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Le Rayon documentaire
LE
RAYON DOCUMENTAIRE :
une sélection de brochures et petits opuscules
conservés
à la bibliothèque municipale de Lisieux.
CONNEXIONS INTERNET ET
INTERTEXTUELLES (11.VII.00) [
En pause depuis le 31.12.2010] :
Vous pouvez voir et examiner tous
les contextes d'un mot, d'un nom de
lieu ou de personne, dans l'ensemble des textes en interrogeant les
bases
LexoTor
(textes lexoviens indexés à Toronto).
Pour vous
donner une idée de l'intérêt de
LexoTor, vous
pouvez regarder aussi deux
modèles de pistes indicatives d'explorations individuelles :
le
mot
lettres
dans les Archives des Sélections mensuelles;
accusateur
public
et
maîtresse
dans
Le
Réquisitionnaire de
Balzac.
Le Pêcheur des bords de Seine (1840) par M.-J. Brisset (1792-1856) : " M
ÉDISE
de la pêche qui voudra ! Nomme qui voudra la ligne : Une perche ayant
un animal d'un côté et un imbécile de l'autre, je m'inscris contre les
détracteurs de cet innocent plaisir.
Stultum me fateor,
comme dit Horace. J'avoue que j'ai été quelquefois l'un de ces
imbéciles, et qu'il m'est resté mille charmants souvenirs de ces heures
passées, le bras tendu, l'œil fixé sur le bouchon fuyant d'un air
affairé dans le courant qui l’emporte, ou stationnant, pour ainsi dire
endormi sur la surface d’une eau tranquille, comme le chat patelin dont
l'œil, mi-fermé par un sommeil trompeur, ne regarde que de coin les
petits oiseaux qu'il guette. Et, dites-moi, quel passe-temps, quel
plaisir eut jamais un cadre plus riant et plus gracieux ! Ce ne sont
plus les arides guérets, les bords pierreux des luzernes ou les
lisières des taillis hérissées de ronces, que le chasseur arpente et
côtoie sous le soleil d'automne. Au pécheur les frais gazons, les repos
sous la saulée, les harmonies fluviales, les contrastes de la lumière
glissant en rayons d'argent sur l'onde immobile, et se brisant,
s'éparpillant plus loin en sautillements joyeux, à la suite des flots
qui moutonnent sur un fond de cailloux, ou ruissellent amoureusement
sur un lit de sable fin..."
Le Cocher de coucou (1840) par Louis Couailhac (1810-1885) : " D
E
tous les véhicules de l'Epoque-Rococo, il ne reste que le coucou de
Paris et la vinaigrette de Lille ; le coucou, humble boîte à
compartiments que traîne un cheval poussif, la vinaigrette qui tient le
juste-milieu entre la chaise à porteur et la brouette. C'est la
vieillesse qui a conservé la vinaigrette, c'est la jeunesse qui fait
vivre le coucou ! C'est une si charmante voiture ! On y est si bien
pressé, si bien serré, si bien étouffé ! Elle rappelle si bien l'époque
où les Desgrieux des gardes françaises et de la basoche allaient manger
une matelotte à la Râpée avec les Manon Lescaut des piliers des halles
! Comme tout ce bon attirail de cheval et de voiture unis ensemble
respire le parfum de la galanterie joyeuse, vive et folle du bon temps,
du temps où les grisettes portaient les jupes courtes, faisaient
gaiement claquer leurs galoches sur le pavé, se décolletaient comme des
marquises et se moquaient de tout avec Madelon Friquet ! Oh, la
charmante voiture ! comme le coude touche le coude, comme le genou
presse le genou, comme la taille des jeunes filles est abandonnée sans
défense aux entreprises des audacieux !.. "
La Demoiselle de compagnie (1840)
par Étienne Cordellier-Delanoue
(1806-1854) : " EN parcourant de bas en haut la série des existences
déplacées, depuis la portière incomprise « qui n'a pas toujours tiré le
cordon, » jusqu'à la sous-maîtresse de pensionnat, qui aurait pu
épouser le fils d'un pair de France, on trouve la femme de charge, type
grave et majestueux qui ne rit pas ou qui ne rit guère, et auquel il
faut nécessairement associer la gouvernante, autre physionomie que
Collin d'Harleville a si parfaitement saisie et résumée dans le
personnage de madame Evrard. Au-dessus de madame Evrard, mais bien
au-dessus, dans un monde tout autre, dans des régions toutes nouvelles,
loin du contact épais des grands cousins venus d'Auvergne et des
plaintes asthmatiques de ce bon M. Dubriage, nous trouvons la
demoiselle de compagnie, qui est à la femme de charge ce que celle-ci
est à la simple bonne d'enfants, ce que l'intendant est au secrétaire,
et le secrétaire au palefrenier ; la demoiselle de compagnie, objet de
luxe, fantaisie de bon goût, réservée exclusivement aux gens riches, et
que la moyenne propriété ne connaît que par ouï-dire ; à peu près comme
les services complets en vieux Sèvres, les chevaux pur sang, les eaux
de Bade, les migraines et les vapeurs. Une femme qui a des vapeurs ne
saurait se passer d'une demoiselle de compagnie... "
La Jeunesse depuis cinquante ans (1840) par Pierre
François
Tissot (1768-1854) : " D
ANS
tous les temps de ma vie, la jeunesse a été pour moi un objet d'études
; je l'observais déjà même alors que je figurais dans ses rangs, et que
je me livrais, avec mes émules, aux distractions et aux plaisirs de
notre âge. Je me rappellerai toujours ma surprise en voyant des pères
de famille envoyer chaque année leurs fils dans cette grande capitale
où souvent ils se trouvaient abandonnés à eux-mêmes sans appui, sans
conseil et sans guide : les fâcheuses conséquences de cet isolement de
la jeunesse m'affligeaient à vingt ans ; depuis l'époque de cette
première disposition de mon esprit et de mon cœur, la sympathie n'a
point cessé de s'accroître entre moi et les générations successives de
la jeunesse de nos jours ; j'ai eu de fréquents rapports avec elle, de
nombreuses occasions de la connaître, je vais essayer de la peindre
telle que je l'ai vue avant, depuis et après la révolution. Les enfants
du peuple poussaient le défaut d'instruction jusqu'à ignorer souvent
les éléments de la lecture et de l’écriture ; ils conservaient les
idées religieuses qui leur avaient été inculquées par leurs mères dès
le berceau, ou par les frères de la doctrine chrétienne, chargés de
l'explication du catéchisme. Une partie de cette jeunesse, livrée à
elle-même ou rebelle à l'autorité paternelle, tombait dans de graves
désordres, conséquence inévitable de la paresse et de l'oisiveté, et
allait peupler les prisons... "
L'Huissier de campagne (1841) par Eugène Nus (1816-1894) : "E
NFANT
du canton qu'il exploite, le praticien en herbe, à peine arrivé à l'âge
de raison, consacre les blondes années de sa jeunesse au culte des
expéditions et à l'adoration du code civil. Le rêve doré poursuivi par
son âme ardente, l'ambition qui germe et mûrit dans son cœur, se
résument dans l'espoir d'ajouter au nom que lui ont transmis ses aïeux
la qualification d'huissier patenté de troisième classe sous n'importe
quel numéro, et de voler glorieusement sur la trace de ses
prédécesseurs. — Voler est employé ici dans le sens purement figuré. —
Enfin, il parvient à ce but constant de ses désirs, et dans la carrière
que son patron ne poursuit plus, il va secouer la poussière des
nombreux exploits de ses devanciers, tout en héritant de leur science
et de leurs vertus sous forme d'un volume ayant pour titre le
Parfait huissier.
Une fois en possession de sa charge, le nouveau titulaire se choisit
une femme, ce qui fait dire aux mauvais plaisants du lieu qu'il a pris
à la fois une charge et un fardeau..."
Le Bénéficiaire de concert (1841) par Alfred
des Essarts (1811-1893) : "L
ORSQUE
les bois n'ont plus de feuilles pour abriter leurs musiciens ailés,
lorsque la voix seule du vent exhale ses gémissements lugubres dans les
parcs d'où ont fui les romantiques promeneuses, alors l'harmonie
parisienne recommence son règne bruyant ; alors le mot de concert
tapisse de nouveau tous les coins de rue, et se prélasse aux vitres des
éditeurs de romances ; le chant se déchaîne avec une sorte de furie ;
il se fait, sous prétexte d'harmonie, un vacarme qui effrayerait à coup
sûr l'honnête Asmodée, s'il s'avisait de se poser sur un toit de la
capitale pendant une soirée d'hiver.— Un incroyable mélange d'ut de
poitrine, de ronron de basse, de sons aigus de chanterelle, de
miaulements de hautbois, et d'arpèges de piano, monterait jusqu'au
démon boiteux, contraint de reprendre bien vite le chemin d'un monde
moins mélomane et plus silencieux.—A notre époque, la musique n'est pas
une mode : c'est une fureur, une fatigue, et non un plaisir ; un fruit
sans sève, une fleur sans parfum. Aimeriez-vous une rose que vingt
personnes auraient sentie, une femme qui se produirait à tous les
regards ? De même, la musique, vierge céleste, qui seule a le privilège
de récréer les extases de l'éternité, veut être goûtée sobrement,
livrée à peu d’auditeurs ; elle n'accorde ses révélations qu'à un petit
nombre d'élus, et renie cette armée d'exécutants qui lisent rapidement
la note, et en sont encore à épeler les principes de l'art..."
Le Commissaire-priseur
(1841) par Charles Friès (18..-18..) : C'EST du commissaire-priseur, ce
président obligé de toutes les ventes à la criée, que l'on peut dire
avec raison : Dans ses heureuses mains, le cuivre devient or. Il n'est
guère d'objets qui, touchés par ses doigts magiques, ne se transforment
soudain en choses précieuses. Grâce à lui, les moindres bagatelles sont
souvent vendues à des prix fous. C'est le dieu du négoce, le Mercure du
XIXe siècle. — Il tient à la main, en guise de caducée, un marteau
d’ivoire, à manche d'ébène, dont les coups retentissants sont autant de
veto pour de nouvelles enchères. Le commissaire-priseur est remarquable
par la conscience qu'il apporte à ses ventes. .."
Les Réfractaires
par Amédée Achard (1814-1875) : "VOILA un mot avec lequel on a fait
bien des drames et bien des nouvelles ; soyez assurés, cependant, que
l'avenir nous en réserve bien d'autres encore. Les coulisses du
boulevard du crime et les revues du faubourg Saint-Germain ne
laisseront pas longtemps chômer ce nom-là. Il en est des réfractaires
de l'ère constitutionnelle comme des capitaines d'aventure du moyen âge
: tous les semestres, à peu près, quelque journal ou quelque théâtre
les met en action. Le casque a fait place au feutre troué, la cuirasse
reluisante, à la veste de bure, la longue rapière, au fusil rouillé par
la pluie : c'est toujours une vie semée de craintes et d'espérances,
une existence en pleine campagne, sous l'ombre humide des forêts, dans
les clairières verdoyantes, sous le couvert des taillis. Mais cette
fois le héros ne marche pas gaiement à la face du soleil ; hardi et
joyeux, il erre çà et là le long des sentiers solitaires, dans les
vallons obscurs, sur les plateaux déserts..."
Choses entendues
(1921) par Lucien Guitry (1860-1925) : " A la terrasse du café, Henri
achève de boire son mazagran, et, entre temps, pérore, pour —
semble-t-il — un consommateur assis à deux tables de la sienne, mais en
réalité pour tout un monde de spectateurs qui sont les clients, assis à
toutes les tables qui encombrent le trottoir. En face, de l'autre côté
de la rue, il y a un café-concert fort éclairé. Supposons que ça se
passe à Vichy. — Soixante berges, Messieurs, soixante berges et
toujours frais au turbin, et d'aplomb ; la santé, le moral, le petit
bibi... tout ! Faudra que je te fasse enfin connaître ma femme... un
cœur d'or, c'est autre chose que toutes vos poupées. La femme à
Gustave, tiens, entre autres, tu sais qui c'est ? C'est Fanoche, la
femme au guillotiné... "
L'Affaire Urbain Grandier
(1940) par Armand Praviel (1875-1944) : " Le 23 juin 1634, la ville de
Loudun, qui était alors une importante cité du Poitou, à la fois
ancienne place forte et capitale provinciale, fut le théâtre d'un des
plus extraordinaires spectacles qui se puisse imaginer. Le romantisme a
voulu, suivant sa coutume, en forcer les effets. Tentative bien vaine,
puisqu'il suffit simplement de mettre en ordre et de reproduire des
documents indiscutables. A travers une foule compacte, — la cité
comptait alors 14.000 habitants, et ce chiffre était largement doublé
par l'afflux des campagnes environnantes — une étonnante procession
défilait à grand'peine. Dans les ruelles tortueuses, où les maisons à
encorbellement semblaient vouloir se rejoindre par en haut, et où
fenêtres et balcons supportaient les curieux par grappes, des archers à
barbe pointue, armés de longues hallebardes, se frayaient très
difficilement un passage..."
Le Souffleur (1841) par Charles Friès : " S’
IL
est au monde une profession modeste, ignorée, et qui ne satisfasse
point l’amour-propre, c’est celle de souffleur dans un théâtre. Aussi
ne compte-t-on guère de souffleurs par vocation : l’idée de s’ensevelir
vivants dans un trou affriande fort peu de gens. C’est un état que l’on
embrasse après avoir tâté de vingt autres, et en désespoir de cause.
Assez souvent le souffleur est un comparse à qui l’on a reconnu de
l’intelligence, ou un comédien invalide, pauvre diable qui use son
reste de souffle à souffler ce qu’il ne pourrait plus crier. Parfois
c’est un acteur incompris, qui a passé les belles années de sa jeunesse
à se faire siffler de côté et d’autre, et s’est estimé tout heureux de
trouver, sous le capuchon de bois de sapin, un asile où il pût reposer
sa tête battue par l’orage, et tourner pour toujours le dos à ce public
stupide qui a méconnu son talent..."
Le Paysan marseillais (1841) par Taxile Delord
Le Bayonnais (1841) par Alfred Germond de Lavigne (1812-1891)
La Gouvernante du curé de village (1841) par François Coquille
La Sous-Maîtresse (1841) par Félix de Joncières (1811-1895)
Certains vieux célibataires (1841) par Camille Bernay
Le Sténographe rédacteur (1841) par Adolphe Jadin (1794-1867)
Le véritable chevalier
de Maison Rouge
(1934) par Edouard Gachot (1862-1945) :
"M. Barbuat était le compatriote du célèbre chevalier d’Eon. Homme rude,
l’ancien capitaine au régiment de Champagne faisait enregistrer, en la
ville de Tonnerre, cette note : « Le 8 juillet 1767, est né un enfant
mâle, fils de messire Jacques-François de Barbuat de Maison Rouge,
chevalier, seigneur de Boisgérard, Monfée, etc., et de dame
Anne-Victorine Genève, sa légitime épouse, et le même jour, par
permission de Monseigneur l’évêque, a été ondoyé, en présence du père
qui a signé avec nous. » On donnait à ce garçon les prénoms :
Marie-Anne. Sa mère, qui avait de la beauté et de l’esprit, ne voulut
pas confier l’enfant maladif à des mains mercenaires. Il ne put parler
qu’au début de sa troisième année. Plus tard, souvent triste et
boudeur, on le vit refuser la société de ses frères..."
Les Métiers littéraires,
le Journal industriel (1841) par Francis Guichardet
Les Petits métiers
littéraires,
le Rédacteur industriel (1841) par Francis Guichardet
L'École primaire (1841) par Édouard
Ourliac (1813-1848)
L'Ami d'un homme célèbre (1841) par Édouard
Ourliac (1813-1848)
Les Conseils de révision (1841) par Amédée Achard (1814-1875)
Les Examinateurs
(1841) [Anonyme] : "Un examinateur est un grand monsieur tout en noir,
sauf la cravate blanche et le ruban rouge à sa boutonnière ;
l’expression de son visage est sévère et dure ; jamais le sourire ne
vient effacer les plis de son sourcil éternellement froncé ; il parle
laconiquement avec une voix brève, avec un regard inquisiteur, et ne
répond que par des hochement de tête affirmatifs aux discours prolixes
et verbeux du directeur dont il est censé inspecter l’institution, ou
du professeur dont il s’imagine interroger les élèves. Un superbe
dédain est stéréotypé sur son front ; toute la morgue pédantesque et
l’orgueil pédagogiste se trahissent dans son allure empesée, dans son
importance gourmée..."
L'Ermite du Vésuve (1832) par Alexandre Rabot (18..-18..)
Les Filles d’actrices (1841) par Jules Mayret (1810-1889)
Les Premières représentations (1841) par Francis Guichardet (18..-18..) : "S
OUVENT
le public qui remplit une salle le jour d’une première représentation
est plus curieux à étudier que les acteurs de la scène et les
chefs-d’œuvre qu’ils ont la prétention de jouer. Ce que Paris renferme
de plus illustre et de plus élégant, disent les journaux (et les
journalistes sont toujours en majorité), se donne tacitement
rendez-vous pour ces grandes solennités. Le théâtre, les arts, la
littérature, et ce qu’on est convenu d’appeler le monde, y envoyent
leurs représentants. C’est un panorama d’hommes de génie, un
kaléidoscope de grands noms, une macédoine d’illustrations dont la
renommée universelle ne dépasse pas les limites de la presse. La
critique domine cette brillante réunion ; car depuis un temps
immémorial, un certain nombre de loges et de stalles lui est réservé.
Aussi méprise-t-elle les spectateurs ordinaires de toute la supériorité
que les directeurs lui accordent ; et si vous n’êtes pas rédacteur des
Débats, attaché au Petit Poucet littéraire ou à la Revue fashionable
des apothicaires unis, vous ne devez aspirer qu’au simple rôle de
comparse. Nous pouvons donc diviser les assistants en deux classes
distinctes : ceux qui y viennent par nécessité ou par désœuvrement, et
les gens qui y sont attirés par l’espoir de s’y amuser, et le désir de
connaître les sommités de la première catégorie..."
Le Banquier (1841) par François Fertiault
(1814-1915) : "L
’ARGENT
est une marchandise. Ceci est un principe reconnu déjà par bien des
gens comme un axiome. Tous ceux qui exercent ou connaissent une
industrie quelconque, se livrent à la moindre opération d’achat ou de
vente, de prêt ou d’emprunt ; tous ceux qui touchent au commerce,
depuis les hauts et puissants seigneurs de la finance, qui remuent dans
leurs coffres et leurs caisses l’or et l’argent à pelletées, jusqu’au
timide et obscur brocanteur, qui attend de quelque échange, troc ou
marché, longtemps et péniblement élaboré, le misérable gain qui doit le
faire vivre au jour le jour : tous ceux-là, dis-je, savent à quoi s’en
tenir sur la valeur de l’argent... Les uns le font trop souvente fois
bien amèrement savoir aux autres !.."
L'Hôtel Carnavalet
(1832) par François-Alphone Loève-Veimars (1799-1854) : "Au fond du
Marais, à deux pas de la place Royale, est encore la maison qui fut
habitée si long-temps par madame de Sévigné. On l’aperçoit à l’angle de
la rue Culture-Sainte-Catherine, ou de la Couture-de-Sainte-Catherine,
comme on disait autrefois. Cette culture ou terrain cultivé appartenait
aux religieux de Sainte-Catherine ; ce qui n’empêchait pas les
courtisanes d’y demeurer ; car à ce même coin de rue logeait, du temps
de Charles VI, la belle Juive, dont son frère, le duc d’Orléans, était
si épris, et à la porte de laquelle fut assassiné le connétable de
Clisson, meurtre fameux, si curieusement conté par nos historiens,
qu’il semble qu’on y assiste. On le voit passer, par une nuit sombre,
ce grand connétable, armé seulement d’un petit coutelas, et fongeant au
trot de son bon cheval cette étroite rue déserte. On est caché avec les
assassins sous l’auvent du boulanger, où ils l’attendirent ; on entend
le bruit de la lourde chute du cheval percé de trois grands coups
d’estramaçon, le bruit de la chute du connétable, dont la tête va
frapper contre une porte qu’elle fait ouvrir ; ses plaintes, ses
gémissements, les pas des assassins qui s’enfuient, puis le silence.
Puis les cris des bourgeois accourant..."
Les Appartements à louer (1832) par Emile Deschamps (1791-1871)
La Maison de malheur des flamands (1833) par Samuel-Henry Berthoud (1804-1891) : " Si vous voulez voir la
Maison de malheur des Flamands, il vous faut
suivre la ligne du boulevart, traverser la solitude du passage Vendôme,
entrer dans la rue Dupuis, vous risquer entre l'avenue des deux
rotondes de boutiques qui forment le Temple, et arriver jusqu'à
l'extrémité de la rue de la Corderie, en face de la porte cochère
surmontée d'un n° 1 presque effacé. Là, autorisé par de nombreux écriteaux d'appartements à louer qui se
balancent aux ais disjoints de cette porte, vous monterez au troisième
étage, par un escalier qui se trouve à gauche dans la cour : une fois
au quatrième étage, vous ouvrirez une des fenêtres intérieures, et vous
vous trouverez nez à nez avec la
Maison de malheur des Flamands ;
maison enfouie au milieu de culs-de-sacs, de ruelles étroites, et qui,
basse et toute petite, ne s'aperçoit distinctement, au milieu de ses
voisines à quatre étages, que des fenêtres indiquées. Si la
Maison de malheur des Flamands n'a qu'un étage, en revanche
elle a deux toits... "
Au seuil de la vie secrète (1927) par Eugène Gascoin (18..-19..) : "
C’est un businessman dont la plume d’or fait naître sur la page blanche
d’un carnet la floraison des chiffres, gage des moissons futures ; plus
humblement, c’est une petite vieille portant au bras le cabas classique
d’où émerge la face lunaire d’un chou-fleur ; un sergent de ville aux
belles moustaches et qui, de son bâton, arrête ou laisse fluer la pâte
presque homogène des voitures. Encore, c’est une jeune femme que rien
ne distingue, pas même la qualité de son bavardage mondain ; enfin,
sourire aux dents et perle au plastron, un élégant commis qui, pour une
Américaine, emprisonne et fait jouer dans une gemme de 10 000 dollars
toute la féerie du soleil. A les voir ainsi – car ils sont tels et nous
n’avons rien inventé, – figurants anonymes en la fresque grise de
l’existence, volontiers notre malveillance leur prêterait une vie
intellectuelle réduite à la gazette quotidienne, des besoins
sentimentaux que suffisent à combler les joies monocordes du ménage,
l’illusion sans faste de la plus banale aventure, et pourtant, tout en
achetant, vendant, écrivant comme nous, sans que rien ne les distingue
des autres, savourant l’amer orgueil des croyances solitaires, ils
s’enivrent à longs traits du mystérieux et de l’invérifiable. Demain,
dans une heure peut-être, vêtus des ornements que brodent le triangle
symbolique ou le pentagramme sacré, évêques, grands-maîtres, voire
simples fidèles, ils entraîneront leur extase par le jeu méthodique des
formules et des gestes, jusqu’aux frontières indécises où commencent
les jardins de l’hallucination et de la folie, riches en vénéneux
parfums..."
Le Luxembourg (1832) par Félix Joncières (1811-1895) : " Je me connais mal en architecture : aussi, au risque d’être appelé
Vandale, je dis franchement que j’aime peu le palais du Luxembourg.
J’avoue que le travail en est savant et régulier ; mais tous ces
bossages qui sillonnent l’édifice et le zèbrent horizontalement me
paraissent un enjolivement mesquin, sans grâce comme sans candeur. Il
me semble voir une tête d’étude qu’une main inhabile a voulu ombrer, et
qu’elle a chargée de hachures roides et tirées pour ainsi dire au
cordeau. Enfin quel qu’il soit, de grands souvenirs le recommandent à
notre attention. Passant de maîtres en maîtres, et d’usages en usages ;
tour à tour
sanctuaire de plaisirs et sanctuaire de douleurs ; poussant des cris
d’allégresse ou des cris de terreur ; ayant à ses portes des geôliers
ou des gardes ; tribunal et prison en même temps ; se parant un jour
pour une fête, se voilant le lendemain pour une mort ; espèce de
monument
factotum ; propre à tout, même à couvrir des têtes royales ;
insignifiant par cela même qu’il est sous la main du premier venu haut
placé, et qu’il sert de pis-aller à tous venants ; maintenant changé en
un prytanée politique où toutes les vieilles gloires et les vieilles
réputations vont prendre leur retraite, en cassant ou en sanctionnant
des lois : voilà quelles ont été ses destinées !.. "
L'Église Saint-Eustache (1833) par Victor Lottin de Laval (1810-1903) : " Au centre de Paris, dans le quartier le plus fangeux, le plus triste,
s'élève, sur une large base, l'église de Saint-Eustache, admirable
souvenir, comme architecture religieuse, du règne de François 1er. —
Son origine est fort ancienne ; les bénédictins, de Launoy et Dulaure,
nous disent qu'à cet endroit fut un temple consacré à Cybèle, dont on
trouva une tête colossale en bronze, au coin de la rue Coquillière, en
creusant les fondements d'une maison. Cette tête est gravée dans Caylus ; l'original se trouve maintenant au
cabinet des antiquités de la Bibliothèque. En 1200, un certain Jean Alais, à qui la conscience reprochait d'avoir
mis une taxe de
ung dénier seur chaque panié de poiçon, y fit
construire, pour l'absolution de sa faute, une petite chapelle relevant
du chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois, et qui fut dédiée à sainte
Agnès. Plus tard, le nom de Saint-Eustache prévalut sur celui de Sainte-Agnès
; on ignore le motif de cette substitution de noms. Un vieil auteur,
que nous avons consulté, suppose qu'il vient d'un prêtre ambitieux et
plein de vanité, qui s'appelait Eustache, au reste,
saint très-peu
connu... "
Mes débuts dans
l’Université
(1935) par Louis Bertrand (1866-1941) : "
… C’était pendant la dernière semaine de septembre 1888. Autant que je
me rappelle, j’avais dû prendre à la gare de Lyon un express qui
partait de Paris vers deux heures de l’après-midi pour arriver à
Marseille le lendemain, vers six ou sept heures du matin. Je sortais de
Normale. J’avais vingt-deux ans. Récemment nommé professeur de seconde
au lycée d’Aix-en-Provence, j’allais rejoindre mon poste. Une vie
nouvelle commençait pour moi. Je n’étais plus un élève, j’étais mon
maître, ou je pouvais en avoir l’illusion… Vingt-deux ans ! Un avenir
qui n’avait rien de désespéré ! Et Marseille, la Provence, le soleil
méditerranéen, la mer à l’horizon ! Le lendemain, à l’aube, je
descendrais de wagon devant des paysages tout neufs pour mes yeux, dans
un pays dont j’avais longtemps rêvé, et qui ne pouvait être que
merveilleux ;... J’aurais dû être enchanté et, avec mon habituel
tempérament, fou de joie ! Et pourtant j’étais triste, inquiet,
mécontent de moi et des autres. Par la portière de mon compartiment de
troisième classe, je regardais sans enthousiasme défiler les plaines
médiocres du Senonais, puis, à flancs de coteau, les petites villes
bourguignonnes, qui s’échelonnent avant Dijon et dont certaines sont
charmantes : Joigny, Tonnerre, Montbard, les Laumes… "
La Descente de
la Courtille (1833) par Auguste Luchet (1806-1872) : " On a peu écrit sur le carnaval, en France. Cette surprenante époque de
l'année n'a point d'historien chez nous. Il est raisonnable de penser
que la majestueuse gravité de nos moralistes aura craint de se
compromettre en y touchant ; et c'est, à mon avis, bien dommage. Car il
y aurait de grands et curieux enseignements à prendre dans un livre qui
nous raconterait les carnavals de Paris, seulement depuis un
demi-siècle depuis les joyeuses promenades aux Porcherons, sous le roi
Louis XVI, nocturnes dévergondages, où des dames, comme la comtesse de
Genlis, la princesse Potocka et de plus hautes encore, se vantaient
d'avoir pris leur part de folie, déguisées en cuisinières ; d'avoir,
ainsi défigurées, fait la débauche avec des ducs en laquais et des
laquais en ducs ; d'avoir mangé populairement des pigeons à la
crapaudine, du veau rôti et une salade de barbe de capucin ; enfin,
d'avoir bu, en vraies cuisinières, et sans faire trop laide grimace,
chacune un verre ou deux de
sacré
chien tout pur ! Certes, ce serait une plaisante occupation que
d'étudier les préludes de la grande révolution dans ces visites
incognito du seigneur à l'ouvrier, dans ces pique-niques de confuse et
tumultueuse égalité "
Bicêtre (1833) par P. L. Jacob (1806-1884
) : "
Bicêtre a été maison de plaisance épiscopale, château de prince et de
roi, masure abandonnée et repaire de voleurs, hospice militaire ;
Bicêtre est aujourd'hui hôpital et prison, jusqu'à ce que l'autocratie
ministérielle efface un de ces deux titres, épouvantés de se trouver
ensemble sur le même frontispice : Bicêtre ne veut plus être un lieu de
réprobation et d'infamie. En 1204, Jean, évêque de Winchester en Angleterre, lequel résidait en
France à la cour de Philippe-Auguste, acheta une ferme située sur une
hauteur et dans un terrain argileux, à une lieue environ de l'enceinte
de Paris. Cette ferme, qui se nommait la Grange aux
queux ou
gueux, sans que les historiens
aient éclairci l'une ou l'autre origine également plausible, fit place
à un château bâti et orné avec une magnificence prodigieuse pour le
temps : les fenêtres étaient garnies de châssis de verre !... "
Le Siège de
Paris et la Commune
(1928) par Gaston Jollivet (1842-1927) : "Par une de ces grandes pluies
qui n’abattent même pas grand vent, comme il y en a tant dans notre
joli mois de mai, je sortais du Cirque des Champs-Élysées et je
m’essayais à ouvrir mon parapluie battu par la tempête, quand je
m’entendis héler. Le brave prince romancier Lubomirski, ni lu ni beau,
comme disait Scholl, et avec qui je devais souper, me cria de loin, en
faisant rouler ses r coutumiers : « Voulez-vous, cherr ami ;
prrêtez-moi votrre parrapluie ? » Il pleut vraiment trop, je fais la
sourde oreille ; mais, pendant que je suis tout à mon parapluie pour
moi-même, une dame s’est fourrée dessous, se courbe, se plie en deux,
serrant ses jupes, et je n’ai plus qu’à la suivre. Elle risque un pas,
puis deux, évite les flaques pour elle, me les laisse, et nous voilà
enfin au bord du trottoir, devant un fiacre que Lubomirski est allé
quérir, où elle s’engouffre en me jetant, sans se retourner, un «
grand merci » qui va se perdre dans les coussins où elle s’abat,
probablement sans se soucier de savoir si Lubo, qui est sans parapluie,
ne va pas attraper une bronchite..."
