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J. Le Bys : Les effets merveilleux de Notre-Dame-de-Grâce (1615)- Introduction
LE BYS, Jean  (15..-1641) :  Les effets merveilleux de Notre-Dame-de-Grâce [1615] ; publiés avec introduction et notes par Charles Bréard.- Rouen : Imprimerie Léon Gy, 1902.- lv-31 p. ; 22,5 cm. - (Société rouennaise des bibliophiles ; 49).
Saisie du texte : S. Pestel & O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (19.V.2005)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
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Texte établi sur l'exemplaire d'une collection particulière.
 
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Les effets merveilleux de Notre-Dame-de-Grâce
par
Jean Le Bys
avec
introduction et notes
par
Charles Bréard

~*~

Accès direct au texte des "Effets merveilleux"

INTRODUCTION

I

L’ANCIENNE FONDATION DE LA CHAPELLE
DE NOTRE-DAME-DE-GRACE



En notre pays normand, çà et là, dorment les ruines de nombreuses églises et de nombreux monastères. Cependant, ça et là, on voit encore sur le sol de la vieille province, soit tout en haut des collines ou des promontoires, soit dans les vallées ou dans les plaines, s’élever en l’honneur de la Mère de Dieu d’antiques chapelles qui continuent à être visitées par les fidèles et qui portent au loin la renommée de pèlerinages dont la mémoire a passé de siècle en siècle. Il serait hors de propos de consigner dans ces pages tous les sanctuaires votifs dédiés à la Vierge et situés en Normandie. Mais quel est le Normand, quel est le touriste qui ne connaisse la célèbre chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, tout près de Honfleur, à l’angle occidental de la baie formée par l’embouchure de la Seine, au sommet d’un côteau où le modeste édifice reste invisible, caché sous les arbres séculaires qui l’entourent ? C’est un des lieux les plus pittoresques des côtes normandes, et ils sont sans nombre les artistes qui, dans un sentiment tranquille, doux et rêveur, ont reproduit, par la peinture ou le dessin, ces arbres, ces bois, ce ciel et cet oratoire. Encore plus nombreux sont les étrangers qui viennent, chaque année, admirer le site majestueux d’où l’on domine un pays de plus de dix lieues environnant. Mais combien peu connaissent l’histoire de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, au moins en ce qui touche les anciens temps. Aussi avons-nous saisi avec empressement l’occasion qui nous a été aimablement offerte de tirer de l’ombre des documents peu connus, de présenter quelques notions nouvelles sur ce sanctuaire, d’en augmenter ainsi les titres à l’intérêt du public et des pèlerins.

Nos recherches pour retrouver, dans les ouvrages imprimés ou manuscrits relatifs aux pèlerinages anciens et aux lieux de dévotion, les traces de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce sont demeurées sans résultat (1). Tout ce qu’on possède de détails historiques a été soigneusement exposé par l’abbé Pierre Vastel dans la brochure qu’il a publiée en 1833 (2) ; et ce tout est fort peu de chose (3) . Mais nous ne dirons pas que sa Notice soit sans valeur, même pour les premiers temps sur lesquels elle fournit presque rien ; elle est d’autant plus précieuse que nous n’avons pas d’autre guide. L’abbé Vastel avait desservi la chapelle de Grâce pendant dix-sept ans, de 1822 à 1839 ; prêtre fort lettré et instruit, il avait compulsé de vieux papiers et il s’était inspiré d’un ancien manuscrit où les PP. Capucins, ses prédécesseurs avant la Révolution, avaient consigné ce qu’ils croyaient digne d’être conservé à la mémoire de leur ordre. Le vénérable chapelain n’a donc pu donner que ce que les religieux eux-mêmes avaient recueilli. Depuis un peu plus de soixante ans, nous ne possédons plus le manuscrit des Capucins ; on ne sait ce qu’il est devenu. Cependant, il n’est point permis de douter que le manuscrit n’ait existé (4), que les renseignements qui en ont été tirés ne soient authentiques. N’ayant jamais pu trouver l’acte de fondation de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, les Capucins n’avaient pu dire quelle était l’origine de cet oratoire que la piété du moyen âge s’était plu à honorer, quels en avaient été les possesseurs.

Pour ce qui se rapporte au premier état de la chapelle, le manque d’informations, la distance considérable du temps qui nous sépare de l’époque où elle a été établie, la médiocrité de sa condition aux siècles passés, sa ruine enfin au XVIe siècle n’ont jamais permis de fixer avec exactitude l’année de sa fondation. Rien d’ailleurs n’a été plus propre à ensevelir dans l’oubli l’origine de cette chapelle votive que les longs orages qui ont agité, divisé et bouleversé la Normandie. Aujourd’hui même que l’on possède des moyens d’investigation que les PP. Capucins ne pouvaient avoir autour d’eux, il est impossible d’indiquer une date assurée et positive. A la vérité, on en approche beaucoup ; on ne la possède pas. Mais la récolte des documents est encore très pénible, et il restera toujours des petits problèmes historiques à propos desquels on devra se résigner à ne pas obtenir de certitude absolue. Or, pour le sujet qui nous occupe, sur quoi est-il possible d’asseoir une certitude relative, en dehors du témoignage des historiens normands qui fait défaut ? Sur d’anciens textes et sur la tradition. Nous nous efforcerons de nous en servir ; nous sommes assurés que, quel que soit le résultat de nos recherches, on nous lira avec indulgence.


II

L’ANCIENNE CHAPELLE DE NOTRE-DAME-DE-GRACE
A-T-ELLE ÉTÉ UN PRIEURÉ BÉNÉDICTIN ?


Formulée ainsi, la proposition a dès l’abord l’apparence d’une conjecture. Nous espérons démontrer qu’elle a des probabilités en sa faveur et qu’elle s’appuie même sur des preuves, ou, si l’on veut, des commencements de preuve. Quoi qu’il en soit, il n’est pas sans intérêt, puisque nous cherchons à être renseignés, de déterminer en premier lieu l’état topographique, ecclésiastique et administratif de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce avant la Révolution.

1° Très anciennement, église ou chapelle, lieu de pèlerinage sur la paroisse de Saint-Pierre-d’Equemauville, archidiaconé de Pont-Audemer, doyenné de Honfleur, diocèse de Lisieux. Destruction au XVIe siècle, probablement dans la première moitié de ce siècle ;

2° En 1620, nouvelle chapelle sous la même invocation, bâtie sur autre emplacement, dotée de nouveau, desservie par les Frères Mineurs Capucins, de l’ordre de Saint-François. Ces religieux se retirent de la chapelle dans les premiers mois de l’année 1790 (5) ;

3° En 1791, chapelle privée et non plus conventuelle à la suite de son acquisition par la municipalité de Honfleur (6). A ce moment, il se produit une modification territoriale. La communauté ou paroisse d’Equemauville est dépossédée de la chapelle et de ses dépendances. Chapelle, bâtiments, jardin, deux acres de terre et plantations qui s’y rattachent sont annexés à la commune de Honfleur. Le tout avait été vendu comme bien national.

De ces indications il n’y a rien à retenir qu’une seule chose, c’est que la nouvelle chapelle n’a eu avec l’ancienne d’autre lien que d’avoir recueilli pour elle, au même lieu, des dévotions affermies et enracinées par un long usage. D’autres traits sont fournis par la tradition.

Un point est acquis. La tradition orale transmise d’âge en âge attribuait à un duc de Normandie la fondation de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce (7). Les Capucins avaient eu soin de la consigner dans leurs annales (8). Elle nous est parvenue, en effet, d’après eux seuls ; et comme il était difficile de la renouveler, on s’est contenté de l’exposer dans des résumés qui n’ont qu’une valeur assez minime (9). C’est donc par une tradition conservée sur place que nous savons que le fondateur de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce a été un duc de Normandie. Or, de quel duc s’agit-il ? On ne trouve, dit l’abbé Vastel, que Robert surnommé le Magnifique (10). D’après un autre auteur, il paraît que cette désignation était portée aux premières pages du manuscrit des PP. Capucins (11) ; mais c’était par une pure hypothèse qui était alors généralement acceptée.

Une tradition orale qui se conserve pendant plusieurs siècles s’altère nécessairement. L’esprit populaire a l’habitude de ramener toujours à certains noms connus tous les faits d’une même catégorie : les fondations de villes, les créations d’églises ou d’abbayes. Jadis avait-il à désigner un grand bâtisseur d’églises ? Il nommait de préférence à tous Robert le Diable malgré les aventures romanesques et infernales qui avaient inspiré les ménestrels et les jongleurs. Son fils, le puissant duc Guillaume-le-Conquérant, ne venait qu’en seconde ligne dans les souvenirs. Aussi, voit-on la voix populaire attribuer non à lui mais à son père, Robert le Diable, la fondation d’une chapelle devenue un lieu de pèlerinage très fréquenté. Il était inévitable qu’on y songeât, mais on a des raisons de croire qu’on s’est trompé. Nous en savons aujourd’hui un peu plus long sur les origines de la chapelle, grâce aux traces qu’elles ont laissées dans les archives monastiques. Ce sont des documents qu’il faut rechercher, examiner, admettre ou rejeter.

