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Les Rosières : articles de journaux colligés par le baron Joseph Tardif de Moidrey (1929)
MOIDREY, Joseph Tardif de (1860-1947) :  Les Rosières : articles de journaux / colligés par le baron Joseph Tardif de Moidrey.- Sl : Sn, 1929.- [15] p : 2 photos en noir ; 23 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (28.I.2016)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/
Diffusion libre et gratuite (freeware)
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm br 1180).


Les Rosières

articles de journaux
colligés
par le baron

Joseph Tardif de Moidrey.


~ * ~

Vielle Commune de Lisieux - 1929

VARIÉTÉS
______

Rosières d’autrefois

et d’aujourd’hui
_______


La cérémonie dont la ville de Lisieux vient d’être, pour la septième fois, le théâtre, depuis que la « Vieille Commune » a fait revivre les rosières, m’a incité à remonter dans le passé aux sources mêmes de cette institution qui conserve, malgré tout, un certain cachet d’originalité et de sentiment.

Pour beaucoup, les rosières ne remontent pas au delà du début du siècle dernier ; c’est une institution impériale pour récompenser le mérite des militaires libérés auxquels on faisait épouser des filles beaucoup plus jeunes qu’eux. C’est un peu cela, si l’on veut ; mais ce n’est pas tout à fait cela. Les origines sont plus lointaines et le but beaucoup plus élevé.

*
*   *

Au début du VIe siècle, le siège épiscopale de Noyon était occupé par un prélat d’une haute vertu et dont le nom brille au Martyrologe : je veux parler de saint Médard, onzième évêque de Vermand, qui, après le sac de cette ville par une invasion de barbares, transféra sa résidence épiscopale à Noyon, près de la terre de Salency, dont il était originaire et seigneur temporel.

De tous les bienfaits qu’il répandit à profusion dans son diocèse, il est une institution qui domine toutes les autres et dont l’influence, malgré les siècles, nous est parvenue, entourée de tout un cortège de gracieuses images et de pieux souvenirs : c’est la fête de la Rose, d’où est venu le nom de Rosière.

Désirant encourager les jeunes gens à la pratique de la vertu, saint Médard voulut que, tous les ans, une jeune fille de Salency, désignée par le suffrage de tous les habitants, reçût en dot une somme de 25 livres et une couronne de roses. Cette couronne, bénite et imposée par le prêtre, devait être le prix d’une vie sans tache et, pour celle qui l’avait obtenue, un engagement de ne jamais s’écarter de la voie de la vertu. Il détacha même de ses domaines dix ou douze arpents de terre, qui formèrent ce qu’on appela, dans la suite, le fief de la Rose, et en affecta le revenu au paiement de la dotation et aux frais du couronnement.

On sait qu’autrefois la rose était un emblème tout païen. Ch. Joret a longuement étudié l’histoire du sym[bo]lisme de cette fleur (1) que la religion fit sienne en la considérant comme l’emblème de l’innocence et de la virginité, d’où ce vers charmant de l’Arioste :

La Virginella e simile alla rosa.

Le « chapel de roses », comme disent les anciens textes, était un signe d’honneur et les jeunes mariés ne manquaient jamais de s’en parer (2).

La légende nous apprend que la première rosière fut couronnée à Salency en 535, par saint Médard lui-même et que ce fut sa propre sœur, élue à l’unanimité des suffrages. Ce fut la seule fois que le peuple imposa au seigneur celle qu’il proclamait la plus digne de la couronne symbolique de la vertu.

Cette institution devint, pour les jeunes filles de Salency, un puissant motif d’émulation et de sagesse.

Par le titre de fondation, rapporté par un auteur du XVIIIe siècle (3), il fallait que la rosière ait une conduite irréprochable, que son père, sa mère, ses frères et sœurs, ses autres parents, jusqu’à la quatrième génération, soient eux-mêmes irrépréhensibles : la tache la plus légère, le moindre soupçon, le plus petit nuage dans la famille étaient un titre d’exclusion.

Le seigneur de Salency a toujours été en possession du droit de choisir la rosière entre trois filles originaires du village et qu’on lui présentait un mois d’avance. Sa nomination était annoncée au prône de la paroisse, afin que les autres filles, ses rivales, aient le temps d’examiner ce choix et de le contredire s’il n’était pas conforme à la justice la plus rigoureuse.

