CXXVII - Quelle est sa cause en l'Indignation.
Pour le ris qui accompagne quelquefois l'indignation, il est ordinairement artificiel et feint; mais lorsqu'il est naturel, il semble venir de la joie qu'on a de ce qu'on voit ne pouvoir être offensé par le mal dont on est indigné, et avec cela, de ce qu'on se trouve surpris par la nouveauté ou par la rencontre inopinée de ce mal; de façon que la joie, la haine et l'admiration y contribuent. Toutefois je veux croire qu'il peut aussi être produit, sans aucune joie, par le seul mouvement de l'aversion, qui envoie du sang de la rate vers le coeur, où il est raréfié et poussé de là dans le poumon, lequel il enfle facilement lorsqu'il le rencontre presque vide; et généralement tout ce qui peut enfler subitement le poumon en cette façon cause l'action extérieure du ris, excepté lorsque la tristesse la change en celle des gémissements et des cris qui accompagnent les larmes. A propos de quoi Vivés écrit de soi-même, que lorsqu'il avait été longtemps sans manger, les premiers morceaux qu'il mettait en sa bouche l'obligeaient à rire; ce qui pouvait venir de ce que son poumon, vide de sang par faute de nourriture, était promptement enflé par le premier suc qui passait de son estomac vers le coeur, et que la seule imagination de manger y pouvait conduire avant même que celui des viandes qu'il mangeait y fût parvenu.