui est de leur sagacité et de leur adresse, les bêtes fauves les leur ont enseignées, ils n'ont eu que la peine de les imiter. » [4]
Pour Aimard, les vrais sauvages ne sont pas ces tribus pillardes du Sud des États-Unis, ce sont les Indiens du Nord du territoire, les seuls qui aient encore des moeurs authentiquement issues de la nature. Le narrateur leur concède d'ailleurs volontiers les qualités des sauvages : une acuité visuelle et auditive sans pareille, une facilité de mouvement digne des grands primates, tout ceci n'étant cependant qu'un don de la nature. [5] Comme tous les êtres primitifs, ils ne connaissent que très peu la nécessité de s'allier pour former une véritable société capable de s'imposer politiquement et culturellement : une de leurs tribus n'est qu'un îlot qui « se gouverne séparément et en quelque sorte selon sa fantaisie ». D'où il ressort qu'ils ne possèdent aucun projet politique assurant la pérennité de leur mode de vie, ce qui les condamne inexorablement à ne vivre que d'une manière « sauvage ». Aimard concède donc quelques « qualités » à cet Indien du Nord des États-Unis, mais ceci relève d'une volonté d' « ensauvagement » : représenter l'Indien du Nord comme le seul véritable sauvage permet de faire apparaître les qualités extraordinaires des Indiens du Sud, et en particulier des Comanches, « véritables rois du désert » selon Aimard [6] : « Les Indiens du Mexique joignent aux avantages que nous avons signalés les restes d'une civilisation avancée, civilisation qui, depuis la conquête, s'est réfugiée dans des repaires inabordables, mais qui n'en existent pas moins de fait. » [7] Il n'est nullement besoin de prouver l'existence de cette civilisation indienne réfugiée dans les profondeurs du territoire américain [8] , puisqu'elle n'existe que par l'imagination d'un lecteur bénévole : il suffit par conséquent d'affirmer avec aplomb qu'elle existe, bien que personne ne l'ai vue, et elle ne peut ainsi être mise en doute. L'existence de ces villes indiennes est un enjeu capital pour Aimard. En effet, la valeur des Indiens du Mexique se mesure à leur degré de civilisation ; et le fait d'habiter une cité est une première preuve de l'appartenance à une société civilisée. Ainsi, à la différence des Indiens des États-Unis, ceux du Mexique ont une organisation sociale proche du modèle occidental :
« Les familles ou tribus se considèrent entre elles comme les parties d'un même tout : la nation. Or la nation américaine continuellement en lutte avec les Espagnols d'un côté et les Américains du Nord de l'autre, a senti le besoin de doubler ses forces pour triompher des deux formidables ennemis qui la harcèlent sans relâche, et peu à peu ses enfants ont modifié dans leurs moeurs ce qui leur était nuisible, pour s'approprier celles de leurs oppresseurs et les combattre par leurs propres armes ; ils ont poussé si loin cette tactique, qui, du reste, les a jusqu'à ce jour sauvés non seulement du joug, mais encore d'une totale extermination, qu'ils sont passés maîtres en fourberies et en ruses ; leurs idées se sont agrandies, leur intelligence s'est développée, et ils sont parvenus à surpasser leurs ennemis en astuce et en diplomatie (...). Et cela est si vrai que, depuis trois cents ans, ceux-ci non seulement n'ont pas réussi à les dompter, mais même à se soustraire à leurs invasions périodiques, ces invasions que les Comanches nomment superbement la lune du Mexique , et pendant le cours desquelles ils ruinent impunément tout ce qui se rencontre sur leur passage. » [9]
L'organisation sociale des Indiens du Mexique semble être à l'origine de leur survie, comme le laisse entendre la conjonction de coordination « or » en début de deuxième paragraphe. [10] Unis dans une même nation, ils ont ainsi pu être assez forts pour ne pas céder de terrain à l'ennemi. Dans l'esprit du narrateur, si ces Indiens ont pu résister aux attaques américaines, c'est grâce à leur bravoure et à leur courage, mais aussi à leur capacité d'adaptation et d'amélioration face à de nouveaux dangers. Contrairement à leurs congénères septentrionaux, les Indiens du Mexique ont su opérer une transformation dans leur nature sauvage, pour acquérir une intelligence supérieure au contact de leurs ennemis américains : « leurs idées se sont agrandies, leur intelligence s'est développée, et ils sont parvenus à surpasser leurs ennemis en astuce et en diplomatie ». [11] Pour Aimard, le perfectionnement de la race indienne ne fait aucun doute : s'ils ont pu se soulever contre leurs spoliateurs, c'est qu'en effet ils ont su modifier leurs techniques de guerre en les adaptant à leurs ennemis. Cependant cet argumentaire n'a au fond qu'un but : prouver que les Indiens font partie intégrante de l'humanité civilisée.
« Peut-on véritablement considérer comme des sauvages ces hommes qui, refoulés jadis par la terreur des armes à feu et la vue des chevaux, ces animaux dont ils ignoraient l'existence, contraints de se cacher au sein de montagnes inaccessibles, ont cependant défendu leur terrain pied à pied, et, dans certaines régions, sont arrivés à reconquérir une portion de leur ancien territoire ? »
Cette question rhétorique ne peut amener qu'une réponse négative de la part du lecteur : non, les Indiens du Mexique ne peuvent pas être considérés comme des sauvages car ils ont acquis l'indépendance des véritables nations conquérantes et souveraines. Mais ce qu'Aimard semble accorder aux tribus mexicaines, il le dénie à celles qui n'ont pas eu les moyens de s'opposer à la colonisation de leurs territoires :
« Mieux que personne, nous savons qu'il existe des sauvages en Amérique, sauvages dans toute l'acception du mot ; mais ceux-là on en a eu bon marché, chaque jour ils disparaissent du sol, car ils n'ont ni l'intelligence nécessaire pour comprendre, ni l'énergie pour se défendre. Ce sont ces sauvages dont nous parlons qui, avant d'être soumis aux Espagnols ou aux Anglo-Américains, l'étaient aux Mexicains, aux Péruviens et aux Araucans du Chili, et cela à cause de leur organisation intellectuelle qui le élève à peine au dessus de la brute. » [12]
Dans la lutte pour la vie qu'est la colonisation, seuls les plus forts survivent ; les autres n'ont qu'à périr. [13] Il n'est donc pas lieu de s'apitoyer sur le sort de ces sauvages qui, de toute façon, auraient nécessairement péri tôt ou tard : leur inaptitude au changement les a en effet condamnés à disparaître pour laisser place à une race plus puissante, capable de se mesurer et de résister aux colonisateurs. D'ailleurs, pour Aimard :
« Il ne faut pas confondre ces peuplades d'ilotes qui ne sont que des exceptions dans l'espèce, avec les grandes nations indomptées dont nous essayons ici de décrire les moeurs, moeurs qui se modifient sans cesse ; car, malgré les efforts qu'elles font pour se soustraire à son influence, la civilisation européenne qu'elles méprisent plutôt encore par haine héréditaire de leurs conquérants et de la race blanche en général que pour tout autre motif, les cerne, les accable et les envahit de toutes parts. » [14]
La lutte des races se trouve donc érigée en loi universelle du progrès : les plus faibles étant amenés à disparaître, se produit inévitablement une amélioration de la race au contact de la civilisation. [15] Comme le note Pierre-André Taguieff à propos de la théorie de la lutte des races chez Gustave Le Bon :
« La lutte pour l'existence n'est (...) pas un simple fait constatable, elle est aussi et surtout un comportement souhaitable et ce moins pour la survie du groupe (espèce, race, peuple, classe, etc.) que pour les perfectionnements ou les progrès qu'elle est censée provoquer. Cette vision lebonienne de la lutte comme facteur non seulement d'évolution, mais d'évolution progressive, ordonnée à une amélioration indéfinie, retrouve un principe téléologique commun à la nature et à l'Histoire : tout se passe comme si, à travers la lutte universelle et la guerre perpétuelle, se réalisait une finalité cachée, quelque chose comme l'idée d'une amélioration sans fin. » [16]
Cette idée d'amélioration indéfinie de la race indienne est sous-jacente chez Aimard. Sa vision de l'avenir politique des Indiens repose en effet sur l'extrapolation de ce phénomène de perfectionnement qui, ayant atteint son paroxysme, pourra produire une race nouvelle, aussi noble et fière que ses soeurs.