Les habitants de Salency eurent toujours à cœur de conserver, dans sa pureté primitive, l’œuvre instituée par saint Médard. Ils en donnèrent la preuve en 1773, lors d’un procès où ils montrèrent une résistance énergique qui fut couronnée de succès.

A cette époque, un sieur François Laurent Danré, écuyer, était seigneur de Salency. Jaloux du privilège des habitants, il voulut à lui seul choisir la rosière et décerner la couronne à celle qui lui conviendrait le mieux. Les habitants de Salency protestèrent contre cet abus de pouvoir et l’affaire fut portée devant Messieurs du Parlement. Je passe sur tous les incidents de procédure pour arriver aux conclusions de l’avocat du roi, qui donnait raison aux habitants de Salency et, en décembre 1774, la cour de Parlement rendit un arrêt les confirmant dans leurs anciens privilèges, rétablissant le couronnement de la rosière « avec les us et coutumes établis par saint Médard. »

La cérémonie du couronnement avait lieu chaque année, le 8 juin, à l’église, avec un certain cérémonial que nous ont décrit quelques auteurs du XVIIIe siècle, en particulier Sauvigny et Madame de Genlis.

Pendant de longues années, Salency garda seul le privilège de cette fête, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, époque à laquelle les théories des économistes, les vers de Saint-Lambert et de Delille attirèrent l’attention sur les campagnes et les mirent à la mode.

La rosière de Salency, popularisée par les écrivains (4), suscita l’émulation, et chaque seigneur voulut, lui aussi, créer une fête de la Rose, et bientôt la pieuse coutume se multiplia.

Je possède un curieux recueil factice de pièces de 1780, relatif à la fête de la Rose célébrée cette année, à Rechicourt, le 11 juin. Il comprend une relation écrite par un témoin oculaire, de discours qui fut prononcé par l’abbé Marquis, curé de la paroisse ; un petit ouvrage du même sur la Vertu chrétienne et de curieuses conférences sur la Fête de la Rose, par demandes et réponses, traitant des origines de la fête et de ses fins, de Judith, modèle des rosières, de l’intention de saint Médard et des moyens employés pour attirer à la vertu, de l’amour-propre et de l’humilité chrétienne (5).

Après Salency, où la fête de la rosière n’a point encore perdu ses antiques prérogatives, il faut citer Nanterre, Puteaux, Suresnes, Enghien, Montreuil, Neuilly, et même un quartier de Paris, les Batignoles.

*
*   *

En 1775, il y avait, dans le Calvados, une rosière à Canon, canton de Mézidon. Les fondateurs, M. et Mme Elie de Beaumont, n’épargnèrent rien pour rendre cette cérémonie aussi auguste qu’utile. Ils ne se bornèrent pas à couronner une fille sage, ils voulurent que plusieurs espèces de vertus, également précieuses, fussent aussi récompensées. Le bon chef de famille, la bonne mère, le bon vieillard partagèrent alternativement avec la bonne fille, l’honneur du couronnement et la somme de 600 livres qui y était attachée, ce fut l’origine de la Fêtes des bonnes gens de Canon. Le souvenir de cette fête nous a été conservé par l’ouvrage de l’abbé Guillaume Ant. Le Monnier, originaire de Saint-Sauveur-le-Vicomte, en 1721, chapelain de la Sainte Chapelle de Paris et aumônier des gardes du comte d’Artois, mort le 4 avril 1797. Son livre, que les bibliophiles normands recherchent avec soin, est intitulé : Fêtes des bonnes gens de Canon et des rosières de Briquebec. J’en connais deux éditions, l’une de 1777 et l’autre de 1778, toutes deux précédées d’un charmant frontispice de Moreau le Jeune. Sur le titre de la seconde édition, on a ajouté les rosières de Saint-Sauveur-le-Vicomte, pays d’origine de l’auteur. C’est une suite de quatorze lettres, pour la première édition, seize pour la seconde, plus ou moins descriptives et narratoires de la cérémonie, avec des considérations philosophiques et quelques petits poèmes de circonstance.

A Plainville, près de Bernay, l’abbé Alexandre-Jacques Bessin, dans sa déclaration du revenu annuel de son bénéfice, présentée à l’assemblée nationale, atteste « que le sieur curé consacre annuellement cent livres pour encourager la vertu chez les jeunes personnes.