Un Procès de Faux et d’Envoûtement au Moyen Age
(1925) par Henri d'Alméras (1861-1938) : "En 1249, vers le milieu du
mois de mai, la flotte de Louis IX était partie de Chypre. Des dix-huit
cents vaisseaux qui la composaient, ceux que n’avaient pas dispersés le
vent et la tempête cinglaient vers l’Égypte. Le 4 juin, un des pilotes
s’écria, d’une voix qui tremblait un peu : - Dieu nous aide ! Dieu nous
aide ! voici Damiette. Au loin, derrière une ligne jaunâtre, frangée
d’écume, on aperçut les minarets de la ville, dressés dans l’azur, et
les étangs qui étincelaient sous le soleil. Tous ces chevaliers, tous
ces hommes d’armes, dont les regards se fixaient sur la côte
sablonneuse et basse, éprouvaient, au moment de l’aborder, autant de
crainte que d’impatience..."
La Femme à la mode et la femme élégante en 1833 (1833)
Eugénie Foa (1796-1852) : "Je dis en 1833, car pensez bien que la femme
à la mode de 1833 n'est point celle qui l’était en 1832, et certes ne
sera pas non plus celle de 1834. Hélas ! un règne n'est quelquefois pas
aussi long, qui sait ? J'en connais d'aucune à qui trois mois, un mois,
voire même huit jours, avaient suffi, et qui, au bout de ce temps, se
trouvait éclipsée par une rivale qui n'était ni plus belle, ni plus
jeune, ni plus riche, mon Dieu non, mais à laquelle le caprice, un
rien, quoi, moins que rien, la mode avait remis son sceptre. Et
insouciante, folle, légère, parée de gaze et de fleurs, de soie et de
fourrure, elle l'avait accepté, ce sceptre, sans en connaître toutes
les chargées, sans en calculer les revers..."
Avec Eléonora Duse
(1932) par Lugné-Poe
(1869-1940) : « … Surnaturelle pour le bien comme pour le mal ! » A
l’instant, et toute la journée, cette phrase hallucinante s’inscrit
dans mon esprit… Lorsque j’essaie de retracer une physionomie ou de
revivre certains faits, et avant de jeter ces petites notes sur le
papier, j’ai pris l’habitude de rechercher quels furent mes
collaborateurs au moment où les faits se déroulèrent, pareillement
lorsque cette figure a traversé la vie de l’Œuvre, je tiens à connaître
les impressions conservées par les uns et les autres. Très peu me
répondent, mais qu’une seule réponse survienne et elle éclaire un passé
d’un reflet souvent très effacé. M’étant adressé parmi tant d’autres à
un ancien régisseur qui débuta, adolescent, à l’Œuvre et qui ensuite
abandonna le théâtre, il m’écrivit d’assez loin : ... »
Mademoiselle Roland
(1932) par Armand Praviel (1875-1944) : " Sous le Second Empire vivait
à Paris une vieille dame, fort pieuse, qui se nommait Mme Pierre-Léon
Champagneux. C’était une personne dont la bouche un peu tombante et les
grands yeux mélancoliques corrigeaient le nez légèrement retroussé qui,
jadis, avait dû être mutin. Elle comptait parmi ses relations l’abbé
Combalot, le père Lacordaire, et surtout M. Armand-Prosper Faugère,
fondateur du Moniteur religieux et savant éditeur de nombreuses
publications relatives à Pascal et au Jansénisme. On éprouvait quelque
peine à s’imaginer que cette personne austère, si appréciée dans les
plus hautes sphères catholiques, fût la fille unique de la fameuse Mme
Roland, qui rédigeait des ultimatums à celui qu’elle appelait « le
prince-évêque » de Rome, et qui monta sur l’échafaud en invoquant
païennement la Liberté. Rien de plus exact cependant... "
L'Espion Rivoire et ses juges
(1936) par Henry Le Marquand (1862-1943) : " On avait vu rôder dans le
pays des cavaliers inconnus paraissant bien armés, évitant les grandes
routes, contournant les villages, empruntant les chemins creux et les
sentes, chevauchant la nuit, disparaissant le jour dans les bois,
s’arrêtant parfois à quelque ferme isolée, dont les tenanciers juraient
aux passants curieux que ces étrangers n’étaient jamais entrés chez
eux. Cela se chuchotait à Loudéac, et peu à peu l’itinéraire des
mystérieux voyageurs se précisait. Ils étaient venus du sud du Morbihan
proche, étaient montés au nord jusqu’à la côte vers Port-Brieuc. On
supposait qu’ils étaient allés jusqu’à l’embouchure du Trieux, avec
l’intention de s’embarquer pour l’Angleterre, mais l’occasion leur
avait dû manquer, car ils étaient revenus dans l’intérieur des terres.
Combien étaient-ils ? On n’en pouvait juger. Personne n’avait eu la
hardiesse de s’approcher d’eux assez près pour les compter au juste.
Ces bruits parvinrent le 30 nivôse de l’an IX (20 janvier 1801) aux
oreilles des gendarmes... "
L’affaire Chambige (1930) et
Le Massacre de Ramel (1927)
par Armand Praviel (1875-1944) : " Le 25 janvier 1888, vers quatre
heures de l’après-midi, trois hommes,
qui paraissait fort inquiets, sortaient de Constantine et se
dirigeaient vers le quartier de Sidi-Mabrouk, qui est séparé de la
ville par la gorge romantique du Rummel. Ils marchaient rapidement.
Bientôt apparut à leurs yeux, au bord de la route, une villa entourée
d’un petit jardin. Devant cette habitation, du plus hideux style
Sadi-Carnot, stationnait un grotesque fiacre de vaudeville, comme il en
foisonnait en Algérie, et aussi en France, à cette époque. Un cheval
d’apocalypse penchait mélancoliquement ses naseaux vers la terre. Sur
le siège, le cocher ronflait. Le premier des trois promeneurs agités le
réveilla. Ils se reconnurent. - Ah ! c’est vous, Luciani ! Hé ! que
diable faites-vous là ? - Bonjour, monsieur Gérin-Roze. Vous le voyez,
j’attends. - Et qui donc ? Ne serait-ce pas mon beau-frère ? - M. Henri
Chambige ? Tout juste. Il m’a pris à deux heures et demie
(il consulta son oignon) et s’est fait conduire à la villa de
l’inspecteur des chemins de fer, M. Grille. Là, nous avons chargé la
jeune dame de ce monsieur, et nous sommes venus ici..."
Le Paris de 1830 (1930) par Francis de Croisset (1877-1937) : "Vous est-il jamais arrivé de vous demander, lorsque vous contemplez un
de ces jeunes portraits de grand’-mères qui font rêver leurs
petits-fils, quelle était la vie quotidienne de ces jolies dames
encadrées ? Je me posais cette question l’autre jour, lorsque après une répétition
des
Précieuses de Genève, je me promenais dans l’Exposition
Charpentier du Centenaire de la
Revue des Deux Mondes.
Je m’étais attardé. Il n’y avait plus personne qu’un agent. Le portrait
d’une jeune femme m’immobilisa. Ses vingt ans portaient la mode de
1830. Bien qu’en robe du soir, elle paraissait avoir un chapeau, – tant
sa coiffure était haute et raide et tant ses coques de cheveux
superposées s’ornaient d’épis de diamants et de rubans jonquille. Ses
épaules tombantes se terminaient par deux courtes manches à gigot,
découvrant un coin de ses bras haut gantés. Deux fines chevilles
émergeaient chastement de la robe et deux petits souliers de Japonaise.
Je ne pouvais me lasser de la regarder. Elle était exquise : son teint
était pâle, ses yeux rêveurs et son aspect si enfantin que je l’eusse
prise pour une jeune fille, n’eût été l’inscription : « Portrait de la
comtesse X… en 1830. » La comtesse X…"
Un Civil aux Armées (1932)
par André Foucault (1880-1941) : " La grande guerre avait débuté le 2
août 1914. Je n’apparus aux Armées – enfant tardif de la Défense
nationale – que le 22 août 1915. La réception fut correcte, mais
fraîche. Les officiers d’artillerie de campagne de l’armée active se
divisaient en postards et versaillais. M. le chef d’escadron Binbin,
postard, commandait le groupe d’artillerie de campagne auquel je fus
affecté. C’était le deuxième groupe du régiment. M. le capitaine
Saumure, postard, y commandait la quatrième batterie ; M. le capitaine
Flytox, postard, la cinquième ; M. le capitaine Duroc, versaillais, la
sixième. Mon affectation à la batterie de M. le capitaine Duroc dut
représenter l’une de ces délicatesses hiérarchiques que les postards
répètent volontiers à l’adresse des versaillais. Les premiers ont reçu
l’éducation des Pères, et sortent de Polytechnique ; les seconds, issus
de familles démunies, sortent du rang... "
La tournée bien
administrée(1929)
par Lugné-Poë (1869-1940) : " En langage simple, « administrer une
tournée » veut dire en « flanquer une ». La question subsiste, « Qui la
reçoit ? » – Le public, la vedette ou la troupe ? Il n’existe pas
jusqu’ici de réponse enregistrée qui soit concluante. Alors ?... On est
un bon « Administrateur » (de tournées) quand on rentre à Paris, sans
grand bobo, c’est-à-dire avec tous ses membres – ceux de la tournée –
avec son étoile à peu près intacte (la formule est vague), qu’elle se
déclare « ravie de l’accueil enthousiaste », etc., sans créanciers aux
trousses, en un mot, les braies nettes ; pour cela s’entend, faut
savoir se débrouiller. – Ce n’est point aussi aisé qu’un vain populo
peut le penser. Tout le monde a entendu parler des tournées. On les
prétend même « Artistiques »... "
Le Naufrage de “la Méduse”
(1931) par André Lichtenberger (1870-1940) : " S’il est une catastrophe
demeurée fameuse dans nos annales maritimes, c’est bien le naufrage de
la frégate
La Méduse, chargée
de ramener au Sénégal, que par les traités de 1815 l’Angleterre nous
restituait, les éléments administratifs et militaires ayant à en
effectuer la réoccupation. Le 2 juillet 1816, la frégate mal dirigée
s’échoua sur le banc d’Arguin, sinistre inoubliable par ses suites, et
notamment par les scènes d’horreur qui se déroulèrent sur le fameux
radeau, parmi les infortunés dont le pinceau de Géricault a immortalisé
les souffrances. Il faut ajouter que des circonstances politiques
valurent à la catastrophe une publicité supplémentaire. Le commandant
Duroy de Chaumareyx, dont l’impéritie semble en avoir été la cause,
était un ancien émigré. Toute la presse de gauche partit en guerre
contre les responsabilités du gouvernement. Le procès du commandant
devant le conseil de guerre porta au
summum les passions. L’article du Larousse ressemble à un réquisitoire... "
Souvenirs
(1930) par Henri Duvernois (1875-1937) : " Il y a des points de
sensibilité par lesquels les enfants heureux finissent par ressembler
aux enfants malheureux. Les uns souffrent de ce qu’ils voient et de ce
qu’ils entendent, les autres de ce qu’ils devinent. C’est une question
de nature : aux cœurs rudes, tout est joie et plaisirs ; aux cœurs
tendres, tout est peine et misère. J’ai connu un bohème qui offrait des
jouets d’un sou aux bébés riches, alourdis de fourrure et de soie. « Je
suis le seul, déclarait-il, à les prendre en pitié. Ce sont de futurs
pauvres…. » Il leur parlait avec la déférence que les Fils du Ciel
marquent aux tout petits, les amusait d’une grimace, les éblouissait
d’un cadeau et disparaissait après avoir doré d’un peu de féerie ces
mornes aurores… Le fait est qu’ils le suivaient d’un regard étonné et
reconnaissant. Un salut de la petite main gantée, le pauvre jouet serré
sur le cœur, comme un trésor. « Rendez-moi cette horreur tout de suite.
Vous êtes fou, glapissait la gouvernante. J’en rendrai compte à votre
papa… "
Un curé séducteur sous la Terreur
(1931) par Henry Le Marquand (1862-1943) : " En quoi les relations du
ci-devant curé de Quinéville avec la ci-devant noble et toujours jolie
Madeleine, nièce du ci-devant seigneur et patron du lieu,
pouvaient-elles nuire à la sûreté générale et aux intérêts supérieurs
de la République une et indivisible ? Les juges ne trouveraient point
de réponse immédiate à cette question ironiquement posée par le curé
démissionnaire Armand Fafin, le 2 mars 1794. Son dénonciateur éprouvait
plus de difficultés que l’accusé à s’expliquer sur les faits. Mais tout
un village et la petite ville chef-lieu du district étaient en émoi et
commentaient des amours interdites par la religion du passé, la
politique du présent et la morale de toujours... "
Le Boulevard
(1912) par Gaston Deschamps (1861-1931) : " Le Boulevard sous le second
Empire, l'esprit moqueur des boulevardiers de ce temps déjà lointain ;
la crânerie, évidemment frivole, mais joliment fringante, de ces
mousquetaires de lettres, qui se battaient à coups de plume, à coups
d'épigrammes, à coups d'épée ou de pistolet pour les beaux yeux de
quelque divette des Bouffes, du Vaudeville, des Variétés ou du Gymnase
; le perron de Tortoni, la terrasse du café Riche ; les cabinets
particuliers de la Maison d'Or ; les romans de la Librairie nouvelle ;
les caricatures de Gavarni et de Cham ; le Figaro de Villemessant ; le
Charivari de Pierre Véron ; les refrains de la Vie parisienne ; de la
Belle Hélène, et d'Orphée aux Enfers ; les flonflons d'Offenbach ; les
chroniques de Jules Noriac, d'Albéric Second et de Villemot, les
pointes et le monocle d'Aurélien Scholl ; les intonations de Dupuis ;
les gandins, les cocodès, les petits crevés, ce sont là des choses,
convenons-en, un peu fanées, ce sont là des gens — disons-le sans
vouloir désobliger personne — un peu oubliés, et dont cependant les
vieux Parisiens ne peuvent évoquer le souvenir sans revoir, comme en
rêve, une fête inoubliable, où Paris, capitale charmante du plaisir, du
talent, de la fantaisie, ouvrant à l'univers entier le caravansérail de
ses expositions universelles, s'attira, en somme, beaucoup de
déceptions et de déboires par la bonne grâce de son excessive
hospitalité..."
De
l'amélioration de la condition des femmes musulmanes en Algérie et en
Tunisie
(1896) par Edmond Groult (1840-19..) : " En prenant la parole dans
cette enceinte, je tiens, tout d'abord à adresser un fraternel salut à
mes amis musulmans. Ce serait une erreur de penser qu'ils sont
réfractaires aux avantages de la science et aux bienfaits du progrès.
Ils applaudissent tous aux belles paroles du Prophète, qu'il serait bon
d'inscrire, avec le texte arabe en regard, sur le frontispice de tous
les monuments publics des contrées musulmanes soumises à notre
domination. C'est sous le patronage de ces paroles que je crois à
propos de me placer... "
Notice sur les cultures maraîchères de Roscoff (1853)
par Achille de Raigniac : "Le jardinage et surtout la culture
maraîchère ne sont pas d'une aussi petite importance qu'on pourrait le
croire au premier aperçu ; les produits alimentaires que cette
industrie fournit aux nations civilisées s’élèvent à des valeurs
immenses. Ils sont d'ailleurs devenus dans l'hygiène de ces nations
d'une nécessité indispensable ; leur production a fait naître et
entretient dans une honorable aisance une population très nombreuse.
D'un autre côté, les méthodes jardinières offrent à la grande culture
des modèles dont elle ne peut, il est vrai, que bien rarement
approcher, mais qui n’en doivent pas moins être pour elle le sujet
d'une étude sérieuse et approfondie. La nature, en effet, toujours
semblable à elle-même, n'a pas deux procédés différents pour faire
croître les plantes dans les champs et dans les jardins. Duhamel, à qui
l'on demandait quelle était la meilleure culture, répondit que c’était
celle qui se rapprochait le plus de la culture d'un jardin. Olivier de
Serres, dans son style figuré,..."
Dandysme littéraire : Barbey d'Aurevilly, Baudelaire, Balzac
(1923) par Eugène Marsan (1882-1936) : "Nous pourrions parler de Musset
et de ses chapeaux cambrés, de Lamartine, si noble, de Mérimée, si
chic, peut-être de Vigny qui, le jour de sa réception à l'Académie, a
tant agacé Sainte-Beuve avec son porte-mine en or et ses pauses
un peu trop attentives.Nous pourrions parler de Chateaubriand, sortant
tous les jours au commencement de l'après-midi, une rose à la
boutonnière de sa redingote, une badine à la main, et nul n’a jamais su
ce qu'il devenait jusqu'à cinq heures, entre les passantes de Paris.
Nous pourrions même parler d'Eugène Sue, qui en vaudrait la Peine comme
dandy. Nous Pourrions surtout parler de Stendhal,..."
Une Visite à la prison Saint-Lazare (1913)
par Claude Ferval (1856-1943) : "Connaissant le goût passionné que j'ai
pour les vieilles pierres, mon ami le docteur X... me proposa de
visiter, avec lui, avant qu'on en jette bas les murs, la prison de
Saint-Lazare. Nous prîmes jour, un jour très prochain, car, dès qu'un
projet agrée, on redoute les mille empêchements qui ne manqueraient pas
de se mettre à la traverse si on leur en laissait le temps. La date
convenue se trouva être un matin de novembre, un de ces matins
parisiens où le ciel chargé de nuées semble écraser les toitures. Une
population« nombreuse était dehors. Des ménagères, suivies pour la
plupart d'un ou deux enfants, s'arrêtaient à des étalages débordés de
fruits, de légumes, ou devant ces bonneteries à bon marché qu'on vend à
l'entrée de l'hiver. Au croisement du faubourg Saint-Denis et du
boulevard Magenta, un édifice se dresse, sombre, puissant, fortifié de
hautes murailles. Dès le portail, on reconnaît le bâtiment
administratif : de son fronton en triangle, pend la loque lamentable
qu'est un vieux drapeau déteint. — C'est ici, murmura le docteur en
faisant arrêter la voiture...
[Discours]
Au Congrès de la Presse, à Londres 22 septembre 1893 par Emile Zola (1840-1902).
A travers les bouges de Paris (1926)
par Georges Bernard : "S’étant présenté pour la quatrième fois à
l’asile, le vagabond a été éconduit, nul n’ayant le droit d’y passer
plus de trois nuits consécutives. C’est un garçon de la province
poursuivi par la justice ou venu à Paris pour y tenter fortune ; des
miséreux l’avaient averti qu’il ne serait pas reçu ce soir-là, mais
sans doute pour montrer à ces Parisiens qu’on peut obtenir ce que l’on
veut en osant, car l’amour-propre de clocher est très vif chez la
canaille, il s’est présenté quand même à l’asile, avec des papiers
nouveaux obligeamment prêtés par un copain, ou pris dans ses poches
pendant le sommeil. Le voici, maintenant, obligé de connaître la
topographie des asiles de Paris, s’il veut y coucher chaque nuit, en
changeant tous les trois jours de logis...."
Une affaire criminelle au XVIIe siècle
(1930) par Frédéric Boutet (1874-1941) : "Les trois causes célèbres,
les plus célèbres du règne de Louis XIV, eurent pour tristes héroïnes
des femmes : la Brinvilliers, la Voisin, la marquise de Ganges. Dans
les trois causes, d’une façon ou d’une autre, interviennent, comme
mobiles du ou des crimes, l’amour et l’argent et, comme moyen de crime,
le poison. Mais, alors que, dans les affaires Brinvilliers et Voisin,
la femme est criminelle et empoisonne ou vend le poison, dans l’affaire
de la marquise de Ganges (antérieure en date d’ailleurs) la femme est
victime et on la met à mort par le poison, par le fer aussi du reste.
Et tout concourt pour donner à ce crime un immense retentissement, pour
expliquer l’universelle émotion qu’il souleva ; ses motifs, brutales
amours changées en haine et conjointement basse cupidité ; ses
circonstances, d’une atrocité jamais surpassée ; la personnalité enfin
des assassins et surtout celle de leur célèbre, séduisante et touchante
victime..."
Une affaire scandaleuse au XVIIe siècle
(1931) par Frédéric Boutet (1874-1941) : La mort déplorable de Mme la
marquise de Ganges, sauvagement assassinée, le 17 mai 1667, par ses
deux beaux-frères avec la complicité de son mari, souleva dans toute la
France et même dans l’Europe entière une émotion et une horreur
profondes. Elle fut une des trois plus marquantes affaires criminelles
du règne de Louis XIV. J’en ai raconté
ici
même les détails effroyables. Mais ce ne fut pas seulement par ce
sombre drame que la noble maison de Ganges attira sur elle l’attention
publique et défraya la chronique. Les deux enfants de la marquise, un
fils et une fille, furent, eux aussi, les héros d’aventures
retentissantes..."
La Pêche à la Sardine par un Argonaute
(1903) : " Parmi les poissons de mer dont la pêche intensive fournit au
commerce et à l'industrie maritimes le rendement matériel le plus
important, la sardine, sans tenir le premier rang, comme la morue ou le
hareng, joue cependant un rôle extrêmement important. Extrêmement
important pour nous autres Français surtout, car la préparation
spéciale de la sardine à l'huile — forme sous laquelle ce poisson est
le plus généralement livré à la consommation — est au premier chef une
industrie française. Il y a donc intérêt à connaître exactement les
conditions dans lesquelles se pêche et se prépare la sardine et en
étudiant ici, cette question notre but est de faire connaître à nos
auditeurs une des sources de notre prospérité maritime. Ceci est
d'autant plus sérieux que la crise retentissante dont s'est naguère
avec juste raison si violemment ému le pays tout entier, était
extrêmement grave pour nous. Secourir de pareilles infortunes, empêcher
le retour de semblables calamités n'est pas faire œuvre suffisante. Il
faut de plus développer dans la mesure du possible une industrie qui,
si elle était maintenue sans cesse dans une prospérité ascendante,
aurait les meilleurs résultats pour les vaillantes populations qui s'y
adonnent, et qui constituent la pépinière des marins pour nos flottes
de guerre et de commerce..."
Origine et psychologie du Carnaval français
(1919) par Gustave Fréjaville : "La plupart des fêtes de l'antiquité présentent avec notre carnaval des
ressemblances non douteuses. Aussi n'a-t-on pas manqué de voir
l'origine du carnaval dans chacune d'elles. Les solennités religieuses
de l'Egypte, les
Sacea de Babylone, la procession du bœuf Apis, les
dionysies et les
démétriades de la Grèce, les
bacchanales, les
saturnales, les
lupercales ou
februales, les
florales, les
quirinales, les
mégalésies de Rome païenne, les fêtes druidiques du
Gui et la procession du taureau de Bel dans la Gaule celtique, sont
tout à tour citées par les auteurs comme ayant donné naissance aux
traditions populaires de notre mardi-gras. Sans entrer ici dans le
détail, on peut tenir pour démontré que le carnaval est de naissance
très antique et que sa généalogie est fort compliquée. Il comprend un
grand nombre de coutumes et de traditions venues du fond des âges, à
travers mille bouleversements politiques, religieux et sociaux. Ces
coutumes et ces traditions portaient donc en elles des causes de durée
qu'il faut peut-être demander moins à l'histoire qu'à la psychologie,
moins aux circonstances variables des civilisations et des sociétés
qu'aux besoins permanents de l'espèce..."
Moyens d'éviter les empoisonnements par les champignons
(1913) par Henri Guillemin : "
Tous les ans, à l'automne, les journaux annoncent de nombreux décès
causés par les champignons. L'année dernière entre autres, en France et
à l'étranger même, la Presse a signalé de multiples cas
d'empoisonnements. Et cependant des hommes dévoués cherchent à
instruire les populations : articles sur les journaux, dans les
Bulletins et Revues scientifiques, tableaux de vulgarisation,
conférences, excursions publiques, expositions. Rien n'y fait. Les gens
s'empoisonnent avec une insouciance déconcertante. Que n'a pas fait
notre Société des Sciences naturelles ? Que n'avons-nous pas écrit ou
dit, M. Bigeard, mon cher et vénéré
maitre en mycologie, moi-même et tant d'autres mycologues qui sont
légion, pour mettre en garde les imprudents inconscients ? ..."
