LUCRECE, Titus Lucretius Carus (v. -98 - v. -55)
"Car les sots admirent et aiment de préférence tout ce qu'ils croient distinguer dissimulé sous des termes ambigus, et ils tiennent pour vrai ce qui peut toucher agréablement l'oreille, et se présente tout fardé de sonorités plaisantes."
Lucrèce, De la Nature, I, 640, éd. Les Belles Lettres, p.53
"Omnia enim stolidi magis admirantur amantque inuersis quae sub uerbis latitantia cernunt, ueraque constituunt quae belle tangere possunt auris, et lepido quae sunt fucata sonore."
Titus Lucretius, De Rerum Natura, I, 640
"Les sots préfèrent et admirent ce qui leur est dit en termes obscurs (...)"
Lucrèce, De la nature, I, 640Suave, mari magno turbantibus aequora ventis
e terra magnum alterius spectare laborem;
non quia vexari quemquamst iucunda voluptas,
sed quibus ipse malis careas quia cernere suavest.
suave etiam belli certamina magna tueri
per campos instructa tua sine parte pericli;
sed nihil dulcius est, bene quam munita tenere
edita doctrina sapientum templa serena,
despicere unde queas alios passimque videre
errare atque viam palantis quaerere vitae,
certare ingenio, contendere nobilitate,
noctes atque dies niti praestante labore
ad summas emergere opes rerumque potiri.
o miseras hominum mentes, o pectora caeca!
Titus Lucretius, De rerum natura, II, v.1-19Il est doux, quand la mer est haute et que les vents soulèvent les vagues, de contempler du rivage le danger et les efforts d’autrui : non pas qu’on prenne un plaisir si grand à voir souffrir le prochain, mais parce qu’il y a une douceur à voir des maux que soi-même on n’éprouve pas. Il est doux aussi, dans une guerre, de voir les grands combats qui se livrent en plaine, sans que soi-même on ait part au péril. Mais rien n’est plus doux que d’habiter ces hauteurs sereines que la science défend, refuge des sages ; et de pouvoir de cet asile jeter ses yeux sur les autres hommes, et de les voir çà et là s’égarer et, vagabonds, chercher la route de la vie, faire assaut de génie, se disputer sur la noblesse du sang, nuit et jour s’efforcer à un dévorant labeur pour s’élever jusqu’à la fortune et posséder le pouvoir. Ô misérables cœurs des hommes ! ô esprits aveuglés !
Lucrèce, De rerum natura, II, v.1-19, traduction de Lavigne