« Peut-être avant cent ans les Indiens émancipés qui sourient de pitié à la vue des luttes mesquines que se livrent entre elles les républiques, fantômes qui les entourent, et le colosse pygmée des États-Unis qui les menace, reprendront leur rang dans le monde et porteront haut la tête ; et ce sera justice, car ce sont d'héroïques natures richement douées, capables, bien dirigées, d'entreprendre et de mener à fin de grandes choses. » [17]
Fort de l'idée d'une éventuelle amélioration de la race indienne, Aimard promet donc les Peaux-Rouges à un avenir meilleur au sein de l'humanité. La tentative de réhabilitation de la race indienne débouche donc sur une vision de l'Histoire, dans laquelle les Indiens ont malgré leur défaite un rôle à jouer, si maigre soit-il. Selon Aimard, l'affrontement interracial produira en effet un Indien d'un nouveau genre. Vaincu de la conquête, mais auréolé par sa tentative de résistance face à un envahisseur sûr de lui, ce nouvel Indien saura trouver sa place parmi la civilisation anglo-américaine. Dès lors nul ne saurait lui trouver un meilleur sort qu'au sein de cette civilisation prête à absorber toutes les différences raciales et culturelles. La Prairie, en tant que lieu imaginaire ancré dans une réalité historique, était le lieu désigné pour la mise en scène de cette lutte pour l'existence théorisée par les penseurs scientifiques européens de la seconde moitié du XIXème siècle. Cette exploitation romanesque d'un phénomène historique mettant aux prises deux peuples considérés comme antagonistes, se résout chez Aimard dans une représentation de l'Histoire dans laquelle les Indiens finiront, au bout du compte, par gagner la considération de leurs frères humains. C'est donc un pari sur l'avenir qu'engage Aimard, même si cette résolution ne fait que conforter les lecteurs dans l'idée que les Indiens tireront bénéfice de la perte de leur racines culturelles et de leur inclusion dans une civilisation prête à les digérer. [18] 3.1.2. Le « destin » des peuples indiens
« L'expérience prouve que tout peuple inférieur mis en présence d'un peuple supérieur est fatalement condamné à bientôt disparaître. » [19] Telle est la loi scientifique qui, selon la doxa racialiste du XIXème siècle, a toujours réglé les rapports entre les races. Postulant comme moyen de compréhension de l'Histoire de l'humanité l'irréductibilité des races et l'impossible équilibre entre les peuples, elle légitime ainsi la colonisation des peuples « inférieurs » et leur relégation au rôle de vaincu condamné à s'adapter, pour le bien de l'humanité, à la civilisation occidentale. Dans le roman de l'Ouest, cette idée d'incompatibilité entre les races se manifeste sous différents vocables désignant de manière stéréotypée les rapports entre Blancs et Peaux-Rouges : parfois décrite comme « invétérée » [20] , voire « héréditaire » [21] , la haine des Peaux-Rouges envers leurs colonisateurs demeure un des moteurs de l'action romanesque, et en tant que telle elle se doit d'être « naturalisée » de manière à nourrir de façon plus convaincante l'antagonisme entre les personnages indiens et blancs. [22] L'affrontement entre ces deux races doit alors inévitablement se résoudre par la victoire de l'un des protagonistes. Or, pour des raisons idéologiques évidentes, il serait impossible de faire battre les Blancs par leurs ennemis Peaux-Rouges, sous peine de faire naître l'incrédulité du lecteur. [23] L'Indien fait donc figure de vaincu naturel dans la lutte qui l'oppose au Blanc. Toutefois, ce schéma se complique un peu chez dans une des dernières oeuvres de Gustave Aimard, Les Bandits de l'Arizona . Ce roman met en effet en pratique ce qui n'est qu'encore sous-jacent dans des oeuvres antérieures telles que L'Éclaireur : la division du monde indien en deux pôles distincts opposant d'un côté des Comanches soumis aux Blancs et décrits comme « rois de la Pairie » et de l'autre, des Apaches obstinément rebelles à la colonisation, et pour cette raison voués à disparaître. Pour convaincre le lecteur de la pertinence de ce schéma dans l'oeuvre d'Aimard, il suffirait de citer le portrait que dresse le narrateur de trois guerriers apaches venus apporter quelques renseignements à don José de Sandoval :
« Les trois hommes qui parurent étaient bien des enfants du désert, fiers, hautains, cauteleux, rusés, trompeurs, le regard chercheur, ne se fixant jamais. Ces chefs étaient sans doute en expédition, car ils étaient peints et armés en guerre. Ils étaient à demi-nus, ce qui permettait de voir leur torse athlétique ; cependant leurs bras étaient maigres et sans biceps ; ils se drapaient avec grâce dans de larges couvertures ; leurs cheveux étaient retenus par une bandelette de laine rouge qui les ceignait au-dessus des oreilles. (...) (...) guerriers et ulmenes [24] étaient d'une saleté dégoûtante et même honteuse ; ils sentaient à plein nez la graisse rance et empestaient. Seul le grand chef était d'une propreté méticuleuse et d'une coquetterie poussée même un peu trop loin » [25]
Unique mention de la répugnance du corps du sauvage, la première remarque du narrateur, marquée par un prosaïsme que l'on pourrait qualifier de vulgaire, est une des manières employées pour discréditer le guerrier apache : sa saleté ou, a contrario , la trop grande finesse de sa tenue, ne sont que les stigmates d'une condamnation plus ample, visant à calomnier les Apaches pour les ranger du côté de ces « ilotes » incapables d'adopter un mode de vie civilisé et donc « fatalement » appelés à disparaître. Les Apaches sont les véritables perdants de la colonisation : victimes de leur penchant pour l'alcool, « l'eau-de-feu » des Blancs, ils sont principalement accusés de cultiver ce vice au détriment de leur race. [26] Les personnages d'Aimard ont ainsi beau jeu de s'apitoyer sur la nation apache parce qu'elle compte parmi ses guerriers un bon nombre d'ivrognes. [27] Mais finalement ils ne font que rendre plus crédible l'idée selon laquelle cette nation est condamnée à mourir : en insinuant qu'une fatalité raciale est responsable de cette disparition, Aimard conclut ainsi qu'il ne peut être autrement et que, tout compte fait, ceci est peut-être un bienfait pour la race indienne. La division de la race indienne permet donc de légitimer le mouvement de colonisation du territoire américain. En présentant à la fois les Apaches comme un peuple destiné à mourir à cause de leur inaptitude à évoluer et à s'adapter à la civilisation, et en décrivant la nation comanche comme une bénéficiaire de la colonisation, Aimard atténue le choc provoqué par la disparition progressive des Indiens. Le lecteur est ainsi amené à penser la colonisation comme un mal nécessaire dont l'inconvénient (la disparition des plus faibles, c'est-à-dire des Apaches) sera compensé par l'élévation des plus forts (les Comanches) au profit de la race indienne.