Vingt ans de Paris (1925) par Boni de Castellane (1867-1932) : "
Mon divorce fut prononcé le 5 novembre 1906. Il était cinq heures de l’après-midi. Anxieux d’avoir des nouvelles et
ne tenant plus en place, je sortis pour faire les cent pas devant la
demeure de mes parents. Il commençait à faire nuit, lorsque s’arrêta un
fiacre. Un homme sans chapeau en descendit, qui, ne me voyant pas, se
précipita sur la sonnette et entra. Au bout de deux minutes, une seconde voiture vomit un gros monsieur
essoufflé et tuméfié, qui portait un melon et une redingote
déboutonnée. Je reconnus un grand bijoutier de Paris. Puis arriva une jeune personne, simplement mais élégamment vêtue,
tandis que je regardais avec anxiété du côté de la gare des Invalides,
guettant la voiture de mon avoué. Soudain, j’aperçus un visage imberbe dont le nez proéminent appartenait
à un antiquaire auquel je devais une assez forte somme d’argent pour
des tapisseries d’Audran que j’avais achetées peu de jours avant ma
séparation. Ces visites inattendues n’auguraient rien de bon..."
Ma folle Jeunesse (1926) par Gaston Jollivet (1842-1927) : "
Il s’en ouvrait, comme maintenant, tous les jours. Quelquefois
c’étaient de simples mannezingues auxquels avait échu la bonne fortune
de posséder un très bon cuisinier. Les gourmands affluant, le patron
vendait le zinc de son comptoir sur le quai de la Ferraille, doublait
les gages de son chef et, en peu de temps, quintuplait sa fortune à
lui. Ainsi se sont transformés Foyot, au quartier latin, et Maire, au
coin du boulevard de Strasbourg. J’ai connu aussi des vieilles
réputations, Philippe, rue Montorgueil ; Brébant, rue
Neuve-Saint-Eustache, aujourd’hui d’Aboukir ; et, toujours debout
celui-là, Voisin. Au Palais-Royal, les noms de Véfour et des Frères
Provençaux restaient populaires en province et à l’étranger. Mais le
démodage déjà commencé au Palais-Royal leur préjudiciait grandement.
Egalement la persistance des patrons dans de vieux errements, leur
refus d’accepter cette nouveauté, le menu, qui permet de fixer son
choix très vite et de ne pas manquer le théâtre. Pour eux, l’essence
d’un dîner était d’être commandé la veille et discuté plat par plat.
Cela parut de la routine. Donc on les laissa à leurs chères habitudes
pour se porter vers les restaurants du boulevard des Italiens, le Café
Anglais, la Maison d’Or et le Bignon du coin de la Chaussée-d’Antin.
Seul, ce dernier n’accepta pas le menu abondamment varié, depuis le
potage jusqu’au dessert..."
La Psychologie du sous-marin
(1919) par Paul Rugière : "A ceux qui recherchent jusqu'où peut
remonter leur vocation maritime, il ne peut échapper qu'elle puisa en
partie ses premières illusions dans l'élégance et la coquetterie de
l'ancienne marine ; enfants, ils s'extasiaient devant d'éclatants
pompons, de grands cols bleus qui battaient de l'aile au souffle du
mistral ; leur plus grande joie était de passer,dans l'ombre humide de
poupes à galeries, et leurs rêves étaient traversés de blanches
embarcations venant égoutter l'eau de leurs avirons au long d'escaliers
monumentaux, aux lourdes boucles d'airain..."
Histoire d'un sourd-muet de naissance guéri de son infirmité à l'âge de neuf ans
(1825) : "Au mois de mai 1824, M. Deleau, docteur en médecine, fit
connaître à l'Académie qu'il venait de donner l'ouïe à un enfant de
neuf ans nommé Honoré Trézel, demeurant à Paris. Le succès avait été
aussi complet que possible ; l'enfant, qui avant l'opération était
complètement sourd, avait été mis à même d'entendre toute sorte de
bruits, et même de reconnaître certaines intonations de la voix..."
Mémoire sur l'Art Fleuriste... (1900) par G. Debrie : "A
USSI
loin que l'on remonte dans l'histoire du monde on constate que les
fleurs ont toujours été aimées et que toujours elles ont tenu une large
place dans le goût et les habitudes des peuples. Les Égyptiens, les
Grecs, les Romains, les Gaulois, notamment, en firent un grand usage.
Mais il est, sinon incontestable, du moins fort probable que l'emploi
des fleurs ne revêtit jamais, chez les Anciens et les Modernes, le
caractère artistique qu'il présente de nos jours. En effet, ce n'est
guère que dans le cours des XVIe et XVIIe siècles que « l'Art fleuriste
» commence à se manifester visiblement..."
Au temps du Chat Noir
(1931) par Pierre
Dufay (1864-1942) : "Avec Tortoni et le Divan de la rue Lepelletier,
bureaux d'esprit, avec la Brasserie des Martyrs, le Rat mort et la
Nouvelle Athènes, rendez-vous de toutes les bohèmes, Paris, sans
remonter aux cabarets du XVIIe siècle et au Procope, a toujours compté
des cafés où aimèrent à se retrouver artistes et gens de lettres.
C'était là une tradition qui ne pouvait se perdre, à l'époque où
quelque Homais, candidat probable aux prochaines élections, promulguait
cet aphorisme semblant éclos dans l'âme d'un commis-voyageur « Les
cafés sont les salons de la démocratie. » Aucun, parmi les clients qui,
en décembre 1881, assistèrent, au 84 du boulevard Rochechouart, à
l'ouverture du Chat Noir, « cabaret Louis XIII, fondé en 1114 par un
fumiste » ne pouvait, cependant, présager les destinées de cet étrange
estaminet qui, à la vérité, tenait plus d'un atelier que d'un salon..."
Brillat-Savarin, mort à
Paris le 1er février 1826 (1926) par Marcel Rouff (1877-1936) : "Au mois
de janvier 1826, le Président de la Cour de Cassation avertit le
Conseiller Brillat-Savarin qu'en haut lieu, on s'étonnait de ne jamais
le voir à la cérémonie expiatoire de la basilique de Saint-Denis, le
jour anniversaire de la décollation de Louis XVI. Il n'y avait pourtant dans l'abstention du magistrat aucune pensée
politique. Il servait de son mieux, avec une hauteur de conscience, une
intégrité, et une humanité aussi, auxquelles ses collègues, sans
exception, rendaient hommage, la monarchie restaurée, dans la charge
qui lui avait été confiée, jadis, par le Premier Consul. Au surplus,
issu de petite aristocratie provinciale, du seigneur de Pugieu,
procureur du roi, il avait siégé à la Constituante comme député de
Belley ; plus tard il avait dû fuir à pied jusqu'en Suisse sous les
rafales de la Terreur il avait alors connu l'amertume des jours
d'émigration aux Etats-Unis, subsistant médiocrement d'un emploi de
premier violon au théâtre de New-York et de leçons de français. Encore
tout animé du drame révolutionnaire, ..."
Le Duc de Morny, créateur de Deauville
(1925) par Marcel Boulenger (1873-1932) : "Les portraits du duc Morny
sont en général un peu froids, un peu morts. Ils s'accordent entre eux,
soit. Sur tous on voit la belle figure, grave et distinguée, avec les
petits yeux qui devaient si aisément sourire ; mais chacun d'eux est
toujours un portrait officiel. Son Excellence porte presque
invariablement l'habit, les grands cordons, les plaques. Hormis un seul
tableau — en possession de la famille Morny - où notre homme d'État est
représenté en vacances, vêtu de gros velours à côtes, et le fusil en
main, au milieu d'un décor sylvestre, on ne voit jamais qu'images
solennelles, tout ce qu'il y a de plus « président du Corps législatif.
» Et encore le tableau dont nous parlons est-il d'un art vraiment trop
modeste ; le personnage apparaît douceâtre et sans relief ; le velours
du costume attriste les yeux par sa fadeur ; le fusil semble trop
petit. C'est en tenue de vénerie, au moins, avec les hautes bottes, les
bas blancs et la tunique galonnée qu'il fallait peindre ce duc-là..."
La Madeleine bolchéviste (1930)
par Jules Chancel (1867-1944) : "Vers la fin de l’hiver 1930, je
séjournai quelques jours à Varsovie, au retour d’une enquête faite pour
le journal Candide, sur la frontière russo-polonaise. On se souvient
qu’à cette époque, les persécutions du gouvernement soviétique contre
les Koulaks, ou paysans, s’étaient déchaînées avec une violence toute
particulière, qui, jointes aux persécutions religieuses, avaient
littéralement affolé les malheureux citoyens du paradis bolcheviste.
Les paysans en particulier étaient surpris et irrités de cette fameuse
loi de la socialisation des terres qui leur apparaissait, non sans
raison, comme une formidable injustice. La révolution russe s’était
faite en effet sur le principe du partage de la terre et, pendant
quelques années, les paysans éloignés des villes avaient pris
l’habitude de vivre tranquilles sur les quelques acres qui leur avaient
été concédées par Lénine. Ils travaillaient avec courage leur terre,
vendaient leurs produits ou les gardaient, et, peu au courant de ce qui
se passait ailleurs, étaient satisfaits de leur sort. Des gens
satisfaits qui ne souffraient ni de la faim, ni de la terreur, c’était
une anomalie en U. R. S. ; aussi arrivèrent un beau jour, dans ces
campagnes reculées, des délégués du pouvoir central qui annoncèrent
brutalement aux paysans que l’ère de la socialisation des campagnes
commençait et qu’ils devaient abandonner leurs champs, leurs maisons,
leurs animaux pour aller dans des casernes travailler en coopérative
avec des machines..."
L’Impropriété des termes (1936) par
AndréMoufflet
(1883-1948) : "A plusieurs reprises, j'ai étudié dans La Grande Revue
certains aspects de la crise du français : barbarismes et néologismes
dans les journaux et dans la conversation courante, fautes de syntaxe
et pléonasmes chez les écrivains, exagérations de la presse sportive,
euphémismes de la littérature financière, hyperboles de la publicité.
Aujourd'hui, je voudrais insister sur la catégorie d'erreurs la plus
abondante, la plus fertile en exemples quotidiens, donc la plus
contagieuse : les erreurs sur le sens des mots. Si la linguistique
était une science exacte, si elle portait sur des grandeurs et des
faits mesurables, personne ne s'aviserait de prendre un mot pour un
autre, ni de faire dire à un mot autre chose que sa signification, pas
plus qu'on ne confond 48 avec 67, triangle avec logarithme,
parallélogramme avec azimut. A défaut d'une précision comparable à la
certitude mathématique, la connaissance d'une langue suppose cependant
que l'accord est réalisé entre les usagers sur un certain nombre de
conventions qu'enregistrent, pour une période donnée, des instruments
de travail appelés dictionnaires et grammaires. On reconnaît les gens à
qui ces instruments n'ont jamais été familiers, tout comme ceux qui
oncques ne surent très bien leur table de multiplication..."
Derrière les guichets : journal d'un employé de banque
(1932) par Jean Cotton (18..-19..) : "Ce n’est plus la peine de le dire
: vous le savez, votre concierge le sait ; personne ne l’ignore. Les
banquiers, maîtres du monde moderne, créent une industrie, transforment
une région, traitent avec un État aussi facilement que nous achèterions
une petite maison de rapport à Orléans, et si les prodigieuses
organisations qu’ils ont établies viennent à chanceler, le pays entier
s’émeut, car il se sent menacé dans ses œuvres vives. Cette puissance
titanesque, n’importe quel manuel d’économie politique se fait un jeu
de l’exprimer techniquement, en quelques pages, dont l’aridité et la
science seraient difficiles à égaler. Quant aux faits et gestes des
financiers, nous en sommes informés tantôt par le compte rendu de leur
collaboration au soutien des monnaies nationales, tantôt par la
chronique judiciaire. Mais pourquoi n’est-il jamais question des
employés de banque ? N’est-ce pas là toute une classe sociale ? Comment
leur existence s’écoule-t-elle derrière ces guichets, où nous les
entrevoyons, anonymes, en venant encaisser un chèque ?..."
Notice sur le moyen à employer pour maîtriser les taureaux
(ca1833) par J.-A. Berger-Perrière : "Sans pouvoir préciser d'une
manière certaine l'époque de l'invention des instrumens propres à
maîtriser des animaux sauvages, dangereux, d'autres aussi soumis à la
domesticité , nous rappellerons que depuis plusieurs siècles l'homme
fait usage d'un moyen qui force certains quadrupèdes à lui obéir, et
qu'il est quelques uns de ces animaux qu'il y doit habituer dès leurs
premières années pour en continuer ensuite l'emploi toute leur vie..."
Perfectionnements apportés au télégraphe morse par M. Sortais
(1863) : "On sait que, dans les appareils télégraphiques, système
Morse, le papier sur lequel s'impriment les signaux se déroule par
l'action d'un mouvement d'horlogerie. La marche du papier étant assez
rapide, on amoindrit l'usure des rouages et on évite le remontage de
l'appareil, pendant l'insertion d'une dépêche, en maintenant au repos
le ressort moteur, tant qu'un signal quelconque n'avertit pas l'employé
qu'une dépêche va lui être expédiée. Alors il faut débrayer le volant
régulateur du mouvement, pour le ramener à l'état de repos, une fois la
dépêche transmise...."
La Marseillaise de Rouget de L'Isle illustrée par Charlet (1840)
[PDF]
L’origine du verbe « rater » et
les anciennes armes à feu
(1913) par Charles Buttin (1856-1931) : "L'histoire de l'armement n'a
avec la philologie que de lointains rapports, et, lorsqu'elle entre en
contact avec cette science, il semble que ce doive être plutôt pour lui
demander l'origine de certains noms d'armes inexplicables que pour lui
fournir elle-même une étymologie. Le cas cependant peut se présenter
(1), et le verbe Rater en est un exemple curieux. A la fois transitif
et intransitif, ce verbe s'emploie dans les cas les plus divers.."
Vénerie
(1925) par Marcel Boulenger (1873-1932) : "De temps à autre, quand on
ne sait que dire autour des coquetels (les ignorants écrivent
cocktails)
on parle de la chasse à courre. Il faut qu’on ait vraiment bien bu pour
en venir à une conversation si grave. Le plus souvent, c’est une dame
qui déclenche l’offensive. Une âme sensible, vous comprenez, une
personne aux frissons exquis. Elle en est à son troisième « rose », ce
qui ne fait que développer sa délicatesse : peu lui importerait de
rencontrer un lion sur sa route, mais elle s’évanouit à l’approche
d’une souris ; ou bien elle tuerait très bien de sa propre main
certains hommes, alors que le trépas du moindre animal la met
positivement à la torture. Elle sait qu’il y a là « un illogisme, une
puérilité » : mais c’est quelque chose de plus fort qu’elle, une
horreur involontaire, etc…"
Quand les contribuables se révoltaient
: le siège de Guéret - 1848 (1938) par Armand Praviel (1875-1944) : "Ce
matin-là, qui était le lundi 12 juin 1848, le nouveau préfet de la
Creuse, M. Bureau-Desétiveaux, trouva dans son courrier une lettre qui
ne laissa pas de le troubler. Elle provenait d’un honorable tabellion,
maître Léonard Joubert, investi des fonctions de maire dans la commune
d’Ajain, du canton tout voisin de Jarnages. La révolution de février,
dans son désir ardent de tout rénover, n’avait eu rien de plus pressé
que de destituer les préfets du roi Louis-Philippe ; elle les avait
remplacés par des commissaires extraordinaires, au nombre de deux par
département ; à Guéret, ç’avaient été le docteur Silvain Guisard et un
certain Félix Leclerc. Mais la confiance des électeurs ayant envoyé le
médecin politicien à l’Assemblée Nationale, M. Bureau-Desétiveaux avait
été désigné pour le remplacer depuis plus de six semaines. Le
Gouvernement donc avait eu beau ne rétablir que depuis peu les
fonctions préfectorales et ne dater sa nomination officielle que du 8
juin, il était déjà suffisamment au courant des affaires du département
et de l’état d’esprit des populations..."
Éloge de la Bêtise (1925) par Louis Latzarus (1878-1942)
: "J’ARRIVAI
vers cinq heures, et trouvai seule près de son feu cette charmante
femme que tout Paris connaît, honore et sert. On se demande comment
elle fait pour réunir dans son salon tant de gens disparates, qui
devraient se haïr et se haïssent en effet. Mais je crois avoir pénétré
son secret qui est simple, bien que difficile à pratiquer. Elle donne à
chacun la persuasion qu’elle l’aime particulièrement et au-dessus de
tous les autres ; qu’elle seule au monde le comprend et ne le blâmera
jamais, quoi qu’il se permette ; qu’ainsi il pourra tout lui dire sans
rien risquer, et pas même l’indiscrétion. Elle veut tout savoir, sans
que l’on sache si c’est par curiosité, ou parce qu’elle a remarqué que
les hommes aiment à parler d’eux-mêmes. Mais, ce qu’on lui confie, elle
le met avec ses propres affaires, dont nul n’a connu et ne connaîtra
jamais aucune..."
La
Paix allemande dite "Paix de Bruxelles" (1919).
[PROSPECTUS] :
IVe
République parti républicain de réorganisation nationale (1919).
Combattez et évitez la tuberculose (ca1919) : la
plaquette, l'
affiche [PDF].
Maisons de famille et de régime
(1932) par M. L. Arsandaux : "Me regardant par-dessus son lorgnon, le
docteur conclut : - En somme, rien de grave du tout. Du surmenage, tout
simplement. Comme remède, du grand air, du repos, du sommeil. Qu’est-ce
que vous comptez faire cet été ? Cet été ? Ma foi, je n’ai nulle envie
de m’absenter. Donc, en juillet, je sortirai avec les amis qui ne
quitteront Paris qu’en août. Ils m’emmèneront dîner à Vieux-Moulin, à
l’Isle-Adam ou à Barbizon. On boira du champagne ; on dira des mots
inutiles ; on se couchera à deux heures du matin. J’aurai mal à
l’estomac et la migraine. En août, je sortirai avec les amis absents en
juillet et rentrés le trente et un. A leur tour, ils m’emmèneront dîner
à l’Isle-Adam, à Barbizon ou à Vieux-Moulin. On reboira du champagne ;
on redira des mots inutiles ; on se recouchera à deux heures du matin,
et j’aurai encore la migraine et mal à l’estomac. Voilà, mon cher
docteur, ce que je compte faire. Mais puis-je avouer pareil programme à
un homme qui me parle repos ? Comme je me tais, il reprend : - Ce
qu’il vous faut, c’est quitter Paris. Allez-vous-en. Couchez-vous à dix
heures, levez-vous à huit. Dormez, dormez beaucoup ; on dort mal à
Paris. Nous sommes en mai, voici les beaux jours : partez et ne rentrez
pas avant septembre...
La Prison de
Saint-Lazare sous la Révolution(1935)
par Léon Bizard (1872-1942) : "On était en juillet 1789. L’antique et
célèbre enclos de la léproserie de Saint-Ladre-lez-Paris – devenue au
XVIIe siècle le chef-lieu des Prêtres de la Mission, centre où
convergeaient toutes les belles œuvres charitables fondées par saint
Vincent de Paul – continuait la même existence claustrale de chaque
jour où les mêmes heures rappelaient les mêmes devoirs, les mêmes
observances. Cette apparente tranquillité n’empêchait nullement les
bruits de la cour et de la ville de franchir les épaisses murailles du
couvent de Saint-Lazare et de venir troubler dans leurs exercices les
Pères qui, retirés du monde, n’avaient voulu jusqu’ici rien connaître
hors du service de Dieu. Ils ne pouvaient ignorer cependant l’intense
bouillonnement des idées – conséquence inévitable de cette philosophie
si caractéristique du XVIIIe dont Fontenelle et Condillac avaient semé
les germes à la fois abstractifs, sensoriels, métaphysiques, politiques
et philosophiques – qui allaient bouleverser un peuple et le monde...."
Aurélien Scholl et son temps
(1936) par Marcel Marter (1891-1944) : " Débarqué à Paris au début de
1851, Aurélien Scholl avait embrassé la carrière de journaliste avec
cet esprit combatif qu’on rencontre chez la plupart des jeunes hommes
et avec, en plus, une fougue extra-belliqueuse qui était le propre de
son tempérament vigoureux. A vingt-quatre ans, Scholl était devenu sans
conteste le polémiste le plus incisif, le chroniqueur le plus
spirituel, le nouvelliste le plus redouté de Paris. Il avait pris pour
devise : « Dis ce que penses, advienne que pourra ! » Car, ce sceptique
railleur et amer, ce viveur désabusé avait une âme de chevalier : sous
le persiflage spirituel, on pouvait découvrir une colère latente. C’est
qu’il avait la haine du vulgaire, le mépris du commun traditionnel, le
dégoût des petites lâchetés, des servitudes de toutes sortes dont est
faite la vie...."
Les Meunières du Moulin Rouge
(1925) par Marcel de Bare (18..-19..) : "La deuxième résurrection du
Moulin Rouge ramène l’esprit du vieux Parisien au temps où Montmartre
était le centre de la fête mondiale. Pour les jeunes gens qui ne l’ont
pas connu et pour ses contemporains qui l’ont tant aimé, évoquons donc
le vieux Moulin qui vécut si joyeusement sans le secours des décors et
des vedettes, qui fut non pas une scène de grand spectacle comme
aujourd’hui, mais un théâtre de la comédie humaine dont les acteurs
jouaient dans la salle les épisodes les plus pittoresques. Ils venaient
du boulevard des Italiens et de Buenos-Aires, de San-Francisco et de
Grenelle, d’Avignon et de Yokohama, de Pétersbourg et de Bordeaux. Ils
venaient de tout Paris, de toutes les provinces françaises, de tous les
pays de l’univers : de même que le « canard marseillais » a donné,
dit-on, l’idée du chemin de fer de ceinture, le Moulin Rouge doit avoir
inspiré celle de la Société des Nations ! Quelle fraternisation des
peuples dans la joie !.."
Notice sur la fondation de la Rosière à Château-Gontier (1879)
: " Au commencement du 6e siècle, le siège épiscopal de Noyon était
occupé par un Prélat d'une haute vertu et dont le nom brille au
Martyrologe. Nous voulons parler de SAINT-MÉDARD, onzième Evêque
de Vermans, qui, après le sac de cette ville par une invasion de
barbares, transféra sa résidence épiscopale à Noyon, près de ses
domaines de Salency, où il était né et dont il était seigneur. Parmi
tous les bienfaits qu'il répandit à profusion dans le pays soumis à sa
juridiction, il est une institution qui domine toutes les autres et
dont l'influence, malgré les siècles, est parvenue jusqu'à nous,
entourée de tout un cortège de gracieuses images et de pieux souvenirs.
C'est la Fête de la Rose, d'où est venu le nom de Rosière. Désirant
encourager les jeunes gens à la pratique de la vertu et leur famille à
une conduite toujours exemplaire,..."
Propos sur l'intelligence (1926) par Paul Valéry (1871-1945) : " Il arrive que l'on demande à quelqu'un s'il y a une
crise de
l'intelligence, si le monde s'abêtit, s'il y a un dégoût de la
culture, — si les
professions libérales pâtissent, songent à la mort,
sentent leurs forces décroître, leurs rangs s'éclaircir, leur prestige
devenir de plus en plus mince, leur existence de plus en plus ingrate,
précaire, mesurée... Mais ces questions surprenant ce quelqu'un, qui s'en trouvait fort
éloigné, il faut bien qu'il se reprenne, qu'il se retourne en soi-même
vers elles, qu'il se réveille de ses autres pensées, et qu'il se frotte
les yeux de l'esprit, qui sont les mots. — Crise ? se dit-il tout d'abord, qu'est-ce donc qu'une crise ?
Décidons de ce terme ! — Une crise est le passage d'un certain régime
de fonctionnement à quelque autre..."
Fragments historiques relatifs à la campagne de 1815 et à
la bataille de Waterloo (1829) par Emmanuel de
Grouchy (1766-1847) : " M. le Cte Gérard, dans une lettre écrite à mon fils, le 1 4 janvier
1820, à l'occasion de ma Réfutation d'un ouvrage du général Gourgaud
(1), s'exprime en ces termes : « Vous annoncez que M. le Cte de Grouchy
à son arrivée en France doit faire paraître des mémoires plus détaillés
: s'il persiste à y faire figurer les assertions erronées qu'il a
publiées dans son premier ouvrage, sur le 4me corps et son chef, malgré
le peu de goût que j'ai à entretenir le public de moi, je prends
l'engagement de les détruire sans réplique. » Avant que j'aie rien publié, sans savoir ce que je publierai, et si, en
repoussant des inculpations imméritées je me plaindrai du 4me corps et
de son chef, M. le Cte Gérard prend l'initiative d'une discussion à
laquelle notre confraternité d'armes me fait éprouver un extrême regret
de devoir me livrer..."
Le Pain brié à Venise (1914) par Georges Celos (1870-1939) : "Lorsqu’on écrit des livres du genre de mes
Pains briés, on s’expose à
un danger et on en fait courir un autre. On rencontre, dans le monde,
des jeunes filles qui vous demandent de lire vos œuvres complètes sur
le pain, dont elles ont entendu les titres, qui leur ont paru bien
innocents. Comme leurs parents se taisaient à ce sujet, elles croient
faire plaisir en en parlant à l’auteur. Et celui-ci ne sait comment
expliquer à ces jeunes filles que, dans les boulangeries de certains
pays, il y a des pains – comment dirais-je ? – qui paraissent avoir des
velléités de prendre Berg-op-Zoom (1), et que ce sont ces pains-là qui
ont fait l’objet de ses petits livres. Les Grecs et les Romains
anciens, n’eussent point été choqués, de ces travaux, car leur
civilisation avait compris qu’il n’existe rien de honteux dans la
nature ; et les formes naturelles, celles justement qui sont parfaites
entre toutes, puisque d’elles seules dépend la pérennité de l’Être et
la succession des existences, ces formes étaient entrées dans leurs
religions, dans leurs coutumes. Mais quelques siècles – quelques
instants infiniment petits dans l’indéfini du temps – suffisent pour
changer les croyances et les mœurs des hommes. Ce qui semblait
ordinaire aux Athéniens de jadis, dont la morale avait des conceptions
toutes différentes de celles enseignées aujourd’hui, paraît maintenant,
à certaines gens, comme abominable, monstrueux, et dans
l’obligation d’être caché, bien que très naturel. Je sais bien
pourquoi..."
Ce que valent les serments d'Hitler (1940) [
PDF]
Allocutions
radiodiffusées et discours prononcés par Jean Giraudoux, Raoul Dautry,
Paul Raynaud et Jules Romains : décembre 1939-avril 1940.
Le Futur armistice : Allocution radiodiffusée prononcée le 11 novembre 1939 par Jean Giraudoux (1882-1944).
Alsace et Lorraine : Allocution radiodiffusée prononcée le 10 novembre 1939 par Jean Giraudoux (1882-1944).
Résumé de la questions des haras et des remontes,... (1844) par Colonel-comte
Pierre Joseph
de Turenne : "IL y a environ quinze mois que la Société royale de
St-Quentin, dont nous avons l'honneur d'être membre, nous chargea de
lui faire un rapport sur les haras et sur la polémique élevée au sujet
de cette question. Nous avons dû prendre connaissance de tout ce qui
s'est écrit de saillant sur cet important sujet. Nous avons reconnu
bientôt, que notre travail, pour être complet, devait dépasser les
bornes d'un simple rapport ; et nous nous sommes déterminé à le livrer
à l'impression. Nous entrons donc à notre tour dans la polémique
soulevée par l'expérience inquiétante de 1840. Cette question est d'une
nature complexe. Elle est à la fois politique, militaire et agricole.
Il nous a paru qu'elle avait été, considérée jusqu'ici , tantôt sous
une de ces faces, tantôt sous une autre, mais point encore dans son
ensemble. Un militaire ne voit pas toujours en agriculteur. Un
agriculteur, pas toujours en militaire. Certaines vues ne sont ni
militaires, ni agricoles..."
