BUTOR, Michel (1926 - )
"(...) ce cordon de phrases est un fil d'Ariane parce que je suis dans un labyrinthe, parce que j'écris pour m'y retrouver (...)"
Michel Butor, L'Emploi du Temps (1956), p. 274, éd. 10/18"(...) il me faut écrire un livre; ce serait pour moi le seul moyen de combler le vide qui s'est creusé, n'ayant plus d'autre liberté (...)"
Michel Butor, La Modification, p. 272, éd. 10/18"Je ne puis espérer me sauver seul. Tout le sang, tout le sable de mes jours s'épuiserait en vain dans cet effort pour me consolider.
Donc préparer, permettre, par exemple au moyen d'un livre, à cette liberté future hors de notre portée, lui permettre, dans une mesure si infime soit-elle de se constituer, de s'établir,
c'est la seule possibilité pour moi de jouir au moins de son reflet tellement admirable et poignant (...)"
Michel Butor, La Modification, p. 274, éd. 10/18"Chacun sait que le romancier construit ses personnages, qu'il le veuille ou non, le sache ou non, à partir des éléments de sa propre vie, que ses héros sont des masques par lesquels il se raconte et se rêve, que le lecteur n'est point pure passivité, mais qu'il reconstitue, à partir des signes rassemblés sur la page, une vision ou une aventure, en se servant lui aussi du matériel qui est à sa disposition, c'est-à-dire de sa propre mémoire, et que le rêve, auquel il parvient de la sorte, illumine ce qui lui manque.
Dans le roman, ce que l'on nous raconte, c'est donc toujours aussi quelqu'un qui se raconte et nous raconte."
Michel Butor, Essais sur le Roman, p. 74, éd. Idées."Le narrateur, dans le roman, n'est pas une première personne pure. Ce n'est jamais l'auteur lui-même littéralement. Il ne faut pas confondre Robinson et Defoe, Marcel et Proust. Il est lui-même une fiction, mais parmi ce peuple de personnages fictifs, tous naturellement à la troisième personne, il est le représentant de l'auteur, sa persona. N'oublions pas qu'il est également le représentant du lecteur, très exactement le point de vue auquel l'auteur l'invite à se placer pour apprécier, pour goûter telle suite d'événements, en profiter."
Michel Butor, Essais sur le Roman, p. 76, éd. Idées.
"Il y a certes un roman naïf et une consommation naïve du roman, comme délassement ou divertissement, ce qui permet de passer une heure ou deux, de "tuer le temps", et toutes les grandes œuvres, les plus savantes, les plus ambitieuses, les plus austères, sont nécessairement en communication avec le contenu de cette énorme rêverie, de cette mythologie diffuse, de cet innombrable commerce, mais elles jouent aussi un rôle tout autre et absolument décisif : elles transforment la façon dont nous voyons et racontons le monde, et par conséquent transforment le monde."
Michel Butor (1926 - ), Essais sur le Roman (1960), p. 112, éd. Idées.
"Il ne peut y avoir de réalisme véritable que si l'on fait sa part à l'imagination, si l'on comprend que l'imaginaire est dans le réel, et que nous voyons le réel par lui. Une description du monde qui ne tiendrait pas compte du fait que nous rêvons ne serait qu'un rêve. Le mot réalisme ne peut désigner qu'une attitude morale, une volonté de tenir compte des choses telles qu'elles sont, sans se contenter d'illusions, de consolations; cela implique une volonté de tenir compte des rêves tels qu'ils sont."
Michel Butor (1926 - ), Essais sur le Roman (1960), p. 182, éd. Idées.