LXXVIII - Que son excès peut passer en habitude
lorsqu'on manque de le corriger.
Et bien que cette passion semble se diminuer par l'usage, à cause que plus on rencontre de choses rares, qu'on admire, plus on s'accoutume à cesser de les admirer et à penser que toutes celles qui se peuvent présenter par après sont vulgaires, toutefois, lorsqu'elle est excessive et qu'elle fait qu'on arrête seulement son attention sur la première image des objets qui se sont présentés, sans en acquérir d'autre connaissance, elle laisse après soi une habitude qui dispose l'âme à s'arrêter en même façon sur tous les autres objets qui se présentent, pourvu qu'ils lui paraissent tant soit peu nouveaux. Et c'est ce qui fait durer la maladie de ceux qui sont aveuglément curieux, c'est-à-dire qui recherchent les raretés seulement pour les admirer et non point pour les connaître: car ils deviennent peu à peu si admiratifs, que des choses de nulle importance ne sont pas moins capables de les arrêter que celles dont la recherche est plus utile.