Voyage d’exploration dans la Hongrie inconnue
(1922) par Jean de Bonnefon (1866-1928) : "Sous un ciel triste et beau
comme un grand désespoir, l’automobile va vite, sur la route, à perte
de vue, à travers la plaine hongroise, dans un paysage d’estampe où les
taches errantes des paysans se mêlent à la tache noire des terres
labourées. Le Danube coule au fond du paysage, mais invisible comme un
Dieu couché. Un parfum de miel monte de partout dans le mouvant décor
des prairies coutumières ourlées de collines. Les silhouettes épiques
des châteaux dominant la pourpre rouillée des bois trempés de brume,
alternent avec les clochers d’églises guillochés comme des sceptres de
rois. Les petits étangs, où les cerfs vont boire sans peur, sont sur la
terre comme de grands miroirs brisés et oubliés, autour desquels des
troupeaux de bœufs mal racés, ruminent lentement sous le passage des
nuages ronds..."
Paroles d'un solitaire
(1923) par Louis de Robert (1871-1937) : "La condition, le rang, la
fortune, les événements d’une existence eux-mêmes n’ont pas aux yeux du
solitaire l’importance que leur accordent généralement les hommes. J’ai
cinquante ans. C’est l’époque de ma vie que je préfère. Quand il
m’arrive de considérer un instant de mon passé, je me prends en pitié,
car il est rare que, depuis, je n’aie pas appris quelque chose et
l’instant que je considère me paraît toujours situé dans une région
inférieure et comme vue à l’étage au-dessous. J’ai désiré tous les
biens de ce monde : la fortune, la puissance, la gloire. Je n’ai gardé
que le goût du travail, une grande curiosité d’esprit et le même
enthousiasme pour tout ce qui est beau, grand ou juste. Le reste, je
l’ai laissé derrière moi, sans regrets, sur ma route..."
La Chine en folie : Choses vues (1923) par Albert Londres (1884-1932) : "Rois, ministres, officiers, gens du peuple, à bas de vos chevaux. A
Pékin, dans l’enceinte du Palais d’Hiver, face à la montagne de charbon
aux cinq pics et cinq pagodons, sur une stèle millénaire, en cinq
langages : mongol, mandchou, chinois, turc et thibétain, ainsi, la
vieille Chine, orgueilleusement, apostrophait le passant. A vous tous
qui désirez me suivre par les trouées obscures du Céleste Empire en
déliquescence, hommes de peu ou de bien, traîneurs de mélancoliques
savates ou abonnés de rubriques mondaines, moi, diable blanc et barbare
d’Occident, du haut du
rickshaw (Pousse-pousse) qui me roule présentement sur le
sol immonde et vénéré de la Chine, je crie..."
Keepsake à la Japonaise (1923)
par André Tudesq (1883-1925) : "Vers cinq heures, flâner dans Ginza, se
perdre dans le labyrinthe de boutiques, ruelles, canaux, impasses, qui
le flanquent, n’est pas qu’un passe-temps d’artiste : tel au pied de
Stamboul, le pont de Galata, ou le corso des villes italiennes, c’est
d’un poste de guet idéal observer gens et mœurs. C’est déchiffrer à
ciel ouvert la chronique du Japon moderne. Dans le tumulte des trams
inverses, à travers les embardées d’autos, qui, menant train d’enfer,
malgré le principe à l’anglaise de tenir la gauche, se doublent, se
dépassent, traitent la rue en pays conquis, deux singularités vous
frappent : l’extraordinaire pullulement des bicyclettes dont l’excès
n’a d’égal que l’acrobatique virtuosité de ceux qui les montent, – et
surannés, pittoresques et charmants, les pousses et leur équipage..."
Souvenirs : pages inédites
(1923) par Lucien Guitry (1860-1925) : "L’insomniaque est celui qui ne
veut pas dormir. Il y a le malade que sa souffrance empêche de prendre
du repos, l’homme inquiet que ses préoccupations maintiennent éveillé,
l’anxieux qui attend et le peureux qui s’épouvante, mais l’autre,
l’insomniaque, préfère vivre, et vivre conscient. Tout lui est
excellent prétexte pour mal accueillir le sommeil, quitte à maugréer
contre ce qui lui fait obstacle. J’ai connu cet état. J’ai vu se
violacer la fin des nuits blanches, puis bleuir le jour et rosir les
nuages sous les jeunes rayons du soleil renaissant. Je sais ce que
c’est que redonner brusquement toute la lumière à une chambre plongée
dans les ténèbres, parce que la cuiller du verre d’eau a touché le
fond, après dissolution du morceau de sucre sur quoi elle reposait..."
Le roman comique de Scarron, peint par J.B. Pater et J. Dumont le Romain (1883) : "L
ES
vers de Scarron, le créateur et l'Empereur du Burlesque, ne sont plus
qu'une curiosité littéraire et historique. On lit encore un peu sa
grossière, mais amusante comédie de Don Japhet d’Arménie, un peu moins
ses Nouvelles à l'Espagnole, bien que l'une d'elles, la Précaution
inutile, ne soit étrangère ni à l'École des maris de Molière, ni au
Barbier de Séville de Beaumarchais, et que le Tartuffe doive aussi
quelque chose à celle dont Montufar est le héros, mais on lit toujours
son roman inachevé. L’épopée provinciale de sa Troupe Comique ne vit
pas par les histoires sentimentales qui la coupent à l'imitation de Don
Quichotte et qui ont fait son succès auprès des belles dames de son
temps, mais par la gaieté communicative de ses peintures prises sur le
vif et par sa qualité contemporaine. C'est le meilleur roman bourgeois
du XVIIe siècle, et il n'a pas peu contribué, mieux que par des
attaques directes, à dégonfler les ballons des bergeries à la d'Urfé et
des préciosités à la Romaine..."
Espiègleries d'Armantine l'entretenue du petit bossu (ca1857) : " C'est par un de ces jeux qu'A
RMANTINE F
REMONT
naquit dans la loge d'un
portier, et du Marais encore ! A peine ses petites mains purent-elles
servir à quelque chose, qu'elle tira le cordon, alluma le fourneau à
l'entrée de la cour, reçut les lettres des facteurs, les clefs, les
chandeliers et tous les messages des locataires. Sa mère était
rempailleuse de chaise, et son père tourneur. La morveuse alla, dans
son enfance, à l'école gratuite de l'arrondissement, et parvint ainsi
jusqu'à l'âge de douze ans, sans marquer autrement que par l'éclat
d'une beauté qui promettait d'être sous tous les rapports, vraiment
extraordinaire. Quant à son goût dominant, il consistait dans la
lecture continuelle de comédies, de tragédies, de vaudevilles et de
mélodrames ; elle employait tout le produit de ses broderies à se
procurer de ces ouvrages : c'était une passion qui tenait de la démence
; et sa mère avait beau la gronder, la menacer ; inutiles tentatives !
Armantine revenait sans cesse à ces hochets favoris, en faisait ses
délices jour et nuit, et se
meublait la mémoire d'une quantité de rôles qu'elle répétait avec
infiniment de goût et d'intelligence..."
Les Faux bruits et les légendes de la guerre (1918) par Albert Dauzat (1877-1955) : "Toutes les
époques troublées, en provoquant la surexcitation des cerveaux
faibles, donnent naissance à un grand nombre de faux bruits qui,
lorsqu'ils correspondent à l'état d'esprit du milieu, ont tôt fait de
s'accréditer dans l'âme simpliste des foules. Les guerres sont
particulièrement favorables à la production de ces phénomènes
psychologiques. La conflagration actuelle, malgré l'état avancé de
notre civilisation, ne pouvait échapper à la loi générale : à
l'observateur curieux elle fournit une abondante et pittoresque
récolte, en permettant de saisir sur le vif la formation et l'évolution
des légendes..."
De l'Utilité du faux bruit (1919) par Victor Cornetz : "Aux intéressantes pages consacrées dans cette revue par M. A. Dauzat
aux faux bruits et légendes de la guerre (1) je me permettrai d'ajouter
quelques remarques en me plaçant à un point de vue spécial, celui de
l'utilité et de la nécessité biologique du faux bruit (2). Pour
certains lecteurs au courant des belles études philosophiques de Jules
de Gaultier j'aurai probablement l’air d'enfoncer une porte ouverte,
mais peut-être pas pour beaucoup d'autres..."
Propos sur le cinéma (1919) par Georgette Leblanc (1869-1941) : "Une question se pose souvent, à laquelle il ne nous
semble point possible de répondre. Comment nos parents pouvaient-ils se
passer des commodités ou des distractions qui nous sont devenues
indispensables ? Comment remplissaient-ils les heures vides, ceux-là
qui ne connaissaient ni les joies de la bicyclette, ni la rapidité de
l'automobile, ni les péripéties du bridge, ni les plaisirs du tango, du
tennis, du fox-trott ou du golf ?.."
Polynésie (1929) par Jean Dorsenne (1892-1945) : "C’
EST
en somme à Tahiti que j’ai le plus souvent senti l’odeur de
l’allégresse. Elle y est subtile au point qu’on ne la perçoit guère
qu’à la prime aurore, à l’heure où les parfums s’éveillent, s’exaltent
et meurent en un instant, comme les elfes de la légende allemande ; ou
encore, durant les fugitifs crépuscules, quand le soleil atténue
l’ardeur des rayons sous lesquels, tout le jour, il a maintenu la
campagne asservie. Elle vous saisit à l’improviste et transforme
incontinent le noir chagrin et l’humeur mauvaise en une jubilation
mystérieuse, sans cause apparente, en une joie si secrète, si profonde
que notre pauvre cœur déshabitué du bonheur ne peut la ressentir sans
une vague souffrance, semblable à ces sourdes douleurs qui, dans la
poitrine, vous empêchent de respirer profondément de crainte que ne se
rompe quelque organe essentiel. Est-ce la tare de l’originel péché qui
laisse traîner ainsi, au fond de nos transitoires délices, cette
confuse alarme, cet arrière-goût d’indélébile amertume ?.."
Le Cheval
(1930) par Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) : "Avant le reste :
mes clartés personnelles sur un problème assez obscur. Tous ceux qui en
ont écrit semblent s'être entendus pour déclarer le cheval stupide.
Mais ils se rejettent sur sa fabuleuse mémoire pour lui garder son rang
dans l'estime humaine. Je crois qu'il y a erreur. L'explication vraie
de la mentalité cheval, j'ai idée de l'avoir découverte au cours de mon
intimité fort longue avec cet incompris. Et d'abord, pourquoi lui
vouloir de l'intelligence ? Les animaux ont l'instinct, « intelligence
de Dieu », comme disait un vieux docteur normand que j'ai connu,
l'instinct, ligne droite d'un point à un autre, à côté des piteux
zigzags où nous égare notre prétendue lumière. L'intelligence, quelle
mesquinerie, quelle gênante machine à retardement ! Le cheval est autre
chose qu'intelligent ou bête. Il a l'absence de sentiments d'un
intermédiaire occulte, car c'est un animal médium. Il n'y a pas d'autre
secret. Voici quelques preuves. Elles serviront à ceux qu'intéresse
encore l'équitation, car ils pourront à leur tour, aiguillés sur cette
nouvelle voie, constater après moi son exactitude..."
Essai
sur l'emploi figuré des termes de guerre dans le langage contemporain (1919)
par Georges Prévot (1890-1976) : "Les guerres ont toujours eu, au cours
des siècles, une répercussion très marquée sur le langage
contemporain. La nécessité de désigner par des termes commodes des
inventions ou des habitudes nouvelles, issues de l'état de guerre, les
relations avec les peuples étrangers, alliés ou ennemis, et différents
de race ou de langue, la prédominance prise par l'élément militaire,
et, dans les conflits récents, le mélange des diverses classes
sociales, introduisent dans le parler courant des mots jusqu'alors
inconnus, soit importés, soit créés de toutes pièces, ou bien
ressuscitent des mots anciens dont on avait cessé de se servir, ou bien
encore répandent des expressions techniques, des mots d'argot, des
locutions de patois local..."
L'Argot de nos prisonniers en Allemagne
(1919) par Albert Dauzat (1877-1955) : "L'argot de nos prisonniers en
Allemagne diffère profondément de celui qui était parlé par nos soldats
au front ou à l'arrière (1). Isolés de leurs camarades et de la France
pendant des mois et des années, réunis en groupes compacts et vivants
en commun en pays étranger, ils remplissaient les conditions les plus
favorables à la formation d'une langue spéciale, tout autre que celle
des tranchées et des dépôts..."
Bécon-les-Bruyères (1927) par Emmanuel Bove (1898-1945) : "
L
E billet de chemin de fer que l'on prend
pour aller à Bécon-les-Bruyères est semblable à celui que l'on prend
pour se rendre dans n'importe quelle ville. Il est de ce format adopté
une fois pour toutes en France. Le retour est marqué de ce même « R »
rouge que celui de Marseille. Les mêmes recommandations sont au verso.
Il fait songer aux gouverneurs qui ont la puissance de donner à un
papier la valeur qu'ils désirent, simplement en faisant imprimer un
chiffre, et par enchaînement, aux formalités administratives qui ne
diffèrent pas quand il s'agit de percevoir un franc ou un million..."
Les Parisiens comme ils sont (1830-1846) suivi du
Traité de la vie élégante (1830) par Honoré de Balzac (1799-1850) : " S
EMBLABLE à une jolie femme, le Cigare a aussi ses adorateurs,
ses favoris, ses victimes et ses détracteurs. Il séduit d'abord,
enivre ensuite, et parfois entraîne à des excès nuisibles ceux qui s'y
livrent. On voit le Cigare, et l'on désire en essayer ; on hésite, mais
on en goûte ; on y retourne, et l'on s'y habitue. Bientôt après
commence le chapitre des inconvénients. Chaque jour, ils se
renouvellent, et l'on s'en aperçoit. Toujours ils augmentent, et l'on
songe à s'en débarrasser. Mais alors, il n'est plus temps : l'usage du
cigare, caprice passager, devenu une habitude, est une nécessité, et,
comme une maîtresse absolue, il tyrannise quand il a cessé de charmer,
jusqu'à ce qu'enfin il soit sacrifié à un commencement de passion plus
violente que celle qui s'éteint..."
La
Littérature au café sous le Second Empire (1932) par Henri d'Alméras (1861-1938) : "Qu'auraient dit, qu'auraient pensé l'abbé Delille, Rivarol, le marquis
de Sainte-Huruge, Camille Desmoulins, ou simplement ce bon M. de Jouy,
qui exerçait la profession d'
Ermite,
s'ils avaient pu voir ce
qu'était devenu, vers le milieu du siècle dernier, le Palais-Royal,
leur Palais-Royal ? Jadis centre de tous les plaisirs et de tous les vices, il mourait,
lentement, d'un accès de vertu, dont il n'était pas responsable et qu'à
toute heure du jour et de la nuit, il déplorait. La suppression des
maisons de Jeu, le 1er janvier 1838, lui avait porté un coup terrible
dont il ne devait jamais se relever. De ce cadre magnifique, de ces
jardins enchantés, où le cœur de Paris avait battu, où débuta la
Révolution, que restait-il désormais ? Une sorte de Palais de la Belle
au bois dormant. Sous les arcades, dans les allées qui avaient entendu
tant de rires et de chansons, et aussi tant de cris de mort, passaient
sans doute, à la nuit tombante, les ombres mélancoliques des
gastronomes repus et des nymphes vieillies. Les cafés
abandonnés, que remplissaient naguère demi-soldes et gardes
du corps, s'enveloppaient de silence et semblaient peuplés de fantômes..."
Le Parabolain (1894) de Léon Riotor (1865-1946) : " D
ANS
le désir d'avancer coûte que coûte, de vous inquiéter de demain sans
songer à aujourd'hui, vous ne regardez pas autour de vous ; les
palissades, dites-vous, sont faites pour être renversées. Demain nous
ne serons plus là : vous pleurez sur le sort de ceux qui nous
succéderont, sans un regard sur ceux qui nous entourent. Cet amour de
l'avenir, tout autant que le culte du passé, est généralement utopique
et demeure stérile. Pour frapper d'une manière efficace l'intelligence
de masses ignorantes, les créateurs de religions leur parlaient des
plaisirs promis... plus tard... Il n'existe plus guère que des masses
passionnées, mobiles comme les vagues de la mer ; de véritablement
ignorantes, non. Laissez donc ce moyen de prosélytisme aux
demi-philosophes qui s'autorisent seulement de ce qu'ils peuvent faire
accroire aux autres..."
De l'étude de l'Antiquité dans les collèges (1850)
par Louis Brégan (1829-1870) : "Un parti qui a pour lui l'avenir et que
le cours des événemens peut d'un jour à l'autre élever au pouvoir, doit
moins songer à ruiner l'ennemi qu'à mettre l'ordre dans son camp. Il ne
s'appliquera pas tant à précipiter sa victoire qu'à s'en rendre digne,
et craindra moins de la voir reculée que de la voir inféconde. S'il est
un parti qui doive se préparer sérieusement à gouverner la France et le
monde, c'est le parti démocratique. Et cependant, de profonds
dissentimens le divisent sur des questions si importantes, qu'il serait
appelé à les résoudre dès le lendemain de son triomphe. Il importe dès
à présent de s'entendre. Les divisions qui font la faiblesse d'un parti
deviennent des malheurs publics, lorsque ce parti arrive au pouvoir
avant de les avoir effacées..."
Essai sur le parapluie (1900) et
Psychologie du Bonneteau
(1895) par Marcel Schwob (1867-1905) : "J'avais un parapluie, la
mort me l'a ôté. Elle l’a emporté au début de sa carrière ; il était
jeune encore, et sans doute un jour il eut ouvert son aile pour
s'envoler sur les grandes cîmes ; un coup de vent l'a brisé ; il n'est
plus. Je me sens attiré par une certaine commisération vers les
parapluies ; je les ai beaucoup aimés, et j'ai encore pour eux un
faible que je crains. Celui-là m'avait séduit par son élégance, sa
taille gracieuse, sa mignonne tête d'ivoire ; ses os étaient menus,
allongés, sa chair en poult de soie avait des reflets d'un charme
infini, et, quand il s'épanouissait, il planait comme un vrai petit bas
bleu à hauteur des fenêtres d'un rez-de-chaussée. Il n'allait pas
jusqu'aux nuages ; il fuyait les ruisseaux ; il avait une affection
perverse pour l'humidité, il se laissait suggérer tout ce qu'on
voulait, avec un coup de pouce ; ses huit baleines lui permettaient un
développement raisonnable...."
La Lettre à travers les âges (1897) de E. Marquant : "
L’É
CRITURE hiéroglyphique,
dont le nom signifie
gravure
sacrée, formait le système graphique des anciens
Egyptiens. Elle prenait plus spécialement le nom d’
hiéroglyphique
quand elle était employée sur les monuments. Elle s’appelait
hiératique (grec,
hieros,
sacré) quand elle était employée dans les manuscrits, les prêtres
faisant servir ce genre d’écriture à la propagation de leurs doctrines
religieuses. Les hiéroglyphes nous sont parvenus par ceux qui
ont été trouvés sur les monuments, monolithes ou obélisques, – dont
celui de la place de la Concorde à Paris, offre un des plus beaux
types, – et surtout sur les
colonnes hermétiques
qui étaient entièrement couvertes d’hiéroglyphes, et placées dans
l’endroit le plus mystérieux des temples égyptiens..."
Lettres d'Henry IV à Corysande (1585-1597) : "I
L n’est rien de si vray qu’ils m’apprestent tout ce qu’ils peuvent.
Ils pensoient que j’allasse de Grenade vous voir ; il y avoit au moulin
de Montgaillart cinquante arquebusiers qui prirent mon laquais et le
retinrent jusques à ce qu’ils eussent sceu que j’estois party de
Grenade pour venir icy. Ne craignés rien, mon ame. Quand ceste armée
qui est à Nogaro m’aura monstré son dessein, je vous iray voir et
passeray sur les ailes d’Amour, hors de la cognoissance de ces
miserables terriens, aprés avoir pourveu, avec l’aide de Dieu, à ce que
ce vieux renard n’execute son dessein..."
Prosper Béroux roi des Loudonniaux, l'épopée des humbles du Maine
de Roger Verdier (1899-1995) : " Mon gars Prospè, faut qu' tu
m'vendes ç'viau là!…" Assis face à face, les coudes sur la table
graisseuse, les deux hommes
s'affrontent. Dans la cheminée, un grand feu enveloppe la marmite de
ses franges de flammes. Des lueurs s'accrochent aux reliefs du
mobilier. Un méchant lit de noyer vêtu d'un couvre-pied surmonté d'un
édredon dodu; un corps de buffet dit "basset" aux pieds cagneux, décoré
de rosaces; une table desserte appuyée au mur sous un invraisemblable
bric à brac d'ustensiles de cuisine. Une petite femme sèche, à la peau
jaune, sans âge, s'agite autour de la
pièce en faisant claquer ses sabots sur le pavé délabré..."
[BULLETIN DE CENSURE] Index français, ouvrages contraires à la religion et aux mœurs : [Sélection de critiques]
(1844-1848).
[BULLETIN DE CENSURE] Almanachs
(1844) : " L'Almanach est un livre auquel s'est attachée depuis
quelques années une effrayante popularité ; effrayante est le mot, car
toutes les mauvaises passions, passions anarchiques, passions
irreligieuses, passions immorales, se sont emparées de cette forme
circulante et de ce titre populaire, pour se glisser subrepticement
dans les familles sans défiance, et y distiller leur dangereux poison.
Autrefois nous n'avions que deux ou trois almanachs qui renfermaient
des notions utiles, simples et claires sur les choses de la vie
usuelle, des conseils pratiques aux agriculteurs, aux éleveurs, aux
horticulteurs, etc., le tout mêlé à de sages maximes, à de nobles
exemples de piété et de vertus ; ces almanachs formaient toute la
bibliothèque du peuple ; et franchement, en était-il plus mauvais ? "
Les Amours secrètes des grisettes
(1828) par J.-B. Ambs-Dalès (1802-1857) : " Afin de procéder
méthodiquement à la revue des grisettes des divers quartiers de Paris,
nous commencerons par mettre à contribution les environs du Bazar de
l'industrie universelle, autrement dire du Palais Royal ; c'est dans
les rues de Richelieu, Neuve des Petits-champs, Vivienne, Feydeau,
etc., que nous prendrons d'abord nos modèles : ce quartier est celui
particulièrement de nos fringantes modistes. Elles méritent
particulièrement l'honneur de tenir le premier rang dans ce recueil, et
nous nous faisons un devoir de le leur assigner. Une démarche aisée
quoiqu'un peu prétentieuse, une mise décente, un langage recherché dans
la conversation : voilà ce qui distingue les modistes d'avec les autres
grisettes... "
Qu’est-ce
que l’Ame slave ? (1925) par François Porché (1877-1944) : "N
OUS
avons tout perdu, disait un de ces Russes dispersés à travers le monde,
comme il y en a tant aujourd'hui (1), nous avons perdu nos parents, nos
terres, notre situation sociale, nous sommes sans domicile, sans
profession, sans argent, mais il nous reste le charme slave. Et,
là-dessus, il riait, comme ils rient tous, un peu nerveusement. Mais
quant à s'expliquer sur la chose même, sur ce charme qu'il considérait
comme le privilège imprescriptible de sa race, cet exilé n'en avait
cure, tellement il s'agissait, dans son esprit, d'une vérité évidente.
L'expression, de fait, est si courante, qu'elle a pris l'apparence d'un
axiome. On dit le « charme slave » comme on dit le « bon sens français
»... "
Les Marchands d'ustensiles de ménage [et]
Les Maraîchers
(1842) par Joseph Mainzer (1801-1851) : "JE ne connais point, parmi les
crieurs des rues, à l’exception des maraîchers, de classe plus
nombreuse ni plus variée que celle-ci, dont je n’entreprends, pour
ainsi dire, que l’énumération ; il faudrait des volumes pour décrire
d’une manière complète tous les individus qui la composent. Et pourtant
le nombre n’en est pas encore aussi considérable qu’il pourrait l’être
si chacun d’eux adoptait une spécialité pour son commerce ; mais on en
voit plusieurs qui roulent sur des voitures longues, basses et légères,
de véritables magasins où figure de la façon la plus séduisante, et à
des prix dont la modicité étonne, un assortiment presque complet des
objets que peut désirer une ménagère. Tels sont, par exemple, ces
petits marchands à prix fixe, que l’on rencontre à toute heure de la
journée, principalement dans les faubourgs, et qu’on entend crier
incessamment, avec une voix rauque semblable à celle de Vernet jouant
un rôle de bossu...."
Le Trésor de la cuisine du bassin méditerranéen par 70 médecins de France
(ca1937) : Brillat-Savarin place les médecins dans la catégorie des «
gourmands par état » : « Vous êtes, leur dit-il, un jour où, sous la
présidence du docteur Corvisart, il assistait lui « neuvième », (ainsi
se qualifie l’auteur de la Physiologie du goût) à un repas de médecins,
vous êtes les derniers restes d’une corporation qui, jadis, couvrit
toute la France. Hélas ! les membres en sont anéantis ou dispersés…
Plus de fermiers généraux, d’abbés, de chevaliers, de moines blancs :
tout le corps dégustateur réside en vous. Soutenez avec fermeté un si
grand poids, dussiez-vous essuyer le sort des trois cents Spartiates au
pas des Thermopyles… »
Des connaissances hippiques chez les Arabes,
Des races animales en Algérie
(1853) par Jean-Henri Magne (1804-1885) : "
L'Orient est une des contrées sur lesquelles on nous a raconté,
relativement à la production et à l'entretien des chevaux, les choses
les plus extraordinaires et les moins en rapport avec ce que nous
savons sur la fertilité de ce pays et sur les mœurs de ses habitants.
Pendant des siècles, on a enseigné que tous les chevaux, en Arabie,
sont élevés, soignés, ménagés comme les enfants de la tribu ; qu'on les
nourrit avec du lait de Chamelle ; qu'on ne les fait travailler qu'à
l'âge où ils peuvent résister à toutes les fatigues ; que l'Arabe ne
les maltraite jamais. Depuis la conquête, à cette opinion en a succédé
une autre. Les Arabes,
répète-t-on souvent, abusent des forces de leurs chevaux ; ils les
soignent mal, les maltraitent et les nourrissent à peine pour les faire
vivre. Ces deux opinions nous ont toujours paru beaucoup trop
exclusives..."