Nous ne reviendrons pas sur l’indication déjà donnée et qu’il ne faut pas perdre de vue, à savoir que cette chapelle était située sur la paroisse d’Equemauville, paroisse dont le patronage appartenait au roi par représentation des ducs de Normandie, et qui est consacrée à saint Pierre.

Ce qui frappe tout d’abord, c’est de rencontrer dans les pouillés du diocèse de Lisieux, annotés et publiés par M. Aug. Le Prevost (12), la mention suivante : prior de Esquemeauvilla, le prieur d’Equemauville, taxé à 25 livres pour les décimes. Ce prieur est placé parmi les dignitaires de l’archidiaconé de Pont Audemer, au cinquième rang, après l’abbé de Saint-Wandrille et avant l’abbesse de la Trinité de Caen. Rien ne fait connaître quel était ce prieuré ni quel en était le patron ou le collateur. Nous n’admettons pas, pour notre compte, qu’il puisse être question, ici, de la paroisse rurale. En effet, dans les mêmes catalogues ou pouillés du diocèse, ne lit-on pas à l’article du doyenné de Honfleur : ecclesia de Esquemeauvilla, l’église d’Equemauville, taxée à 50 livres pour les décimes ? On est conduit de la sorte à constater, au XIVe siècle, dans la même circonscription ecclésiastique, l’existence de deux établissements religieux qui ne peuvent point être confondus : l’un prieuré privé, l’autre église paroissiale et publique sous l’invocation de saint Pierre. La nécessité de les distinguer semble avoir suggéré à M. Aug. Le Prevost la note dont il a fait suivre les termes : « le prieur d’Equemauville », en ajoutant « ce prieuré était peut-être Notre-Dame-de-Grâce (13) ». Cette annotation nous a mis en éveil ; elle a été le point de départ de recherches qui ont fourni les seuls textes dont nous puissions nous aider.

Voici donc ce que nous avons recueilli. Le Chronicon centulense (14) dans lequel Hariulf, moine de l’abbaye de Notre-Dame, à Saint-Riquier, au diocèse d’Amiens, a retracé l’histoire de ce monastère depuis les origines jusqu’à l’année 1104, contient deux chartes qui offrent un intérêt incontestable. En l’année 1023 (15), d’après les meilleurs chonologistes, le bienheureux Angelran, abbé de Saint-Riquier (1020-1045), remplit une mission auprès de Richard II, duc de Normandie (996-1027). Il vint à Rouen et prit la confiance de demander au duc quelque offrande pour son couvent. Richard, protecteur des clercs et des moines (16), avait continué l’édifice de Saint-Wandrille, distribué des sommes considérables, fait venir Guillaume, abbé de Saint-Bénigne, à Dijon : il l’établit à Fécamp et assigna à sa communauté le revenu de plusieurs terres et seigneuries (17). Ce prince n’eut garde de rejeter la prière d’Angelran. Il lui fit don d’une église qui est désignée ainsi : « Consilio ergo et suggestu nostrorum fidelium, decrevimus tradere perpetuo prædicto sancto [Richario] et servis ejus, ECCLESIAM QUÆ SITA EST IN SCABELLIVILLA ». Le duc Richard lui donnait en aumône, par don irrévocable, une église qui était située sur le territoire d’Equemauville, à la condition d’entretenir à perpétuité un moine qui s’engagerait à prier pour le père du duc, pour sa mère, pour le duc lui-même, pour son épouse et ses enfants ; qu’à partir de ce jour toute la famille de Richard serait agrégée à la communauté de Saint-Riquier et deviendrait participante de toutes ses bonnes oeuvres (18) : « Præfatus vero abbas et fratres sub testificatione præsentis chirographi spoponderunt, quod, amore genitoris nostri, nostro, et matris, conjugis et prolis, persona unius monachi ipsius congregationis augeretur numerus (19) » .

Avant d’aller plus loin, nous ferons une remarque. Des titres anciens donnaient aux abbayes, aux prieurés, le nom d’ecclesia pour les distinguer de l’autel proprement dit. Ils désignaient par ce terme, non pas une paroisse, mais quelque chose de plus éminent comme étaient les églises cathédrales, abbatiales, collégiales ou prieurales dont les paroisses n’étaient que les autels, altaria. Une expression change de sens suivant le passage où elle se trouve.

Vingt-cinq années après la donation, l’église si généreusement octroyée aux religieux de Saint-Riquier fut convoitée par l’abbesse de Montivilliers, tante du duc Guillaume-le-Bâtard. L’abbé Gervin vint réclamer de l’équité du duc la confirmation de ses droits (20). Le duc Guillaume consenti à renouveler la charte de son bisaïeul et il ajouta même quelques domaines. Les prétentions de l’abbesse de Montivilliers, fondées sans doute sur une prétendue donation dont on trouve les traces (21), ces prétentions, disons-nous, furent mises à néant, et les droits imprescriptibles de l’abbé de Saint-Riquier affirmés à perpétuité par un acte du 30 octobre 1048 (22).

On voit donc l’abbesse de Montivilliers se rendre partie dans la possession de «l’église» d’Equemauville aumônée quelques années auparavant aux moines de Saint-Riquier. Le fait est à bien retenir. Il arriva, en effet, qu’à six cents ans d’intervalle, c’est-à-dire en 1630, une autre abbesse de Montivilliers intervint dans l’installation des Capucins sur le plateau de Grâce et leur fit don d’arbres qui furent plantés autour de la nouvelle chapelle (23). On s’est montré surpris de cette action (24). Il faudrait peut-être, pour l’expliquer, remonter très haut vers la fondation de l’«église» d’Equemauville pour laquelle Montivilliers et Saint-Riquier se querellaient au XIe siècle.

Mais quelle était cette église ? La localité où elle était située est connue. Les mots Scabellivilla, Scamelivilla, de la Chronique d’Hariulf (25) désignent Equemauville, commune et paroisse du canton  de Honfleur. A quel établissement religieux le terme ecclesia est-il applicable ? S’agit-il d’un bénéfice paroissial ou de tout autre bénéfice ? L’explication du texte de la charte de Richard II repose donc sur une alternative. Dans le premier cas, cette « ecclesia » serait la cure rurale d’Equemauville qui ainsi aurait été possédée par des moines avec tous les droits et les revenus qu’elle tenait des institutions canoniques. On y aurait alors rencontré non un curé proprement dit, mais un vicaire perpétuel ou un prieur-curé, car on sait que la règle de saint Benoît ne permettait pas aux religieux qui suivaient cette règle d’aller résider dans une cure ; ils commettaient un prêtre séculier désigné sous le nom de vicaire perpétuel et ils prenaient celui de curés-primitifs. Nous ne croyons pas que cette organisation ait existé à Equemauville.

Dans le second cas, la même ecclesia désignerait une église ou une chapelle comme celle des prieurés qui n’étaient pour la plupart que des fermes dépendant des abbayes et dans lesquelles on envoyait, pour les faire valoir, des religieux, tous gouvernés par un prieur ou par un prévôt.

Nous inclinons vers la seconde solution pour diverses raisons. On doit d’abord être frappé de l’expression employée : ecclesiam quæ sita est in Scabellivilla, une église qui est située sur le territoire d’Equemauville. Nous écartons l’idée que ces termes désignent l’église paroissiale ; évidemment ce n’était pas l’église dominante de la paroisse, autrement on lui en aurait donné le nom. Ils sont applicables à tel autre édifice consacré au culte (oratoire ou chapelle de prieuré), situé dans la même circonscription ecclésiastique que l’église rurale et séparé d’elle. Les mots : quæ sita est in se rencontrent ailleurs (26).

Il importe de tenir compte d’un autre trait. La donation avait été faite à la condition d’entretenir un religieux de l’ordre de saint Benoît qui prierait pour la famille ducale. Ne peut-on voir dans ces dispositions la création d’une chapelle ou église privée à laquelle on attache, à titre de bénéfice, une part des dîmes du district paroissial sur lequel elle est située, ce qui lui constitue un patrimoine distinct ?

Là encore il y a concordance entre notre exposé et la tradition. Que nous dit, en effet, l’abbé Vastel : « L’ancienne chapelle reposait sur un terrain qui n’existe plus. Elle avait des propriétés et un trait de dîmes sur des fonds dont on ne voit pas la moindre trace. » Il ajoute : « Son emplacement contenait une masure de certaine étendue, puisqu’elle renfermait une maison d’habitation et quelques bâtiments nécessaires à l’exploitation de ses biens et revenus (27) . » Ces bâtiments d’exploitation ne seraient-ils point ce que les receveurs de la vicomté d’Auge nommaient : « la grande aux moignes de Saint-Riquier-en-Ponthieu, assise à Esquemeauville (28) »

Il est indéniable que l’abbaye bénédictine de Notre-Dame, à Saint-Riquier, a possédé, sur la paroisse d’Equemauville, un petit domaine dont la donation de Richard II, en 1023, avait été l’origine. On en retrouve les traces, au XIIe siècle, dans les rôles de l’Echiquier. Voici les extraits qui s’y rapportent sous l’année 1195.

