LEMAÎTRE,
Charles Ernest (1854-1928) : Tibi,
Georgette ! (1917).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (29.IV.2006) Relecture : Anne Guézou. Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : Norm 299) des Joyeux Bocains : contes drolatiques en patois bas-normand par Ch. Lemaître, le Chansonnier du Bocage avec préface d'Arthur Marye et illustrations de Levavasseur et R. Thurin. publié à Caen chez Bonnaventure et Jouan en 1917. Tibi,
Georgette !
par Charles Lemaître ~
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A
Monsieur Georges Rivière.
D’abord faut que j’ demand’ pardon A moussieux les ecclésiastiques D’ lé mettr’ si souvent en question Dans mes histouèr’s un brin comiques ; Mais comm’ c’est tous dé gens d’esprit, Au lieu d’y trouver d’ qué à r’dire, Quand j’ lé gratt’ sans les écorchi, C’est eux lé premiers à en rire. Là d’ssus j’ vas vo conter que, n’y’a d’ cha bi longtemps, J’ai connu un t’churé par t’chu nous, dans l’ Bocage, De qui qu’ la bouenn’ servante avait tous lé talents. Por l’y fair’ tout san cas et l’y t’ni san ménage, Et sans mépriser l’s ’autr’s por cha, C’était la meilleur’ cuisinière, Que n’y’eût bi’n à vingt lieues de d’là, N’importe dans quel presbytère. Or, v’là-t’y pas qu’ san maîtr’, dans l’ moment dé gras jours, Réunit por eun’ conférence, Au sujet d’ la concupiscence, Eun’ douézain’ de t’churés dé parouess’s d’alentour. Georgett’, c’était l’ nom d’ la servante, Por bi traiter tous cé moussieux, Fit dé chos’s si appétissantes, Qu’y s’en liquaient à qui mieux mieux ; Du potage au rôti, no n’entendit qu’ dé louanges. Et n’y’eut d’s’ estomacs r’connaissants, Qui crur’nt bi faire, en affirmant Qu’ les élus n’ mang’nt pas mue au réfectouair’ des anges. Quand arrivit l’ café, Qu’était si parfeumé, Que, comm’ no dit quiqu’fouais, no mordait presque à même, Cha couronnit l’ dainner comme avec un diadème ; Tous disaient au t’churé : « - Mes compliments, mon cher, « De votre cordon bleu, vous devez être fier. » « - Certes, dit un doyen, c’est un talent notoire, Et rien que ce café suffirait à sa gloire. » « - Ah ! dam’, pour le café, ell’ le fait toujours bon, Répondit aussitôt l’aimable amphytrion, Et pour sa récompense, Si vous l’ permettez tous, Vous voudrez bien, je pense, Qu’ell’ le prenne avec nous. » La chos’ fut adoptée Par la docte assemblée. Et chins minut’s apreux, Avec tous cé moussieux, Olle était dans la sall’, preux d’ san maîtr’, la pauvrette. Et v’là qu’ çu bon t’churé, qui causait en latin, Quasiment si bi qu’ mé, quand ej’ cause en bocain, Dit en trinquant do elle : « Allons, Tibi, Georgette. » C’était sûr’ment bi latiné, Mais faut dir’ que la cuisinière, A part un brin dans sa périère, Jamais dans c’ te langu’ là n’ causait, Et co, c’était sans la comprendre. C’est bi por qui, Que l’ mot d’ Tibi L’embêtait d’pus qu’o v’nait d’ l’entendre. Aussi quand l’ vicair’ de Coulvain Sortit por prendr’ l’air un p’tit brin, La bouenn’ Georgett’ fit meine D’aller dans sa t’cheuseine, Mais c’était, en réalité, Por consulter çu bouen abbé. Comm’ c’était un farceux, conteux d’ plaisant’s nouvelles, Quand la brav’ Georgett’ l’y d’mandit Qui qu’ voulait dir’ çu nom d’ Tibi, Qu’ san maître l’y’avait dit, en trinquant d’avec elle ; Por rire à ses dépens, V’là qu’ çu mauvais plaisant L’y dit tout bas : « - Je n’ puis vous l’ dire, « Ma pauvre fille, car n’y’a rien d’ pire. » Et comm’ c’est qu’olle anticipait, Disant qu’o voulait tout saver. « - Mais, qu’i lui dit, ma chère (por l’i faire eun’ bouenn’ farce), J’ai hont’ de vous dir’ ça : Tibi, c’est l’ nom d’un’ garce, C’est un vieux mot latin Qui signifie putain, Et surtout, ma fill’, que personne Ne sach’ d’où vient ce renseign’ment, Que j’ vous donn’ charitablement, Tenez, votre maître vous sonne. » Georgett’ l’i dit merci, En l’i promettant bi Que sû c’ qu’i l’y’avait dit, olle en s’rait terjours muette, Oui mais, v’là t’y pas qu’en rentrant, San maîtr’ l’i dit core en trinquant : « - Ces messieurs s’impatient’nt, allons, Tibi, Georgette. » Mais, s’n’ ahuriss’ment profond, O l’i dit d’un air furibond : « - Ah ! j’ vas vos en bailli, mé, dé Tibi Georgette ! Eh ! bi, Tibi vot’ sœu, Tibi vot’ nièch’ Colette, Tibi vo deux couésein’s, du hameau dé Vignats, Qui vienn’nt au presbytère, Je m’ demand’ porqui faire ; A mains qu’ cha n’ sé, la nieut, por vo t’ni lé pieds cats, Et pûs, au surplus d’ tout, Pus qu’ c’est qu’i faut dir’ tout, Si j’ sus dév’nue Tibi, c’est vous qui m’y’avé minse, Car vo l’ savé Aussi bi qu’mé, Je n’ l’étais bi sûr pas quand c’est qu’ vo m’avé prinse ! » TABLE
DES MATIÈRES
Préface
- Tibi Georgette ! - La
Confession à
Véronique - Leçon de politesse - L' clou
à Locadie
- Faut que j' tabate ! - Le Temple de l'Amour - Fais
li vée
! - Le Pain bénit - Le Goulu attrapé - Les
Oies
perdues - L'
Divertisseux - Le Bénitier gelé - Arthémise la mal
servie - Confiance céleste - Le Beurre malpropre - L'abbé
Trupot - La Veuve inconsolable - Le Haut-du-Temps - Le
Bras tendu et la
goule ouverte - Lé Chendres - L' Voleux d' pain - Fanchon
Cliquet - La Catoueilleuse - Le Chapelet - La
Migraine.
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