CLXXV - De l'usage de la Lâcheté.
Or encore que je ne me puisse persuader que la nature ait donné aux hommes quelque passion qui soit toujours vicieuse et n'ait aucun usage bon et louable, j'ai toutefois bien de la peine à deviner à quoi ces deux peuvent servir. Il me semble seulement que la lâcheté a quelque usage, lorsqu'elle fait qu'on est exempt des peines qu'on pourrait être incité à prendre par des raisons vraisemblables, si d'autres raisons plus certaines qui les ont fait juger inutiles, n'avaient excité cette passion; car, outre qu'elle exempte l'âme de ces peines, elle sert aussi alors pour le corps en ce que, retardant le mouvement des esprits, elle empêche qu'on ne dissipe ses forces. Mais ordinairement elle est très nuisible, à cause qu'elle détourne la volonté des actions utiles; et pour ce qu'elle ne vient que de ce qu'on n'a pas assez d'espérance ou de désir, il ne faut qu'augmenter en soi ces deux passions pour la corriger.