Des Stances de six vers.
Les Stances de six vers sont composées chacune de deux vers de même rime, & d'un Quatrain. Le troisieme vers de chaque Stance est masculin, ou féminin, selon que finissent les deux premiers: & il rime avec le cinquieme, ou le sixieme. Il doit y avoir une pause à la fin de ce troisieme vers; j'entends que l'oreille s'y puisse arrêter agréablement, & que le sens n'en soit point emporté au quatrieme.
Mainard s'apperçut le premier que cette pause étoit nécessaire, & ensuite les excellens esprits qui en virent la beauté, ne composerent point de Stances de six, où il n'y eût une pause: de sorte qu'aujourd'hui c'est une négligence de ne les point imiter en cela: & d'ailleurs sans ce repos les Stances de six en sont bien moins belles: on les fait ordinairement sur trois, & quelquefois sur deux rimes, & presque toujours en vers de sept, ou de huit, ou de douze syllabes, tous de même ou de différentes mesures.Heureux de qui l'ame est atteinte
D'amour, de respect & de crainte
Pour la majesté de son Dieu,
Qui le consulte dans ses doutes,
Et dont en tout temps, en tout lieu
Il suit fidèlement les routes.GODEAU.
Rompts tes fers, bien qu'ils soient dorés,
Fuis les injustes adorés;
Et descens dans toi-même à l'exemple du Sage.
Tu vois de près ta derniere saison.
Tout le monde connoît ton nom et ton visage,
Et tu n'es pas connu de ta propre raison.MAINARD.
Vain fantôme d'honneur c'est pour toi que l'épée
Sans cesse au massacre occupée
A mis tant de guerriers à bas.
C'est pour toi qu'au mépris des plus mortelles armes,
Ils volent aux allarmes,
Et semblent n'avoir peur que de ne mourir pas.Etrange aveuglement à la race des hommes,
Pourquoi, malheureux que nous sommes,
Avancer la fin de nos jours?
D'où se forme en nos coeurs cette brutale envie
D'abréger une vie
Dont le plus long espace a des termes si courts.La mort de ses rigueurs ne dispense personne.
L'auguste éclat d'une couronne
Ne peut en exempter les Rois.
N'espere pas, ami, que ton mérite extrême,
Ni la Muse qui t'aime,
Te mettent à couvert de ses fatales loix.Ta sagesse, il est vrai, fait honneur à notre âge,
Mais de quelque rare avantage
Dont un mortel soit revêtu,
Son terme est limité, le nocher de la Parque
Dans une même barque
Passe indifféremment le vice et la vertuMAUCROIX.
Dans les Stances de six on n'arrange pas toujours les vers de la forte; car quelquefois on met les deux vers de même rime à la fin de chaque Stance, & le Quatrain au commencement. Alors elles n'ont point de repos, & même elles ne semblent pas si agréables de cette derniere façon que de la premiere. Chacun en jugera par celles-ci qui décrivent d'une maniére allégorique et ingénieuse le corps d'une belle fille.
C'est un grand temple d 'ivoire
Plein de grace & de beauté,
En quelque lieu marqueté
D'une ébéne douce et noire
Qui sert en ce lieu si beau
Comme d'ombre à un tableau.
Deux flambeaux incomparables
Plus brillans que le soleil
Par un éclat sans pareil
Et des rayons favorables
Rendent les lieux d'alentour
Pleins de lumiere et d 'amour.
La nef de cet édifice
Est pleine d'un jour très-pur,
Mais le coeur en est obscur
Et fait par tel artifice,
Que les yeux les plus perçans
Ne pénétrent point dedans.
Tout ce que la terre et l'onde
Produisent de précieux,
Tout ce qu'on voit dans les Cieux
Et qui paroît dans le monde,
Est fait imparfaitement
Au prix de ce bâtiment.VOITURE.