A côté de ces institutions, fondées à perpétuité, si l’on peut dire, on trouve des faits exceptionnels qui méritent d’être cités. Un opuscule, imprimé à Caen en 1787 (6), nous en fournit un exemple dans la personne de Jeanne Closier, dont la conduite exemplaire fut admirée par les habitants de Salency, qui se fussent empressés de lui décerner les honneurs de la Rose, si Jeanne Closier était née dans leur commune. Or, elle était de la paroisse de La Conception-en-Passais, élection de Domfront. Les ducs de Chartres, de Montpensier et Mlle d’Orléans se firent représenter à son couronnement, qui eut lieu au mois d’août 1786.

La nomination d’un[e] rosière était plus qu’une gloire, c’était un triomphe. Je n’en veux d’autre preuve que cette phrase que j’extrais d’un di[s]cours prononcé pour la circonstance : « Vous conserverez dans tout son éclat cette couronne de roses à laquelle sont attachées les mœurs des Salenciennes, comme la bravoure et la grandeur le furent autrefois, chez les Romains, à une simple couronne de chêne ».

Tel était, en général, l’ordre des Rosières jusqu’au jour où Napoléon 1er, dans le dessein de retraiter avec fruit et honneur ses anciens militaires, fit paraître le décret, donné au palais de Compiègne le 25 mars 1810. Ce fut l’apogée des rosières. Il y en eut dans toutes les villes et les registres des conseils municipaux sont remplis de ces procès-verbaux que les historiens locaux ont mis à profit (7).

Dans ces fondations modernes, on ne s’en tint plus, il est vrai aux détails féodaux de la cérémonie, à l’idéal, au printanier chapel de roses : le temps a marché et notre siècle positif ne se contente plus de faveurs platoniques.

Au bout de quelques années, les rosières furent oubliées et même tournées en ridicule (8). Elles avaient vécu ce que vivent les roses, faute d’argent et de vertu !…

Les sociétés régionalistes ont essayé, de nos jours, à faire revivre les rosières ; ce fut je dirai presque une révélation. Si les formes vieilles et surannées ont disparu, elles n’ont point emporté du moins le caractère et le but fondamental de l’œuvre. Nous y retrouvons, partout et toujours, un hommage solennel rendu à la vertu, un encouragement officiel et public donné à la jeune fille qui, par son travail et des mœurs irréprochables, a mérité de devenir pour les siens un sujet d’orgueil, pour ses compagnes un motif d’émulation et de sagesse, pour tous enfin un modèle et un exemple à suivre.

ETIENNE DEVILLE.

NOTES :
(1)La Rose dans l’Antiquité et au Moyen-Age, Paris, 1892, in-8.
(2) Ch. Joret. Loc. cit. p. 405 et suiv.
(3) Sauvigny. La Rose ou la Fête de Salency. Paris, 1760, in-8.
(4) Sauvigny. Loc. cit., La Rosière de Salency, comédie de Favart, 1771. – de Labessade,  La Rosière de Salency, 1878, etc.
(5) Voir encore : La rosière d’Artois ou la vertueuse nantaise. Soissons, 1778 ; La Rosière, ballet d’action en deux actes, composé par M. Gardel, maître des ballets, représenté pour la première fois sur le théâtre de l’Académie de musique, le 29 juillet 1783. Paris 1783 ; La Rosière espagnole, comédie en trois actes. Paris 1801.
(6) La Rosière de Passais ou piété filiale de Jeanne Closier. Caen, 1787, in-8°.
(7) Notice sur la fondation de la Rosière à Château-Gontier, 1879 ; – H. Turpin. Les Rosières de Bernay, 1885 ; – Ch. Després, Mariages de rosières à Orbec, 1891 ; – Veuclin, Les rosières de la marquise de Pompadour et de ville de Dreux, 1904.
(8) – La famille Trouillart ou la Rosière d’Honfleur, de H. Crémieux et Blum, Paris, 1874. 
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La Rosière de Nanterre

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A SALENCY
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Rosières de mère en fille…
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Salency, 19 août (De notre envoyé spécial).
       
Vivent Nanterre
Et sa rosière !
Mais vive Salency
       Aussi !

Salency dans le Vermandois. Salency Vermandois : jolie syllabes. Non moins joli est ce village de 600 habitants. Moissons, verdures : encore le département de l’Oise, et déjà la Picardie. Localité aux riches fermes et villas nouvellement construites ou reconstruites : n’est-ce pas, en effet, sur cette « montagne » couronnée de bois qu’« ils » étaient agrippés, quand nous disions : « Ils sont à Noyon » ?...

