DU SONNET.
DEspréaux a fort bien exprimé la nature du Sonnet; c'est dans le deuxieme Chant de l'Art Poëtique, où après avoir parlé d'Apollon, il ajoute:
On dit à ce propos qu'un jour ce Dieu bizarre
Voulant pousser à bout tous les rimeurs François,
Inventa du Sonnet les rigoureuses loix:
Voulut qu'en deux Quatrains de mesure pareille,
La rime avec deux sons frappât huit fois l'oreille,
Et qu'ensuite six vers artistement rangés
Fussent en deux tercets par le sens partagés:
Sur-tout de ce poëme il bannit la licence,
Lui-même en mesura le nombre & la cadence,
Défendit qu'un vers foible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déja mis osât s'y remontrer.
Du reste il l'enrichit d'une beauté suprême,
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poëme.
Mais en vain mille Auteurs y pensent arriver,
Et cet heureux phoenix est encore à trouver:
A peine dans Gombaud, Mainard & Malleville
En peut-on admirer deux ou trois entre mille;
Le reste aussi peu lu que ceux de Pelletier,
N'a fait de chez Sercy qu'un saut chez l'épicier;
Pour renfermer son sens dans la borne prescrite,
La mesure est toujours trop longue ou trop petite.Après les deux quatrains du sonnet suivent deux tercets semblables à ceux des stances de six vers. La fin du quatrieme, du huitieme & de l'onzieme vers doivent avoir un repos entier, c'est-à-dire, un sens tellement fini, que l'on puisse s'y reposer quelque temps, en lisant le sonnet; quoique le repos absolu, pour parler catégoriquement, ne doive être qu'à la fin du sonnet. Le seconde & le sixieme doivent avoir un demi-repos. Ceci deviendra plus sensible par les exemples.
La combinaison des rimes, c'est-à-dire, la maniere de les entrelacer n'est pas toujours la même. Il y en a quatre qui ont chacune leurs exemples. Nous les donnerons ici, en avertissant que M. signifie en vers Masculin, & F. un vers Féminin.Quatre manieres d'arranger les Rimes du Sonnet
I. | II. | III. | IV. | |
Premier Quatrain. | F. | M. | F. | M. |
M. | F. | M. | F. | |
M. | F. | F. | M. | |
F. | M. | M. | F. | |
Second Quatrain. | F. | M. | F. | M. |
M. | F. | M. | F. | |
M. | F. | F. | M. | |
F. | M. | M. | F. | |
Premier Tercet. | M. | F. | F. | M. |
M. | F. | M. | M. | |
F. | M. | M. | F. | |
Second Tercet. | M. | F. | F. | M. |
F. | M. | F. | M. | |
M. | F. | M. | F. |
SONNET.
Le théâtre jamais ne fut si glorieux,
Le jugement s'y joint à la magnificence,
Une regle sévere en bannit la licence,
Et rien n'y blesse plus ni l'esprit ni les yeux.On y voit condamner les actes vicieux,
Malgré les vains efforts d'une injuste puissance;
On y voit à la fin couronner l'innocence,
Et luire en sa faveur la justice des cieux.Mais en cette leçon si pompeuse & si vaine
Le profit est douteux, & la perte est certaine,
Ce remede y plaît moins, que ne fait le poison:Elle peut reformer un esprit Idolâtre;
Mais pour changer leur moeurs, & régler leur raison;
Les Chrétens ont l'Eglise, & non pas le théâtre.GODEAU.
Il y a pas des sonnets dont les vers sont de dix syllabes, d'autres dont les vers n'en ont que huit, d'autres enfin qui sont composés de vers de sept syllabes.
Autre Sonnet.
Un amas confus de Maisons,
Des crottes dans toutes les rues,
Ponts, Eglises, palais, prisons,
Boutiques bien ou mal pourvues:Force gens noirs, blancs, roux, grisons,
Des prudes, des filles perdues;
Des meurtres & des trahisons,
Des gens de plume aux mains crochues;Maint poudré qui n'a point d'argent,
Maint homme qui craint le Sergent,
Maint fanfaron qui toujours tremble,Pages, laquais, voleurs de nuit,
Carrosses, chevaux, & grand bruit,
C'est-là Paris: que vous en semble?SCARON.
Autre Sonnet
Plus Mars que Mars de la Thrace,
Mon Pere victorieux
Aux Rois les plus glorieux
Ota la premiere place.Ma Mere vient d'une race
Si fertile en demi-dieux,
Que son éclat radieux
Toutes lumieres efface.Je suis poudre toutefois,
Tant la parque a fait ses loix
Egales & nécessaires.Rien ne m'en a su parer;
Apprenez, ames vulgaires,
A mourir sans murmurer.MALHERBE