GORKI, Maxime [Alekseï Maksimovitch Pechkov] (1868 - 1936)
— Je parlais, continua Paul, non du Dieu bon et miséricordieux auquel vous croyez, mais de celui dont les popes nous menacent comme d'un bâton, d'un Dieu au nom duquel on veut forcer tout le monde à se soumettre à la volonté cruelle de quelques-uns.
Maxime Gorki, La Mère, traduction René Huntzbucler, éd. Hier et Aujourd'hui, p. 55— Ça, c'est plus fort que les livres! Quand une machine arrache un bras ou tue un ouvrier, ça s'explique: c'est lui le fautif. Mais quand on suce le sang d'un homme, et qu'on le jette après comme une charogne, il n'y a pas d'explication à ça. N'importe quel assassinat, je le comprendrais, mais torturer pour le plaisir, je ne comprends pas ça! Pour quoi faire qu'on martyrise le peuple; qu'on nous torture, nous autres? Pour plaisanter, pour rigoler, pour bien se distraire sur terre, pour qu'avec notre sang on puisse tout acheter, une chanteuse, des chevaux, des couverts en argent, de la vaisselle d'or, des jouets chers pour les gosses. Et toi, travaille, travaille davantage, pendant que j'accumule l'argent de ta peine pour offrir un vase en or à ma maîtresse.
Maxime Gorki, La Mère, traduction René Huntzbucler, éd. Hier et Aujourd'hui, p. 215— Il y a des fois où quelqu'un vous parle, vous parle, et on ne le comprend pas, jusqu'au moment où il arrive à vous dire je ne sais pas quel mot, un mot simple, et rien que ce mot, tout d'un coup, éclaire tout! dit rêveusement la mère... C'est comme ce malade. J'ai entendu souvent et je sais bien moi-même comment on fait trimer les ouvriers à la fabrique et partout. Mais ça, on est habitué depuis tout petit et ça ne vous touche pas beaucoup. Et brusquement il a dit quelque chose de si humiliant, de si dégoûtant. Seigneur! Est-il possible que les gens passent toute leur vie à travailler pour que les patrons se permettent des railleries pareilles? Ça ne peut pas se justifier!
Maxime Gorki, La Mère, traduction René Huntzbucler, éd. Hier et Aujourd'hui, p. 221