Mais ils ne sont plus à Noyon. La petite chapelle elle-même qui commémore la naissance de saint Médard en ces lieux est aujourd’hui réédifiée, de sorte que Salency, cette année, a pu élire de nouveau une rosière.

- Quel rapport entre saint Médard et la rosière de Salency ?

- Hé ! braves gens, tout est là. Où a été imaginée l’institution des rosières ? A Salency ! Par qui ? Par saint Médard !

Le centenaire de la rosière de Nanterre ? Bravo ! Cependant, ici, c’est du quinzième centenaire, oui, du millénaire et demi de la Rosière qu’il faut parler !

Naturellement, j’ai voulu commencer par présenter mes hommages à la Rosière de cette année. C’est la jeune fille de l’aubergiste du cru. Donc, rien de plus facile que de la voir… et d’apprendre de sa bouche que sa mère a été, elle aussi, Rosière de Salency…

La mère et la fille, chacune Rosière ! Pourquoi pas ? Quelle a été la première en date des Rosières à Salency ? La propre sœur de saint Médard, désignée par la voix publique. Bien mieux, apprenez comment, pendant des siècles et des siècles (cela se passait encore il y a cinquante ans environ), la Rosière de Salency a été choisie.

Une fois chaque année, tous les hommes, à partir de 21 ans, constituant la Communauté des habitants de Salency (je souligne ce mot, qui est le terme historique), sont invités « à son de caisse » à se réunir le lendemain à la mairie, à l’issue de la messe paroissiale, pour désigner les jeunes filles appelées par l’estime publique à être les candidates éventuelles à la couronne de roses.

Le lendemain, fiers de cette mission d’honneur, les hommes arrivent nombreux, à commencer par les pères de famille. M. le Maire donne lecture de la liste complète des jeunes filles âgées de 18 ans révolus (limite d’âge ramenée par la suite à 17 ans) et demande à l’assistance, érigée en véritable tribunal populaire, son appréciation sur chacune d’elles. La discussion s’engage. La critique a toute liberté. Le crible en est serré.

Non seulement la jeune fille doit être sans reproche, mais encore sa famille elle-même ne saurait donner prise à aucun blâme. Menée publiquement, l’enquête porte ses investigations jusqu’aux générations ascendantes. Les devanciers ne remontaient-ils pas au quatrième degré ancestral, établissant ainsi les véritables quartiers de noblesse de la vertu dans une famille ?

Ne dites pas que j’exagère. Tous ces renseignements, M. l’abbé Caudron, curé de Salency, qui est doublé d’un archéologue, serait le premier à vous les confirmer.

Au surplus, n’ai-je pas vu dans le village deux septuagénaires qui avaient été encore désignées de cette façon ?

Aujourd’hui, sans doute, le choix se fait d’une manière un peu moins redoutable. Mais l’esprit de sagesse est resté le même, fondé sur l’esprit de famille et, je le répète, de communauté.

***

Communauté, j’y insiste.

Saint Médard avait consigné une part de son domaine en faveur de la Rosière. Ce fut le « fief de la Rose ». Eh bien ! malgré invasions, seigneurs, révolutions, communes, malgré tout, ce fief existe encore !

Sans doute, aujourd’hui et depuis longtemps, c’est la commune de Salency tout entière qui considère la dotation de la Rosière comme une Dette sacrée, mais, aujourd’hui aussi, qui continue d’exploiter ce fief de la Rose ? Une association de laboureurs du village, laquelle se partage la fenaison de ce pré : communauté unique en France, nous apprennent les économistes, communauté où l’on est accepté par cooptation sur examen de titres, donc, à la fois, de la même manière qu’en notre vieille Académie française et de la même manière qu’est choisie la Rosière à Salency…

***

J’allais quitter l’auberge…

- Attendez, me dit-on, la servante de l’auberge, hé ! oui, celle-là même qui vient de vous verser à boire, a été Rosière de Salency aussi…

Alors, toutes les femmes de Salency ? Non, ne sourions pas, c’est sérieux. Est-ce qu’à deux pas d’ici, Noyon, à la veille de la guerre encore, n’était pas dite Noyon la sainte ?

- Au point qu’elle donna le jour au rigoriste Calvin.

