CXXXVIII - De leurs défauts, et des moyens de les corriger.
Mais encore que cet usage des passions soit le plus naturel qu'elles puissent avoir, et que tous les animaux sans raison ne conduisent leur vie que par des mouvements corporels semblables à ceux qui ont coutume en nous de les suivre, et auxquels elles incitent notre âme à consentir, il n'est pas néanmoins toujours bon, d'autant qu'il y a plusieurs choses nuisibles au corps qui ne causent au commencement aucune tristesse ou même qui donnent de la joie, et d'autres qui lui sont utiles, bien que d'abord elles soient incommodes. Et outre cela, elles font paraître presque toujours, tant les biens que les maux qu'elles représentent, beaucoup plus grands et plus importants qu'ils ne sont, en sorte qu'elles nous incitent à rechercher les uns et fuir les autres avec plus d'ardeur et plus de soin qu'il n'est convenable, comme nous voyons aussi que les bêtes sont souvent trompées par des appâts, et que pour éviter de petits maux, elles se précipitent en de plus grands; c'est pourquoi nous devons nous servir de l'expérience et de la raison pour distinguer le bien d'avec le mal, et connaître leur juste valeur, afin de ne prendre pas l'un pour l'autre, et de ne nous porter à rien avec excès.