CLXXXIII - Comment elle peut être jute ou injuste.
Mais lorsque la fortune envoie des biens à quelqu'un dont il est véritablement indigne et que l'envie n'est excitée en nous que pour ce qu'aimant naturellement la justice, nous sommes fâchés qu'elle ne soit pas observée en la distribution de ces biens, c'est un zèle qui peut être excusable, principalement lorsque le bien qu'on envie à d'autres est de telle nature qu'il se peut convertir en mal entre leurs mains; comme si c'est quelque charge ou office en l'exercice duquel ils se puissent mal comporter; même lorsqu'on désire pour soi le même bien, et qu'on est empêché de l'avoir pour ce que d'autres qui en sont moins dignes le possèdent, cela rend cette passion plus violente, et elle ne laisse pas d'être excusable, pourvu que la haine qu'elle contient se rapporte seulement à la mauvaise distribution du bien qu'on envie, et non point aux personnes qui le possèdent ou le distribuent. Mais il y en a peu qui soient si justes et si généreux que de n'avoir point de haine pour ceux qui les préviennent en l'acquisition d'un bien qui n'est pas communicable à plusieurs, et qu'ils avaient désiré pour eux-mêmes, bien que ceux qui l'ont acquis en soient autant ou plus dignes. Et ce qui est ordinairement le plus envié, c'est la gloire; car encore que celle des autres n'empêche pas que nous n'y puissions aspirer, elle en rend toutefois l'accès plus difficile et en renchérit le prix.