3.2. Le dépérissement d'un imaginaire
Des Trappeurs de l'Arkansas (1858) aux Bandits de l'Arizona (1881), Gustave Aimard n'a semble-t-il jamais quitté l'Amérique, ni les héros trappeurs qui ont peuplé ses récits. Or, il va sans dire qu'entre la fin des années 1850 et le début de la décennie 1880, les données historiques et culturelles ont évolué, tout comme le goût des lecteurs. Entre le premier succès littéraire d'Aimard et le dernier quart du XIXème siècle, de nouveaux auteurs sont apparus dans le milieu florissant de l'édition populaire, transportant la littérature d'aventures vers d'autres lieux et d'autres préoccupations. [28] Ainsi, vers 1880, la Frontière américaine ne semble plus être le seul espace à focaliser l'attention d'un lectorat en quête de nouveautés. De plus, la disparition de la Frontière relègue progressivement l'Ouest au rang de passé mythique : les manifestations folkloriques, preuve de cette relégation, tendent alors à effacer la réalité historique de cette période de l'histoire américaine. [29] Face à ce phénomène, Aimard ne peut qu'adapter son discours aux changements historiques survenus durant la seconde moitié du XIXème siècle : le roman de trappeur, genre né avec Fenimore Cooper, ne peut survivre à la disparition de la Frontière. De même, l'Indien, sur la voie de la défaite [30] , ne peut plus figurer aussi nettement la menace qui autrefois pesait sur la Prairie. Le roman de l'Ouest subit donc des inflexions et des changements qui annonceront un autre type de récit, le western. 3.2.1. La fin d'un genre
Lorsqu'en 1881 paraît Les Bandits de l'Arizona , Gustave Aimard semble être le dernier auteur pratiquant encore le roman de l'Ouest tel qu'il est né dans les années 1820 : personnages de trappeurs à la moralité irréprochable, Indiens féroces et bandits sans foi ni loi, tous sont encore présents, mais de manière sensiblement différente. Bien que la trame narrative de ce roman ne diffère que légèrement des autres oeuvres d'Aimard, on ne constate pas moins une inflexion dans un genre qui, comme le titre le laisse supposer, voit s'affirmer l'influence du roman des bas-fonds, fait de complots mystérieux, de haine indéfectible et de crimes crapuleux, dont les auteurs sont des malfrats prêts à tout pour arriver à leurs fins. Dans Les Bandits de l'Arizona , les trappeurs, personnages caractéristiques du roman de l'Ouest, ouvrent toujours le récit. [31] Toutefois, ils n'en sont pas moins relégués au second plan et ne constituent plus les véritables héros du roman. [32] Un personnage comme Sans-Traces, héritier d'une longue tradition de trappeurs [33] , s'efface ainsi devant la présence de l'aventurier français, incarné par Coulon de Villiers, largement influencé par le type du héros colonial tel qu'il se déploie dans la littérature populaire à la fin du XIXème siècle. [34] Preuve de cette mutation, le trappeur et l'aventurier ne semblent plus composer un couple efficace par leur complémentarité, puisqu'ils agissent de manière indépendante et n'entretiennent plus que des relations distendues. [35] Ce recul du trappeur au profit de l'aventurier colonial n'est toutefois pas le seul changement opéré dans le schéma général du roman de l'Ouest : les ennemis héréditaires, incarnés originellement par les Indiens, se trouvent en effet remplacés par d'autres protagonistes tout aussi cruels, bien qu'ils ne soient plus caractérisés par leur appartenance raciale mais bien par un comportement individuel. [36] Ces personnages, bandits et hors-la-loi tout-droit sortis des bas-fonds des sociétés européennes et américaines, semblent de véritables incarnations du Mal, bien plus redoutables que les Indiens. Le portrait du Coyote est là pour le démontrer au lecteur [37] :
« Cet individu auquel Sans-Traces avait donné le nom de Petermann (...) était quelques chose d'impossible, d'illogique, un fantoche, un polichinelle, un casse-noisettes de Nuremberg ; il avait une toute petite tête ronde comme une pomme, des yeux gris et vairons, pas de front, des pommettes saillantes, un nez recourbé sur une bouche fendue d'une oreille à l'autre, un menton pointu et relevé vers le nez ; pas de barbe, à peine quelques cheveux d'un jaune sale venant jusqu'aux sourcils ; son buste était court, ses jambes et ses bras, d'une longueur hors de toutes proportions, lui donnaient, quand il marchait, l'apparence d'un énorme faucheux dressé sur ses pattes de derrière ; ce fantoche construit à coups de hache était d'une maigreur si invraisemblable que de quelque côté qu'on le regardât on ne le voyait jamais que de profil ; sa physionomie souriante avait une expression de bonhomie narquoise ; cependant quand il était en proie à une vive émotion, ce masque qu'il s'était fait tombait subitement, et alors ses traits prenaient une expression de scélératesse effrayante. » [38]
Une nouvelle fois, la difformité physique du personnage trahit une infirmité morale patente : la monstruosité apparente du Coyote [39] renvoie en effet à l'intériorité déficiente du personnage et à son incapacité compassionnelle fondamentale. Rien chez cet individu ne peut expliquer cette tendance à pratiquer le Mal [40] :
« Les plus terribles bandits des savanes redoutaient cet homme à cause de sa méchanceté innée, sa cruauté, sa perfidie, ses moeurs infâmes et la force herculéenne qu'il possédait et qu'il mettait au service de ses mauvaises passions ; c'était un misérable sans foi ni loi, devant lequel chacun tremblait. On le disait natif de Stettin, chef-lieu de la Poméranie en Prusse, où il avait commis des crimes si horribles qu'il avait été condamné à une réclusion perpétuelle dans son pays. Comment avait-il réussi à s'échapper et à passer en Amérique, on l'ignorait ! mais ce qui était certain, c'est que, après un séjour de quelques mois à peine à Washington, il avait été contraint de se réfugier au désert pour ne pas être lynché ; peine à laquelle il avait été condamné par la population exaspérée, pour avoir assassiné froidement et sans autre motif que sa férocité innée, toute une famille allemande, le père, la mère et trois enfants tout jeunes, qui avait eu pitié de sa misère et lui avait donné une généreuse hospitalité qui l'avait empêché de mourir de faim. On l'avait surnommé le Coyote ; jamais nom n'avait été aussi bien appliqué, car c'était une hyène, un monstre. » [41]