Prepositus de Escamelvilla reddit compotum de 20 solid. 10 den. de exitu terre Abbatis de Sancto Richero. In thesauro liberavit. Et quietus est.
Robertus de Ros reddit compotum de 4 lib. de decima ejusdem Abbatis. In thesauro liberavit. Et quietus est (29).

Il ressort de ce fragment de comptes que l’abbaye de Saint-Riquier versait à la recette fiscale des ducs de Normandie un impôt foncier, et qu’en l’année 1195 il s’y ajouta comme sur-charge quatre livres de décimes. A nos yeux, ces biens ont été l’ancien fonds de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce composé de terres et de dîmages.

En 1239, une contestation s’éleva à propos des dîmes d’Equemauville, dans laquelle figure un archidiacre de Caux nommé Jacques (magister Jacobus archidiaconus Caleto), Jean de Saint-Evroult, archidiacre de Lisieux, Hugues de Chevincourt, abbé de Saint-Riquier. Ce dernier spécifiait que les produits des dîmes en litige appartenaient soit à son monastère, soit au curé bénéficier (sive nobis qui dicimus predictas ad nos pertinere, sive presbytero parochiali (30). La possession de deux parts des grosses dîmes lui fut maintenue.

Si le domaine paroissial et l’église d’Equemauville avaient été en la possession de l’abbaye de Saint-Riquier, en vertu de la donation de Richard II, il semble qu’aucune discussion n’aurait pu s‘élever sur le partage des dîmes. Toutes les redevances paroissiales auraient été portées à la grange des moines de Saint-Riquier, qui serait devenue la grange presbytérale. Pour qu’il en ait été autrement, on est conduit à penser qu’au XIIIe siècle il existait sur la paroisse un autre établissement religieux auquel, sous le contrôle de l’archidiacre, on attribuait deux parts des dîmes.

L’ensemble du patrimoine de cette autre « église », de ce bénéfice aumôné à Saint-Riquier, constitua un titre de dignité, un office claustral, une prévôté. On sait que les chapitres et les abbayes établissaient des prévôts dans certains domaines éloignés de leur siège et qui demandaient une administration spéciale. Au nombre des offices capitulaires de l’abbaye de Saint-Riquier, on comptait la prévôté d’Equemauville dont l’origine remontait à la donation de Richard II, duc de Normandie (31).

Il nous est parvenu le nom d’un moine bénédictin qui, au XVe siècle, était titulaire de la prévôté d’Equemauville. Il se nommait Guy Le Febvre, et le notaire apostolique qui en parle dans un acte du 20 mai 1491, lui attribue les qualités de : « honestus vir Guido Fabri, presbyter, commonachus dicte ecclesie [Sancti Richarii], et prior seu prepositus prioratus seu prepositure de Scabellivilla, vulgante Descameauvilla, Lexoviensis diocesis, in ducatu Normannie juxta Honnefluctum supra mare (32). » N’aurait-on pas le droit de voir, dans cet office de prieur ou de prévôt, le prior de Esquemeauvilla dont le nom mentionné dans les pouillés du diocèse de Lisieux avait, il y a longtemps, attiré l’attention de M. Aug. Le Prevost ?

La présence d’un prieur ou prévôt du prieuré ou de la prévôté d’Equemauville dans un document officiel de 1491 est d’autant plus intéressante qu’elle est postérieure aux Lettres de Louis XI, du mois de janvier 1479 (n. st.), portant donation au chapitre de Notre-Dame de Cléry de droits de patronage sur un grand nombre d’églises et de chapelles de Normandie. La chapelle de Notre-Dame-de-Grâce eut comme patrons les chanoines de Cléry, à compter de ce temps jusqu’à sa destruction (33). Il ne peut pas y avoir confusion ; on remarquera une distinction très nette, à cette époque, entre le prieur d’Equemauville et le prêtre rural qui desservait la paroisse. Cela ressort visiblement des documents que nous venons de citer, et ceux-ci démontrent également que l’institution primitive qui avait déterminé les conditions de propriété du prieuré ou prévôté d’Equemauville resta invariable. Il ne pouvait être donné au changement de patronage d’en effacer les traces. Le patronage était cessible séparément de la terre quand il était aliéné en faveur des ecclésiastiques. Sa cession n’entraînait que le droit de nomination et de provision à tel bénéfice, mais les terres et revenus attachés au bénéfice restaient aux propriétaires du sol (34).

Voyons ce qui est arrivé par la suite. La chapelle est ruinée ; tout ce qui l’entoure disparaît dans un éboulement (35). L’oratoire reste donc sans valeur propre, sans offrandes, sans oblations. Toutes choses demeurant en l’état, telles qu’elles pouvaient subsister, la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce ne suscita point de convoitise, personne n’en réclama la jouissance exclusive. Mais il n’en fut pas de même de ses revenus qui furent considérés comme vacants. Profitant de cet abandon, vers 1570, le curé-recteur d’Equemauville s’imagina de les annexer aux autres dîmes paroissiales. Les vieux titres furent exhumés, les droits de chacun furent recherchés dans leur origine, et au bout du compte pour mettre fin à un procès qui dura trente-cinq ans (1570-1605), les religieux de Saint-Riquier réunis en chapitre déclarèrent qu’ils ne sauraient plus reconnaître ni indiquer quelles terres étaient sujettes à la prévôté d’Equemauville (36). En conséquence une amiable transaction termina le différend (37). Tout était disparu : chapelle et dîmes.

En résumé, on se trouve en présence d’une preuve indirecte et provisoire. Ce qui précède s’allie fort bien aux conclusions suivantes. Personne ne pourra révoquer en doute qu’il a existé sur le territoire d’Equemauville une «église» fondée vers l’année 1023 et probablement avant cette date ; que son existence est attestée par des titres de possession privée qui n’ont jamais été démentis ; que l’église n’était point paroissiale : ses biens propres ont formé un prieuré ou prévôté ; que ce prieuré ou prévôté a appartenu à l’abbaye Notre-Dame, à Saint-Riquier-en-Ponthieu, jusqu’en l’année 1605 (38) ; qu’un religieux de ce monastère a pris le titre de prévôt ou prieur d’Equemauville, cela pendant plus de quatre cents ans. Nous voyons, de plus, que le patronage du bénéfice a été transféré à la collégiale de Cléry (39) ; qu’un extrait des registres de ce chapitre fait mention du patronage, en 1519, dans les termes qui suivent : Capella seu heremitagium Beatæ Mariæ de Gratia prope Honnefluctum (40). Cette désignation s’applique à l’ancienne chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, et ceci nous montre qu’une chapelle de ce nom existait avant le règne de Louis XI (41).

Retenons ces faits, sous toute réserve d’ailleurs, car nous n’espérons pas avoir obtenu une démonstration complète. Il peut se trouver d’autres documents que ceux dont nous disposons. Mais les données recueillies constituent, selon nous, une raison suffisante de voir dans «l’église» donnée à Saint-Riquier, au XIe siècle, l’origine de l’ancienne chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, et de rendre à celle-ci son antique caractère de prieuré bénédictin.

III

LA NOUVELLE CHAPELLE DE NOTRE-DAME-DE-GRACE

Détruite à une époque dont on a approximativement fixé la date à l’année 1538, la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce ne s’est relevée de ses ruines que vers l’année 1600 environ. Un passage de l’opuscule qui est l’objet de notre publication fait connaître qu’une messe fut célébrée dans la chapelle au mois d’août de cette année-là. Cela rectifie ce que l’on savait jusqu’ici.

La chapelle actuelle, a dit l’abbé Vastel, a été édifiée par les soins pieux et la générosité d’un M. de Fontenay, sur un terrain concédé par Mme de Montpensier, qui permit également de prendre dans la forêt de Touques huit chênes pour en faire la charpente. Mais la première pensée de construire une nouvelle chapelle, - les derniers vestiges de l’ancienne ayant été abattus en 1602, - aurait appartenu à un sieur Gonnier, employé au grenier à sel ; il en jeta les fondements. M. de Fontenay, « gentilhomme recommandable par sa piété et le crédit que lui donnait sa naissance », reprit le projet et l’exécuta. Tel est, en abrégé, le récit du vénérable chapelain (42). On y découvre matière à plusieurs remarques intéressantes.

Nous trouvons tout d’abord très curieux que cet auteur, qui avait sous les yeux le vieux manuscrit et les papiers des PP. Capucins, n’ait pas désigné plus clairement les personnes dont il parle. Il est difficile d’admettre que, contemporaines des religieux de Saint-François, ces personnes leur aient été inconnues. C’est précisément peut-être parce qu’elles leur étaient connues que les Capucins ont négligé de nous en transmettre les noms plus nettement. Quoi qu’il en soit, nous devons suppléer à l’insuffisance d’informations précises, en même temps rectifier des inexactitudes et nous arrêter un instant aux noms cités et particulièrement à l’un d’eux.

