CXLVIII - Que l'exercice de la vertu est un souverain remède
contre les passions.
Or, d'autant que ces émotions intérieures nous touchent de plus près et ont par conséquent beaucoup plus de pouvoir sur nous que les passions dont elles diffèrent, qui se rencontrent avec elles, il est certain que pourvu que notre âme ait toujours de quoi se contenter en son intérieur, tous les troubles qui viennent d'ailleurs n'ont aucun pouvoir de lui nuire, mais plutôt ils servent à augmenter sa joie, en ce que voyant qu'elle ne peut être offensée par eux, cela lui fait connaître sa perfection. Et afin que notre âme ait ainsi de quoi être contente, elle n'a besoin que de suivre exactement la vertu. Car quiconque a vécu en telle sorte que sa conscience ne lui peut reprocher qu'il ait jamais manqué à faire toutes les choses qu'il a jugées être les meilleures (qui est ce que je nomme ici suivre la vertu), il en reçoit une satisfaction qui est si puissante pour le rendre heureux, que les plus violents efforts des passions n'ont jamais assez de pouvoir pour troubler la tranquillité de son âme.