- Qui parle de rigorisme ? La vertu ne court pas tant les rues sur cette terre qu’elle ne puisse nous suffire sans plus. D’ailleurs, une couronne de roses, une auberge ensoleillée, cela est-il triste ? Aussi bien, vous ignorez que jadis ces coteaux de Salency étaient couverts de vignes et que chacun, ici, était peu ou prou joyeux vigneron… Enfin, puisque Noyon est si proche, oubliez-vous que le célèbre et gai saint Eloi y succéda, comme évêque, à notre saint Médard ?...

Question de climat. On couronne des Rosières à Salency, tout comme, encouragé peut-être par cet exemple, des personnages qui n’étaient rien moins que Charlemagne et Hugues Capet sont venus se faire couronner à Noyon… Vous persistez à sourire ? Bon, me voici obligé de vous prouver que la Rosière de Salency, au cours de l’histoire, a tenu une place… j’allais écrire (il fait si beau !) presque aussi grande que ces deux monarques.

ANDRÉ LAPHIN.

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La Vieille Commune
de Lisieux


donne sa dernière fête
de l’année
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La Vieille Commune de Lisieux a eu la bonne fortune d’avoir, pour sa dernière fête de cette année, un dimanche ensoleillé.

Aussi la foule avait-elle envahi joyeusement le Jardin Public, très joliment décoré.

Les courses d’ânes obtinrent un succès triomphal. On remarqua la belle forme de la plupart des coursiers. La Vieille Commune aura fait beaucoup pour l’amélioration de la race asine, et le Ministère de l’Instruction publique fondera certainement un prix pour ces courses.

Nous donnerons dans notre prochain numéro la liste des récompenses.

La fanfare exécuta de très beaux morceaux. Les trompes de chasse eurent également un gros succès.

Les deux intermèdes comiques : Chasse gardée, Pêche réservée, déchaînèrent des tempêtes de rires. Les gendarmes et le garde-champêtre appréhendèrent au collet un brave homme qui chassait avec des idem, et on le traîna dans le cortège, menottes aux mains, jusqu’à la place Victor-Hugo, où on le relâcha, estimant la punition suffisante.

Le cortège parcourut les rues ; la Rosière, ses demoiselles d’honneur, Mossieu le Maire, les gracieuses laitières montées sur les jolis ânes, ou traînées dans de gentilles voitures, prodiguèrent à la foule les sourires et les saluts. Si le lait ne diminue pas, ce ne sera pas faute de main-d’œuvre. Pour des laitières, jeunes et jolies, s’adresser à la Vieille Commune !

Vieille commune de Lisieux - 1929

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Le Vieux Lisieux
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MARIAGES DE ROSIERES
A LISIEUX
AU SIECLE DERNIER
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L’origine des rosières se perd dans la nuit des temps. On la fait remonter jusqu’à Saint Médard, évêque de Soissons au VI e siècle. Comme ce prélat était seigneur de Salences, il avait imaginé de récompenser, tous les deux ans, la jeune fille la plus vertueuse, en lui donnant une somme de 25 livres et une couronne ou « chapel » de roses.

Le couronnement des rosières retrouva un regain de vitalité au XVIIIe siècle pour retomber en désuétude bientôt après. Sous le premier Empire, le jour anniversaire du couronnement de l’Empereur, on remit en vigueur le traditionnel usage et cela donna lieu à des manifestations qu’il est toujours intéressant de rappeler.

A Lisieux, au siècle dernier, on ne se contentait pas de couronner les rosières, on les mariait. La plus ancienne mention des rosières à Lisieux, ne remonte qu’à 1807. Conformément au décret du 19 février 1806, ordonnant que l’anniversaire du couronnement de l’Empereur serait célébré dans toutes les communes de l’Empire ; que celles dont le revenu dépassait 10.000 francs devraient doter, ce jour-là, sur les fonds communaux, une fille sage devant être mariée à un militaire ayant fait la guerre et dont le choix serait fait par le Conseil municipal, les élus de Lisieux se réunirent à l’Hôtel de Ville, durant plusieurs années, pour procéder au choix et à l’élection de la rosière.

La première réunion eut lieu le 21 novembre 1807 et « après avoir mûrement réfléchi », une somme de 600 francs fut votée pour doter la rosière, plus 400 francs pour les frais de la fête.

Le cérémonial de cette manifestation nous est révélé par les arrêtés du maire, pris chaque année, avant la célébration de l’anniversaire du couronnement de l’Empereur.