En ce qui concerne Mme de Montpensier, il n’y a aucun embarras. Il s’agit de Henriette-Catherine de Joyeuse, mariée à Henri de Bourbon, duc de Montpensier, qui est décédé en 1608. Après la mort de son mari, cette princesse posséda la vicomté héréditale d’Auge et de Roncheville. C’est donc aux officiers de la vicomté, au receveur général domanial, par exemple, si cet office très lucratif existait au commencement du XVIIe siècle, ou au lieutenant particulier, qui était alors un Lambert d’Herbigny, c’est par les bureaux de ces officiers, disons-nous, que durent d’abord passer les deux fondateurs pour obtenir la cession d’un terrain. On s’adressa ensuite à la duchesse de Montpensier : mieux vaut s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints, c’est le commun proverbe.

Nous connaissons les deux fondateurs. Le premier se nommait Pierre Gonnier. C’était un ancien tabellion royal au siège de Honfleur, en exercice vers l’année 1574 et postérieurement. En 1596 et jusqu’en 1608, on le retrouve en possession de l’office de grenetier au magasin à sel, et il se présente ainsi avec une dignité qui commande le respect. La même déférence était due à M. de Fontenay puisqu’il remplit au magasin à sel les mêmes fonctions, comme on va le voir, fonctions qui coûtaient cher et dont les gages étaient modestes. Nous ne disons point qu’il n’y avait pas d’accessoires.

Par pure imagination, un écrivain a cru voir dans le second fondateur un « marquis » de Fontenay, intendant des biens de la princesse de Montpensier (43). Il ne lui en aurait pas plus coûté de le rattacher aux lignées des Fontenay de l’Ile-de-France, ou du Poitou ou de Bretagne. Son origine était tout autre.

M. de Fontenay s’appelait Jean le Bys. A ce nom patronymique était venu s’ajouter un nom de terre, et ce dernier, avec le temps, avait fait disparaître la première appellation. Jean le Bys, sieur de Fontenay (44), figure en un grand nombre d’actes notariés. Dans les plus anciens, il s’y qualifie noble homme ; plus tard, vers l’année 1608, la qualité d’écuyer est ajoutée à son nom (45). En 1576, suivant contrat du 30 juin, Jean le Bys, sieur de Fontenay, avait épousé Catherine de Poilvillain, fille de Robert de Poilvillain, écuyer, sieur de Mont-à-Louveaux, domicilié en la paroisse de Saint-Gatien-des-Bois. En 1599, il demeurait à Rouen, tenant un emploi dans les fermes avec la qualité de : « commis à la recette des francs fiefs et nouveaux acquêts (46). » On trouve, à la même époque, son frère en résidence dans la même ville : Robert le Bys, sieur de la Chapelle, contrôleur général des gabelles en Normandie (1595), receveur général des amendes et confiscations (1598) ; puis, à Paris, conseiller du roi et contrôleur de la marine de Ponant (1600), valet de chambre ordinaire du roi, en 1608 (47).

Vers l’année 1601 environ, Jean le Bys de Fontenay avait trouvé l’occasion de traiter d’un office de grenetier au magasin à sel de Honfleur ; il est infiniment vraisemblable qu’il traita de l’office de Pierre Gonnier (48). Venu se fixer à Honfleur, où résidait son beau-frère, Jean de Valsemé, avocat, et à peu de distance des propriétés de sa femme, Jean le Bys apparaît comme un receveur des gabelles et de taxes locales (49). De nos jours, ses fonctions seraient celles qu’exerce un receveur principal des douanes. En 1613, Jean le Bys était remarié en secondes noces à Lucrèce Grisel (50). Les deux époux fondèrent, en l’église de Saint-Catherine, une haute messe pour le jour Saint-François, avec un Libera sur la tombe que les fondateurs devaient faire mettre devant l’autel de la chapelle Saint-Jean (51). Jean le Bys, sieur de Fontenay, vivait encore à Honfleur en 1629 et 1630 (52). Il est décédé en 1641 (53). A-t-il laissé une postérité ? On n’en sait rien.

Ces menus détails dont nous n’avons pu adoucir l’ennui n’ont qu’un but, celui de faciliter la lecture du livret réimprimé ci-après (54). A le lire sans avertissement, on n’en aurait pas reconnu l’auteur.

IV

LES PÈLERINAGES

L’opuscule est très rare ; l’exemplaire qui a servi à la réimpression est peut-être unique, si bien que l’on nous saura gré de lui reconstituer une sorte d’histoire. Voici son titre : « Effects mer//veillevx, et admirables // secovrs de la glorievse vierge // Marie ditte Nostre Dame de Grace, pres // Honnefleur //. - Esprouuez et resentis par des personnes dignes de Foy, // qui l’auoient inuoquée en leurs necessitez. // - A Roven. // chez Nicolas Hamillon, demeurant deuant // le grand Portail Saint Iean. // 1615. // Auec approbation (55).» C’est, on le voit, un livret d’édification qui a eu sa saison éphémère et qui ne porte point de nom d’auteur. Le titre est orné d’une épigraphe latine empruntée au Magnificat, d’un quatrain et d’une vignette. Mais quel est l’auteur ou tout au moins l’éditeur du livret ? Des initiales placées au bas de la dédicace : A la Royne des Cieux suffisent pour nous éclairer. On y lit : I. LE B. Un simple rapprochement permettra de découvrir sous ce voile la personne que les initiales désignent. C’est un fait d’évidence et qui ne demande pas bien des recherches si l’on veut bien tenir compte des remarques présentées ci-dessus. Reconnaissons donc Jean le Bys, grenetier puis receveur au magasin à sel de Honfleur, le M. de Fontenay que l’on nous a montré comme le premier des bienfaiteurs de la nouvelle chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, et qui pourrait, à juste titre, passer pour en être le fondateur (56).

Maintenant, il faudrait savoir s’il convient de considérer Jean le Bys comme l’auteur du livret, comme l’ayant rédigé. C’est très incertain. Quant à nous, nous inclinons à voir la main d’un prêtre ou celle d’un religieux dans le ton dogmatique et pompeux du Discours, l’étalage d’érudition, l’abus des citations tirées de l’Ecriture et jusque dans les sonnets mystiques dont chaque division est accompagnée. Notons, de plus, ces mots écrits à la page 17 : « et depuys fit composer ce sonnet ». Jean le Bys a dû faire composer autre chose que le sonnet. Sans avoir été tout à fait étranger comme auteur à la rédaction des Effects merveilleux puisqu’il en a signé la dédicace, nous pensons que Jean le Bys en a surtout été l’inspirateur et l’éditeur.

Ce livret lui était utile. Depuis plusieurs années, il avait réalisé le projet de reconstruire la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce. L’oeuvre était terminée tant bien que mal en 1615. Alors Jean le Bys devint impatient d’y attirer les âmes pieuses et de stimuler le zèle des pèlerins. Il s’agissait aussi d’y attacher des desservants. S’étant chargé de ce double fardeau, et persuadé que d’autres seraient excités par son exemple, Jean le Bys voulut raviver les souvenir de faits miraculeux, les répandre, les mettre en valeur. Il le fit par le moyen d‘un opuscule auquel peut-être collaborèrent les PP. Capucins qui venaient justement d’arriver à Honfleur.

« Les Capucins, dit l’historien Masseville, furent appelez à Honfleur, au diocèse de Lisieux, l’an 1614, par les habitans. Et leurs premiers bienfaiteurs furent le sieur de la Roque, gouverneur de la ville, le marquis de Villars de Brancas, et le sieur de Fontenay. Six ans après, Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, leur donna la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, située sur une montagne auprès de la même ville de Honfleur, dont ils firent un Hospice ou deux de leurs religieux résident sous l’obéissance du gardien du couvent de la ville (57). »

A partir de ce moment, on recueillit quelques offrandes. Les noms des bienfaiteurs de marque nous sont parvenus (58). En voici deux que nous joignons à celui de Jean le Bys de Fontenay. L’un d’eux nommé M. de Villars est Georges de Brancas, marquis puis duc de Villars, baron d’Oise, lieutenant général au gouvernement de Normandie, gouverneur du Havre, puis de Honfleur de 1626 à 1632. Tallemant des Réaux a rapporté beaucoup de propos peu charitables sur M. et Mme de Villars qu’il a traités sans ménagement. A l’en croire, ils auraient eu toutes sortes de raisons pour fonder des oeuvres pieuses.

Le donateur de la cloche que notre annaliste nomme M. de Cerillac, était le comte de Cerillac, propriétaire de l’île de la Grenade, une des petites Antilles. En 1656-1657, s’embarquant au Havre pour aller prendre possession de cette île, il s’arrêta à Honfleur « avec les principaux de sa suite et quelques familles de ces quartiers qui s’alloient s’establir à la Grenade ; ils y mangèrent jusqu’au dernier sol, et n’ayant plus de quoi subsister ils vendirent leurs hardes, et s’embarquèrent si gueux et si dépourvus de provisions que la moitié fussent morts de misère en chemin auparavant que de regagner les Isles si nous eussions continué le voyage (59). » C’est dans ces circonstances qu’une cloche a été donnée à la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce et nommée par M. de Cerillac et Mlle de Saint-Julien, de la famille des Saint-Pierre, seigneurs de Saint-Julien-sur-Calonne.

