LETTRE CXLVII.
LE GRAND EUNUQUE A USBEK.
A Paris.
Les choses sont venues à un état qui ne se peut plus soutenir: tes femmes se sont imaginé que ton départ leur laissait une impunité entière; il se passe ici des choses horribles: je tremble moi-même au cruel récit que je vais te faire.
Zélis, allant il y a quelques jours à la mosquée, laissa tomber son voile, et parut presque à visage découvert devant tout le peuple.
J'ai trouvé Zachi couchée avec une de ses esclave; chose si défendue par les lois du sérail.
J'ai surpris, par le plus grand hasard du monde, une lettre que je t'envoie: je n'ai jamais pu découvrir à qui elle était adressée.
Hier au soir, un jeune garçon fut trouvé dans le jardin du sérail, et il se sauva par-dessus les murailles.
Ajoute à cela ce qui n'est pas parvenu à ma connaissance; car sûrement tu es trahi. J'attends tes ordres: et, jusqu'à l'heureux moment que je les recevrai, je vais être dans une situation mortelle. Mais, si tu ne mets toutes ces femmes à ma discrétion, je ne te réponds d'aucune d'elles, et j'aurai tous les jours des nouvelles aussi tristes à te mander.Du sérail d'Ispahan, le 1er de la lune de Rhégeb, 1717.