Études sur le prolétariat dans les campagnes – Jean-Louis le journalier
(1850-1851) par Eugène Sue (1804-1857) : Ce récit est réel de tous
points, ainsi que l’indique le titre de ces études ; ce que je raconte,
je l’ai vu ; un long séjour à la campagne, où m’appelaient un besoin
croissant de retraite, de solitude et de travail, m’a mis à même de
connaître des misères, des douleurs, et parfois des vices, fatalement
inhérens à la condition sociale du prolétaire des champs ; ce sont,
pour ainsi dire, des chiffres moraux que je pose ; une sorte de bilan
de l’état physique et intellectuel d’une population que j’ai
attentivement étudiée ; attiré vers elle, par l’attrait du malheur
d’abord, puis par l’attrait des bonnes et vivaces qualités que
n’étouffent jamais entièrement ces vices auxquels ces populations sont
parfois forcément condamnées, oui, forcément condamnées ; pour qui a
réfléchi, pour qui a sans passion, sans préjugés, observé en pratique
l’humanité, il est incontestable : « que l’homme par instinct, par
nature, est bon, sensible, généreux, et selon la mesure de son
intelligence et de l’instruction qu’il a reçue, accessible à tous les
sentiments délicats et élevés ; la mauvaise éducation, le milieu où
nous vivons, l’ignorance, et surtout la misère et l’abandon, seuls,
nous dépravent, nous rendent criminels, mais jamais assez cependant
pour que l’excellence originelle de notre nature soit complètement
étouffée. »
Les Français peints par eux-mêmes : Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1840-1842) [suite] : Le Marchand de nouveautés par Pierre Bernard ;
Les Musiciens ambulants par Maria d'Anspach ;
Les Saturnales par Frédéric Kessler ;
La Confession d'un danseur par Gabriel Cournand ;
La semaine sainte à Paris par Emile de La Bédollière ;
Les Villas parisiennes par Francis de Valrine ;
La Femme sans goût par L.P.O. ;
Le Martyr de la Liberté [et]
Le Correspondant des journaux par E. Ourliac ;
La Marchande de poisson [et]
La Halle par Joseph Mainzer ;
Le Pénitent par Eugène Avond ;
L'Etudiant en vacances [et]
Un foyer de théâtre par L. Roux ;
Les Anglais en Suisse [et]
Les Femmes littéraires par Francis Guichardet ;
L'Huissier de campagne par Eugène Nus ;
Les Touristes en Italie par Francis Guichardet ;
Le Faubourg
Saint-Germain [et]
Le Marais par
P. Bernard et L. Couailhac ; Les Banquets d'anciens écoliers par Aloysier ; Paris pour les marins par G. de La Landelle.Les Courses de chevaux en France et en Angleterre (1865) par Louis
Énault (1824-1900) : " Je ne sais qui a dit que le cheval était le piédestal des princes : en
tout cas, c’était bien dit. Aujourd’hui beaucoup de gens, sans être
princes, aspirent à se donner au moins le piédestal. Ceux même qui
n’ont pas de chevaux à eux se passionnent pour les chevaux d’autrui. Il
suffit, pour s’en convaincre, d’aller un jour de courses à la Marche, à
Longchamps, à Vincennes ou à Chantilly. Nous savons la part qu’il faut
faire, ici comme en toutes choses, à l’engouement et à la mode ; mais
nous savons aussi celle qui revient au bon sens, à la raison et à la
vérité. Que les frivolités mondaines, ou les mœurs tapageuses du
demi-monde, aient vu là l’occasion, toujours si avidement recherchée
par elles, de s’affirmer au grand jour, c’est un simple détail, dont il
n’y a point à se préoccuper. N’est-ce point aux sermons du carême que
les belles dévotes essayent le premier effet de leurs toilettes
printanières ? On n’a jamais songé pour cela à supprimer les sermons.
L’abus est partout à côté de l’usage. Il faut garder l’un et se
résigner à l’autre..."
Les Ouvriers de Paris : Le Carrier (1851) par Pierre Vinçard
(1820-1882) : "En se promenant aux environs de Paris, on aperçoit de grosses pierres
brutes, à côtés desquelles se trouve une grande roue en bois qui de
loin ressemble à une immense toile d’araignée. Si l’on approche, on
voit au milieu des pierres un trou profond qui n’est autre qu’un puits. C’est l’aspect extérieur d’une
carrière (1). Quoique l’impression produite par ces objets soit sévère et même
triste, elle est cependant moins terrible que celle qu’on éprouve
lorsque, descendant dans l’intérieur du puits, on pénètre dans la
carrière. Les ouvriers y descendent au moyen d’une échelle fixée
contre le mur, dont les échelons sont en fer et qui est semblable à une
échelle de perroquet. Elle n’est attachée que du haut et remue au
moindre choc qu’on lui imprime. Les puits sont d’ordinaire extrêmement
creux. La carrière que nous avons visitée a un puits d’une profondeur
de 23 mètres ; il y en a qui sont creusées jusqu’à 30 mètres au-dessous
du sol. A mesure qu’on descend, la lumière du jour disparaît
insensiblement et on se trouve dans l’obscurité la plus complète..."
Colonies Françaises : Etat de la situation à l’Ile de la Réunion (1851) par Victor Schœlcher (1804-1893) : "Les
rétrogrades opposent souvent aux
imprudens promoteurs de
l’abolition de l’esclavage l’exemple de l’Ile de la Réunion, où cette
grande mesure, disent-ils, se serait accomplie avec tous les ménagemens
nécessaires. On sait ce qu’ils entendent par là ; le
National a fait
connaître en leur temps les arrêtés locaux à l’aide desquels on a
faussé l’esprit du décret libérateur. Les ménagemens nécessaires dont
il est question obligent des hommes et des femmes déclarés libres à
souscrire des engagemens, sous peine de l’atelier de discipline. Ces
règlemens, essentiellement illégaux, le ministre de la marine les a
blâmés lui-même, il a déclaré (séance du 3 mai 1850) avoir donné des
ordres « pour qu’ils ne fussent pas mis à exécution ; » mais ils n’en
sont pas moins appliqués tous les jours..."
Les Villes dépeuplant les campagnes (1903) par Jules Destrée (1863-1936) : " L'accroissement extrême des agglomérations urbaines est un des
phénomènes sociaux les plus marquants du dix-neuvième siècle. Sans
doute, les âges antérieurs ont connu des capitales extraordinairement
peuplées, mais il n'est pas de temps dans l'histoire du monde où
l'augmentation de la population des villes ait subi une progression
plus rapide et plus constante. L'observation peut en être faite non
seulement pour des pays neufs, à prospérité exceptionnelle (par
exemple, les Etats-Unis : New-York qui a aujourd'hui trois millions et
demi d'habitants, en avait, au début du siècle, soixante mille
seulement ; Chicago, qui a aujourd'hui dix-sept cent mille habitants
n'existait pas ; et Philadelphie, qui dépasse aujourd'hui le million, en
avait soixante-dix mille à peine) ; mais encore chez les vieilles
nations d'Europe : Berlin, de 172.000 en 1800, est passé plus de deux
millions, si l'on y comprend Charlottenburg, Schoeneberg et Rixdorf ;
Paris, de 548.000, à près de quatre millions ; et Londres de 958.000, à
six millions et demi. Ce phénomène, si frappant pour ces grands
centres, s'atteste de la même manière pour toute une série de cités de
moindre importance, et cela sur toute l'étendue du globe où règne la
civilisation moderne. Il semble que ce soit là un des traits
caractéristiques et nécessaires de la phase capitaliste de l'évolution sociale..."
La Justice dans l'Humanité
(1903) par Jean Jaurès (1859-1914) : "Lorsque je parle de la justice
dans l'humanité, je n'ai pas la
prétention de résoudre, mais je voudrais poser devant vous une grande
et difficile question ; elle se pose à ceux qui veulent interpréter et
essaient de comprendre l'histoire humaine, l'évolution des hommes.
Est-ce que le progrès humain, qui a conduit notre race de la brutalité
et de la sauvagerie primitives à un commencement d'ordre, de liberté et
d'équité, est l'effet du choc des forces aveugles et mécaniques, ou
bien a-t-il été déterminé pour une large part par la conception plus ou
moins nette, par la volonté plus ou moins consciente d'un idéal
toujours plus haut, vers lequel les hommes marcheraient délibérément?
En un mot, le progrès humain est-il l'effet de forces inconscientes, de
mouvements réflexes de passions et d'intérêts qui ont agité et
entrechoqué les hommes, ou bien la conscience humaine, guidée par
l'idée de justice, a-t-elle été une force décisive de mouvement et
d'évolution ?..."
La Suppression des Communaux (1903) par Emile Vandervelde (1866-1938) : " Sans méconnaître les inconvénients que présentent, au point de vue de
l'exploitation rationnelle du sol, les « communaux », les droits
d'usage, de parcours, de vaine-pâture, dans les forêts, les bruyères,
les terres incultes, il n'est pas douteux que ces survivances
médiévales contribuent puissamment à la stabilité des populations
rurales. Aussi longtemps qu'ils se maintiennent, les pauvres gens des campagnes
conservent des intérêts dans la communauté villageoise et ne
connaissent pas le dénuement absolu. « Avant la Révolution — dit Macaulay dans son
Histoire d'Angleterre —
des milliers de milles carrés, maintenant enclos et cultivés, n'étaient
que marais, forêts et bruyères. Une grande partie de ces terres
incultes, était, de par la loi, terrain communal, et la partie qui ne
l'était pas avait si peu de valeur, que les propriétaires permettaient
qu'elle le fût de fait. Le nombre des pauvres qui y butinaient et y
glanaient pour y trouver leur subsistance semblerait incroyable
aujourd'hui..."
[BULLETIN DE CENSURE]
:
Critique rétrospective des oeuvres complètes de Balzac (1845-1846) : "Comme nous avons donné assez au long dans la
Lecture,
numéros de mai, de juillet et d'août 1843, l'analyse littéraire des
principaux ouvrages de M. de Balzac, indiqué leurs tendances et leur
but, et esquissé la biographie du célèbre romancier , nous ne pouvons
nous répéter ici : nous allons seulement, en quelques lignes, comme
résumé et complément des appréciations précédentes, nous servir de ce
travail analytique et biographique, en ajoutant, au besoin, nos
documents propres à ceux déjà publiés..."
[BULLETIN DE CENSURE]
:
Du roman feuilleton (1844)
: "Autrefois le roman était un livre ; aujourd'hui il est un article de
journal. Quand le roman était un livre, on ne le lisait que peu ou
point ; le roman s'en est aperçu, et, pour se populariser, il s'est
fait feuilleton. Beaucoup de personnes honnêtes le redoutaient, ne
l'auraient pas touché, quand il avait la forme d'un volume ; maintenant
qu'il s'est glissé sur les journaux entre les
faits divers
et les annonces, on ne le craint plus, on le lit sans peur, sans
méfiance, et, sans qu'on s'en aperçoive, il blesse peu à peu, il jette
insensiblement sa lave dangereuse, qui consume avec d'autant plus de
succès, que ses feux sont plus couverts..."
Les Fonctionnaires et la Natalité
(1924) par Séverin Canal (1885-19..) : "Les fonctionnaires des diverses
administrations de l'Etat suivent depuis plusieurs mois avec attention
les travaux de la Commission spéciale présidée par M. Hébrard de
Villeneuve et, dont l'objet doit être la révision des traitements qui
ne correspondent plus au coût actuel de la vie. Sur le principe même de
ce « réajustement », aucune contestation ne pouvait s'élever. Les
chiffres actuels ont été fixés à la fin de 1919, dans un temps où la
courbe ascendante des prix était loin d'avoir atteint son maximum. Par
suite, les fonctionnaires publics ont été particulièrement mal traités,
puisque leurs appointements se sont trouvés stabilisés, alors que les
autres travailleurs ont connu depuis des relèvements de salaires
parfaitement justifiés..."
Hégésippe Moreau (1903) par Daniel de Venancourt (1873-1950) : "
Si
l'on a raison de glorifier les écrivains sublimes, il est juste
d'honorer les écrivains charmants, et surtout ceux qui moururent en
pleine formation, avant l'âge où leur talent aurait pu grandir jusqu'au
génie. Ainsi pour Hégésippe Moreau. La fidélité avec laquelle les
générations successives ont conservé sa mémoire, cette tendre fidélité
parait aisément explicable. Même quand soixante, cinq années ont passé,
la fin douloureuse d'un jeune poète continue d'exciter dans l'âme du
lecteur, non seulement une tristesse profonde, mais encore un amer
regret. Et, pour rétrospective qu'elle soit, la désolation est bien
légitime, lorsqu'on songe que l'oeuvre si vite interrompu avait eu un
si beau commencement..."
Les Conseils d'un Gnome, fragment d'une féerie inédite (1875) par Gustave Flaubert(1821-1880).
La Résistance alsacienne [et]
L'Autonomie de l'Alsace-Lorraine (1910) par Henri Lichtenberger (1864-1941) : "
L'Alsace traverse en ce moment une phase critique de son existence. On
sait qu'aujourd'hui encore, en fait comme en droit, l'Alsace-Lorraine
subit un régime d'exception. Elle est une province d'Empire régie au
nom de l'Empire par des fonctionnaires d'Empire. Elle n'a pas de
représentant au Conseil fédéral. Elle est soumise au contrôle et à la
surveillance de l'autorité impériale. Elle est gouvernée par un corps
administratif où la plupart des postes supérieurs et la grande majorité
des fonctions subalternes sont confiés non à des indigènes, mais à des
Allemands. Bref le Reichsland est
toujours encore traité à certains égards en « pays conquis » : il ne
jouit pas des mêmes droits que les autres Etats de l'Empire..."
L'Ouvrier de Paris (1842) par M.-J. Brisset (1792-1856) : "N
OUS
abordons un bien vaste sujet. Pour peindre convenablement l’ouvrier de
Paris, il faudrait faire de chaque métier la matière d’un chapitre
séparé ; car chaque métier a son esprit, ses mœurs, son langage, son
allure. Il y a des métiers qui rapprochent ceux qui les exercent des
arts, de la littérature, des sciences, et qui demandent plus de goût,
de délicatesse, de connaissances, que de force physique. Les individus
employés et retenus dans cette sphère d’intelligence peuvent-ils être
rangés parmi ceux qui, enchaînés pour ainsi dire à la matière, trouvent
dans la lutte incessante de l’esprit de l’homme contre son inertie,
l’emploi et le tarif de leur vigueur musculaire ? L’ouvrier mécanicien,
le peintre décorateur, le bijoutier, le typographe, par exemple, n’ont
que bien peu de rapports avec le terrassier, le carrier, le maçon, le
tailleur de pierres. La différence du salaire creuse entre ces
travailleurs une ligne de démarcation aussi profonde que celle qui
résulte de la nature de leur travail journalier et du milieu où il les
fixe. Il y a donc sous ce titre générique,
l’Ouvrier de Paris,
des classes aussi distinctes entre elles que le sont, dans le monde
moral, l’ignorance et l’éducation, et dans le monde physique, l’aisance
et la misère..."
Le Jésuite (1842) par Edouard Lasséne : "P
OUR
saisir aujourd’hui avec quelque exactitude les traits à demi effacés du
jésuite, il faut pénétrer soigneusement dans les recoins les plus
profonds de notre vie sociale, et esquisser, comme à la dérobée, un
modèle qui s’évanouit avant qu’on ait pu le considérer. Ce n’est pas
que les jésuites n’aient plus de place dans l’histoire de nos mœurs,
car alors nous n’aurions pas à nous en occuper ici ; mais peu s’en est
fallu que cette place, depuis douze ans circonscrite et obscurcie, ne
disparût enfin tout à fait. Quelques établissements s’élèvent encore en
France : au milieu de nous, à Paris, une maison professe, centre sans
circonférence, cherche à reformer des liens nouveaux ; mais ces
établissements rares, cachés avec soin, craignant par quelque bruit
d’éveiller des lois qui les proscrivent, échappent aux regards d’une
opinion qu’ils redoutent, et qui s’est tant de fois déclarée contre
eux, et attendent, dans le silence, des temps meilleurs, qui, sans
doute, ne viendront jamais relever leur prospérité perdue. Comme tant
de puissances du passé, le jésuitisme est un débris : pour tous digne
sujet d’étude, il n’est plus, même pour ses ennemis, un sérieux motif
de crainte..."
La Marchande de friture (1841) par Joseph Mainzer (1801-1851) : " Q
UAND vous
traversez la place de Grève, le quai des Tournelles, le pont au Change
ou le pont Neuf, vous sentez venir à votre odorat un certain parfum de
rissolé qui vous enveloppe et vous poursuit d’une manière plus ou moins
agréable, suivant la disposition de votre estomac, l’état de votre
bourse et la susceptibilité de vos organes. Si vous êtes de ceux pour
qui le café Anglais et Véry agrandissent chaque jour, par de nouvelles
conquêtes, le domaine de la science culinaire, je vous conseille de
passer vite ; mais si votre mauvaise étoile a fait de vous un de ces
pauvres diables qui sortent le matin de leur gîte sans avoir la
certitude d’y pouvoir rentrer à la fin de la journée, et qui ne
sauraient appliquer le mot menu à leur repas autrement que dans son
acception qualificative, oh ! alors, arrêtez-vous, et que votre figure
s’épanouisse : vous vous trouvez devant la ressource du malheureux
affamé, le restaurant des bourses prolétaires, devant la marchande de
friture..."
Croquis de Lorraine : Liverdun (1901)
par Anthony Valabrègue (1844-1900) : " Une rivière aux eaux basses,
toute rougeâtre, coulant au pied des collines dans un lit semé de
cailloux, écumant çà et là entre les pierres avec un gai clapotis,
telle est la Moselle, lorsqu'on la rencontre un peu au delà de Toul, en
traversant en chemin de fer le pont de Fontenoy.Elle apparaît dans sa
nouveauté, bruissante, vibrante, courante. Des laveuses penchées sur le
bord, se tenant sur de grosses pierres, font entendre un bruit saccadé
de battoirs. « La gracieuse rivière ! » se dit-on. Elle n'est point
verte ; elle a une teinte foncée où semble se mêler un ton de rouille,
comme si elle avait parcouru un terrain riche en minerai de fer. La
gracieuse rivière !..."
Explication du Tableau chronologique de l'Histoire générale des peuples et de leurs cultes (1832)
par Arnault Robert : "Avant de développer le système de composition de
ce tableau, il est peut-être à propos de donner une explication
préliminaire ; la voici : La science de l'histoire se considère de deux
manières : ou l'étude qu'on en fait n'est que spéciale, suivant qu'on
ne s'occupe que de l'une de ses branches quelconque, en particulier,
comme l'histoire de France, l'histoire d'Angleterre, etc., alors on ne
connaît que des faits isolés, dont les rapports avec les faits généraux
ne peuvent être marqués ; ou cette étude est générale, suivant qu'elle
embrasse à la fois toutes les parties diverses de l'histoire, ancienne
et moderne, profane et sacrée, et l'on obtient alors cet avantage, que
les faits, toujours comparés entre eux, soit dans les annales du même
âge, soit avec les temps qui ont précédé ou suivi, présentent partout
des rapports qui instruisent, ou qui satisfont la curiosité..."
LE PRISME : Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle [suite] :
Le Berger (1841) par Etienne de Neufville (1815-1869) ;
Une éducation universitaire (1841) par Hubert de Romilly ;
Le Gant-jaune napolitain (1841) par Alexandre Rabot ;
Les Flotteurs (1841) par Edouard Seguin (1812-1880) ;
Les Canotiers (1841) par Charles Friès ;
Les Passagers (1841) par G. de La Landelle (1812-1886) : "L
E
passager, homme fait colis, est pour les marins une marchandise de
valeur essentiellement variable, qui tient le milieu entre un ballot de
soieries et un boucaut de sucre, et qui mérite, en général, l’étiquette
: FRAGILE. C’est un lest volant difficile à arrimer, beaucoup plus
incommode qu’une cargaison de nègres, un peu moins peut-être qu’un
chargement de mulets ; car, s’il a le droit de venir promener ses
ennuis sur le pont, comme il le veut et quand il le veut, s’il gêne et
encombre à toute heure, il n’est pas nécessaire, par contre, de visiter
ses sangles, de lui porter la botte, de le panser, ni de l’étriller.
Qu’il ait le mal de mer, qu’il dépérisse par suite des fatigues du
voyage, qu’il fasse une chute dangereuse, ses souffrances n’ont rien de
commun avec les intérêts de l’expédition : il se traite lui-même tant
bien que mal, et ses avaries sont toutes à sa charge..."
Histoire des chemins de fer
(1843) par Pierre Bos-Darnis (1809-1869) : "Les chemins de fer sont la
conquête la plus extraordinaire, la plus importante, la plus féconde du
dix-neuvième siècle. Qui a inventé les chemins de fer ? Une telle
innovation ne pouvait sortir complète de la tête d'un seul inventeur ;
il a fallu plusieurs perfectionnements successifs, le travail de
plusieurs hommes de génie, pour l'amener à l'état où nous la voyons
aujourd'hui. L'idée de faciliter le tirage des voitures en plaçant sous
le passage des roues un corps dur et uni était si simple et devait se
présenter si naturellement aux hommes les moins ingénieux, qu'il ne
serait même pas possible de lui assigner une date. Que l'on ait employé
successivement à cet effet des dalles en pierre, des pièces de bois, et
enfin des bandes de fer, ce sont autant de perfectionnements qu'a subis
la construction des voies, mais dont l'usage ne se répandit pas
d'abord. Ce n'était, au reste, qu'un premier pas vers l'invention du
mode de transport dont nous obtenons aujourd'hui de si admirables
résultats..."
La Barrière de la Villette
(1841)
par Louis Roux : "A
l’extrémité des faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin, entre la butte
Montmartre et la butte Saint-Chaumont, plus rapprochées de celle-ci que
de celle-là, sont placées deux barrières réunies par un demi-cintre, et
séparées par une caserne, colysée municipal qui domine comme un colosse
la grande et la petite Villette..."
Le Nouveau Paris (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : "LES
quartiers neufs, qui s’élèvent à la voix des architectes comme des
palais magiques sous la baguette d’un enchanteur, donnent aux rues que
protége sainte Marie de Lorette une physionomie étrange et pleine
d’originalité. Ces rues sont si pressées de vivre, que beaucoup ne se
donnent pas le temps de grandir avec mesure ; elles font comme une
troupe d’enfants éparpillés dans un jardin : elles empiètent les unes
sur les autres, et se volent quelques toises de terrain à la sourdine,
aux dépens de la régularité. Quoique toutes jeunes encore, et à peine
nées d’hier, plusieurs tortillent et rampent en serpentant comme leurs
vieilles grand’mères d’outre-Seine..."
La Misère (1841) par Andréas : "PAUVRE mère
! Elle était avant comme beaucoup d’autres femmes, ni plus ni moins
malheureuse. Un jour seulement elle s’effraya de la destinée qui
l’attendait. La misère s’était assise, pour n’en plus bouger, sur le
seuil de sa porte, au cinquième étage. La misère a-t-elle une
expression ? Si elle devient l’indigence même, on s’habitue
sur-le-champ à la confondre avec le néant. Madame Angel est mère de
quatre enfants ; son mari mourut l’an dernier, pris dans l’engrenage
d’une machine à vapeur, victime de l’industrie, dans l’atelier où il
travaillait pour vivre au jour le jour. L’atelier ne fut pas fermé ; on
dit, entre voisins, qu’un ouvrier était mort et qu’il laissait une
femme et des enfants ; l’émotion s’arrêta là. La veuve recueillit
l’héritage du travailleur : beaucoup de larmes, sans pain, elle lutte
contre la misère ; elle est beaucoup plus morte que son mari..."
Le Garde champêtre (1841) par François Coquille : "Vous
l’avez rencontré le long des haies, sur le bord des taillis, au milieu
des prairies et des champs ; vous l’avez reconnu à son pas régulier, à
son extérieur moitié civil et moitié militaire, à son air d’importance
et de simplicité, à son sabre, à sa plaque, et mieux encore à son
tricorne surmonté d’une cocarde. Cet appareil presque menaçant, loin de
vous alarmer, vous a fait sourire, et vous avez échangé un salut amical
avec le défenseur de la propriété et de l’ordre public..."
Petits métiers littéraires (1841) par Francis Guichardet : "
LE mendiant de lettres est une des plaies de la littérature, un des plus horribles ennuis de la gloire que nous espérons tous. Je
vous suppose aussi inconnu que le dernier rapin littéraire, et, sous
l’influence d’un cauchemar dramatique, vous vous abandonnez aux rêves
de vos prochains succès, encore endormi dans les bras de Morphée, comme le disait M. E. Dupaty, de l’Académie française. Le
bruit de votre sonnette vous a jeté bien loin de vos illusions
littéraires. La figure grimaçante d’un créancier est venue se glisser
dans le brouillard de votre réveil ; tous les bottiers aiment à voir lever l’aurore !.."
Le Club de petite ville (1841) par Francis Guichardet : " LORSQUE
les gens du monde sont attroupés, ils se croient en société. – Ce mot
d’un des écrivains satiriques du siècle dernier peut assurément
s’appliquer encore aujourd’hui à certaines réunions formées par
l’habitude et soutenues par le désœuvrement. Une ville du département
du Calvados se rendit autrefois célèbre par l’originalité de ses
assemblées quotidiennes. L’industrie n’y avait pas encore introduit ses
gigantesques inventions ; l’esprit de spéculation n’était pas venu
l’envahir ; le petit commerce lui-même, soumis à des idées de
stagnation, s’y trouvait depuis longtemps renfermé dans d’étroites
limites, et cela parce que les paisibles habitants de ce fortuné pays
avaient pris la sage résolution de jouir en paix des douceurs de la société..."
Les Restaurants du Quartier latin ; La Rue où l’on ne meurt pas
(1841)
par Louis Roux : " FAIRE l’histoire
des restaurants du quartier latin serait écrire celle de toute la vie
des étudiants, qui, en général, ne connaissent pas d’autre régime,
d’autre alimentation que celle du restaurant. Rien
n’est plus renommé que les restaurants du quartier latin, ce qui ne
prouve pas qu’ils le soient par la bonne chère qu’on y fait. L’étudiant
retranche volontiers quelque chose à ses dîners pour ajouter à ses
plaisirs. Si, dans les restaurants du quartier latin, vivre peut
sembler un paradoxe, en revanche, manger y est la plus substantielle
des réalités. Un bon esprit et un bon estomac ne sauraient s’empêcher
de reconnaître qu’on y vit mal, et qu’on y mange bien, c’est-à-dire
beaucoup et à juste prix..."
Les Bals d'été ; Les Bals d'hiver (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : " MALGRÉ l’autorité
didactique de M. de Saint-Lambert, poëte officiel des saisons, la
Terpsychore parisienne n’en reconnaît que deux dans le cours de l’année
solaire : elle a destitué l’automne et le printemps ; seuls l’été et
l’hiver jouissent d’une existence légale devant la baguette de ses
chefs d’orchestre, qui sont ses grands ministres. L’été
chorégraphique commence le 1er mai ; il naît avec les fleurs ; la
première contredanse est sœur des lilas de Romainville. Il meurt avec
les feuilles jaunes ; comme le poëte de Malfilâtre, il attend la pâle
automne pour expirer, et la dernière grappe qui tombe marque sa
dernière valse..."
Le Grand Messager boiteux pour 1824 : Variétés instructives, morales ou plaisantes : "Lorsqu’un
jeune homme de l'une de nos petites villes d’Alsace vient pour la
première fois à Strasbourg, il est tout ébahi de voir cette population
nombreuse qui circule rapidement dans ses rues, ces maisons à 4 et 5
étages serrées l'une contre l'autre : et cependant Strasbourg, sous ce
rapport, ne peut guères se comparer qu'à un faubourg de Paris. Mais
Paris même, cette grande et superbe ville, est pour l'étendue et le
nombre de ses habitants encore bien au-dessous de Londres. Là on
comptoit, en 1811, 1.990.300 habitants qui y vivent tant bien que mal.
Probablement les deux millions seront bientôt complets. Cette ville
contient donc à elle seule le quart de toute la population du royaume
d'Angleterre. On pourroit loger à Londres la masse entière des sujets
de certains royaumes..."
Le Grand Messager boiteux pour 1824 : Almanach de l'agronome,
contenant les travaux que le cultivateur et le jardinier doivent faire
pendant chaque mois : "Mois de Janvier. -
Comme
le froid ou le mauvais temps oblige de rester à la maison, on doit
profiter de cet intervalle pour raccommoder tous les instruments du
labourage, tels que charrettes, charrues, harnois, et apprêter les
échalas pour la vigne ; travailler aux chanvres et aux lins, saler les
cochons. Quand le temps permet de sortir, on doit tailler la vigne,
couper les saules et les peupliers, fumer les arbres qui languissent,
enter ceux qui sont hâtifs ; labourer les terres légères, relever les
fossés, couper des bois pour les espaliers et les treilles, tailler les
arbres des jardins, piocher les framboisiers, couvrir les plantes des
fleurs qui craignent le froid, mettre à l'abri des trop grandes pluies
les anémones et les jeunes plantes semées dans des pots ou caisses..."
