LEMAÎTRE,
Charles Ernest (1854-1928) : Faut que j’tabate !
(1917).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (10.V.2006) Relecture : Anne Guézou. Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : Norm 299) des Joyeux Bocains : contes drolatiques en patois bas-normand par Ch. Lemaître, le Chansonnier du Bocage avec préface d'Arthur Marye et illustrations de Levavasseur et R. Thurin. publié à Caen chez Bonnaventure et Jouan en 1917. Faut
que j’tabate !
par Charles Lemaître ~
* ~
A
Monsieur Edgard Piquet.
Vo n’avé pas connu l’ bouen abbé Dalibert, Qu’était t’churé amont l’ Bocage ; Il avait p’t’êtr’ chinquante ans d’âge, Mais comm’ no dit quiqu’fais, il était co bi vert. Sûr’ment qu’ c’était la crèm’ des hommes, Je l’ vais co là d’vant mé, çu paur’ bon vieux t’churé, D’avec san teint bi frais, un p’tit brin couleuré, Surtout l’s’ années qu’y’avait dé pommes. J’ cré bi que l’ bon Dieu l’ protégeait, Tell’ment qu’ tout l’i réussissait ; Il avait terjous eu d’ la chance, Mais dam’ la plus grand’ qui l’i vint, Cha fut l’année où qu’ c’est qu’i print Comm’ chambérièr’ la gross’ Constance. Ah ! dam’, no n’en fait plus, dé bouenn’s servant’s comm’ cha ; L’ moule en est bi perdu, jamais no n’ le r’trouv’ra. N’import’ qui qu’ no voulût, oll’ tait propre à tout faire ; O vo dressait un lit dans tout’ la perfection, Et brin faignant’ du tout, l’ cassait à l’occasion ; Y’en a qui critiqu’nt cha, qui f’raient bi mue de s’ taire, Et pus, au surplus d’ tout, Constance et san t’churé Faisaient de c’ qu’i voulaient, cha n’ dait pas vo r’garder. Là d’ssus, o n’était pas comme eune vieulle effrontée. J’ vo dirais bi’n éiou ; Qu’i faut qu’ san paur’ bouenhomm’ l’y’en baill’ core eun’ touernée, Quand c’est qu’i n’ plus l’ sou. Agissant prudemment, Constanc’, bi’n au contraire, Quand s n maîtr’ voulait jastouaiser, Avait bi soin de l’ modérer ; Quand c’est qu’ nos ainm’ lé gens, c’est comm’ cha qu’i faut faire. No sait bi qu’ l’homm’ n’est pas parfait ; L’ bon t’churé Dalibert prisait, Au point qu’il eût plutôt ombélié sa périère Que d’ prendr’ du bon taba dans sa gross’ tabatière ; N’importe à quel temps qu’ no l’ véyait, Y n’n’avait l’ nez tout talboté, Et il airait vendu sa c’minse Plutôt que de s’ passer d’eun’ prinse. Or, v’là t’i pas qu’un coup, au biau mitan d’ la nieut, Y vint quiqu’un au presbytère, D’mander lé soins d’ san ministère, Por un malad’ tout preux d’ s’en aller t’chu l’ bon Dieu. L’agonisant d’meurait à l’autr’ bout d’ la commeune, Et comme y n’était pas hardi, Il emm’nit Constanc’ d’avec li ; C’était dans l’ mouais d’ juillet, par un biau clair de leune, Y s’en fur’nt tous lé deux d’visant, Sû l’ malheureux qu’était mouérant ; Mais v’là t’y pas qu’ su la bér’yère, L’ t’churé trachit sa tabatière Por prendre eun’ bouenn’ prins’ de taba ; Y trachait dont, par ci, par là, D’vant sa servant’, tout’ ébaubie, Qui le r’gardait, la goul’ baîllie. « - Ah ! mais qu’ dit, n’y’a pas moyen, Ma pauvr’ fill’, j’en ai trop besoin, Faut que j’ la trouv’ ; tiens-moi ma canne, Que je déboutonn’ ma soutane. » Et apreux cha, comm’ de raison, Y fouillit dans san pantalon. Oui mais, v’là qu’la bouenn’ gross’ Constance Véyant tout c’te manigance, L’i dit : « - Moussieu l’t’churé, Qui qu’c’est dont qu’vo traché ? » « - Tu t’en dout’s peut’êtr’ bien, qu’i l’i dit, scélérate, Hélas ! ma bonn’ Constanc’, n’y a pas, faut que j’ tabate. » Y voulait dir’, par là, Prendre eun’ prins’ de taba ; Mais Constanc’, compernant c’ mot là d’eune autr’ manière, L’y dit : « - Moussieu l’ t’churé, j’ devrais m’ mettre en colère, J’sai bi qu’d’avec un maîtr’ comm’ vous No n’y guett’ pas, mais enter nous, Por çu coup-là faut que j’ dispute. En vérité, j’cré bi Qu’ vo dev’né enragi Vo z’en parté, y’a chins minutes ! » TABLE
DES MATIÈRES
Préface
- Tibi Georgette ! - La
Confession à
Véronique - Leçon de politesse - L' clou
à Locadie
- Faut que j' tabate ! - Le Temple de l'Amour
- Fais li vée
! - Le Pain bénit - Le Goulu attrapé - Les
Oies
perdues - L'
Divertisseux - Le Bénitier gelé - Arthémise la mal
servie - Confiance céleste - Le Beurre malpropre - L'abbé
Trupot - La Veuve inconsolable - Le Haut-du-Temps - Le
Bras tendu et la
goule ouverte - Lé Chendres - L' Voleux d' pain - Fanchon
Cliquet - La Catoueilleuse - Le Chapelet - La
Migraine.
|