Des Stances de quatre vers.
Les Stances de quatre vers sont plusieurs Quatrains liés ensemble par un raisonnement qui se continue jusqu'à la fin. Les véritables Quatrains au contraire n'ont entr'eux aucune liaison. Ils subsistent seuls, & ils ne dépendent point de ceux qui les précédent ou qui les suivent. Ils ont aussi quelque chose de plus grave & de plus moral que les Stances de quatre vers qui sont fort souvent galantes ou amoureuses. Elles se font en vers de huit, de dix, ou de douze syllabes, & quelquefois elles ont chacune deux vers de douze, avec deux vers de six ou de huit. Les rimes s'y mêlent ainsi: après un vers féminin, avant que de mettre l'autre féminin qui lui répond, on met un ou deux masculins, ou tout au contraire.
L'Amour est un enfant aussi vieux que le monde,
Il est le plus petit & le plus grand des Dieux.
De ses feux il remplit le Ciel, la Terre & l'Onde,
Et toutefois Iris le loge dans ses yeux.PÉRAULT.
Aimez, servez, brûlez avecque patience,
Ne murmurez jamais contre votre tourment;
Et ne vous lassez point de souffrir constamment,
Il n'est rien qui ne céde à la persévérence.MONTAUSIER.
Toutes les pompeuses Maisons
Des Princes les plus adorables,
Ne sont que de belles prisons
Pleines d'illustres misérables.Catherine ne me plaît point,
Elle est seche comme cannelle.
On ne sçauroit trouver sur elle
Pour quatre deniers d'embonpoint.MAINARD.
Stances de quatre vers, où il y en a deux de douze syllabes & deux de six.
La mort a des rigueurs à nulle autres pareilles:
On a beau la prier,
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.Le pauvre en sa cabane où le chaume le couvre
Est sujet à ses Loix;
Et la garde qui veille aux barrieres du Louvre,
N'en défend point nos Rois.De murmurer contre elle & perdre patience,
Il est mal à propos.
Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
Qui nous met en repos.MALHERBE.
Stance de quatre vers, où les vers de huit syllabes sont mêlés à ceux de douze.
L'Amitié fait son portrait.
J'ai le visage long & la mine naïve,
Je suis sans finesse & sans art,
Mon tein est fort uni, la couleur assez vive,
Et je ne mets jamais de fard.Mon abord est civil, j'ai la bouche riante,
Et mes yeux ont mille douceurs;
Mais quoique je sois belle, agréable & charmante,
Je regne sur bien peu de coeurs.On me proteste assez, & presque tous les hommes
Se vantent de suivre mes Loix.
Mais que j'en connois peu dans le siecle où nous sommes;
Dont le coeur réponde à la voix!Ceux que je fais aimer d'une flamme fidelle,
Me font l'objet de tous leurs soins.
Et quoique je vieillisse, ils me trouvent fort belle,
Et ne m'en estiment pas moins.On m'accuse souvent d'aimer trop à paroître
Où l'on voit la prospérité.
Cependant il est vrai qu'on ne me peut connoître
Qu'au milieu de l'adversité.PÉRAULT.