La Suprême hôtesse (1905) par Saint-Pol-Roux (1861-1940) : "Sous un soleil d'aïoli je flâne parmi ces palettes de Monticelli que
sont, autour de la bitumeuse toile du Vieux Port, les quais de
Marseille, et je vais du tas d'oranges au tas de mandarines, de la
pyramide de maïs à la pyramide de blé, des couffins de figues aux
couffes de pistaches, du vieil or fondant des dattes aux trophées de
bananes, tous produits importés de pays suscepti-bles de figurer sur la
mappemonde comme autant de tapis bizarres..."
Berceuse marine (1905) par Mécislas Golberg (1869-1907) : "Le
vent froid souffle de la montagne. Il chasse des nuages qui,
paresseux, pèsent sur les cimes ou se traînent indolents sur la plaine
des eaux. Soudain, le rideau qui ferme l'horizon se déchire et dans le
lointain,
frémissante et lumineuse paraît la mer. Elle va vers la Corse
fleurie et la blanche Afrique, vers la Sicile
parfumée, vers Nice vêtue de manteau d'arlequin et couronnée de roses.
Elle revient à la rive et fouette les pierres qui sanglotent. En
léchant le sable, elle se couche à mes pieds. Puis une brise l'éloigné.
Un appel des profondeurs marines la fait fuire. La mer va et vient. Son
magnifique poitrail se lève et retombe en
cadence des vents et des forces mystérieuses..."
Marcel Lami (1909) par Paul Margueritte (1860-1918) : "Celui qui portait, comme un
masque de verre, ce nom plein de douceur, avait eu le cœur et le visage
ravagés par le plus tragique destin. Ceux qui, en ces dernières années,
ont rencontré Henri Chambige, avec son haut front réfugié vers les
cimes du rêve, ses yeux douloureux, son sourire meurtri ; avec ce beau
masque pétri de souffrance et de fierté, ce masque aride où luisait un
admirable reflet de soleil d'âme ; ceux-là ne l'oublieront plus..."
Les Fusillés de Vingré (1926) par M. Nadaud et M. Pelletier : "Pour peu expérimenté que l’on fût en 1914 en matière de guerre de
position, on en savait assez pour, en s’inspirant d’inattaquables
principes, ne laisser en toute première ligne, qu’un rideau de
guetteurs. Aussi le sous-lieutenant Paulaud de la 19e [?] compagnie du
298e R.I., à qui, le 27 novembre, était confiée la garde de la tranchée
de la
Maison détruite, en
avant de Vingré, décida-t-il de ne laisser dans l’élément de droite de
la tranchée qu’un petit poste de cinq sentinelles doubles, des 3e et 4e
escouades ; à la gauche de cette ligne, deux autres escouades étaient
aux créneaux, la 5e, caporal Floch, la 6e, caporal Venat..."
Petit guide de médecine élémentaire à l’usage de la famille [et] Dictionnaire vétérinaire pratique à l’usage de la ferme (1912) : Abcès.
— C'est un amas de pus qui se forme dans une partie enflammée et dont
la cause déterminante est généralement un coup, une foulure, un effort,
etc... Traitement : cataplasme de farine de seigle et d'huile de colza,
pour faire mûrir l'abcès ; à maturité, le faire ouvrir par un médecin,
continuer les cataplasmes, et nombreux lavages antiseptiques. Nous
recommandons tout particulièrement le Papier Fayard qui
est souverain pour le traitement et la guérison des abcès, panaris,
furoncles, anthrax et tumeurs. Depuis quelques années, les Drs Brocq,
Massié-Debouzy, etc., ont expérimenté la levure de bière dans le
traitement des abcès, furoncles, etc. La Levure de Bière Strauss a
toujours donné d'excellents résultats en raison de sa pureté. —
Demander la notice, Pharmacie de la Croix de Genève, 142, boulevard
Saint-Germain, Paris...
Le Boulevard des Italiens
(1841) par Edmond Texier (1815-1887) : " C
HAQUE
boulevard de Paris a sa physionomie qui lui est propre, avec ses
habitudes, ses mœurs et ses hôtes particuliers. Le boulevard Montmartre
touche au boulevard des Italiens, et cependant un abîme les sépare. –
Cet abîme de quinze pieds de large, qui est la rue Richelieu, sert de
frontière à deux populations tout à fait différentes. – C’est le
Rubicon de deux empires limitrophes. – Il n’y a que Paris qui puisse
offrir aux regards de l’investigateur ces changements à vue de
populations. Nous ne nous occuperons pour aujourd’hui que du boulevard
des Italiens..."
Physionomies du jour de l’an
,
Les Visiteurs du salon : I
& II
(1841).(1841) par Francis
Guichardet (18..-18..) : "
LES misanthropes
de la presse, La Bruyères à trois sous la ligne, moralistes chagrins,
se plaisent, depuis quelques années, à poursuivre de leurs sarcasmes ce
qu’ils appellent les ridicules du jour de l’an.
On dirait que tous ces esprits mal faits se sont donné le mot pour
faire disparaître ce jour néfaste du calendrier. A les entendre, leurs
relations variées et les convenances du monde les mettent dans la
nécessité de se ruiner par de folles dépenses, de vivre de privations
pour faire honneur à des exigences consacrées, d’emprunter même, s’ils
veulent se donner des allures de Noureddin ; et ce mécontentement, ces
folles dépenses, ces emprunts, ces privations, cette ruine complète, se
réduisent à vingt francs qu’ils partagent somptueusement entre le
portier, le facteur, les porteurs de journaux, et les garçons de leurs
cafés !.."
Paris nocturne (1841) par Louis Roux (18..-18..) : P
ARIS a des phénomènes de relation qui établissent des
analogies entre son existence et celle d’un corps anatomique
naturellement organisé ; nous dirions encore que, jouissant d’un
système sidéral bien supérieur à celui du firmament, Paris, sublime
composé d’astres et de planètes, opère une révolution diurne et
nocturne, si sa physionomie devait résulter de similitudes
microscopiques ; mais Paris est plus à même de fournir des comparaisons
que d’en emprunter aux autres. Nous allons, sans être un Homère, procéder à la façon de
l’Odyssée,
et contempler Polyphème pendant son sommeil..."
Le Garde-côte (1841) par Charles Rouget : " POUR
bon nombre de Français, pour quantité de Parisiens, surtout, le type
que nous avons choisi est parfaitement inconnu. Ce ne sont plus là de
ces physionomies heureuses que chacun reconnaît et salue, devant
lesquelles on s’arrête en souriant, qui ont droit de bourgeoisie parmi
nous, droit consacré depuis longtemps et que nul ne leur conteste.
L’Épicier, l’Étudiant, la Grisette, trois types s’il en fut, et que
nous prendrons pour exemple entre mille, se sont merveilleusement
passés du secours de la définition. Ils se sont présentés, et tout
d’abord on les a reconnus. Cordialement accueillis, fêtés, choyés de
tous, qui donc aurait osé élever le moindre doute sur leur identité ?
Quant à nous, moins heureux, nous allons avoir à justifier
bientôt de nos prétentions ; déjà le lecteur nous guette, et, placé en
vedette sous la forme d’un point d’interrogation, il nous appréhende au
passage..."
« Qu’est-ce qu’un garde-côte ?
Le Mineur (1841) par F. Fertiault (1814-1915) : "
IL est
certaines existences que d’immenses travaux, de vastes exploitations
accaparent, absorbent tout entières ; qui semblent pour ainsi dire les
victimes résignées et sans réplique de quelques impérieux besoins.
Toutes sont exposées, à différents degrés, à des dangers plus ou moins
grands, plus ou moins continuels : ainsi le soldat a le canon, le marin
les tempêtes, dangers, certes ! dont on peut difficilement nier
l’imminence et la gravité ; mais dangers intermittents, dangers semés à
intervalles de vives jouissances ou de gais repos ; tandis que
l’existence que je veux vous faire connaître, et qui réunit à elle
seule les périls de toutes les autres, a, de plus que ces autres, que
ses périls sont incessants, et qu’il n’y a pas de minute où la crainte,
si l’habitude ne diminuait la crainte, ne lui fasse voir, près de
crouler sur elle et de l’envelopper, les accidents et les catastrophes
de tous les genres… Cette existence est celle du mineur..."
Le Missionnaire (1841) par Taxile Delord (1815-1877) : "CE personnage
appartient principalement à la France, et c’est pour elle un véritable
titre de gloire. Les autres nations sans doute se montrent encore
jalouses d’étendre au loin l’influence du christianisme, mais nulle
part les efforts tentés dans ce noble but ne sont plus continus, plus
généraux, plus persévérants que dans le royaume de Clovis. C’est
l’honneur de notre patrie d’avoir toujours été le centre universel, le
pivot du catholicisme. Malgré nos révolutions, l’esprit catholique
s’est toujours maintenu en France. Ce que la royauté faisait pour les
missionnaires au temps des splendeurs monarchiques, ce sont les
individus qui le font aujourd’hui. La religion du Christ n’a jamais
manqué d’appui parmi nous : du nord au midi, du couchant à l’aurore, de
pieux travailleurs sèment leur moisson. L’instinct des navigateurs a
beau les pousser vers des régions inconnues, vers des mers inexplorées,
vers des terres sauvages, d’autres navigateurs découvriront ces
régions, parcourront ces mers, habiteront ces terres en même temps
qu’eux : ces navigateurs guidés par le ciel sont les missionnaires. .."
Le Canut (1841) par Joanny Augier (1813-1855?) : "LE canut
était, il y a dix ans, presque inconnu en France et en Europe ; sa
renommée ne s’étendait pas plus loin que les barrières de la ville de
Lyon, ou du moins ne franchissait pas les limites de quelques communes
du département du Rhône, résidences habituelles de cet ouvrier. Mais
depuis les événements qui ont suivi la révolution de 1830, c’est-à-dire
depuis les mois de novembre 1831 et avril 1834, le canut s’est produit
au grand jour par sa participation aux scènes désastreuses qui ont
ensanglanté la seconde cité du royaume. Je
suis loin de vouloir ici parler politique ou commerce… Je ne veux pas
non plus discuter les motifs justes ou injustes que les ouvriers
lyonnais invoquèrent pour courir aux armes et pousser le cri de révolte
; je ne veux envisager le canut que dans sa vie privée, dans cette vie
de persévérance et de labeur qui contribue pour une bonne part à la
prospérité de la France. Je serais fort embarrassé de donner ici l’étymologie du mot canut,
par lequel on désigne l’ouvrier de la fabrique lyonnaise, qu’il
travaille sur la soie, le velours ou les châles. Ce mot est-il dérivé decanette, bobine sur laquelle se roule la soie ? Grammatici certant, et adhuc sub judice lis est..."
Le Religieux (1841) par Georges d'Alcy : "AU milieu
de notre monde parisien, de ce beau royaume de France, si plein de
bruits et d’agitations, ce n’est point l’avenir qui nous préoccupe,
c’est encore moins le passé. Nous vivons au jour le jour, je ne dirai
pas sans illusions, car l’homme subira toujours les illusions de
l’amour-propre ; mais sans croyances ; seulement pénétrés de nos
mérites personnels et du petit rôle que nous prétendons remplir sur la
scène du monde, les uns aux dépens des autres. Nous n’avons que de
l’indifférence pour tout ce qui vit et s’agite en dehors de notre
sphère, pour tout ce qui n’influe pas directement sur notre bien-être
matériel, et les événements où nos passions sont engagées sont les
seuls qui nous intéressent. – L’égoïsme et l’indifférence, – voilà la
plaie de l’époque, les signes précurseurs d’une transition ou d’une
décadence ; aussi, pouvons-nous à plus d’un titre appliquer à notre
génération ces vers si énergiques qu’Horace adressait à la jeunesse
romaine..."
Le Tailleur (1842) par Roger de Beauvoir (1809-1866) : QUEL est
ce pauvre hère, aussi maigre que la batte d’Arlequin, jaune et maladif
à faire trembler, dont la poitrine rentrée décrit un arceau, dont les
jambes grêles forment un X ? Un bouquet de barbe taillée en pointe à la
façon de celle de Don Quichotte grisonne sur son menton, des lunettes
de magicien ou d’alchimiste pincent son nez ? il laisse tomber de joie
ses ciseaux en vous voyant tourner le coin de sa rue et monter ses
quatre étages. Vous sonnez à sa porte, et il vous reçoit avec les
façons les plus humbles, vous offrant la meilleure chaise de chez lui.
Il n’a pas de valet, il n’a que sa femme, sorte de figure chinoise qui
incline la tête à vos moindres ordres, et dont le sourire stéréotypé
commence au premier de l’an pour finir à la Saint-Sylvestre. A vous
voir monter chez cet homme logé au plus haut palier de la maison,
vivant dans une cage méphitique, entre un perroquet déplumé et une
femme qui sent la cuisine, un provincial croirait que vous lui portez
quelque aumône ; vous sortez cependant, et il vous reconduit, son
bonnet de soie noire à la main, en descendant vingt ou trente marches.
Serait-ce un usurier ? il est trop modeste ; un propriétaire ? il
serait bien mal logé ; un auteur ? cela pourrait être. Levez les yeux
et regardez cet écriteau, il vous dira son métier. C’est un tailleur..."
Le Sergent de Ville (1842) par Armand Durantin (1818-1891) "IL y
a dans notre monde civilisé de ces plaies tellement vives, tellement
honteuses, que le cœur se soulève de dégoût rien qu’à les voir ; il est
de ces cloaques dont l’impureté répugne assez pour que l’on tremble en
mettant le pied sur le seuil de leur porte ; il existe quelques classes
d’hommes dont le nom seul est une insulte, une ignominie, un fer rouge
qui se grave ineffaçable, comme jadis les terribles lettres T. F. sur
l’épaule du galérien. S’il a fallu du courage à Parent-Duchatelet pour
visiter les égouts ténébreux de la capitale, il lui fut nécessaire d’en
avoir plus encore pour franchir la porte de ces repaires impurs, de ces
égouts parés de guirlandes flétries où l’on voit trôner en souveraine
la prostitution dans la moderne Babylone. C’est dans les grandes villes comme Paris que toutes les misères de la société viennent se cacher..."
Les Ouvriers du fer (1841) par Emile de La Bédollière (1812-1883) : "UN autre
vous a dit quels hommes sillonnaient le sein de la terre pour en
extraire les richesses ; étudions maintenant la classe des travailleurs
qui, recevant le minerai à l’état brut, le fond, le plie, le façonne en
instruments à notre usage : classe de salamandres humaines qui
s’agitent au milieu des flammes ; cyclopes des temps modernes, noirs
esclaves de l’industrie, ruisselant de sueurs intarissables au service
de la communauté sociale. La
France est féconde en mines de fer. On en trouve aux quatre points
cardinaux, dans les Ardennes comme en Corse et sur les confins de
la Savoie, dans la Charente comme près des côtes de la Manche.
Choisissons, s’il vous plaît, nos modèles dans les départements du
centre, formés du morcellement du Berri, du Nivernais, du Bourbonnais,
de la Bourgogne, du Forez, etc. Le fer y est abondant, d’excellente
qualité, presque à fleur de terre,..."
Le Bohémien (1841) par Amédée Achard (1814-1875) : "
NE vous
étonnez pas trop de rencontrer l’enfant perdu de la Bohême dans cette
grande galerie où les Français seuls ont droit de bourgeoisie. Pour
n’être point de la même famille, il a cependant des titres à notre
attention. Si le Champenois ou le Normand heurte les Bohémiens dans sa
route, c’est que les Bohémiens, comme ces aventureux bâtards qui,
n’ayant aucune origine, prenaient hardiment le nom d’une race noble,
ont posé le pied sur le sol de la France, et, s’y trouvant bien, y sont
restés. Allez
dans le Midi, dans le Languedoc, en Provence, dans le Roussillon, et
partout, au fond de la vallée, sur le flanc de la montagne comme dans
la plaine, vous trouverez le Bohémien, vagabond qui ne sait d’où il
vient, et ne sait pas davantage où il va..."
Le Lutteur (1841) par Henri Rolland : "IL est
des noblesses abâtardies, des royautés devenues mendiantes, des statues
tombées du piédestal, des arts descendus au rang de métiers. Combien de
colosses puissants qui étonnent nos yeux dans les temps passés par
leurs proportions, se sont amoindris en traversant les époques, ainsi
que les bâtons flottants sur l’onde ; soit qu’à la façon de Procuste,
nous les ayons écourtés à la mesure de nos tailles, soit que les âges
aient emporté leur physionomie peu à peu, de même que chaque instant
dissipe les parfums d’une cassolette ! Qui reconnaît sous le toit de
l’échoppe aux contrevents verts, dans le vieillard courbé sur un bureau
zébré d’encre et de coups de canif, le scribe, commensal des rois et
des seigneurs, qui guidait la plume dans les doigts ignorants de la
châtelaine, le poignard sur le parchemin dans la main rebelle du
chevalier ? Et le barbier-chirurgien-étuviste, ce prototype de Figaro,
jadis armé du rasoir et de la lancette, gazette babillarde du scandale,
entremetteur d’intrigues, alègre et prospère, n’a-t-il pas vu son
monopole envahi, morcelé, et maintenant n’en est-il pas réduit au plat
à barbe que piteux et morne il tend comme la sébille du pauvre ?
L’athlète et le gladiateur, que Phidias, Ctésilaos, et Agasias, ont
reproduits en marbre comme un défi de perfection à notre humanité
dégénérée, façonnés dans le moule antique, grec ou romain, peuvent-ils
avoir même une copie décolorée dans le LUTTEUR de
nos temps, court et trapu ; lourd et commun ; grossier d’allure, et
qui, comme Quasimodo, fait mentir l’axiome que de l’harmonie naît la
force ? "
Le Braconnier (1841) par Joseph Lavallée (1801-1878) : "EN France,
le gibier est devenu tellement rare, qu’il ne saurait offrir une
subsistance assurée même à l’homme le plus adroit. Si cependant un
individu entreprend de vivre uniquement du produit de sa chasse, s’il
ne veut pas avoir recours à une autre industrie, il sera dans
l’alternative, ou de mourir de faim, ou d’employer des moyens qui
répugnent à un chasseur honnête. Il ira dévaster des terres sur
lesquelles il n’a aucun droit. Lorsque, par des soins assidus et
chèrement payés, on sera parvenu à peupler une propriété d’animaux
sauvages, il dérobera le fruit de tant de peines et de dépenses. Le
braconnier, c’est l’homme qui a l’habitude de chasser sans permission
sur le terrain d’autrui, pour tirer un profit de son gibier..."
Le Vicaire de province (1841) par Augustin Chevalier (1811-18..) : "SUR la
place de la Madeleine de la petite ville de B***, si par hasard un
voyage d’agrément ou des affaires vous y ont conduit, voyez-vous
passer, le soir, à l’heure de l’Angélus, ce jeune prêtre dont le rabat
est si frais, le tricorne si bien brossé, dont la ceinture flotte si
ample et si soyeuse, et qui, à chacun de ses pas, comme une femme, fait
entendre un frôlement coquet et gracieux ? De droite et de gauche, sur
la place, avec empressement, avec respect, on le salue. Il se détourne,
il se découvre, d’un air moitié sérieux, moitié souriant ; voyez :
chaque fois de ses cheveux frisés, poudrés jusqu’à la tonsure, tombe et
s’éparpille en ondoyant un léger nuage embaumé dont le contact blanchit
le collet de sa soutane..."
Le Contrebandier (1841) par Victor Gaillard : "SOUVENT on
a cherché à diminuer la contrebande par de beaux raisonnements, mais
sur ce point, comme sur d’autres, la moralisation a échoué contre
l’empire des instincts naturels. Impossible de déterminer l’immense
majorité des consommateurs à résister héroïquement aux séductions du
bon marché, pas plus qu’à répudier bravement l’usage des marchandises
étrangères importées par la fraude. Que voulez-vous ! le monde est
ainsi fait et comprend si peu un tel effort de patriotisme, que, pour y
suppléer, l’état entretiendra longtemps encore une armée de trente
mille douaniers, disposée par lignes parallèles aux frontières..."
L'Élu du clocher (1841) par J. Martin : " LA chambre
des députés en compte au moins trois cents de cette trempe sur ses
quatre cent cinquante-neuf membres. Trois cents Cincinnatus que le
suffrage rural a arrachés à leur charrue pour en faire des Démosthènes
; trois cents aigles d’arrondissement qui ont fait leur chemin par un
discours de comice agricole, ou par une brochure sur les prairies
artificielles. C’est l’élément le plus nombreux de la majorité
parlementaire, celle qui préfère une invasion de Cosaques à une
invasion de bestiaux, et qui salue en germe, dans la betterave,
l’émancipation des nègres. D’ordinaire,
l’élu du clocher est timide dans ses débuts, mais il lui faut peu de
temps pour se procurer une éducation représentative digne de faire
suite à l’éducation d’Achille. Quand son épouse s’est dit : « Ça ne
peut plus se passer comme ça, il faut que nous soyons député, « notre
héros se met à la besogne, et désormais, comme Guzmann, il ne connaîtra
plus d’obstacles. Il sait les côtés faibles des herbagers, des
nourrisseurs, des métayers, des laboureurs qui ornent son
arrondissement, et il se présente à eux comme un homme qui comprend
leurs besoins. Sur quoi l’arrondissement se dit en masse : « Nommons
qui me comprend ; il est toujours agréable d’être compris. » Pour peu
que l’élu du clocher sache en outre lever le coude à propos et
distribuer des poignées de main avec intelligence, il est sûr de son
affaire, il sera député, il va l’être, il l’est... "
Le Directeur d'un théâtre de province (1841) par A.Perlet (1785-1850) : "C’EST en
général un type d’homme assez plaisant ; mais l’espèce ou la famille
dont il fait partie offrant de nombreuses variétés, on se bornera à
décrire ici le directeur de troupe ambulante. – Nos principales villes
de province, telles que Lyon, Bordeaux, Marseille, Rouen, Nantes, ont
des spectacles sédentaires à l’année ; les autres sont formées en
arrondissements théâtrals numérotés comme les mairies de Paris. Le
ministre de l’intérieur les concède par privilége, ce dont l’heureux
titulaire instruit orgueilleusement son public par cette invariable
annonce imprimée en caractères splendides au front de son affiche : Le
directeur breveté du dixième ou du trentième arrondissement théâtral
aura l’honneur, etc. Ce n’est pas de ce mortel heureux, de ce fier
suzerain dont nous essayerons de vous tracer l’image, mais bien de son
humble vassal, de son respectueux feudataire… en un mot, du directeur
de la seconde troupe. Pour comprendre les tribulations sans nombre, la
position toujours précaire de ce dernier, il faut savoir que chaque
arrondissement théâtral se compose d’ordinaire de la réunion de cinq à
six villes de troisième et de quatrième ordre... "
Dieppe (1927) par J.-E. Blanche 1861-1942) ; "U
N
matin d’août, tandis que l’orchestre exécutait quelque valse d’Arban le
cornettiste, Aubrey Beardsley, malade, grelottant, buvait un verre de
lait et de soda sur la terrasse du Casino. Il me montra la trouvaille
qu’il venait de faire ; c’était un exemplaire des Mémoires pour servir
à l’histoire de la Ville de Dieppe, par Denys Guibert. Beardsley et
Oscar Wilde, attablés ensemble, riaient aux éclats du rôle joué par les
« guerriers anglois » pendant les guerres de religion. Ceux-ci
attiraient dans leurs camps du pays de Caux les petits Polletais, pour
leur apprendre l’usage du tub et les convertir à la religion «
prétendue réformée ». Aubrey a su par cœur certaines pages du docte
prêtre, descriptions où il se délectait de cortèges, de fêtes, de
mystères représentés dans l’église Saint-Jacques. « Étonnante ville !
Quelle histoire, depuis Brennus jusqu’à Oscar ! s’écriait Aubrey. Il me
semble que je vois le Dieppe médiéval, celui de la Renaissance, celui
des époques à perruque, aussi nettement que la rue Aguado au temps de
la Dame aux camélias et de l’impératrice Eugénie. Nous devrions
organiser des pageants, sans toutefois faire revivre Charlemagne et la
reine Berthe, sa mère ; encore moins Brennus. Ne nous perdons pas dans
la légende ! Nous commencerions aux guerres de religion. Je me
chargerais de la mise en scène ! Les Français n’ont pas
d’imagination... "
Toulouse (1927) par Tristan Derème (1889-1941) : "V
OUS, qui n’ignorez rien de ce qui germe, fleurit, mûrit et meurt aux
prairies, aux forêts comme aux antres du Parnasse, saviez-vous, tandis
que j’écrivais ce petit ouvrage, que je me réjouissais à la pensée
qu’il vous serait dédié ? Déjà, je vous imagine tournant ces feuillets et j’entends votre
affectueuse critique. Qu’est-ce, murmurez-vous, qu’un T
OULOUSE où se
trouvent rapportées les aventures d’un canard et de plusieurs escargots
dans un jardin ensoleillé de Marmande, un T
OULOUSE où l’on rencontre, à
Chantilly, M. Paul Bourget, tandis que le cinéma, sous les feuillages,
moud les couleurs et les lignes pour en former des images futures ?..."
Philibert Lescale, esquisse de la vie d'un jeune homme riche à Paris (1845) par Stendhal (1783-1842) : "
Je
connaissais un peu ce grand M. Lescale qui avait six pieds de haut ;
c'était un des plus riches négociants de Paris : il avait un comptoir à
Marseille et plusieurs navires en mer. Il vient de mourir. Cet homme
n'était point triste, mais, s'il lui arrivait de dire dix paroles en un
jour, on pouvait crier au miracle. Cependant il aimait la gaieté et
faisait tout au monde pour se faire prier à des soupers que nous avions
établis pour le samedi, et que nous tenions fort secrets. Il avait de
l'instinct commercial et je l'aurais consulté dans une affaire
douteuse..."
Histoire et physiologie des boulevards de Paris et
Ce qui disparait de Paris (1845) par Honoré de Balzac (1799-1850) : "
Toute
capitale a son poëme où elle s'exprime, où elle se résume, où elle est
plus particulièrement elle-même. Les Boulevards sont aujourd'hui pour
Paris ce que fut le Grand Canal à Venise, ce qu'est la Corsia dei Servi
à Milan, le Corso à Rome, la Perspective à Pétersbourg (imitation des
boulevards), Sous les Tilleuls à Berlin, le Bois de la Haye en
Hollande, Regent-Street à Londres, le Graben à Vienne, la porte du
Soleil à Madrid. De tous ces cœurs de cités, nul n'est comparable aux
boulevards de Paris. Le Graben, à peine long comme le plus petit de nos
boulevards, ressemble à une bourgeoise endimanchée. Sous les Tilleuls
est aussi morne que le boulevard du Pont-aux-Choux ; il a l'air d'un
mail de province, et commence par des hôtels qui ressemblent à des
prisons d'État. La Perspective ne ressemble à nos boulevards que comme
le strass ressemble au diamant, il y manque ce vivifiant soleil de
l'âme, la liberté... de se moquer de tout, qui distingue les flâneurs
parisiens. Les usages du pays empêchent d'y causer trois ou de
s'attrouper à la moindre cheminée qui fume trop. Enfin, le soir, si
beau, si agaçant à Paris, fait faillite à la Perspective ; mais les
édifices y sont étranges, et, si l'art ne doit pas se préoccuper de la
matière employée, un écrivain impartial avouera que la décoration
architecturale peut, en certains endroits, disputer la palme aux
boulevards..."
Le Médecin de village (1841) par J.-B. Écarnot (18..-18..) : "
Vous prendrez, matin et soir, à jeun, deux pilules dans un pain enchanté,
sans mâcher. Voici la boîte. Il y en a cinquante. C'est cinquante sous.