Suivant le principe qui servait à caractériser l'Indien dans les premiers moments du roman de l'Ouest, Aimard naturalise les traits moraux de son personnage : si le Coyote est un être de la violence à l'état pur, cela s'explique par cette « férocité innée », c'est-à-dire originelle, native et consubstantielle au personnage. Le Coyote remplit donc fondamentalement le rôle de repoussoir contre l'action duquel le héros doit agir pour faire triompher les valeurs du Bien, de l'ordre et de la justice. Et dans cette fonction, le bandit remplace allègrement le guerrier indien. En effet, dans Les Bandits de l'Arizona , l'Indien ne constitue plus une menace pressante pour les héros car, comme l'avoue don José, les pirates des prairies sont désormais plus à craindre que les Indiens :
« — Dans un pays comme celui-ci, il ne faut négliger aucunes précautions, si l'on veut conserver sa chevelure ; les rôdeurs indiens sont toujours aux aguets et savent profiter de la moindre négligence. — D'après ce que j'ai vu il y a quelques heures, je vous croyais dans de bons termes avec ces pillards des savanes. — Cela est vrai quant aux Indiens, mais vous oubliez les pirates et autres bandits de toute sorte qui pullulent en quête d'une proie » [42]
Privilégiant la lutte entre héros blancs et pirates des prairies, Les Bandits de l'Arizona sont donc le signe d'une mutation du roman de l'Ouest. Le genre voit en effet s'effacer un à un les personnages qui l'ont autrefois peuplé : signe d'une lassitude de la part du public ou conséquence de la disparition de la Frontière [43] , le trappeur est devenu un personnage secondaire qui, bien qu'il apporte une aide précieuse aux héros, n'a plus la dimension héroïque d'un Balle-Franche ou d'un Coeur-Loyal ; de même, l'Indien n'est plus l'adversaire tant redouté pour sa ruse et sa cruauté, car il est remplacé par un autre personnage archétypal, le bandit, emprunté au genre des mystères urbains. [44] Parallèlement à cette dislocation du genre, le lecteur assiste à une résurgence des thématiques issues du mélodrame, car derrière la lutte entre les bandits et les Sandoval, se cache un autre enjeu, familial celui-ci [45] : sous les traits de l'Urubu, le compagnon du Coyote, se dissimule en effet un certain Gaspard de Mauvers, qui n'est autre que le cousin effroyablement jaloux du général Coulon de Villiers, prêt à faire payer ce dernier pour tous les malheurs et toutes les frustrations qu'il lui a causés. [46] Reprise du thème des frères ennemis [47] , cette rencontre tend à intensifier l'intrigue assez simpliste des Bandits de l'Arizona [48] , en greffant sur les événements principaux des épisodes mélodramatiques générateurs d'émotions chez le lecteur. [49]
En perdant les héros originels du roman de l'Ouest, Les Bandits de l'Arizona semble donc abandonner une partie de ce qui a fait l'identité et l'unité du genre. Au début des années 1880, la littérature de l'Ouest semble en pleine mutation. En effet, un autre type de récit, que nous qualifions, après les films d'Hollywood, de roman-western, semble être en germes dans des oeuvres comme Les Bandits de l'Arizona : la lutte entre bandits et héros blancs, incarnés par la suite par le cow-boy, est déjà en place dans le récit de Gustave Aimard ; de même, les Indiens jouent déjà un rôle plus ou moins secondaire dans l'action. [50] L''imaginaire du roman de l'Ouest meurt donc au grand profit de celui du western, davantage axé sur la lutte entre hommes blancs et la mise en scène de types. 3.2.2. L'Indien et la colonisation : du recul à la soumission
Nous avons déjà eu l'occasion de dire que le conflit racial opposant l'Indien à l'homme blanc est progressivement évacué de l'oeuvre de Gustave Aimard. Constatant ce fait, il nous faut dorénavant essayer de comprendre les modalités de ce recul de l'Indien. Il semble qu'à partir de la fin des années 1870, il soit de plus difficile d'ancrer la représentation de l'Indien dans une réalité qui lui est de plus en plus réfractaire. À cette époque, nul n'ignore en effet que l'Indien est sur le point de disparaître du continent américain et que le processus de colonisation du territoire bat son plein. [51] Gustave Aimard choisit tout de même de faire figurer les Indiens dans ses derniers romans, car ils font partie intégrante de l'imaginaire de l'Ouest. Toutefois, si ses héros persistent à décrire les Comanches comme les seuls « véritables rois du désert », il ne semble faire aucun doute que ce discours n'est plus cohérent, non seulement avec la réalité, mais également avec les faits mis en scène dans le roman. Des Trappeurs de l'Arkansas aux Bandits de l'Arizona , les Indiens semblent en effet avoir radicalement changé de position : d'une situation dominante, de celles qui permettent de s'opposer par les armes au colonisateur [52] , les Indiens se voient en effet attribuer un rôle subalterne dans la dernière oeuvre d'Aimard. Ce recul de l'Indien, déjà manifeste dans L'Éclaireur au travers de la figure de l'Aigle-Volant, compagnon dévoué aux Blancs [53] , se radicalise dans Les Bandits de l'Arizona avec la soumission des Comanches à la famille Sandoval, censée descendre directement des empereurs incas et incarnant pour cette raison une véritable aristocratie mexicaine. [54] Les liens entretenus par les Sandoval avec les Comanches semblent pourtant répondre au principe de réciprocité : les Indiens servent de garde rapprochée tandis que les Sandoval leur offrent protection dans leur citadelle. Cependant, la résolution de l'intrigue laisse percevoir une ambiguïté dans les rapports entre les Indiens et cette élite civilisée. En effet, pour pouvoir attirer l'Urubu et ses hommes vers un guet-apens dressé dans la ville indienne, don José de Sandoval se fait passer pour un Indien auprès des bandits. Révélant cette supercherie après le récit de la bataille opposant bandits et Comanches, le narrateur feint d'avoir oublié ce détail pour ménager un effet de surprise chez le lecteur :
« Nous avons oublié de mentionner un fait d'une importance relativement assez grande. Don Estevan et son frère don José, quand ils habitaient leur résidence de l'Arizona, avaient contracté l'habitude de porter le costume et les peintures des Peaux-Rouges. Cette mesure, essentiellement politique, flattait beaucoup les Indiens et donnait une grande influence aux fils de don Agostin sur les Comanches, en leur prouvant que les descendants des Incas, dont quelques gouttes de sang coulaient dans leurs veines, ne dédaignaient pas les coutumes de leurs pères. Les deux hommes en étaient arrivés à s'identifier si bien avec ce costume qu'il était impossible de soupçonner un déguisement, ce qui augmentait leur prestige et rendait les Indiens fiers de leurs chefs, que du reste ils adoraient. » [55]