La veille de la fête et le matin du jour, salves d’artillerie. La garde nationale se réunissait, à huit heures, sur la place d’Armes, alors que la rosière et son futur époux, choisis par le Conseil, se rendaient à l’Hôtel de Ville où le mariage civil était célébré.

Après cette cérémonie, les époux et le Conseil municipal allaient à la Sous-Préfecture, pour se rendre ensuite à l’église Saint Pierre où la rosière recevait la bénédiction nuptiale.

A midi, une distribution de pain était faite aux indigents, à l’Hôtel de Ville.

L’après-midi, le corps municipal, précédé d’un détachement de la garde, des musiques et des tambours, se rendait sur la place Impériale, où était dressé un mât de cocagne. Le soir, à cinq heures, un coup de canon avertissait les habitants d’avoir à illuminer les façades de leurs maisons.

Il y avait bien quelquefois des dérogations au programme ainsi, par exemple, en 1811, le mariage de la rosière ne put être célébré le jour de la fête « vu que le délai pour la publication des bans n’était pas expiré » ; en 1812, la distribution de pain n’eut pas lieu « vu le peu de fonds disponibles pour la fête publique ».

Le dernier couronnement de la dernière eut lieu en 1813. Le registre des arrêtés de cette année contient un procès-verbal du couronnement de la rosière, le seul qu’il nous a été donné de rencontrer. On y voit que, lors de la cérémonie religieuse, « après l’évangile, M. l’abbé Delarue, de Caen, chanoine honoraire de Bayeux, prononça un discours et qu’après la messe on chanta le Te Deum.

Le soir, à cinq heures et demie, au moment des illuminations, des danses eurent lieu dans la cour de l’Hôtel de Ville, aux cris de : « Vive l’Empereur ! Vive l’Impératrice ! Vive le Roi de Rome ! »

Dans le même dossier des archives municipales, se trouvent diverses autres pièces relatives à d’autres mariages qui furent célébrés, pendant quelques années, à l’occasion de l’anniversaire de l’Empereur avec Marie-Louise. La ville de Lisieux mariait, à cette occasion, cinq ou six filles à des soldats libérés du service, ce qui donnait lieu à des modifications, à des difficultés quand, par exemple, les conjoints désignés ne voulaient plus se marier, ce qui arriva au mois d’avril 1810.

Ces cérémonies n’obtinrent d’ailleurs pas le même succès que le mariage de la rosière et disparurent bien vite.

Voici les noms des rosières de Lisieux pour la période comprise entre 1807 et 1813 :

1807. – Marguerite Routier, épouse de Pierre-Lubin Vattemare.
1808. – Pas de rosière cette année.
1809. – Marie-Hélène Alexandrine Blanlo 19 ans, épouse de Jean-Pierre Odiard.
1810. – Reine-Rosalie Drouet, épouse de Nicolas-Frédéric Lalouette.
1811. – Marie-Ange Indé, 24 ans, épouse de Nicolas Galler, 26 ans.
1812. – Désirée Guillard, 24 ans, épouse de François Rocques, 25 ans.
1813. – Rosalie Lepage, 24 ans, épouse de Joseph Surlemont, 36 ans.

De nos jours, les choses se passent autrement. Le cérémonial ancien a été abandonné et des fondations philanthropiques ont remplacé les rosières. La « Vieille Commune » de Lisieux, depuis quelques années, couronne des rosières, qui sont ensuite reçues à l’Hôtel de Ville. Ce souvenir du passé mérite de revivre et il appartenait à une société régionaliste de le remettre en honneur.

ETIENNE DEVILLE.

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La saison des rosières
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Durant tout l’été ont lieu dans de nombreuses villes de France des couronnements de « rosières ».

Cette institution est fort ancienne : elle fut instituée, au VIe siècle, par saint Médard. Il était alors évêque de Noyon. Mais c’est dans son village natal, à Salency, qu’il établit cette touchante coutume. Les jeunes filles présentées devaient être irréprochables, et leurs parents et aïeuls, jusqu’à la quatrième génération, devaient avoir fait preuve des plus grandes vertus.

La rosière désignée recevait une couronne de roses blanches et une dot de 25 livres.

A l’occasion de son mariage avec Marie-Louise, Napoléon Ier dota six mille rosières qui s’engageaient à n’épouser que des militaires. Le 29 avril 1810, les six mille mariages furent célébrés à la même heure, en présence des représentants officiels de l’empereur.