D’autres bienfaiteurs sont plus connus, tels que les Bautot, sieurs de la Rivière et de Meautrix ; les Nollent, sieurs de Fatouville et Hébertot ; les Naguet, sieurs de Hellins et de Saint-Georges de Pennedepie ; les Lambert, sieurs d’Herbigny et du Mont-Saint-Jean ; enfin Olivier le Chevallier, avocat au parlement de Rouen, fils d’Hélle le Chevallier, capitaine de navire, lequel légua aux Capucins de Grâce la somme de six cents livres, par testament du 17 avril 1664, et exprima le désir d’être inhumé dans la chapelle de Grâce.

Notre dessein n’est pas de nous étendre ici sur les dons et les offrandes ; nous nous bornerons donc aux indications qui précèdent. Mais nous ne pouvons nous dispenser d’entrer dans une autre particularité, celle des pèlerinages. La tradition nous dit que depuis un temps très reculé la renommée de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce n’a cessé d’y attirer une affluence de pèlerins ;c’est un fait passé dont on n’a qu’une connaissance indirecte par les souvenirs qui en ont été conservés. On observe directement le même fait de nos jours ; la tradition se continue dans la simplicité primitive, notamment le premier lundi de la Pentecôte. On se représente ainsi toute une chaîne d’actes effectués, sans interruption, depuis neuf cents ans environ.

L’abbé Vastel, dans son ouvrage, cite des exemples multiples de pèlerinages (60). « Je les prends, a-t-il dit, dans mon manuscrit comme au hasard. » Les renseignements épars qui nous sont restés permettent de reconnaître la plupart des noms que l’ancien chapelain a relevés ; il est naturel que nous ayons cherché à nous en informer : l’occasion d’ailleurs est opportune.

Voici, par exemple, Mme de Blary, veuve de Benoist de Blary, domiciliée à Touques. Le mousquetaire Thirel est Jean Thirel, fils de Charles Thirel, sieur de Siglas, terre située à peu de distance de Pont-Audemer ; il partait pour Candie en 1669 avec une compagnie des mousquetaires à cheval détachée de la maison du roi et embarquée sur la flotte destinée à porter secours aux Vénitiens (61).

D’autres voeux ou pèlerinages se rapportent à des marins «qui ont été préservés du naufrage par le secours de Notre-Dame-de-Grâce (62)». On retrouve également leurs noms avec toutes les preuves de l’identité (63).

Ce sont : Jean Liébard maître du navire la Marguerite-Françoise, en 1668 ; - Guillaume Morin, maître du Saint-Antoine en 1665, du Saint-Nicolas, en 1669. - M. de Turelle, capitaine des vaisseaux le Fleuron, en 1669, le Mercoeur, en 1673 ; - Jean Crestey, maître du navire l’Hirondelle, en 1675, le Saint-Joseph, en 1676 ; - Charles Postel, commandant la Royale, en 1679, et la Notre-Dame-de-Grâce, en 1681.

On voyait, en effet, des matelots revenir de l’Amérique ou de Terre-Neuve, chanter dans les rues de Honfleur le récit de leurs voyages et des cantiques spirituels, gravir pieds nus la colline vénérée pour aller recueillir leur part des grâces attachées à quelques-unes des anciennes fondations. Nous en citerons un exemple.

En 1646, un religieux carme de la province de Touraine prenait passage à Saint-Nazaire pour les Antilles françaises. Il débarquait à l’île de Saint-Christophe vers le 15 septembre ; il y trouvait comme major un sieur Auger, originaire de Normandie, comme gouverneur M. de Poincy, général des îles d’Amérique. Le P. Maurille de Saint-Michel séjourna six mois à Saint-Christophe et revint en France au printemps de l’année 1647 sur un vieux navire que commandait le capitaine Bourgneu, de la ville de Honfleur, en Normandie. A la hauteur des Açores, « nous fusmes découvert, dit-il, par un navire turc qui nous donna l’allarme chaude. Il nous chassa six heures durant avant que de gaigner le vent sur nous ; pendant lesquelles chacun se mist en devoir de défendre sa vie et sa liberté. Les uns s’attachoient aux mousquets ; les autres aux canons et mortiers ; d’autres aux piques qu’ils étaloient sur le tillac, les graissans de sain vers la pointe, afin qu’elles coulassent dans la main de l’ennemy, s’il les vouloit empoigner à l’assaut. Les uns attiroient les poudres à canon et les boulets ; d’autres les haches, épées, crampons de fer, et d’autres essayoient leurs fusils et pistolets, chacun ayant interest dans l’affaire….. Nos officiers jugèrent que c’estoit un pirate de Salé en Barbarie. Il avoit quinze pièces de canon, et nous eust pris sans faillir, si nostre navire eust esté seul, car il n’avoit que six ou sept pièces de batterie, gens recreuz et fatigués, vieil vaisseau et chargé. Mais il n’oza nous aborder et s’enfuit. »

Quelques semaines après s’être trouvé à vingt lieues de l’Irlande et avoir côtoyé « la mer de la Grande-Bretagne », le navire mouilla dans le port du Havre qu’il salua de trois coups de canon. Les passagers mirent pied à terre et prirent le chemin de l’église principale pour rendre grâces à la Vierge avant toute autre chose. « Quant au capitaine et officiers, ils réservèrent leur action de grâce à une chapelle de dévotion, près Honfleur, où nous avions faict voeu pendant nos dangers d’aller avec eux….. Nous nous rembarquasmes aussi-tost pour passer à Honfleur, et y rendre nos voeux. Là vous eussiez veu nos passagers aller deux à deux, pieds nuds, mains jointes, chantans l’Ave Maria stella (de la mesme façon que nous chantions dans le navire matin et soir) et attirans des spectateurs de Honfleur des larmes de joye. Nous arrivasmes en cet estat à cette chapelle, bastie sur une éminence, servie par les RR. PP. Capucins, qui n’en sont pas fort éloignez : où le capitaine m’ayant convié de faire une exhortation à nos passagers et matelots….. J’en fis une que j’ay mis à la fin de ce discours pour y servir de couronnement (64). »

Nous ne l’en exhumerons point ; elle y tient seize pages de texte. Il nous suffit d’avoir montré quelle part revient aux marins dans les pèlerinages. L’opuscule qui nous occupe et auquel nous revenons en fournit plusieurs autres exemples. Le plus intéressant est celui du sieur « Tortuict Chauvin », d’abord à cause de ce nom de Chauvin, ensuite parce que celui qui le portait appartenait à la religion réformée. Sous une orthographe défectueuse, on reconnaît François de Chauvin, sieur de Tonnetuit, né vers 1588, fils de Pierre de Chauvin qui précéda Champlain au Canada, et comme lui capitaine pour le roi en la marine. En 1614, François de Chauvin commandait le navire la Bonne Adventure, armé pour les Antilles. Divers actes (65) font mention de cet armement et du voyage qu’une tempête interrompit. L’exactitude du récit des Effects merveilleux se trouve ainsi prouvée.

Ajoutons, en terminant, que ce rarissime livret, après avoir fait partie de la bibliothèque d’un amateur havrais, appartient à la riche collection de M. Pelay, de Rouen.


APPENDICES

I

EXTRACTUM FUIT AB UNO EX REGISTRIS COLLATIONUM SEU PROVI-
VISIONUM BENEFICIORUM ECCLESIASTICORUM EPISCOPATUS LEXO-
VIENSIS ID QUOD SEQUITUR (66°.



Anno Domini (67)….. die secunda mensis Maii….. vacans per obitum domini Anthonii Pothier, presbyteri, dum viveret, etc….. Collata fuit per dominum Vicarium, domino Claudio Le Grand, presbytero, absenti, in persona Petri Le Cornu, clerici, procuratoris sui, ad præsentationem dominorum Decani et Capituli capellæ regalis Ecclesiæ Beatæ Mariæ de Cleriaco, ad Romanam Ecclesiam nullo medio pertinentis, etc.

Anno Domini  millesimo quingentesimo octavo, die secunda mensis Januarii, capella seu heremitagium Beatæ Mariæ de Gratia prope Honnefluctum, Lexoviensis diocesis, vacans per obitum defuncti domini Claudii Le Grand, dum viveret presbyteri ultimi, etc…… Collata fuit per dominum Vicarium, Francisco Le Lazare, presbytero, absenti, in persona domini Johannis Desquetot, presbyteri, sui procuratoris, ad præsentationem dominorum Decani et Capituli capellæ regalis Ecclesiæ Beatæ Mariæ de Cleriaco, ad Romanam Ecclesiam nullo medio pertinentis. Presentibus Petro Baudin  , diacono, et Jacobo Carpentier, testibus.