À mots couverts, le narrateur avoue donc que les Sandoval ne peuvent pas être considérés comme de véritables Indiens (seules quelques gouttes de sang inca coulent dans leurs veines). De même, l'adoption du costume indien par les frères Sandoval semble plus proche de la démagogie que d'une véritable adhésion à un autre mode de vie. [56] Mais ceci ne semble point troubler le narrateur. Don José ne cache d'ailleurs pas cette relation basée sur le mépris de la race indienne lorsqu'il parle des Apaches : « ces démons adorent ma famille, je n'ai rien à redouter d'eux, ils me sont dévoués, sur un geste, un clignement d'yeux, ils m'obéissent. » [57] En évacuant tout conflit racial, et en le remplaçant par un affrontement d'ordre moral entre bandits et héros blancs, Aimard tend à réifier la représentation de l'Indien. La représentation de l'Indien n'étant plus véritablement un enjeu du discours, sa figuration n'en est que plus statique. Il devient ainsi cet ami respectueux et dévoué, qui ne s'oppose et ne trahit à aucun moment. [58] Qu'ils soient comanches ou apaches, les Indiens présents dans Les Bandits de l'Arizona sont donc soumis aux Sandoval, sans que cette domination soit questionnée ou remise en cause par le narrateur : la soumission indienne apparaît donc comme un fait inhérent à la nature des Peaux-Rouges. Et de ce point de vue, le narrateur, ainsi que les personnages, ne manifeste aucune mauvaise conscience devant le spectacle qu'offrent ces Apaches alcooliques venus servilement renseigner don José sur les agissements des bandits. Son triste sort ne suscitant plus l'indignation de quiconque, l'Indien du roman de l'Ouest est donc peu à peu condamné à périr (ou à se figer dans une posture, ce qui revient au même). En ce sens, Les Bandits de l'Arizona nous semblent, plus que les autres romans de l'Ouest d'Aimard, témoigner de la disparition de l'Indien dans le discours de la littérature d'aventures et de l'effacement progressif de l'imaginaire qu'il a contribué à créer au cours du XIXème siècle.
Notes[Note 1] Uncas est en effet le héros d'un des plus célèbres romans de Cooper, le Dernier des Mohicans . [Note 2] L'Éclaireur , p.663. [Note 3] Affirmation dénuée de fondement : l'existence d'alliances entre nations amérindiennes est historiquement prouvée. La plus connue est certainement l' Hotinonshonni (« Ligue des Cinq puis Six Nations ») qui, depuis le XVIIème siècle, regroupait des peuples iroquois (Nord-Est des États-Unis) et a joué grâce à sa puissance un rôle décisif dans le changement de perception des « Sauvages ». (cf. James Wilson, la Terre pleurera, une histoire de l'Amérique indienne , Albin Michel, coll. « Terre indienne », 2002, pp.139-177). [Note 4] L'Éclaireur , p.663. [Note 5] Formulées sous le régime de la concession (comme le montre l'expression « il est vrai ») , les remarques d'Aimard n'en laissent apparaître que plus facilement un mépris contenu à l'égard des Indiens. [Note 6] Cf. le discours tenu par don José de Sandoval au Français Coulon de Villiers lors de leur entrevue avec des guerriers apaches venus leur fournir des renseignements ( les Bandits de l'Arizona , p.806). [Note 7] L'Éclaireur , pp.663-664. [Note 8] Nous avons déjà eu l'occasion de souligner ce qui relève du mythe dans la représentation des villes indiennes telle qu'elle est donnée dans les oeuvres d'Aimard. Nous voudrions souligner ici ce qui nous apparaît relever des lectures d'Aimard (sans pour autant affirmer que ses romans ont été entièrement écrits à partir de connaissances livresques, bien que l'on puisse, selon nous, légitimement se poser la question). L'existence de villes indiennes, telles qu'elles sont décrites par Aimard (cf. L' Éclaireur , pp.639-645 et Les Bandits de l'Arizona , pp.896-898) , n'a semble-t-il jamais été historiquement prouvée. On connaît bien en revanche, en particulier au Mexique, l'existence de pueblos , sortes de villages indiens dont la taille, bien que la plupart du temps souvent modeste, pouvait atteindre celle d'une ville occidentale. L'existence de cités aztèques depuis le Moyen Age ne fait elle aussi aucun doute ; toutefois, si les villes indiennes d'Aimard semble plus proches de ces cités encore aujourd'hui visibles au Mexique, elles n'étaient plus habitées depuis la disparition de la civilisation qui leur a donné naissance, disparition qui est datée de 1521 et de la prise de la capitale aztèque Tenochtitlán par Hernàn Cortés. Ces villes indiennes nous semblent donc le fruit d'une transposition des villes aztèques dans l'Amérique du XIXème siècle. De même, la mise en scène de protagonistes descendants directs des empereurs incas (cf. Les Bandits de l'Arizona ) nous semble relever d'un phénomène similaire : à partir de connaissances tirées d'ouvrages historiques, Aimard a su bâtir une vision personnelle, et pour une grande part imaginaire, de la Prairie tout en y intégrant sa propre expérience du désert et des peuples indiens. [Note 9] L'Éclaireur , p.664. [Note 10] Cette conjonction exprime dans ce cas précis un rapport de conséquence entre l'organisation sociale des Indiens et leur capacité à repousser les colons hors de leurs territoires. [Note 11] L'image de l'élève dépassant le maître dans l'art qu'il lui a enseigné a ici une double fonction. Dans un premier temps, elle montre que l'attitude indienne ne peut être considéré indépendamment d'un contexte colonial mettant en présence deux protagonistes techniquement inégaux. Dans un deuxième temps, elle permet de légitimer la représentation de l'Indien fourbe en la renversant à son profit : si la ruse est devenue naturelle chez les Peaux-Rouges, cela prouve qu'ils ne sont pas « irrécupérables », et que, par conséquent, ils ont une chance d'être assimilés dans la société américaine. Aux États-Unis, cette dernière idée sera à l'origine du processus dit de termination , entamé dans la première moitié du XXème siècle, et qui visait à faire de l'Indien un Américain comme les autres en le coupant de ses origines culturelles et linguistiques ou, pour reprendre une formule utilisée par James Wilson ( op. cit. ), en « tuant l'Indien pour sauver l'homme ». Sur cette question, voir James Wilson, op. cit. , pp.355-486. [Note 12] L'Éclaireur , p.664. [Note 13] Cf. Les Trappeurs de l'Arkansas (p.66) : « Dans les combats incessants qui se livrent sur les frontières indiennes, les lois de nos guerres civilisées sont complètement inconnues. Le vae victis règne dans toute l'acception du mot. Les ennemis acharnés qui combattent les uns contre les autres avec tous les raffinements de la barbarie ne demandent et n'accordent pas de quartier. Toute lutte est donc question de vie ou de mort. » Le discours scientifique de Gustave Le Bon n'exprime pas autre chose lorsqu'il s'attache à décrire les lois de l'évolutionnisme : « Le seul procédé que la nature ait pu trouver pour améliorer les espèces est de faire naître beaucoup plus d'êtres qu'elle ne peut en nourrir et d'établir entre eux une lutte perpétuelle dans laquelle les plus forts, les mieux adaptés, peuvent seuls survivre. (...)C'est par ce procédé de la sélection que se sont perfectionnés les êtres depuis l'origine du monde, (...) que nos sauvages ancêtres de l'âge des cavernes se sont lentement élevés à la civilisation. (...) La lutte que la nature a imposée aux êtres créés par elle est universelle et constante. Partout où il n'y a pas lutte, non seulement il n'y a pas progrès, mais il y a tendance rapide à rétrograder (...) La nature professe donc une intolérance absolue pour la faiblesse. Tout ce qui est faible est bientôt condamné par elle à périr. » (cité par Pierre-André Taguieff, op. cit. , p.120). Rappelons que Charles Darwin publia Sur l'origine des espèces en 1859 et établit ainsi les premières lois de l'évolutionnisme. [Note 14] L'Éclaireur , p.664. [Note 15] Dans la citation précédente, la conjonction de coordination « car » est claire sur ce point : c'est parce qu'elles sont en contact permanent avec la civilisation européenne, que les « grandes nations indomptées » voient leurs moeurs « se modifier sans cesse ». [Note 16] Pierre-André Taguieff, op.cit. , pp.121-122. [Note 17] L'Éclaireur , pp.664-665. Pour étayer son argumentation, Aimard se propose alors de prendre un exemple pour prouver que la race indienne peut prétendre à un avenir meilleur : « Au Mexique même, depuis l'époque où à la mâle heure ce pays a proclamé sa soi-disant indépendance, tous les hommes éminents qui ont surgi soit dans les arts, soit dans la diplomatie, soit dans la guerre, appartiennent à la race indienne pure. À l'appui de ce dire, nous citerons un seul fait d'une immense signification : la meilleurs histoire de l'Amérique du Sud qui ait été publiée en espagnol jusqu'à ce jour a été écrite par un Inca : Garcilasso de la Véga ! Cela n'est-il pas concluant ; n'est-il pas temps de faire justice de toutes ces théories systématiquement absurdes qui s'obstinent à représenter la race rouge comme une race bâtarde, incapable d'amélioration et fatalement appelée à disparaître ! » Le lecteur scrupuleux, et surtout peu confiant, peut aisément mettre à bas la stratégie argumentative d'Aimard, en consultant un dictionnaire encyclopédique : on y apprend en effet que Garcilasso de la Véga n'est pas, comme le prétend Aimard, un individu de « race indienne pure », mais bien le fils naturel d'un conquistador célèbre, Sébastián Garcilasso de la Véga, et d'une princesse inca. À la décharge d'Aimard, il nous faut toutefois préciser qu'il a probablement été trompé par le surnom, l'Inca, attribué couramment à ce chroniqueur de la fin du XVIème siècle. [Note 18] La contradiction consistant d'une part à déplorer la disparition du monde indien et de l'autre, à considérer que la colonisation est un mal inévitable mais qui sera au final bénéfique, cache en fait un enjeu d'importance : il permet la perpétuation quasi indéfinie du conflit sur le plan romanesque. En effet, condamner trop sèchement la colonisation américaine reviendrait à condamner du même coup le conflit avec les Indiens et la manière dont il est mené par les États-Unis. Or le roman d'aventures, et le roman de l'Ouest en particulier, se nourrit expressément de cette violence et en fait même le moteur de l'action romanesque. Ne pas remettre fondamentalement en cause la colonisation, c'est donc laisser la possibilité pour le roman d'une réitération quasi éternelle du conflit entre Indiens et colons. [Note 19] Gustave Le Bon, cité par Pierre-André Taguieff, op. cit. , p.130. [Note 20] Balle-Franche , p.293. [Note 21] L'Éclaireur , p.664. [Note 22] Cette haine naturelle entre les races blanche et rouge est une bonne illustration de l'horizon idéologique du roman d'aventures au milieu du XIXème siècle. L'irréductibilité des races est en effet un des points fondamentaux de ce que Tzvetan Todorov appelle « l'idéologie racialiste commune et anonyme de l'époque, (...) sorte de bon sens racial » ( Nous et les autres, la réflexion française sur la diversité humaine , Seuil, coll. « la couleur des idées », Paris, 1989, p.129). Selon la perspective racialiste, que nul ne semble à l'époque remettre en cause, l'existence de plusieurs races (distinguées selon des critères physiques et culturels plus ou moins européocentriques) est un fait indiscutable. A partir de données empiriques, est ainsi construite une hiérarchie des races selon qu'elles se rapprochent plus ou moins d'un idéal de civilisation et d'humanité incarné par l'Europe blanche. Dans l'échelle de l'évolution humaine, l'Indien est ainsi placé à un niveau sensiblement identique au plus vil représentant de l'espèce humaine, le Nègre. Cette hiérarchie des peuples ne tarde pas à déboucher sur une justification et une rationalisation de la guerre que se livrent Européens et indigènes, notamment sur le continent américain. Les différences physiques et mentales constatées entre Européens et Indiens expliquent alors pourquoi l'incompréhension règle leurs échanges : inférieurs par nature, les Indiens sont incapables de saisir la supériorité des Blancs et ils ne peuvent que se tourner vers la lutte armée ; dès lors, la force peut seule faire plier ces « hordes de sauvages ». Le roman d'aventures du XIXème siècle trouve dans cette naturalisation de la lutte des races un puissant moteur romanesque. Les oeuvres de Gustave Aimard n'échappent bien sûr pas à cette règle. [Note 23] À moins que cette victoire n'associe Indiens et Blancs contre des bandits : dans ce cas précis, l'Indien est