Vous boirez de deux heures en deux heures, écoutez bien, de deux heures
en deux heures, une cuillerée à bouche de cette potion anodine,
antispasmodique et laxative ; voici la fiole. Il y en a pour trente
sous. Vous appliquerez tous les soirs, sur la partie douloureuse, un
cataplasme de farine de graine de lin saupoudré de neuf gouttes, vous entendez, neuf gouttes de laudanum de Chidermann,
ni plus ni moins, avec de la flanelle ou un bas de laine. Voilà le
paquet. Vingt sous. Au revoir. Soyez tranquille, tout ira bien ; je
suis là. Mangez peu, ne parlez pas, dormez jusqu'à mon retour, et si
cela va plus mal, nous verrons. Je suis pressé..."
Le Griset du Midi (1841) par Eugène Dauriac (1815-1891) : "
Ce
nom semble vous étonner, et vous me demandez déjà si je ne vais pas
dépeindre le petit chardonneret qui n'a pas encore pris son rouge et
son jaune vif, ou le singe maki, ou l'espèce d'arbousier qui portent ce
nom. Point du tout ! Cependant, à Paris, me direz-vous, nous
connaissons bien la sémillante grisette, si sincère dans son
attachement, si facile à séduire, et jamais nous n'avons entendu nommer
le griset. D'accord, et le midi de la France ne le connaissait pas plus
que vous avant le règne de Louis XV..."
La Bordelaise (1841) par André Delrieu (18..-18..) : "
LORSQUE le maréchal de Richelieu, revenant de son gouvernement de Guienne, inventa le
vin de Bordeaux et en fit goûter pour la première fois à Louis XV, on
s'étonna beaucoup, à la cour et à la ville, que cette liqueur charmante
fût restée si longtemps dans les ténèbres de la province et sur la
table du paysan. Mais le maréchal de Richelieu se garda bien de dire
qu'il avait découvert la Bordelaise, autre cru peu goûté de son siècle,
que Garat mit à la mode sous le directoire, et qui est aujourd'hui
classée dans la mémoire des touristes avec autant de distinction que le
Saint-Julien dans la cave des gourmets. Les femmes de qualité
n'auraient point pardonné au maréchal de faire une réputation à la
province, quand on était en droit de croire que Paris devait suffire à
la sienne. Comme nous n'avons pas les mêmes raisons de nous taire, nous
serons heureux de parler..."
Deauville (1927) par Pierre de Régnier (1898-1943) : " DEAUVILLE,
comme son nom l’indique est une ville d'eaux. A la vérité, on n'y boit
guère, pendant la saison, que du champagne ou du cidre ; en dehors de
la saison, on n'y boit rien : il n'y a personne. D'ailleurs, nulle
source n'y coule, excepté la Touques, qui la sépare de Trouville, sa
rivale vaincue. Comme eau, à Deauville, je n'en vois pas d'autre que la
mer, qui, par pudeur, se retire chaque année au-delà de toute espérance
; car la mer, à Deauville, je vous le demande, à quoi cela sert-il ?
Et, de plus, les ouvrages de médecine déconseillent vivement aux gens
civilisés de boire de l'eau de mer sans se servir d'un alambic. Donc,
comme dans l'histoire sainte, la mer s'est retirée ; où ? Très loin ;
si loin que cela ne nous regarde plus ; pas plus que nous la regardons,
d'ailleurs. La mer s'est retirée, ce qui nous a valu une plage : la
plage fleurie. La Plage Fleurie est, d'abord, un terme bien connu de
publicité, et, ensuite, une plage qui, à l'état normal, n'est pas
fleurie du tout ; on y apporte, le treize juillet exactement, des
fleurs en caisses et en pots, .... "
Ce que les aveugles voient
(1899) : "On considère ordinairement l’aveugle comme un être inférieur,
borné, inutile à la société, fatalement voué à la mendicité s’il est
pauvre, à l’oisiveté s’il est riche, dans les deux cas, à l’ignorance.
C’est là une profonde erreur. Les aveugles ont une foule de jouissances
dues à la finesse de leur ouïe qui leur permet d’être excellents
musiciens, et de perceptions délicates dues au toucher qui leur permet
de lire, d’écrire et de se rendre compte de bien des choses
mystérieuses que nous ne soupçonnons pas. L’histoire de ces sensations
est pleine de merveilles inconnues des « clairvoyants » et comme la
clef d’un nouveau monde. Depuis cent ans, grâce à Valentin Haüy, le
fondateur de l’éducation des aveugles, grâce à Louis Braille,
l’inventeur de l’écriture des aveugles, et spécialement, depuis
quelques années, grâce à l’Association Valentin Haüy, des milliers
d’aveugles sont instruits, pourvus d’une profession et gagnent leur vie
par leur travail. Pour que cette œuvre remplisse complètement son but,
qui est d’arracher tous les aveugles à la mendicité, il suffira que
tous ceux qui ont des yeux pensent quelquefois à ceux qui n’en ont
pas..."
Pêcheur d'Islande
(1899) par Anatole Le Braz (1859-1926) : "Perdus, pendant les nuits
sans fin de l’hiver polaire, dans les brumes glacées de l’Océan
Arctique, les bateaux de pêche venus de France, secoués par la mer
toujours dure, ont à lutter pendant sept mois contre le vent qui fait
rage sans répit, contre la tempête qui menace sans cesse. Exposés a
toutes les rigueurs d’un climat farouche, les pêcheurs accomplissent au
prix des plus dures fatigues au milieu des plus grands dangers, leur
tâche épuisante. Toutes ces misères affrontées sans murmure pour un
salaire toujours minime, souvent dérisoire, devaient être secourues. –
Un navire-hôpital est envoyé chaque année par les Œuvres de Mer pour
croiser dans les eaux d’Islande et procurer aux malades les soins
matériels les plus urgents pour soutenir et ranimer les courages
abattus. – Evoquer cette rude vie des Islandais, c’est montrer combien
il reste encore à faire pour améliorer le sort de ces pêcheurs, les
plus vaillants parmi les vaillants enfants des côtes de notre France..."
Ce qu'entendent et ce que disent les sourds-muets (1900) : " SENTIR que
nous sommes en communication avec nos semblables, mettre nos émotions à
l’unisson des leurs, échanger avec eux des idées, recueillir leurs
impressions, leur faire part des nôtres, c’est là pour nous un besoin
aussi impérieux que de nous mouvoir et de respirer. Nous ne pouvons
vivre en dehors de l’humanité. La solitude morale, aussi bien que la
solitude matérielle, nous est intolérable. C’est ce qui fait que la
situation des malheureux que la nature a rendu sourds en naissant est
si pénible..."
L'Impôt sur le revenu : ruine des travailleurs
(1899) : "L’impôt sur le revenu est plus que jamais la question du
jour. Ses partisans le célèbrent comme une conception nouvelle
admirable, comme une réforme destinée à soulager la grande majorité des
contribuables, à satisfaire également la justice idéale, les intérêts
du Trésor, les progrès économiques de la France. Ce sont là de grands
mots. En réalité, cet impôt, loin d’être nouveau, n’est que le retour à
peine déguisé à l’un des impôts les plus décriés de l’ancien régime. Il
aurait pour conséquence immédiate de paralyser le commerce et
l’industrie, d’appauvrir le pays. Mais surtout il retomberait
lourdement sur les travailleurs et sur les petites bourses qui en
seraient les véritables victimes..."
Un cas extraordinaire d'aspiration rectale et d'anus musical
(1892) par le Dr Marcel Baudouin : "Depuis quelque temps, au Moulin
Rouge, un jeune homme se livre chaque soir, en cabinet particulier, à
une série d'exercices purement physiologiques, qui en raison de leurs
caractères un peu spéciaux, excitent à un degré extrême la curiosité et
l'étonnement du public fréquentant cet établissement. Les spectateurs,
au début tout au moins, restent incrédules, n'ajoutent pas foi à ce
qu'ils entendent, ou plutôt soupçonnent tous l'existence d'un truc plus
ou moins ingénieux. Pourtant ces expériences de physiologie humaine
sont parfaitement authentiques et, en réalité, du plus haut intérêt au
point de vue scientifique..."
Une journée à l'école de natation (1845) par Eugène Briffault
(1799-1854) : "Pour celui qui, dans les habitudes et les affections d'une grande cité,
ne cherche pas seulement le côté plaisant ou l’aspect ridicule, chaque
sympathie, chaque inclination, même celles qui étonnent le plus, ont
des causes originelles et nécessaires. En remontant avec rapidité et
avec franchise le cours des âges, on voit chaque coutume et chaque
penchant naître naturellement des faits, presque toujours avec sagesse.
Le temps, qui altère tout ce qu'il n'améliore pas, met souvent, il est
vrai, la folie, l'extravagance, la manie et la déraison à la place de
ce qui était d'abord régulier et sensé. Le Parisien aime la Seine comme
le Vénitien aime l'Adriatique. L'enfant de Paris, s'il le pouvait,
ferait de son fleuve une mer. Que de fois il a sérieusement rêvé ce
prodige! Aussi, comme il traite gravement toutes ses relations avec la
Seine ! Il a ses ports, ses canaux, sa flotte et sa population
maritime, sa navigation, un commerce immense, ses trains flottants et
ses pyroscaphes : voilà pour ses intérêts, pour son travail et pour son
bien-être. Sur ce chemin, qui marche en traversant Paris, comme eût dit
Pascal, la ville voit se presser, à l'entrée du fleuve, les denrées des
plus riches provinces ; à sa sortie, affluent toutes les productions du
monde. On a parlé des eaux qui roulaient de l'or ; l'industrie a chargé
d'or le sable de nos rivières...
"
Le Jockey-Club (1845) par Charles de Boigne (18..-18..) : "Les
clubs sont une importation anglaise modifiée parla Révolution de
Juillet. Jamais, en France, nous n’eussions inventé, pour notre
plaisir, ces établissements antiféminins Il n'y a plus aujourd'hui de
société proprement dite. La politique a
porté le premier coup aux relations de salon, les clubs les ont tuées
tout à fait. Une partie de la jeunesse parisienne s'est constituée en
état indépendant et somptueux, et elle s'est si bien trouvée de cette
vie de luxe et de liberté, qu'elle a déserté les devoirs et les
affections de famille. L'autorité paternelle ne fût pas seule atteinte
par cette brusque émancipation des enfants. Les amours de théâtre
revinrent à la mode. Les jeunes gens étaient décidés à ne plus se gêner
pour personne, pas plus pour un sexe que pour l'autre. Dans les clubs,
chacun parle quand il veut, se tait, boit, mange, dort et joue quand il
veut ; s'il est une vie plus utile, en est-il une plus commode ? Le
Jockey-Club est né rue du Helder, vers le commencement de l’année
1834.
.."
Préface au Traité des Hermaphrodits de Jacques Duval (1880)
par Alcide Bonneau (1836-1904) : "L
E traité des
Hermaphrodits, du vieux médecin Rouennais Jacques Duval, est depuis
longtemps classé parmi ces livres curieux et rares que les bibliophiles
aiment à posséder et peut-être à lire. La singularité du sujet, que
personne encore n'avait étudié si à fond et que l'auteur sut étendre
bien au-delà de ses limites naturelles, lui valut au XVIIe siècle une
renommée assez grande ; la bizarrerie et la naïveté du style, les
étonnants développements donnés à certains détails physiologiques, la
lui ont conservée jusqu'à nos jours. Un médecin qui aujourd'hui
reprendrait ce thème le traiterait sans doute autrement, sur des bases
plus certaines et à l'aide d'observations mieux contrôlées ; il ferait
un livre plus scientifique, mais à coup sûr moins divertissant..."
Préface au Dictionnaire érotique latin-français de Nicolas Blondeau (1885) par Alcide Bonneau (1836-1904) : "S
I l’on examine d’un peu près la langue érotique, les
termes et locutions dont elle se compose, tant chez les Anciens que
chez les Modernes, on s'aperçoit que les écrivains puisent les éléments
de leur vocabulaire à trois sources principales. Il y a d'abord le mot cru, le terme propre, qui peut maintenant nous
paraître assez malsonnant, mais qui certainement à l'origine ne devait
pas être obscène. L'homme donna un nom à ses parties génitales, à
celles de la femme, à l'acte amoureux, aux sécrétions qui en résultent,
comme à toutes les autres parties du corps, à toutes les autres actions
et sécrétions, sans choquer en rien la pudeur..."
Les Cadenas et ceintures de chasteté, notice historique (1883) par Alcide Bonneau (1836-1904) : "O
N verra si l'on
veut l'origine des Cadenas de chasteté dans ce nœud
spécial, appelé Herculéen, qui attachait la ceinture de laine des
vierges Grecques, et que le mari seul devait dénouer, le soir de ses
noces. Solidifiez ce nœud, appliquez-le à une armature de métal, et
vous avez à peu près le Cadenas ; mais les Grecs ne paraissent pas
avoir connu cet appareil de sûreté. Ce n'est que dans le conte de
Voltaire que l'on voit Proserpine défendue par une armure de ce genre ;
Vulcain, l'habile ouvrier, ne réussit jamais qu'à forger le fameux
filet qui lui permit de surprendre le flagrant délit, non de l'empêcher
; et quand Ulysse fermait la porte de son royal logis au moyen d'une
cheville passée dans des courroies, il eût sans doute été bien en peine
de mettre une serrure à Pénélope..."
Le Pain brié en Vénétie (1912) par Georges
Celos (1870-1939) : "Dans un ouvrage précédent, le Pain brié, publié en
1910, j’ai étudié cette sorte de pain, que l’on trouve en France, dans
le Calvados, et, spécialement dans sa partie Est, où l’on mange le même
pain qu’en Espagne et en Italie. Dans ce livre, où quelques lignes,
seulement, étaient consacrées à la boulangerie, j’ai montré les raisons
d’après lesquelles on doit écrire : pain brié et non brillé ou brillié.
Puis, j’ai considéré surtout les formes données au pain brié et fait
voir que celles-ci étaient, pour les pains briés de la région Est du
Calvados, des formes phalliques, ctéïnnes ou placentaires, des formes
sexuelles, par conséquent ; et il est facile de voir, de ce côté, une
habitude ancienne, restée parmi certains Normands. Il est, dans nos
civilisations modernes, un ensemble de croyances, de traditions très
anciennes qui se rapportent à des âges très éloignés de nous, et qui,
voilées par des siècles de vie modificatrice, n’apparaissent que
difficilement aux hommes actuels, parce qu’elles sont cachées par
l’habitude, par la perte de leur vrai sens, et par la pudibonderie. Le
culte primitif des hommes pour le Principe générateur, masculin ou
féminin, en fait partie, et la question du pain brié, qui touche à des
problèmes d’ethnologie ardus, et à l’histoire aussi des primitives
religions peut-être, est intéressante, parce qu’elle peut montrer ainsi
des vestiges de croyances disparues..."
Les Mots nouveaux : origine et acclimatation
(1908) par Albert Dauzat (1877-1955) : "Comme les espèces animales, les
mots d'une langue naissent, se développent, dépérissent et meurent ;
ils se reproduisent aussi, en laissant derrière eux une descendance
souvent nombreuse de dérivés et de composés ; ils connaissent enfin et
pratiquent supérieurement la lutte pour la vie. Tous les jours, nous
voyons de nouveaux termes faire irruption dans la langue, livrer
bataille aux anciens mots, sans respect pour les positions acquises et
la possession d'usage : plus jeunes, plus vigoureux, mieux armés sans
doute pour le combat linguistique, ils délogent leurs prédécesseurs
d'une situation enviée, et les relèguent peu à peu dans les oubliettes
de l'archaïsme..."
Le petit café des « Bons Gros » (1923) par Raymond de Nys (18..-19..) : "C'est, à l'ombre du clocher de
Saint-Ambroise, à l'endroit précis où la vieille rue de la
Folie-Méricourt s'amorce au boulevard Voltaire, un petit café pareil à
tant d'autres et qui ne se remarquerait point, n'était son enseigne. En
grosses lettres noires, sur le mur blanchi à la chaux, on lit : « Aux
Cent Kilos ». Et cette légende est reproduite en lettres d'or sur les
fausses boiseries de la porte, sur les simili-marbres qui décorent la
devanture et jusque sur les vitres même. Ce petit café dédaigne-t-il
les petits clients ? Ne lui faut-il que des Falstaffs ou des Gargantuas
? Non. Mais à certaines heures, une fois par mois, au
moins, il est le rendez-vous attitré des « Gros Ventres » de Paris :
c'est le Siège social du Club des Cent Kilos, - société amicale et...
sportive..."
Les menus du Siège, 1870-1871 (1909) par Frank Schloesser (18..-19..).
Une Apologie du Cannibalisme (1909) par B. Beau (18..-19..).
L'Art des Détectives modernes (1908) par le Dr R. Romme (18..-19..).
Comment retarder la chute et la canitie des cheveux ? (1910) par le Dr Léon Guelpa (18..-19..).
Paris en huit jours : Choses vues (1922) par Charles Torquet (1864-1938) : "
Exposé des motifs. – Il y a déjà longtemps que je suis à Paris, mais
je ne l’ai jamais « visité ». C’est, dit-on, un plaisir assez douteux
que les Parisiens laissent d’ordinaire aux provinciaux et aux
étrangers. Mais ceux-là s’en donnent. Individuellement ou par essaims,
ils se jettent sans cesse dans la ville pour l’apprendre en deux jours,
en cinq jours, en huit jours, selon le temps et l’argent dont ils
disposent. Ils s’y agitent, incertains, se cognent en bourdonnant, aux
vitres et aux becs de gaz, parcourent des circuits plus ou moins
compliqués et puis ressortent soudain, pareils à ces grosses mouches
affolées qui se sentent intruses. Et ils regagnent leurs foyers ou
continuent leurs voyages, bien persuadés qu’ils
la connaissent dans
les coins. Qu’en voient-ils ? Je me suis mis dans la peau de l’un d’eux pour
visiter Paris comme n’importe quel provincial ou quel étranger
ordinaire, sans lumières spéciales – c’est beaucoup plus facile que de
se mettre dans la peau d’un homme de génie..."
La Première sortie du Pape (1929)par Marcel Boulenger (1873-1932) : "Un salon, à Rome. Ce qu'on appelle un salon, un vrai, un difficile.
Paraît une dame éblouissante : — Donc, ma chère, lui dit-on, vous allez demain voir la première sortie
du pape hors de son Vatican ? Imaginez quelle foule, quelle splendeur
!... Nous avons tous des yeux étincelants en songeant à cet événement
extraordinaire, qui ne s'était plus produit depuis 59 ans. Cependant,
la dame éblouissante est une Romaine, son grand-père lui a raconté les
défilés de Pie IX. Et puis, il fait si chaud... Enfin, elle ne sait pas
trop si elle ira. Elle a loué une fenêtre sur la place, bien entendu,
mais vraiment..."
Valentine de Milan, Christine de Suède (1923) par Ernest Renan (1823-1892) : "Il est possible qu'avant moi quelque bibliographe avisé ait signalé
déjà cette première prose. Je dois, en tout cas, à la plaquette qui la
contient des émotions et des souvenirs qu'aucun, bibliographe n'aura
certainement éprouvés. Disons tout de suite qu'il s'agit d'une
Enigme historique, parue dans
une revue destinée à des jeunes filles, dirigée par Mlle S. Ulliac
Trémadeure, amie d'Henriette Renan. Je n'en savais pas davantage à l'époque où je fus mis en possession de
ce précieux texte. Je savais aussi que ces pages représentaient les
débuts de Renan dans le monde des lettres. C'est Mme Ernest Renan, à
qui je dois tant, qui me fit ce cadeau. Le cadeau se composait de
quatre feuillets détachés, format in-8, dont la pagination, des rectos
aux versos, se suivait de la façon que je vais reproduire : 933-340
(quel saut diabolique !), 361-362, 363-364, 365-366. J'ignorais le nom précis du périodique, et je laissai passer des
années, remettant, comme il arrive dans une existence bondée de
travaux, la vérification au lendemain..."
L'Homme il y a deux cent mille ans (1885)
par Paul Nicole : "Beaucoup de personnes ont certainement entendu
parler des découvertes extraordinaires, intéressant l’histoire
primitive de l’homme, dont plusieurs localités en France et à
l’étranger ont été le théâtre plus ou moins récent. Des instruments en
pierre, en os, en ivoire travaillés par la main de nos ancêtres à une
époque immémoriale, ont été mis au jour, ainsi que des ossements
appartenant à des espèces animales, dont plusieurs sont depuis
longtemps éteintes, ou ont disparu de nos climats, et même à des races
d’hommes, dont les annales historiques des différents peuples ne font
aucune mention..."
L'imprimerie en Europe aux XVe et XVIe siècles (1892) par Léon Degeorge (1843-19..) : "... Le relevé chronologique des premières productions de la typographie en
Europe et des noms des imprimeurs qui, les premiers, ont exercé l'art
d'imprimer depuis Gutenberg (XVe siècle) jusqu'à la fin du XVIe siècle,
nous semble devoir offrir quelqu'intérêt aux érudits et aux amateurs
bibliographes. Des monographies spéciales à certains pays ont été publiées et
contiennent des indications plus ou moins étendues sur les origines de
l'imprimerie dans telle ou telle partie de l'Europe, dans telle ou
telle ville. Mais nous ne pensons pas qu'un travail d'ensemble présentant les noms
des premiers typographes en Europe et les titres des premiers ouvrages
qui virent le jour du XVe au XVIe siècle ait été publié jusqu'ici..."
Guillaume ou le parfait écolier [suivi de] Le Cadet généreux [et de] La Composition (ca1850) : "L’an 1674, mourut, à la Flèche,
le quinzième jour d’août, Guillaume
Ruffin, après avoir beaucoup vécu en peu de temps, comme parle
l’Ecriture, et ramassé en moins de dix-huit ans le mérite d’un grand
nombre d’années. C’est un exemple que Dieu a voulu proposer dans nos
temps à la jeunesse chrétienne, pour lui apprendre que la sainteté est
de tout âge, et que dans un corps encore faible on peut avoir une vertu
consommée. Nous allons rapporter ce que nous avons pu savoir de plus édifiant sur
cet humble serviteur de Dieu, afin qu’il soit d’autant plus connu après
sa mort qu’il a plus affecté de se cacher pendant sa vie. Guillaume Ruffin était natif de Laval, ville considérable dans la
province du Maine..."
Cent façons d'accommoder le mouton (1931) par Mademoiselle Rose (18..-19..) : "Un gigot de mouton doit être tendre, rebondi, de chair foncée, ne pas
peser plus de sept livres entier et cinq livres raccourci. Battez-le
avec le couperet à plat ou le rouleau à pâtisserie, dégagez et
raccourcissez le manche, faites une entaille au couteau pour introduire
une gousse d’ail, une autre pour maintenir la queue si elle existe.
Enfilez la broche du côté du manche ou pour rôtir au four, posez la
viande sur une grille mise dans un plat, mettez de la graisse dessus ;
faites cuire à feu très vif, arrosez plusieurs fois pendant la cuisson
qui est suffisante lorsque la viande fume. Comptez environ un quart
d’heure par livre..."
Essai
sur l'histoire générale des sciences pendant la révolution française
(1803) par Jean-Baptiste Biot (1774-1862) : "On se propose de tracer, dans cet écrit, l'Histoire générale des
Sciences, pendant la Révolution : on s'attachera moins à détailler
leurs découvertes, qu'à montrer la part qu'elles ont prise à cet
événement, et le sort qu'elles ont éprouvé : leur situation à cette
époque est sans exemple. On les avait vues, jusqu'alors, fleurir sous
les Gouvernemens éclairés et s'éteindre dans les dissentions civiles.
Le despotisme révolutionnaire leur donna une existence politique, il
s'en servit pour inspirer de la confiance au peuple, pour préparer des
victoires et gagner des batailles. Les secours qu'elles fournirent
furent si grands, que l’on voulut les perpétuer. C'est ce qui fit créer
plusieurs établissemens d'instruction publique, et entr'autres l'école
Polytechnique et l'école Normale : précaution devenue trop nécessaire,
car un grand nombre de savans avait déjà péri, d'autres étaient cachés
ou dans les fers ; le reste, organisé en ateliers, était employé à
travailler pour la Révolution, et contraint de racheter, par des
prodiges continuels, la vie qui leur était conservée..."
Déformation
du crâne résultant de la méthode la plus générale de couvrir la tête
des enfans
(1834) par Achille Foville (1799-1878) : "On ne sait pas assez combien
de lésions pour nos organes, combien de
prédispositions funestes résultent de la vicieuse application de nos
vêtemens. Les conseils de l’hygiène à cet égard ne peuvent être trop
répétés, trop répandus ; et peut-être ce sujet n’a-t-il pas encore été
traité avec un soin proportionné à son importance. La partie principale
de ce mémoire est relative aux déformations du
crâne qui proviennent de l’usage pernicieux d’appliquer sur la tête des
enfans un bandeau fortement serré. Tout ce qui tient à l’éducation
physique des enfans est de la plus
haute importance, car la délicatesse de leurs organes peut trop
aisément subir d’irréparables atteintes. Mais les adultes aussi sont
exposés à de graves inconvéniens, par suite des gênes qu’imposent à
leurs membres les exigences de la mode ou des routines mal entendues.
Toutes les parties du corps ont payé ou paient encore un dur tribut aux
règles trop souvent arbitraires qui président à la toilette des deux
sexes..."
Essai sur l'art de faire le vin rouge, le vin blanc et le cidre.... (1767) par Maupin (17..-17..) : "L
’ART de préparer les boissons naturelles, & surtout le vin, est
encore si incertain, & cependant si important en tous pays à la
conservation des hommes, qu'on ne peut mieux faire que de s'occuper du
soin d'en éclaircir & fixer les vrais principes. C'est le but que
je me propose dans cet Essai. Pour y parvenir avec ordre, je commencerai par deux observations
préliminaires ; l'une sur les défauts du commun de nos vins, &
l'autre sur les manières de les faire, les plus usitées ; ensuite de
quoi, après avoir remarqué l'insuffisance & le préjudice de ces
dernières, je proposerai en partie, d'après mes expériences, deux
Méthodes nouvelles, dont la seconde convient non-seulement au vin
rouge, mais encore au vin blanc & au cidre. Tous ces objets, avec
des vuës sur l'introduction de la Vigne en Normandie & dans
quelques autres de nos Provinces septentrionales, seront la matière des
quatre Chapitres qui composent cet Ecrit..."
Jacques Bonhomme (1871) par Victor Édmond Vital Régnier (1822-1886) : "La guerre est à la politique ce qu'est à la médecine une opération
chirurgicale : un mal ayant pour motif la suppression d'un mal plus
grand. Autant on admire l'habile opérateur, pouvant en quelques
secondes de moins qu'un autre obtenir un résultat qui sauve la vie ou
prolonge l'existence, autant l'on doit toute son admiration à l'habile
gouvernant qui, par une guerre promptement et habilement dirigée, amène
des résultats heureux et décisifs dont le but sera de tirer une nation
d'un marasme mortel ou de lui permettre de croître en pleine vigueur..."
Catulle Mendès - Les Hommes d'Aujourd'hui n°203 (ca1898) : "Catulle Mendès est l'un des
plus parfaits artistes de notre époque. Poète, il n'est inférieur à aucun des poëtes nouveaux. Si vous relisez
Hesperus, les Soirs moroses,
les Contes épiques,
les Sérénades,
le Soleil de minuit, et ses autres
livres de vers, et surtout son dernier poëme :
les Imprécations d'Agar,
qui sont un superbe et généreux chef-d’œuvre ; si vous savez apprécier,
à leur juste mesure, cette inspiration si puissante et si diverse, ce
talent si souple et si magistral, cette forme si pure et si claire,
vous serez pris d'une admiration très vive, et vous ferez déjà à
Catulle-Mendès entre les poëtes du dix-neuvième siècle la place que la
postérité lui réserve..."