Anno Domini millesimo quingentesimo vigesimo quinto, die secunda mensis novembris, capella seu capellania Beatæ Mariæ de Gratia prope Honnefluctum, Lexoviensis dioecesis, vacans per obitum ultimi illius possessoris pacifici, collata fuit per dominum Vicarium, magistro Jacobo Desmares, clerico, absenti, in persona domini Johannis Beaufils, presbyteri, sui procuratoris, ad præsentationem dominorum Decani et Capituli Ecclesiæ collegiatæ et capellæ regalis Beatæ Mariæ de Cleriaco, ad Ecclesiam Romanam nullo medio pertinentis, ad causam Indulti regii per provisionem sibi concessi.

(Arch. gén. des FF. Mineurs Capucins, à Rome. - Province de Normandie. - Couvent de Honfleur.)


II

TRANSACTION ENTRE L’ABBAYE DE SAINT-RIQUIER
ET LE CURÉ D’ÉQUEMAUVILLE

(1605, 8 juillet).

Comme procès fut pendant et indécis en la cour du Parlement à Rouen entre me Léger Housset, prêtre, curé de la paroisse d’Escameauville, diocèse de Lisieux, demandeur en ajournement, en vertu du mandement de la cour du 30e jour de septembre mil cinq cent quatre vingt seize, afin d’être maintenu en la pleine possession et jouissance de toutes et chacunes les dixmes de laditte paroisse d’Escameauville comme à lui appartenantes à droit général et commun primitivement à tous autres non ayant droit spécial d’une part ; et les religieux, prieur et couvent de Saint-Riquier en Picardie, au diocèse d’Amiens, ayant pris faict et cause de Michel Helliot, leur fermier, au droit par eux prétendus de prendre et recueillir les deux tiers des dixmes et des grains excroissants sur certains héritages par eux appellés la prévôté, assise en laditte paroisse d’Escameauville, deffendeurs dudit ajournement d’autre part ; en la suitte duquel procès les parties auroient jà fait de grands frais de part et d’autre tant en la jurisdiction du Pontlevesque, où ledit procès auroit été premièrement introduit et commencé dès et en précédant l’année 1570, que depuis en laditte cour de Parlement et seroient obligés d’en faire encore de plus grands ci-après pour auxquels fuir et éviter et terminer lesd. discords et acquérir repos entr’eux ledit Housset afin de n’être diverti de la charge de pasteur en laquelle il est obligé vacquer sans intermission, même pour aucunement récompenser lesdits prieur, religieux et couvent des frais et dépens par eux faits à la suite dudit procès et pour en tout et partout faire leur condition meilleure, fût entré en quelques offres qui aurions été rapportées auxdits religieux par vénérable et discrète personne Dom Jean Martin, prieur, et Adrien Levasseur, religieux profès de laditte abbaye, qui auroient été cidevant commis et députés pour aller faire la suitte dudit procès en laditte ville de Rouen par la communauté de laditte abbaye, sur lesquelles iceux religieux et prieur capitulairement assemblés à son de timbre en la manière accoutumée pour délibérer des affaires de laditte abbaye, auroient mûrement délibéré : de sorte qu’après avoir considéré et reconnu combien l’événement dudit procès étoit douteux et incertain et que difficillement ils pouroient fournir titres valables et suffisans pour justifier qu’ils eussent aucun droit spécial aux dixmes de laditte paroisse d’Escameauville, moins encore enseigner de la possession paisible et jouissance d’icelle par tems de droit, considérant aussi le peu de prouffit qui leur pourroit revenir desdites dixmes quand avec grands frais et coutages ils auroient obtenu effet en cause qui ne se peut monter que à quarante livres de ferme ou environ, chacun an, et que laditte paroisse est distante de quarante-cinq ou cinquante lieues de laditte abbaye, tellement que le droit par eux prétendu leur seroit à présent et auroit été longtems du tout inutile et plus à charge qu’à prouffit ; ainsi que quand ils auroient obtenus effet en cause ils ne pourroient reconnoistre ni indiquer quels héritages sont sujets à laditte prétendue prévôté joint qu’ils n’ont aucun bien en la province de Normandie que lesd. prétendues dixmes ; toutes lesquelles choses par eux mûrement considéré et en sur ce l’advis de conseil auxquels ils auroient représenté tout ce que dessus même les offres certaines à eux faites par ledit Housset ont trouvé pour le prouffit et utilité de ladite abbaye qu’ils doivent accepter lesdites offres faites par ledit Housset, consentir et accorder qu’il fût maintenu en la peine possession et jouissance de la totalité des dixmes de laditte paroisse à leur préjudice tant pour le passé que pour l’avenir, suivant laquelle délibération, persistant ledit Housset à ses offres, savoir faisons que cejourd’hui datte des présentes se sont comparus en leurs personnes vénérables et discrètes personnes ledit Dom Jean Martin, prieur, Dom Jean Destaminil, sous-prieur et aumônier, Samson de Bernay, Nicolas Bellenger, chantre, ledit Adrien Levasseur, Pierre Lefebvre, Nicolas Vasseur, Adrien Le Prevost, trésorier, Quentin de Cayeu, Antoine Bellenger, Jean Gand, Philippes Waignart, Nicolas Perache, tous prêtres faisant le nombre intégral de laditte abbaye de Saint-Riquier en Ponthieu, diocèse d’Amiens, congregés, assemblés de rechef à son de timbre en la manière accoutumée, lesquels après avoir de rechef longuement délibéré dudit procès et offres faites par ledit Housset, de leur bonne et franche volonté ont dit, déclaré, disent et déclarent tant pour eux que pour leurs successeurs, promettant faire ratifier et avoir tout le contenu en ce présent contrat et transaction au sieur abbé de laditte abbaye dans trois mois après qu’il aura pris possession d’icelle, qu’ils acquiescent audit procès, consentent et accordent les fins et conclusions dudit Housset, renonchent ores et pour l’avenir à jamais rien prétendre, cueillir, ne demander aux dixmes de laditte paroisse de quelque nature qu’elles soient, et du droit, si aucuns en avoient en icelles, ils se sont dévestus et dessaisis, demettent et dessaisissent par ces présentes au profit dudit curé et de ses successeurs curés, veuillent et entendent que lui et lesdits successeurs curés d’icelle paroisse jouissent pleinement et paisiblement desdites dixmes, ses circonstances et dépendances sans en rien réserver ni retenir par lesdits religieux, prieur et couvent, lesquels à cette fin ont subrogé et subrogent ledit Housset ou ses successeurs audit bénéfice à tous leurs droits, noms, raisons, actions et sy lui accordent et consentent la pleine mainlevée et délivrance des deniers provenans de sequestre qui a été par arrêt de laditte cour desdittes dixmes, même des fermages qui leur pourroient être dus précédent ledit sequestre, pour le payement desquels icelui Housset demeurera subrogé en tous leurs droits, noms, raisons et actions pour poursuivre et contraindre par toutes voyes dues et raisonnables les personnes qui y sont obligeez tout ainsi qu’eussent fait ou pu faire lesdits religieux, prieur et couvent au cas qu’ils eussent obtenu effet en cause, en ce faisant déclarent qu’ils ne veullent plus tenir audit procès et ont pour agréable tout acquiescement qui pourroit avoir été ci-devant fait par ledit Dom Jean Martin, prieur, par eux de rechef pour ce expressément envoyé en laditte cour de parlement de Rouen pour eux et en leurs noms, même par tous autres leurs procureurs, avocat en laditte cour de Parlement ou qui pourra ci-après être fait ; le tout au moyen et parce que en faveur du présent acquiescement et pour les causes et considérations ci-devant déclarées icelui Housset stipulant et ce acceptant par Jacques Boistard, écuier, présent à tout ce que dessus et pour cet effet par lui expressément envoyé, à payer auxdits religieux, prieur et couvent la somme de six cent livres pour être employé en achat de rentes ou héritages qui seront et demeureront propres à laditte abbaye et de telle nature que le droit par eux prétendu sur les dixmes d’icelle paroisse, par le contrat de laquelle acquisition sera fait mention comme elle aura été faite des deniers provenans de la présente transaction, de laquelle acquisition lesdits religieux seront tenus faire délivrer extrait en bonne forme audit Housset dans trois mois de ce jour au plustard, et au cas que ledit remploi fut fait en acquisition de rente sujette à rachat ils n’en pourront recevoir le raquit sinon en faisant le remploi en autre rente ou héritage de pareille nature ; et d’autant que ledit remploi ne peut être présentement fait, ledit Boistard du consentement desdits religieux, prieur et couvent, présent comme dessus, a garni et déposé laditte somme de six cents livres ès mains de Michel de Bernay, bourgeois de la ville d’Abbeville, pour être par lui délivrée toutesfois et quant besoin sera pour être employée à l’effet que dessus et non autrement pour la confirmation et autorisation, de laquelle présente transaction ledit Housset pourra obtenir en cour de Rouen et partout ailleurs telles lettres et expéditions qu’il verra bon estre, lesquelles il pourra faire enregistrer, homologuer et approuver pardevant tels juges laïques ou ecclésiastiques que bon lui semblera, le tout à ses dépens, sans que lesdits religieux, prieur et couvent puissent être contraints ni sujet d’y contrevenir en aucune chose ; seront aussi tenus lesdits religieux et couvent faire mettre en la marge du cartulaire de laditte abbaye en l’article faisant mention desdites dixmes comme à la présente transaction et remploy ci-dessus auront été faits pour éviter qu’il n’en puisse être mû procès à l’avenir, par ce moyen lesdittes parties s’en sont allé hors de cours et de procès sans dépens, dommages et intérêts de part et d’autre ; pour l’assurance duquel contrat ils ont obligé tous et chacun les biens de laditte abbaye en tant que faire le peuvent et spécialement ce qui sera acquis de la ditte somme de six cents livres promettant tant pour eux que pour leurs successeurs à l’avenir tenir, entretenir et avoir agréable même par le sieur abbé qu’ils ont promis faire ratiffier et à tous autres qu’il appartiendra tout le contenu en la présente transaction et acquiescement, renonchant jamais aller ne venir au contraire. Ce fut fait et passé audit Saint-Riquier, au couvent de laditte abbaie, en la présence et pardevant Nicolas le Prevost et Antoine de Thigny, notaires royaux en la prévôté dudit Saint-Riquier, esquelles tous lesdicts religieux ci-dessus nommés congrégez et assemblés pour cet effet au chapitre de laditte abbaye, même ledit Boistard audit nom, ont signé ces présentes, le vendredy huitiesme jour de juillet, mil six cent cinq, devant midy.