alors considéré comme vainqueur. Néanmoins, ce n'est pas sur lui que retombe l'aura de la victoire, même s'il y a grandement contribué, mais bien sur le héros blanc (cf. Les Trappeurs de l'Arkansas et L'Éclaireur ). [Note 24] « Chef araucan, au pouvoir essentiellement symbolique » selon le glossaire de l'édition « Bouquins » des romans d'Aimard. [Note 25] Les Bandits de l'Arizona , pp.802-803. [Note 26] Décrivant un chef indien comanche dévoué aux Blancs, le narrateur n'oublie pas de préciser que son grand âge est surtout dû à la sobriété de son comportement : « en général les Indiens vivent très vieux, les centenaires sont nombreux parmi eux ; beaucoup dépassent cent vingt ans et plus. Nous parlons ici, bien entendu, des Indiens indépendants, qui ont su se préserver des liqueurs des Blancs et ne boivent que de l'eau, comme les Comanches ; les ivrognes ne sont plus que des Indiens dégénérés, méprisés et chassés des atepelts à grands coups de bâton par les femmes et les enfants. » ( Les Bandits de l'Arizona , p.788). [Note 27] Les paroles de don José déplorant la déchéance de la nation apache (« malheureusement les Apaches sont des ivrognes, l'eau-de-vie les abrutit et les rend fous », les Bandits de l'Arizona , p.806) ne l'empêche pas de distribuer de l'alcool aux guerriers de cette nation venus lui vendre leurs renseignements. [Note 28] Avec son Voyage au centre de la Terre , Jules Verne inaugure en 1863 le genre des « voyages excentriques » mêlant aventures et préoccupations scientifiques propres à la fin du XIXème siècle. [Note 29] Le Wild West Show de Buffalo Bill, spectacle représentant les « combats furieux entre la race sauvage et barbare et la race civilisée » (affiche du spectacle reproduite dans la Terre des Peaux-Rouges de Philippe Jacquin, Découvertes Gallimard, Paris, 1987, p.124) est une des illustrations de cette folklorisation de l'Ouest : à partir de 1883, Buffalo Bill, un ancien chasseur de bisons (engagé pour nourrir les hommes chargés de construire une voie ferrée entre l'Utah et l'Omaha, il tua plus de quatre mille bisons en dix-huit mois, cf. Claude Fohlen, les Indiens d'Amérique du Nord , Que sais-je, PUF, Paris, 1985) fait le tour de l'Europe avec une troupe composée d'Indiens condamnés à l'ennui des réserves américaines (dont le fameux chef sioux Sitting Bull, liquidé en 1890 à cause de son activisme militant), et d'animaux sauvages mis en scène dans un spectacle offrant naïvement une représentation grotesque de l'Indien. [Note 30] Quelques années après la mort de Gustave Aimard (1883), le massacre de trois cents Indiens, hommes, femmes et enfants dans la plaine de Wounded Knee, le 29 décembre 1890, signe définitivement la défaite des Indiens face à un État prêt à tout pour se débarrasser des ultimes soubresauts de la révolte indienne. [Note 31] Les romans d'Aimard commencent en effet de manière invariable et selon un rituel bien défini : la mise en scène d'un personnage-clé du récit, seul ou accompagné, devant le spectacle grandiose de la nature (cf. l'incipit des Trappeurs de l'Arkansas , de Balle-Franche et des Bandits de l'Arizona ). Bien sûr, ce personnage est représentée dans une attitude typique de son mode de vie, car il faut dès les premières lignes mettre en place un univers de référence capable de mobiliser l'attention du lecteur. Dans les Bandits de l'Arizona , l'ouverture du récit se conclut par cet étrange soliloque du trappeur : « — Allons ! je suis content de moi ; je ne me suis pas trompé d'une ligne, bien que cette fois soit la première que je vienne dans cette contrée ; et il y a loin d'ici à Montréal ; voici la vallée jonchée de poteries brisées ; voici sur ma droite la casa de Mocktekuzoma, là-bas les ruines d'une ville qui a dû être riche et bien fortifiée ; et, ce qui est plus important, à l'orée de ce bois de châtaigniers, l'immense mahogani — acajou — entouré de quatre cèdres qui lui servent de gardes du corps ; donc, tout est bien et je n'ai plus qu'à attendre. » ( Les Bandits de l'Arizona , p.780) [Note 32] S'il incarne toujours des valeurs positives, telles que le courage ou l'abnégation, le trappeur semble en effet dépassé dans ce rôle par le héros français. Ainsi Coulon de Villiers prend-il le relais des trappeurs par sa capacité à épouser une cause qui lui est de prime abord totalement étrangère : c'est en effet le hasard et l'instinct qui l'amènent à défendre les membres de la famille Sandoval au cours d'une attaque de bandits ; mais c'est son courage et sa capacité d'abnégation qui le conduisent à s'opposer aux desseins des bandits et à être blessé par ces derniers lors d'une attaque visant le rapt des femmes de la famille (cf. les Bandits de l'Arizona , p.826). [Note 33] Cf. Les Bandits de l'Arizona , p.781 : « il avait de qui tenir : il appartenait à une vieille famille de chasseurs tous renommés depuis plus d'un siècle et dont quelques-uns jouent des rôles importants dans plusieurs de nos précédents récits. » [Note 34] Afin d'être auréolé de prestige militaire (le lecteur apprendra quelques pages plus loin que Coulon de Villiers est « un des plus brillants officiers de l'armée française »), l'aventurier s'adresse en ces termes à l'ancien spahi Sidi-Muley : « Assieds-toi là près de moi, ce ne sera pas la première fois que nous serons côte à côte ; tu n'as pas oublié nos campagnes d'Afrique, hein ? » ( les Bandits de l'Arizona , p.788) [Note 35] Dans les Bandits de l'Arizona , le trappeur est en effet remplacé dans son rôle de compagnon héroïque par un ancien soldat de l'armée française, Sidi-Muley, stéréotype du Français agité et truculent mais efficace à la tâche (cf. les Bandits de l'Arizona , p.790). Sans-Traces ne figure donc plus aux côtés du héros blanc et se voit marginalisé dans l'action romanesque : il capture le Coyote au premier chapitre du roman et réapparaît aux chapitres X et XII pour la capture de deux malfrats et la découverte du repaire des bandits. Signe de l'intégration forcée du trappeur à la société civilisée, il se voit offrir à la fin du roman une somme d'argent par Coulon de Villiers en récompense de ses services : « Le général avait pris congé de son dévoué Sans-Traces, en lui donnant cinq cents louis, une fortune pour le chasseur, et que le général avait eu toutes les peines du monde à lui faire accepter ; l'argent n'était rien pour ce brave coeur. » ( les Bandits de l'Arizona , p.939) [Note 