Les conditions de ces concours se sont, depuis, bien adoucies.

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La première rosière
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Savez-vous quand fut couronnée la première rosière ? C’est une institution très ancienne car c’est au VIe  siècle que saint Médard l’institua.

Quoique évêque de Noyon, c’est à Salency, son pays natal, qu’il établit cette coutume. A l’origine, les conditions exigées des candidates étaient fort rigoureuses. Non seulement les jeunes filles présentées devaient être en tous points irréprochables, mais il fallait que leurs parents, en remontant à la quatrième génération, le fussent aussi. Un mois à l’avance, on faisait connaître leur candidature à l’église, du haut de la chaire ; trois jeunes filles étaient d’abord choisies parmi celles qui offraient le plus de garanties et c’était l’une d’elles que le Seigneur du village et saint Médard désignaient en dernier lieu pour recevoir solennellement la couronne de roses blanches et la dot de vingt-cinq livres.

Petit à petit, cet usage se répandit et un jour vint où Napoléon qui voyait grand créa d’un coup 6.000 rosières à l’occasion de son mariage avec Marie-Louise. Elles s’engageaient à épouser des militaires et les 6.000 mariages eurent lieu le même jour, le 29 avril 1810.

[Excelsior, 13 avril 1933]

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LA JOLIE LÉGENDE
DES FILLES SAGES
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Comment saint Médard fut l’initiateur
de la touchante tradition des « Rosières »
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SAINT MEDARD, pour la plupart d’entre nous, n’est guère qu’un saint météorologique, un grand personnage dans les nuages, dispensateur de pluie et de beau temps.

Eh bien ! un érudit me l’a affirmé : saint Médard, évêque de Noyon, fut aussi le frère jumeau de Godard, archevêque de Rouen… Les frères eurent des destins qui se montrèrent si parallèles que tous deux, nés le même jour, entrèrent dans la carrière ecclésiastique le même jour et moururent idem.

On ne sait pas, malheureusement, si Godard et Médard furent gratifiés de l’auréole le même jour. Espérons que oui, pour que l’un n’ait pas eu l’occasion d’être plus modeste que l’autre.

* * *

Mais c’est de la sœur de saint Médard que je veux vous entretenir. Le bon évêque voyant que la vertu ne recevait pas tous les hommages auxquels elle avait droit, décida de consacrer vingt-cinq livres, plus un chapeau de roses (Vive le chapeau de roses !), à la jeune fille la plus vaillante et la plus vertueuse de son diocèse.

Oh ! le prélat était exigeant ! Il voulait que l’on choisît parmi les concurrentes, celle qui savait le mieux tricoter, mener paître les troupeaux, soigner les enfants et les vieillards. Une perle, quoi ! et qui devait être aussi rare naguère qu’aujourd’hui. Cependant, se méfiant de lui-même, l’évêque pria ses paroissiens de désigner trois vierges sages ; après quoi, le seigneur de Salency, châtelain de Noyon, devait désigner la plus parfaite des trois.

Devinez qui fut bien surpris ? Ce fut l’évêque, car c’est sa sœur elle-même qui reçut le chapeau de roses et qui, en somme, inventa la plus fraîche des traditions de l’ancienne France.

* * *

Et l’on n’a pas fini d’admirer dans maintes et maintes paroisses la floraison ravissante, chaque année renouvelée, de ces rosières qui sont modestes, timides, effacées et paradoxales puisqu’elles nous obligent, une fois dans l’année, à donner notre attention non point à la plus éloquente, à la plus belle, à la plus savante ou à la plus douée de sex-appeal des demoiselles, mais à celle-là que n’entoure nulle auréole.

* * *

Voilà donc quinze siècles que la vertu est à l’honneur, un jour dans l’année, et que pour elle sonnent les cloches de la grand’messe, que se prépare un vin d’honneur et que monsieur le Maire s’habille en grande tenue.

Regrettons sincèrement qu’on ne donne plus à ces spectacles ingénus et honnêtes la publicité qu’ils méritent. La littérature, le cinéma nous font accorder trop de prix aux apparences, et nous avons l’audace d’exiger que les héroïnes des drames les plus pathétiques soient faites au tour… et habillées par le grand couturier ! Convenons que nous avons l’esprit mal fait. Nous mêlons tous les genres… Nous sommes tous fous !
                              
*Michelle Deroyer*.
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La Rosière et ses demoiselles d'honneur - Lisieux, 1929

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