(Arch. dép. de la Somme. Cartulaire de l’abbaye de Saint-Riquier, fol. 191 verso.)


III

DÉLIBÉRATION CAPITULAIRE DES RELIGIEUX DE L’ABBAYE
DE SAINT-RIQUIER CONCERNANT LA PRÉVOTÉ D’EQUEMAUVILLE.

(1606, 26 avril).

Nous prieur et religieux de l’abbaie de St-Riquier conventuellement congregiez et assemblez en la manière accoutumée, se seroit présenté dom Adrien Levasseur, prévôt d’Escameauville pour être maintenu en la possession et jouissance de laditte prévôté qui est l’une des dignités dépendans de cette communauté en vertu et suivant la démission qu’en auroit faite ci-devant dom Jean Destaminil, sous prieur et aumônier de cette abbaye dernier et immédiat possesseur d’icelle dignité en datte du …… (68) au profit dudit Levasseur, suivant laquelle démission ledit Levasseur auroit obtenu provisions de laditte prevôté en datte du 22 avril 1604 pour en jouir avec tous les honneurs, profits, revenus et émolumens y afférans, et d’autant que tout le revenu d’icelle prévôté consiste totalement en une petite portion de dixme sur le village dudit Escameauville, diocèse de Lisieux, qui a esté fort longtemps litigieux et en dispute entre me Léger Housset, curé dudit lieu d’Escameauville, et nous, lequel litige auroit cessé par le moyen du contrat de transaction que nous aurions fait et passé pardevant les notaires royaux résidens audit St-Riquier le 8e juillet 1605, en faveur dudit Housset et ses successeurs curés audit lieu d’Escamauville moyennant la somme de six cents livres que nous avons reçue dudit Housset, pour icelle somme être employée en d’autres immeubles qui doivent tenir pareille nature que soulloit faire ladite portion de dixme dudit lieu d’Escameauville, et laquelle somme de six cents livres nous aurions acquis des héritiers de feu me Nicolas Doresmieulx, vivant procureur et notaire en la sénéchaussée de Ponthieu, la somme de quarante-cinq livres de rente, icelle rente à prendre sur me Nicolas le Prevost et Jacques Carpentier, procureur résidens audit St-Riquier, moyennant la somme de 540 livres dont ledit Levasseur nous a requis qu’en conséquence de laditte provision il puisse entrer en pleine et entière jouissance de laditte rente acquise, ensemble de ce qui pourra être acquis ci-après des soixante livres qu’il reste d’icelle somme de six cents livres. Et à l’instant est intervenu dom Adrien le Prevost, trésorier et procureur sindic d’icelle abbaye, lequel en laditte qualité de sindic nous a requis qu’au cas que ledit rembours se fasse du sort principal de laditte rente que ledit Le Vasseur ni ses successeurs pourvus en laditte dignité de prevost d’Escameauville ne puissent recevoir ledit sort principal ains soit reçu conventuellement et mis en mains bourgeoises pour être au plutôt remployé en achat d’autre rente ou immeubles qui seront et demeureront toujours de pareille nature, nous ayant sur ce pris avis et délibération avons consenti et accordé que ledit Le Vasseur, prévôt d’Escameauville, et ses successeurs pourvus avec office jouissent du courant et revenu de laditte rente comme par ci-devant ont joui ses successeurs de laditte portion de dixme d’Escameauville, délaissée audit Housset et ses successeurs curés dudit lieu que tant le contrat de transaction fait avec ledit Housset que celui d’acquisition de laditte rente avec cette présente délibération seront enregistrés par le greffier d’icelle abbaye au cartulaire des titres de cette maison et paraphés des signatures de nos bailly et procureur d’office pour y avoir recours toutes fois et quantes, et qu’advenant ledit rembours le remploi en sera faite le plus diligemment que faire se pourra dont les contrats qui seront faits seront pareillement insérés audit cartulaire, desquels délibération et consentement ledit procureur sindic et ledit Levasseur ont requis acte, ce qu’avons accordé pour servir et valloir selon la raison. Et afin que le tout soit chose ferme et stable à perpétuité nous avons signé ces présentes de nos seings et à icelles fait apposer le sceau de notre couvent. Fait en la présence de Nicolas le Prevost et Jacques Carpentier, notaires royaux en la prévôté dudit Saint-Riquier, à ce par nous appelés, le vingt-sixiesme jour d’avril mil six cent six.

(Arch. dép. de la Somme, cartul. de Saint-Ruquier, fol. 193).

IV

ANCIENS EX-VOTO SUSPENDUS DANS LA CHAPELLE
DE NOTRE-DAME-DE-GRACE


Voeu fait : à Notre : Dame : de : Grâce : par : Capne : Bin : Harang : d’Honfleur : Et : sont : équipage : étant : encliné : dans : le : N : l’Oliver : le : 17 : Janvier : 1724.

Voeu. fait . à . Ntre . Dame . De . Grace . Par . le . Capne . Jean . le . Grix . De . Honfleur . et . son . équipages . le . 21 . mars . 1754.

Voeu fait à Ntre Dame de Grâce Par Le Capne Bellet Et son Equipage Sur le Navire le Saint-André, le 11 avril 1754.

Voeux faits à Ntre Dame de Grâce Par Robert Bunel et son équipage sur le Nre la Marie-Françoise, le 22 et 30 novembre 1768.

Voeu fait à Notre Dame de Grace par le Capitaine Loisel et son Equipage // Commandant le navire l’Union, d’Honfleur, en péril borné par la // Terre, les Roches Dans une grande tempête. Le 30 septembre 1768. Sous les Isles Lucayes ou de Bahama. // Latitude nord, 27 degrés : Longitude, 81 degrés. méridien de Paris. Partant de Port au Prince.

Plus agité que ce vaisseau                Quiconque veut braver la mort,
Dont tu vois le péril extrême ;          Se vaincre et régner sur soi-même ;
Mondain, reconnais ce tableau :      Quiconque veut surgir au port
De tes passions c’est l’emblème.      Doit invoquer l’Etre suprême.

Voeu fait à Ntre Dame de Grâce Par Alexandre Gilles et son Equipage sur le Maréchal de Brancas. Le 7 février 1770.

Voeu fait à Ntre Dame de Grace Par Joseph Bernard Guillet sur le Navire la Dauphine ayant Fait Naufrage sur la banc d’Anfard. Le 23 mars 1778.

Voeu fait par le Capne Liard sur le bateau l’Estoille Allant à la Guadeloupe. Le 24 avril 1782.

Sur le brick Messager* d’Honfleur. Voeu fait à Notre Dame de Grâce par le Capne Tréguilly et son équipage le 3 octobre 1784. - Restauré en 1838 par les soins de M. Tréguilly.

Voeu fait à Ntre Dame de Grâce Par Etne Julien-Amand Liard et son Equipage sur le Nre la Gentille. Le 24 septembre 1792.

Voeu fait à Ntre Dame de Grâce par le Capne François Fortin d’Honfleur et son Equipage, le 27° septembre 1795.

