DU RONDEAU.
Le Rondeau est à présent de treize vers sur deux rimes. Après le cinquieme il doit y avoir un repos, comme à la fin des Stances. Après le huitieme doit revenir le mot qui est au commencement du premier vers. Et il doit se retrouver encore après le treizieme. Ce mot est ce qu'on appelle le refrain. Il est indifférent de commencer par un vers masculin ou par un féminin. Voici les deux manieres d'en arranger les vers:
I. | II. | |
M. | F. | |
M. | F. | |
F. | M. | |
F. | M. | |
M. | F. | |
M. | F. | |
M. | F. | |
F. | M. | |
M. | F. | |
M. | F. | |
F. | M. | |
F. | M. | |
M. | F. |
Le caractere du Rondeau est la naïveté, & le badinage; c'est pourquoi le style soutenu & sérieux n'y est pas si propre que le Marotique & le familier. On peut choisir telle sorte de vers que l'on veut, excepté les Alexandrins, qui ont quelque chose de trop grave. Ordinairement ont préfere les vers de dix à onze syllabes, appelés autrement les vers communs. Il y a aussi beaucoup de bons Rondeaux en vers de huit & de neuf; cela est arbitraire: mais il n'est pas permis d'employer dans un même Rondeau des vers de différente mesure.
Il y a des Auteurs qui se sont appliqués à faire en sorte que le mot qui sert de refrain ait trois sens différens: Il est vrai que c'est une beauté; mais je ne sais si elle s'accorde bien avec la simplicité du Rondeau.Voici un Rondeau fait exprès pour exprimer la nature du Rondeau même.
Ma foi, c'est fait de moi, car Isabeau
M'a conjuré de lui faire un Rondeau;
Cela me met en une peine extrême.
Quoi treize vers, huit en eau, cinq en ême.
Je lui ferais aussi-tôt un bateau.
En voilà cinq pourtant en un monceau,
Faisons-en huit en invoquant Brodeau,
Et puis mettons par quelque stratagême.
Ma foi c'est fait.
Si je pouvais encor de mon cerveau.
Tirer cinq vers, l'ouvrage serait beau:
Mais cependant je suis dedans l'onzieme,
Et si je crois que je fais le douzieme,
En voilà treize ajustés au niveau.
Ma foi, c'est fait.VOITURE.
Autre Rondeau.
Le bel esprit, au siecle de Marot,
Des dons du Ciel passait pour le gros lot;
Des grands Seigneurs il donnait accointance,
Menait par fois à noble jouissance,
Et qui plus est faisait bouillir le pot.
Or est passé ce temps où d'un bon mot,
Stance ou dizain, on payait son écot,
Plus n'en voyons qui prennent pour finance
Le bel esprit.
A prix d'argent l 'auteur comme le sot,
Boit sa chopine et mange son gigot;
Heureux encor d'en avoir suffisance.
Maints ont le chef plus rempli que la pance:
Dame ignorance a fait enfin capot
Le bel esprit.Mlle. DESHOULIÉRES.
Autre Rondeau.
A la fontaine où s'enivre Boileau,
Le grand Corneille, et le sacré troupeau
De ces auteurs que l'on ne trouve guere,
Un bon rimeur doit boire à pleine aiguiere,
S'il veut donner un beau tour au rondeau.
Quoique j'en boive aussi peu qu'un moineau,
Cher Benserade, il faut te satisfaire;
T'en écrire un: Hé! c'est porter de l'eau
A la fontaine.
De tes refrains un livre tout nouveau
A bien des gens n'a pas eu l'heur de plaire;
Mais quant à moi j'en trouve tout fort beau,
Papier, dorure, image, caractere,
Hormis les vers qu'il falloit laisser faire
A la fontaine.PREPETIT DE GRAMMONT.