36] Un déterminisme racial est toutefois encore présent chez un personnage tel que le Coyote, puisque sa nationalité allemande le désigne tout naturellement pour figurer un personnage extrêmement laid et cruel à outrance. Ceci doit toutefois être mis au compte d'un nationalisme revanchard dont le patriote Aimard semble avoir des difficultés à se départir (n'oublions pas en effet que la défaite française de 1870 contre l'Allemagne de Bismarck et l'annexion de l'Alsace-Lorraine qui en fut la conséquence a nourri jusqu'à la seconde Guerre Mondiale un courant violemment nationaliste et belliqueux dans l'opinion française). [Note 37] Situé dans le premier chapitre du roman, ce portrait fait suite à la capture du bandit par Sans-Traces, venu l'attaquer par surprise. [Note 38] Les Bandits de l'Arizona , p.784. [Note 39] Sa « toute petite tête ronde comme une pomme », son absence de front et la petitesse de son buste mise en rapport avec la « longueur hors de toutes proportions » de ses membres suffisent à donner au Coyote une allure inhumaine et le l'apparentent davantage au singe qu'aux individus de race européenne. [Note 40] Le spectre fantasmatique du Juif violent et transgresseur de la morale ne semble pas éloigné de l'esprit d'Aimard lorsqu'il décrit le Coyote : « des pommettes saillantes, un nez recourbé sur une bouche fendue d'une oreille à l'autre, un menton pointu et relevé vers le nez » ne sont-ils pas, dans l'iconographie populaire, les traits physiques ordinairement attribués à l'archétype du Juif ? [Note 41] Les Bandits de l'Arizona , p.784. [Note 42] Les Bandits de l'Arizona , p.931. [Note 43] Ajoutons une troisième explication : l'émergence de nouveaux personnages, tels le héros colonial, plus en phase avec l'impérialisme dominateur et arrogant des grandes puissances européennes que les trappeurs métis du XVIIIème siècle. [Note 44] Il est d'ailleurs significatif de voir que dans les romans du type des « mystères urbains » ces personnages, véritables aventuriers des villes au service du Mal, prennent les dénominations d' « Apaches » ou de « Mohicans » (cf. Gustave Aimard, Les Peaux-Rouges de Paris , publication posthume en 1888 chez Dentu). [Note 45] Les thèmes issus du mélodrame (tels que les retrouvailles familiales après maintes péripéties ou l'amour d'un homme pour une femme qui se refuse) étaient déjà présents dans une oeuvre comme les Trappeurs de l'Arkansas . Toutefois, ils semblent faire leur réapparition dans Les Bandits de l'Arizona . [Note 46] Cf. les Bandits de l'Arizona , p.931. [Note 47] Gaspard de Mauvers voue en effet une haine indéfectible à son cousin, qu'il accuse de lui barrer la route à chaque nouvelle entreprise de sa part. Cette haine l'a d'ailleurs conduit à se bannir lui-même de la société, après des activités frauduleuses exécutées de concert avec le Coyote et qui avaient pour objet la concession familiale en Arizona. Ancien capitaine déserteur de l'armée française, Gaspard de Mauvers incarne parfaitement le type du bandit qui agit par haine de l'autre et non pour lui-même. [Note 48] L'intrigue principale du roman pourrait en effet se résumer à ceci : la tentative de rapt des femmes de la famille Sandoval par l'Urubu et leur libération, prévisible, par un Indien nommé l'Oiseau-de-Nuit, derrière lequel se cache en fait don José de Sandoval. Aimard accomplit tout de même l'exploit de faire tenir cette histoire sur plus de cent soixante pages... [Note 49] La résolution finale, l'assassinat de l'Urubu par Sidi-Muley, met fin au dilemme entre, d'un côté, les liens du sang qui unissent Coulon de Villiers à son cousin, l'empêchant de le considérer comme un vulgaire bandit, et de l'autre, le droit de le traiter comme tout malfrat ayant commis ses méfaits au détriment d'autrui. Pourtant, si la bienveillance des Blancs obtient que le bandit ne soit pas scalpé comme ses hommes, c'est cette deuxième option que fait prévaloir Sidi-Muley, en tuant Gaspard de Mauvers d'un coup de poignard dans la nuque alors qu'il tente d'étrangler le général venu lui rendre visite. À cette résolution par la mort fait toutefois pendant la rédemption finale du Coyote, venu au cours d'une scène vibrante demander à Coulon de Villiers de protéger sa fille restée dans un couvent en Allemagne (cf. les Bandits de l'Arizona , pp. 937-938). [Note 50] Philippe Jacquin note que sur mille sept-cent films « western », seuls deux cents mettent en scène les Indiens ( La Terre des Peaux-Rouges , op. cit. , p.180). Ceci tend à prouver que dans la vision de l'Ouest qui se développe avec le western littéraire et cinématographique, l'Indien ne tient qu'une place très limitée face à l'homme blanc. [Note 51] L'année 1861 a ainsi vu l'achèvement de la première ligne télégraphique reliant l'est à l'ouest des États-Unis. Au cours de la décennie, le maillage du territoire américain débute également avec la première ligne ferroviaire transcontinentale. [Note 52] De s'opposer ou même de se ranger volontairement du côté de l'homme blanc lorsque celui-ci tente de rétablir l'ordre dans la Prairie en combattant des bandits (cf. le revirement d'attitude de la part de la Tête-d'Aigle dans Les Trappeurs de l'Arkansas ). [Note 53] Le guerrier se plaint d'ailleurs du peu de cas que font les aventuriers blancs de lui et des volontés indiennes, en voulant se rendre dans la ville sacrée de Quiepaa-Tani (cf. l'Éclaireur , pp. 677-678). Néanmoins, cela ne l'empêchera pas de mener à bien cette expédition en conduisant le trappeur Bon-Affût au coeur même de la ville. Dans les Bandits de l'Arizona , cette tendance à considérer l'Indien comme un être discipliné et obéissant à l'égard des Blancs est flagrante (cf. p.886, les paroles échangées entre le Nuage-Bleu et don Agostin de Sandoval). [Note 54] Un des fils de don Agostin de Sandoval n'est rien moins que chargé d'affaires à Paris pour le gouvernement mexicain. De plus, la famille Sandoval possède plusieurs riches résidences au Mexique et un mode de vie bien proche de celui de l'aristocratie française, au grand étonnement de Coulon de Villiers. [Note 55] Les Bandits de l'Arizona , p.933. [Note 56] L'emploi du verbe « flatter » et le syntagme adjectival « essentiellement politique » ne laissent aucun doute à cet égard. [Note 57] Les Bandits de l'Arizona , p.802. [Note 58] Cf. le personnage affable incarné par le chef indien le Nuage-Bleu dans les Bandits de l'Arizona. |