V

FAC-SIMILE. - FRAGMENT DE LETTRE ET SIGNATURE
DE JEAN LE BYS, SIEUR DE FONTENAY


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Notes :
(1) Dans la Neustria sancta (ms. latin 10,051, fol. 221 V°), A. Du Moustier a consacré un article à une église nommée Notre-Dame-de-Grâce, mais il s’agit du prieuré situé sur la paroisse de Saint Pierre-de-Bailleul (Eure).
(2) Notice historique sur l’ancienne et la nouvelle chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, etc., par L. V. C. D. G. (Havre, imp. Cercelet, 1833, in 8°).
(3) Le Dictionnaire géogr., hist., descriptif, archéologique des pèlerinages, etc. (édit. Migne, 1851, 2 vol. gr. in-8°), ne donne pas plus de renseignements détaillés.
(4) M. Thomas, ancien commissaire de la Marine, avait vu et lu ce manuscrit en 1833 (Histoire de Honfleur, p. 334).
(5) Le P. Firmin, gardien des Capucins de Honfleur, donna la déclaration des biens de la chapelle de N.-D.-de-Grâce, le 18 janvier 1790. - Délib. munic., reg. 110, fol. 59.
(6) Acte de vente du 19 février 1791.
(7) Vastel, Notice hist., p. 15. - Claudius Lavergne. Notice hist. sur la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce de Honfleur, p. 22 (Honfleur, 1865, br. in-8°).
(8) Thomas, hist. de Honfleur, p. 332. - A. Pannier, Notre-Dame-de-Grâce dans Journal de Honfleur (juin 1868).
(9) Notre-Dame-de-Grâce, histoire de la chapelle, par C. de B. (Honfleur, 1851). - Hist. de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce (Honfleur, 1881).
(10) Vastel, Notice hist., p. 17.
(11) Thomas, Hist. de Honfleur, p. 334.
(12) Mém. Soc. ant. de Normandie. t. XIII, p. 1. - De Formeville, Hist. de l’ancien évêché-comté de Lisieux, t. Ier, p. xlij et xliij.
(13) De Formeville, Hist. de l’ancien évêché- comté de Lisieux, t. Ier, p. xlij, note 4.
(14) Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, publiée par F. Lot. (Paris, 1894, in-8°). - Cf. Bibl. nat, ms. latin 11733.
(15) Le 2 des ides de mars au plus tard de l’année 1023.
(16) Benoist, Chron. des ducs de Normandie, t.II, p. 387. - Wace, Roman de Rou, t. Ier, p. 301.
(17) Neustria pia, p. 210, 215, 218. -Gallia Christ., t. XI, col. 202, 203.
(18) Hénocque, Hist. de la ville et de l’abbaye de Saint-Riquier, t. Ier, p. 320.
(19) Chron. d’Hariulf, p. 185 (éd. Lot).
(20) D’Achery, Spicilegium, t. IV, p. 574. - Histor. de Fr., t. XI, p. 132. - Mabillon, Annales ord. S. Ben., t. IV, p. 496. - Gallia christ., t. X, col. 1,249, 1,250 et t. XI, col. 282. - Hénocque, Hist. de l’abbaye de Saint-Riquier, t. Ier, p. 351.
(21) Gallia christ., t. XI, app., col. 326.
(22) Chron. d’Hariulf, p. 224 (éd. Lot). - Le 3 des calendes de novembre 1048.
(23) Vastel, Notice hist., p. 13.
(24) Thomas, Hist. de Honfleur, p. 339, à la note.
(25) Chron. d’Hariulf (éd. Lot), p. 177, 184, 185, 223, 224, 315, 316.
(26) On lit dans une charte de 1143 relative à l’église de Saint-Lô, à Bourg-Achard : ecclesia S. Laudi quæ sita est in Burgo-Achardi. C’est le prieuré de Saint-Lô. - D. Pommeraye, Hist. de l’abbaye royale de Saint-Ouen (Rouen, 1662, in-fol.), p. 146.
(27) Vastel, Notice hist., p. 15 et 16. - Thomas, Hist. de Honfleur, p. 335.
(28) Comptes de Ch. Castellain, receveur de la duchesse d’Orléans en la vicomté d’Auge (‘1472-1481). - Bibl. nat., mss. nouv. acq. fr. 5275 et 5276.
(29) Mém. Soc. ant. Normandie, t. XV, p. 44 (Magni Rot. scac. Norm.)
(30) Pièce orig. en parchemin que nous avons acquise à la librairie normande d’Ernest Dumont. C’est un vidimus du 20 mai 1491 donné par Jean de la Chapelle, prêtre, maire ès arts et notaire apostolique qui a laissé une Cronica abbreviata dominorum abbatum Sancti Richarii, publiée en 1856 et réimprimée en 1893 par E. Prarond.
Le vidimus, probablement un autographe, est revêtu de la signature de Jean de la Chapelle. Il contient le texte de cinq documents : 1° les deux actes que l’on trouve dans la Chron. d’Hariulf, (p. 185 et 224, éd. Lot) 2° une lettre de Hugues, abbé de Saint-Riquier, du 20 décembre 1239 ; 3° une lettre de Guillaume de Pont-de-l’Arche, évêque de Lisieux, du 24 déc. 1239 ; 4° un acte de reconnaissance passé par Jacques, archidiacre de Caux, devant le chapitre de Saint-Riquier en février 1240.
(31) Arch. dép. de la Somme ; Inventaire des titres et papiers de l’abbaye royale de Saint-Riquier, t. IV, années 1781 et 1782. - Cf. Darsy, Bénéfices de l’église d’Amiens, etc., t. II, p. 250.
(32) Vidimus du 20 mai 1491, cité plus haut.
(33) Pouillé du diocèse de Lisieux. - Vastel, Notice hist., p. 16. - Voy. à l’Appendice la pièce n° Ier.
(34) Traité des droits honorifiques, t. Ier, p. 144-147 (Paris, 1772, 2 vol. in-8°).
(35) Vastel, Notice hist., p. 15, 19.
(36) Hénocque, Hist. de l’abbaye de Saint-Riquier, t. II, p. 224-226.
(37) Appendice nos II et III.
(38) Hénocque, Hist. de l’abbaye de Saint-Riquier, t. II, p. 224-226.
(39) Le chapitre de Cléry eut la collation d’autres chapelles de valeur aussi médiocre, telle que la chapelle de Saint-Philbert, à Saint-Gatien (arr. de Pont-l’Evêque, cant. Honfleur).
(40) Voy. à l’Appendice, n° Ier.
(41) Louis XI donna au chapitre de Cléry 4,000 l. de rente sur certains fiefs, terres et héritages assis en Normandie. Ce Chapitre eut la justice, la garde-noble, les amendes ; il eut aussi le patronage des églises. - Ord. des Rois de Fr., t. XVIII, p. 357.
(42) Vastel, Notice hist., p. 19.
(43) Claudius Lavergne, Notice hist. sur la chapelle de N.-D.-de-Grâce, p . 24.
(44) Nous ne savons où cette terre est située. Le Dict. hist. de l’Eure (t. II, p. 355) fait mention d’une famille Le Bys, à La Haye-Saint-Sylvestre, canton de Rugles.
(45) Min. du tabellionage d’Auge, 4 mai 1608, 15 mai 1608.
(46) Min. du tabell. d’Auge, 18 juillet 1599 ; - 5 novembre 1606.
(47) Arch. dép. de la Seine-Inf. Mémoriaux de la Chambre des comptes. reg. 12, fol. 96 ; Bureau des finances, reg. C 1279 ; - Min. du tabell. d’Auge, 7 septembre 1600 et 6 septembre 1608.
(48) Mémoriaux de la Chambre des comptes de Normandie, reg. 18, fol. 76.
(49) Min. du tabell. d’Auge, 5 nov. 1606 ; 12 mai 1607.
(50) Min. du tabell. d’Auge, 22 octobre 1613.
(51) Min. du tabell. d’Auge, 25 mars 1614.
(52) Min. du tabell. d’Auge, 23 mai 1629.
(53) Vastel, Notice hist., p. 144.
(54) Il a été mentionné par Ed. Frère, Manuel du Bibliographe normand, t. Ier, p. 425.
(55) Nous avons ajouté au bas des pages, entre [ ], la pagination absente.
(56) Vastel, Notice hist., p. 144.
(57) De Masseville, Hist. sommaire de Normandie, (éd. 1714), t. VI, p. 346.
(58) Vastel, Notice hist., p. 20, 21, 24, 28, 145.
(59) Du Tertre, Hist. gén. des Antilles, t. Ier, p. 517.
(60) Vastel, Notice hist., p. 86-96. - Nous donnons dans l’Appendice, n° IV, une liste des anciens ex-voto qui subsistent encore.
(61) Eug. Sue. Hist. de la marine, t. II, p. 81. - Jal, Abraham Duquesne et la marine de son temps, t. Ier, p. 574-580.
(62) Vastel, Notice hist., p. 127-132.
(63) Arch. mun. de Honfleur ; reg. de l’amirauté : rapports de mer et congés des années 1636 à 1719.
(64) Maurille de S. Michel. Voyage des isles Camercanes en l’Amérique qui font partie des Indes occidentales, etc. p. 231-244, (Paris, Jean de la Caille, 1653).
(65) Min. du tabell. d’Auge, juillet, septembre et octobre 1614. - Cf. Documents relatifs à la marine normande, p. 72, 210, 211 (Soc. Hist. de Normandie).
(66) Nous devons cet extrait à l’obligeance du P. Edouard d’Alençon, archiviste des FF. Min. Capucins, à Rome.
(67) Date en blanc.
(68) En blanc.

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