Le fumier de ferme et
les engrais chimiques (1891)
par Louis Danguy : "La question de la fertilisation des terres arables
est certainement une
de celles qui attirent le plus vivement l’attention de l’agriculteur
depuis quelques années. Aussi ne devez-vous pas être surpris de voir ce
sujet exposé dans la première séance d’un congrès où seront discutés
les moyens de retirer du sol une plus grande quantité de produits. A
une époque encore peu éloignée de nous, la seule matière fertilisante
que possédait l’agriculture était le fumier de ferme. Le fumier de
ferme peut être considéré comme formé du résidu des
récoltes qui ont servi à l’alimentation et au couchage des animaux
domestiques. Tous les fumiers ne sont pas identiques. Il y a fumiers et
fumiers..."
Le combat à pied de la cavalerie au moyen âge (1885) par Jules de La Chauvelays : "Il ne sera pas sans intérêt d’examiner sommairement quelle fut la
tactique des chevaliers français, anglais, écossais, etc., depuis le
onzième jusqu’au quinzième siècle. On a considéré à tort, selon nous, chevalerie comme en tout temps
synonyme de cavalerie, et c’est une erreur de représenter les
milites
du moyen âge montés toujours sur leurs destriers. A la vérité, la
noblesse de Charlemagne, abandonnant l’usage des milices qui conquirent
la Gaule, tint à honneur de combattre à cheval. Le guerrier frank
devint cavalier ainsi que le noble gallo-romain. Les Allemands au
contraire en revinrent souvent au combat à pied ; cependant leur
cavalerie fut célèbre de tout temps, les auxiliaires germains à cheval
contribuèrent au triomphe de César à Alésia, et enfoncèrent partout les
cavaliers gaulois. Les chevaliers allemands et les reîtres maintinrent
à cet égard la haute réputation de leurs ancêtres..."
Les plantes qui nourrissent -
Les plantes qui guérissent -
Les plantes qui tuent (1904) par Henri Coupin (1868-1937)
La Loi du Mâle, à propos de l'enfant du Barbare (1915) par Paul Rabier (18..-19..) : "Un auteur célèbre s’est heureusement attaché, voici quelques années, à
mettre en relief, au point de vue sentimental et social, toute
l’inexorabilité de la loi de l’homme, laquelle n’est que l’expression
humaine de la loi animale, de la loi du Mâle. Les poignantes heures que
nous traversons viennent d’en confirmer douloureusement, en même temps
que la violence, toute la fatalité. Alors qu’après neuf mois, nous
entrevoyons dans un lointain encore flou une glorieuse issue à cette
lutte titanesque qui ensanglante l’Europe ; en même temps que les mois
qui viennent vont nous apporter avec les joies de l’Eté, une floraison
de lauriers, d’autres prémices hélas ! ignominieuses celles-là, nous
sont promises. A l’heure présente, en effet, des milliers de seins de femmes
françaises recèlent d’indésirables fruits qui vivent malgré elles, à
leurs dépens, du fait d’abominables souillures. Nombre de ces
gestations touchent même à leur terme, pour lesquelles déjà certaine
solution serait trop tardive. Celle-ci ne pouvant être appliquée qu’à
celles récentes, qu’à celles toujours possibles imposées par l’ennemi
qui occupe encore notre sol..."
Observations sur la vente des forêts de l'Etat
(1865) par Alexandre d'Arbois de Jubainville (1835-1916) : "Un projet
d’aliénation des forêts domaniales a récemment ému l’opinion
publique. Nous nous sommes alors demandé si l’État avait raison de
conserver ses forêts plutôt que de les vendre aux particuliers qui,
stimulés par l’amour du gain et la crainte de la perte, sauraient
peut-être, au grand avantage de la prospérité publique, mieux les
administrer, en leur faisant produire des bois meilleurs et plus
abondants, afin d’obtenir un revenu plus élevé. A cet égard, voici le
résultat de nos recherches..."
Traité de l'origine des glaires... (1832) par Sébastien Guillié (1780-1865) : "F
ILS d’un père goutteux et d’une mère douée
d’une constitution lymphatique, à peine sorti de l’enfance, je fus
assailli par des maladies graves, qui mirent ma vie dans un imminent
danger. On attribua aux effets de la croissance, à la présence des vers
intestinaux, aux rachitis, un état qui n’était dû qu’à la surabondance
des glaires qui neutralisaient toutes mes fonctions, et dont il aurait
suffi de me délivrer pour me rendre les forces et la santé ; mais bien
au contraire, ceux qui furent appelés pour me donner des soins,
prétendirent que ma maladie était le résultat de ce qu’il leur a plu
d’appeler une
fièvre
muqueuse, dénom[i]nation vide de sens, qui, ne fournissant
[r]ien à leur esprit, devait tout naturellement ne rien produire non
plus dans leur intelligence pour me guérir, puisque dans ces tems-là on
avait tout dit lorsqu’on avait affirmé qu’un individu était affecté de
la
fièvre
muqueuse, comme aujourd’hui lorsqu’on a conseillé les
sangsues et l’eau gommée, tristes effets de la mode et du caprice qui
s’introduisent dans les têtes de ceux qui exercent le plus grave et le
plus important de tous les ministères pour le bonheur des hommes..."
La Danse des morts de la Chaise-Dieu : fresque inédite du XVe siècle (1862) par Achille Jubinal (1810-1875) : "
On a beaucoup écrit en France, depuis quelques années, sur les
anciennes peintures à fresque tracées dans les cloîtres ou sur les
murailles des églises, et connues sous le nom de
danses des morts,
danses macabrées,
danses macabres.
Malheureusement, tout en dissertant beaucoup sur l'origine de ces
œuvres singulières, on a négligé de reproduire celles qui étaient
restées inédites. Nous ne venons pas, à notre tour, apporter une
opinion personnelle sur ce point encore obscur de notre archéologie
nationale, ni rechercher si la danse macabre était la même chose, comme
semble le dire Dom Carpentier dans son dictionnaire, que la
danse des Macchabées (
Maccabeorum chorea), ou si son nom vient de
Macabre, qui aurait été le
poëte ou le
peintre
de cette danse, etc..."
Pour écrire de la main gauche : conseils pratiques (1917) par André Charleux (18..-19..) : "La guerre actuelle va laisser derrière
elle, outre
des deuils et des ruines, des mutilés. Il est du devoir de tous de
coopérer à l’œuvre de réeducation de ces braves. A cet effet des écoles
ont été fondées. Leurs enseignements leur procureront une profession
honorable. Cependant tous ne pourront pas
exercer une
profession manuelle. Les amputés d’un bras entre autres sont destinés à
remplir des fonctions, soit de dessinateurs, soit d’employés de bureau.
Or ceux qui ont subi l’ablation du bras droit sont obligés d’adapter
leur bras gauche à un travail nouveau pour lui. A ceux-là nous avons
pensé venir en aide en écrivant ce recueil de conseils. Ils sont le
fruit de notre expérience personnelle. Nous les avons pratiqués et des
résultats obtenus nous n’avons qu’à nous féliciter. Qu’ils satisfassent
pareillement ceux qui sont dans la pénible, mais non désespérante,
obligation de s’en inspirer, c’est le seul succès que nous leur
souhaitons..."
Almanach de la politesse - Nouveau guide pour se conduire dans le
monde
(1853) par Louis Verardi (1789-1859) : " Duclos dit que la politesse
est l’expression ou l’imitation des vertus
sociales. Labruyère prétend que l’esprit de politesse est une certaine
attention
à faire que, par nos paroles et nos manières, les autres soient
contents de nous et d’eux-mêmes, et ceci est vrai. La politesse, selon
nous, comprend : La morale, les bienséances,
l’honnêteté, la civilité, et, en un mot, toutes les douces vertus qui
forment les liens les plus puissants de la société civilisée ; c’est, à
proprement parler, la morale en action. 1. La politesse est
l’expression de la bonté de la morale et du cœur,
abstraction faite de toute vanité mondaine et d’égoïsme. Il n’est point
de véritable politesse sans morale, sans bonté, sans
bienveillance, et sans une certaine sensibilité. 2. Elle est uniquement
fondée sur l’amour du prochain ou sur l’envie de
s’en faire aimer comme on l’aime soi-même. C’est l’envie de plaire. 3.
Avec les gens que l’on n’aime pas, il est fort difficile d’être poli
si l’usage du monde ne vient à votre secours. 4. L’usage du monde est
le plus puissant auxiliaire de la politesse. 5. Si la politesse n’est
qu’un masque, comme disent les mauvais
philanthropes, mettez ce masque, car il vaut mieux, dans tous les cas,
se faire aimer que se faire haïr : tout le monde y gagne.... "
Livret de propagande pour le travail volontaire en Allemagne (ca 1941)
[.PDF]
Les Amuseurs de la rue
(1875) par
Augustin
Challamel (1819-1894) : " - Allons, voyons, Augustin, ne fais donc pas
comme cela le Bobèche ! Telle fut l’apostrophe que ma bonne mère me
lança, un jour que je me
signalais, devant elle, par toutes sortes d’extravagances, en gestes et
en paroles. J’étais niais au suprême degré. J’avais alors onze ans,
l’âge où l’on a déjà la prétention de se
compter parmi les personnages. - Bobèche ! bobèche ! qu’est-ce que cela
veut dire ? me demandai-je,
après avoir obéi aux injonctions maternelles. Dès que je me trouvai
seul, j’eus cette curiosité de chercher l’origine
des choses, si naturelle à votre âge ; je courus à la bibliothèque de
mon père, pour y prendre un dictionnaire français. C’était le
Dictionnaire de l’Académie française, celui qui a le
monopole du langage, et qui fait loi dans les discussions grammaticales. Au mot
Bobèche, je ne trouvai qu’un substantif féminin, signifiant «
une petite pièce cylindrique et à rebord, qu’on adapte aux chandeliers,
aux lustres, aux girandoles, etc., et dans laquelle on met la bougie ou
la chandelle. » - Évidemment, ce n’est pas de cette bobèche qu’il s’agit, me dis-je
aussitôt..."
Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 3 :
Les Maîtres chanteurs (Francis Guichardet) ;
Le Colporteur (Amédée Achard) ;
Les Incomplets (Andréas) ;
Les Écoles de natation (Charles Friès) ;
Le Porteur de Journaux (Louis Roux) : "C’E
ST quelque chose de fâcheux, en vérité, que de naître
borgne, boiteux, acéphale, de clocher, de se faire remarquer par un
front proéminent, des yeux sensiblement chassieux, un nez turgescent et
couperosé, des mains taillées dans des semelles d’hippopotame, et
l’apparence de toutes ces difformités physiques rendue plus sensible
par une paire de lunettes d’un vert foncé. L’homme incomplet est celui
que la nature a moulé sur ce patron disgracieux, sans préjudice des
embellissements de l’art dont la plupart des incomplets au naturel
paraissent encore susceptibles au figuré...
La légende du Parnasse contemporain (1875-1876) par Henry Laujol (i.e. Catulle Mendès) : " Par une belle matinée de juin, – car cette fantasque histoire peut
commencer comme un roman, – un être extraordinaire projetait
d’interminables jambes sur l’un des grands chemins qui aboutissent à
Paris. Si longue que fut la route, ces jambes, certes, en atteindraient
le bout ! Maigre, plus maigre qu’en aucun temps il n’a été donné à
aucun, homme de l’être, transparent même, si son étroite redingote,
quoique amincie par l’usage, n’eut offert encore quelque apparence
d’opacité, il allait, ses courts cheveux dressés par le vent qui
rebroussait sa course, sa narine de faune relevée comme si elle eut
flairé quelque nymphe prochaine. Parfois, sans s’arrêter, il paraissait
écouter le bruit que fait sur les cailloux le clair ruisseau qui court,
et souriait avec un air d’attendrissement délicieux. Aux petites
hirondelles qui volent, il faisait des signes de menace amicale, et
cueillait, toujours courant, des touffes d’herbes fleuries. Aucun
bagage, d’ailleurs. Quoi de plus gênant qu’un bagage ? Une poche de sa
redingotte, pourtant, – celle sous laquelle le coeur bat, – était
renflée comme par quelque paquet. Il marchait toujours, avec les
allures rectangulaires du Matamore dessiné par Théophile Gautier. «
Qu’avez-vous à déclarer ? » lui demanda un employé de l’octroi ; le
voyageur, fièrement, répondit : « Rien ! » Rien, en effet, voilà ce qu’avait Albert Glatigny..."
La Ménagère parisienne (1841) par Mathurin-Joseph Brisset (1792-1856) : "L
ES femmes de province ont pendant longtemps paru posséder des droits
exclusifs au titre glorieusement bourgeois de
bonne ménagère. Et, en
effet, la régularité des habitudes intérieures, la rareté de
distractions extérieures, les traditions léguées de mère en fille, le
besoin d’une occupation, d’une activité journalière, la nécessité
d’entretenir et de consolider par les minutieux efforts de chaque jour
une fortune à laquelle le temps ne semble devoir apporter aucun
accroissement soudain, par-dessus tout le désir ardent qu’elles ont de
surpasser ou d’égaler, à force d’économies intérieures, le luxe des
femmes plus riches qu’elles, et de pouvoir soutenir sans crainte la
surveillance inquisitoriale qu’elles exercent sans cesse les unes sur
les autres, tout contribue à faire des femmes de province les
ménagères par excellence,
ménagères corps et âme, esprit et coeur,
dans toutes les circonstances de la vie, et à toutes les heures de la
nuit et du jour..."
La Modiste (1841) par Mademoiselle Maria d'Anspach (18..-18..) "I
L est dix
heures : Paris s’éveille, les magasins sont ouverts. Quelques
promeneurs longent le boulevard pour respirer l’air du matin et secouer
l’engourdissement du sommeil ; des commis se rendent à leurs bureaux ;
des femmes d’extérieur modeste, des jeunes gens en habit du matin vont
au bain ou en reviennent ; de diligents célibataires entrent dans les
cafés pour déjeuner et lire leurs journaux. Si, parmi tous ces
individus d’aspect différent, vous voyez passer une jeune fille à la
tournure dégagée et libre, qui marche vite, est mise avec plus de
coquetterie que de bon goût, jette un coup d’oeil curieux sur tout ce
qui l’entoure, et prête, chemin faisant, l’oreille aux galants propos
des jeunes gens qui la suivent ou s’arrêtent sur son passage ; – c’est
la modiste. Suivez-la vous-même un instant, et vous la verrez se rendre
à un magasin où
les demoiselles de
vente l’ont déjà devancée pour faire leur brillant étalage..."
La Portière (1841) par Henry Monnier (1799-1877) : "Q
UAND nous
venons au monde, nous autres modestes enfants de Paris, peu de
personnes assistent à notre arrivée : ce sont ordinairement
l’accoucheur, la garde et la portière de la maison où nous avons reçu
le jour. La servante, si la dame du lieu ne fait pas elle-même son
ménage, va, vient ; tourne et
rattourne
de la cuisine à la chambre à coucher, de la chambre à coucher à la
cuisine, et le mari n’est jamais là. Toutes les formalités usitées en pareil cas une fois terminées, le sexe
du petit bonhomme bien et dûment constaté, on le purifie, on
l’empaquette, on le ficelle, on le reficelle, on lui brise bras et
jambes pour qu’il occupe le moins de place possible dans ses langes ;
puis on le présente à la maman, qui le reçoit des mains de la garde. Le
docteur, dont les soins ne sont plus nécessaires, plie bagage, tire sa
révérence, et la portière reprend le nouveau-né, l’inonde de caresses,
l’humecte de baisers, et lui voue, à dater de ce jour, une affection
des plus vives, un dévouement sans bornes..."
Le Garçon d'amphithéâtre (1841) par P. Bernard (18..-18..) : "N
OUS l’aimions tous ; elle était si jolie, Cécile, la
perle du quartier latin ! Lorsqu’elle passait sous nos fenêtres,
fraîche et pimpante, nous avions coutume d’envoyer la fumée de nos
cigares, comme un encens vers le ciel : nous voulions le remercier deux
fois, car il faisait toujours beau, et c’était fête ! Nous ne connaissions jamais d’avance l’hôtel... l’hôtel garni bien
entendu, où la jeune fille devait s’arrêter, ni le numéro exact de la
chambre dont elle allait augmenter le désordre, avec son chapeau, son
châle, son fichu, cette infinité de riens qui nuisent beaucoup plus
qu’ils ne servent, dans un intérieur d’étudiant, et qu’on jette en
entrant, çà et là, sur la table, sur les chaises, rarement sur le lit,
un peu partout. Mais on n’est pas jaloux, à l’école, on n’y est guère
prude non plus ; il nous sera donc permis d’ajouter que le nom de
l’
époux nous importait peu. Nous étions bien sûrs que les noces se
feraient à la Grande-Chaumière, que nous y danserions au quadrille de
la mariée, peut-être même avec elle !... Cette chance et vingt ans !
figurez-vous donc quelle source il y avait là d’illusions et d’espoir..."
L'Enfant de fabrique (1841) par Arnould Frémy (1809-189.) : "I
L est un édifice humble, honorable, qui se construit
sous nos yeux, et dont nous ne nous glorifions pas assez, peut-être
parce qu’il ne s’adresse qu’à notre reconnaissance, et non à notre
orgueil. Cet édifice n’est autre que la collection des établissements
de bienfaisance et de charité, les salles d’asile, les caisses
d’épargne, les conservatoires d’industrie, les sociétés de prévoyance,
de patronage et de secours mutuels, les écoles primaires, les écoles
normales primaires, et tant d’autres fondations toutes consacrées à
l’amélioration et au soulagement des classes pauvres..."
Le Pensionnat de filles en province (1841) en province par Écarnot (18..-18..) : "A
PRÈS la prose du maire et l’orchestre du spectacle, la
chose du monde la plus bouffonne, c’est un pensionnat de filles. Nous
supposons une ville de cinq à dix mille âmes, bâtie en long, pignons
sur rue, hôtel du Grand-Cerf et cabinet de lecture ; avec son
commissaire de police aviné, ses gardes champêtres à bandoulières, ses
réverbères borgnes, ses rues mi-parties de pavés et de boue, son
tambour de ville et sa doublure de commères ; celles-ci pourvoyant à
l’édification des parents, comme le pensionnat à celle des enfants ;
déchirant les réputations avec l’histoire du jour, comme le pensionnat,
les oreilles avec celle de Le Ragois ; brouillant les meilleurs amis
avec leurs calomnies, comme le pensionnat les meilleures dispositions
avec son enseignement. – Dites-nous un peu la bataille de Tolbiac et en
quelle année ? Voyons..."
Le Jardinier de cimetière (1841) par Edouard d'Anglemont (1798-1876) : "L
A classe si
intéressante des horticulteurs se subdivise en un grand nombre de
variétés : les Christophe Colomb des fleurs, les multiplicateurs des
végétaux, les pères nourriciers de plantes exotiques, les créateurs de
pépinières, les Soulanges-Bodin, les Pyrolle, le Keteléer, les Bachoux,
les Billard, les Martine, etc. Mais, de toutes ces variétés, la plus
curieuse et la moins connue est sans contredit le jardinier de
cimetière. D’abord, le jardinier de cimetière ne jardine jamais ; il y a plus,
s’il jardinait, son métier, qui est prodigieusement lucratif, ne lui
rapporterait pas de quoi vivre comme un maçon ou un figurant de
l’Ambigu-Comique..."
La Femme adultère (1841) par Hippolyte Lucas (1807-1878) : "O
N disait un jour devant une femme spirituelle que tromper son mari
commençait à devenir bien vieux au théâtre, et que les auteurs
devraient renoncer à ce moyen.« Que voulez-vous ? répondit-elle malicieusement, c’est une chose aussi
ancienne que le monde, et qui durera autant que lui. Le théâtre est
l’expression de la société. » Beaucoup de femmes se persuadent, en effet, que l’adultère est un
corollaire du mariage ; elles se figurent n’avoir pas eu une existence
complète si elles ne se sont, pour ainsi dire, élevées à leurs yeux du
rang d’épouses à celui de maîtresses, comme à un degré supérieur dans
l’échelle des passions. L’adultère ! nous venons d’écrire là un mot qui se prononce rarement,
même en ce temps, où la chose est si commune, et que l’on tient même
pour un mot de mauvaise compagnie ; mais qu’il nous soit permis de
l’employer..."
Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 2 :
Les appartements à louer
(Auguste de Lacroix) ;
Le propriétaire campagnard (Joseph Bard) ;
Le conducteur d'omnibus (Charles Friès) ;
Le blasé (Auguste de Lacroix) ;
Le décrotteur (Louis-Auguste Berthaud) ;
La journée d'un médecin (Louis Roux) : "P
ARIS est la ville des déménagements et des appartements à louer.
Quatre fois par an, c’est un déplacement de la population, un
va-et-vient perpétuel de
tapissières, des voitures d’administration,
un remue-ménage général. Les fortunes s’élèvent et s’écroulent si vite,
et les déplacements se font avec tant de facilité ! L’employé mis à la
réforme, l’industriel, le spéculateur, changent de logement selon les
variations de l’aveugle déesse ; ils descendent ou montent d’un étage,
selon que leur position financière hausse ou baisse ; mais le mouvement
se fait toujours en sens inverse. Les filles d’Opéra et toute la grande
famille des femmes qui spéculent sur l’amour ont mille et une raisons
qui les poussent à faire voyager incessamment leurs pénates. L’artiste
qui a deux jours de fortune se hâte de prendre un appartement
confortable. L’étoile d’or vient-elle à pâlir, l’artiste va planter sa
tente sur les hauteurs inaccessibles de quelque masure ignorée. En
province, l’usage plus fréquent des baux met bon ordre à cette manie
d’émigration périodique : la Saint-Jean et Noël sont les seuls
termes
adoptés entre les locataires et les propriétaires départementaux..."
Le Prisme, encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (1841) - 1 :
Le Vigneron (François Fertiault) ;
Les Lions de contrebande (Francis Guichardet) ;
La Cacoletière (Germain Delavigne) ;
La Rue des Lombards (Andréas) ;
Les Hôtels du Quartier latin (Louis Roux) : " D
E tous les hôtels de Paris, ceux
du quartier latin ont assurément le caractère le
plus excentrique ; ils n’ont rien de commun avec ceux des
autres quartiers, et leur physionomie est toute spéciale. Il est admis en principe que partout où
l’étudiant dresse sa tente, il doit trouver
sécurité, bien-être, aisance et abandon
: le confortable n’est pas de rigueur. Le premier soin de l’étudiant de
première année est de bien choisir son
hôtel, en consultant les affinités de temps, de
lieux et de propriétaire. Un étudiant de seconde
année a d’ordinaire jeté son
dévolu sur un hôtel bien
débraillé,
bien
régence,
c’est-à-dire ouvert à toute heure de la
nuit à un homme seul, oui suivi d’un masque. Il
est des hôtels où le
domino
n’est reçu qu’à la pointe du
jour, et à la condition expresse de ne point
passer la nuit,
comme si le soleil devait être le complice obligé
de toutes les
franches
repues qui ont lieu dans cet honnête
séjour..."
Célébrités contemporaines par Jules Claretie (1840-1913) :
Alexandre Dumas fils (1882) ;
Alphonse Daudet (1883) ;
Jules Sandeau (1883) ;
Jules Verne (1883) : "
S’
IL
reste une gloire incontestable à notre pays, une suprématie
évidente, c’est la gloire du théâtre. L’étranger ne la discute même pas
; il la subit. Le théâtre français contemporain, partout traduit,
adapté, pillé, applaudi, demeure une des forces vives de la nation. On
peut comparer à nos peintres français des peintres étrangers, anglais,
italiens, espagnols ou hongrois. On n’a pas d’auteur dramatique
exotique à mettre en parallèle avec nos maîtres de la scène. L’homme
qui a le plus fait pour donner à notre théâtre cette renommée
éclatante et cette puissance souveraine, c’est M. Alexandre Dumas fils
- ou plutôt, car depuis onze ans il est seul à porter ce nom illustre -
M. Alexandre Dumas. Le premier, dans la comédie, dans cet art exquis du
théâtre qui, avant lui, était par ceux de sa génération fidèles aux
traditions de la génération précédente, regardé comme un aimable
passe-temps, un plaisir digestif, un jouet, il apporta, il fit courir
dans le drame cette chaleur de vie moderne, ce sentiment de vérité,
cette haine de la convention qui n’ont fait que s’accentuer depuis et
qui datent de lui..."
Le Propriétaire (1842) par Amédée Achard (1814-1875) : "I
NCLINEZ-VOUS devant les douze lettres de ce mot-là ;
toutes les
puissances se résument en elles ; en elles sont le commencement et la
fin, l’alpha et l’oméga de ce qui est. Qui n’est pas propriétaire veut
le devenir, qui l’est veut l’être toujours. Le monde pivote autour de
ce substantif ; c’est l’arche sainte des royaumes constitutionnels, le
fétiche de l’univers, la clef de voûte de la société ; tout passe, le
propriétaire seul ne passe pas ; les empires croulent, mais les
propriétaires restent. Ils sont plus forts que le temps et que les
révolutions, deux choses qui usent les trônes et le granit...."
Le Flâneur (1841) par Auguste de Lacroix (1805-1891) : "C
ONNAISSEZ-VOUS un signe plus approprié à son idée, un
mot plus exclusivement français pour exprimer une personnification
toute française ? Le flâneur ! type gracieux, mot charmant éclos, un
beau jour de printemps, d’un joyeux rayon de soleil et d’une fraîche
brise, sur les lèvres d’un artiste, d’un écolier ou d’un gamin, – ces
trois grandes puissances néologiques ! Le flâneur est, sans contredit, originaire et habitant d’une vaste
cité, de Paris assurément..."
L'Amateur de livres
(1841) par Charles Nodier (1780-1844) : "Ce que La Fontaine a dit du
loup, je le dirai volontiers du pédant.
Savez-vous rien de plus lourd qu’un pédant qui veut
être léger, de plus
maussade qu’un pédant qui veut être gracieux ? et
s’il me prenait envie
de faire de l’esprit en huit pages, moi qui ai juste ce
qu’il faut
d’esprit pour distinguer le prétérit de
l’aoriste, ne me
renverriez-vous pas à mes diphtongues ? J’aime mieux vous
prévenir tout d’abord que cet article sera piquant
comme un colloque de Mathurin Cordier ou comme un chapitre de
Despautère..."
Le Pharmacien (1841) par Émile de La Bédollierre (1812-1883) : "L
E
pharmacien est un enfant de la révolution. Elle a,
dans ses transformations régénératrices,
substitué au procureur
l’avoué, au traitant le banquier, au perruquier le
coiffeur, au roi de
France le roi des Français, à l’apothicaire le
pharmacien. Beaucoup de fonctions sociales ont changé de nom
sans être
intrinséquement altérées : le préfet
rappelle l’intendant ; le commis
des contributions n’est pas moins inquisiteur que le
préposé aux
gabelles ; les volumineux dossiers de l’avoué ont beaucoup
d’analogie
avec les sacs du procureur. Mais entre l’apothicaire et le
pharmacien
il y a un abîme, un bouleversement social et médical..."
Le Joueur d'échecs (1840) par Joseph Méry (1797-1866) : "L
E monde est la patrie du joueur d’échecs ; c’est une profession ou un
amusement cosmopolite. L’échiquier est un alphabet universel à la
portée de toutes les nations. Le bonze joue aux échecs dans la pagode de Jagrenat ; l’esclave,
porteur de palanquins, médite un
mat contre un roi de caillou, sur un
échiquier tracé dans la sable de la presqu’île du Gange ; l’évêque
d’Islande charme le semestre nocturne de son hiver polaire avec les
combinaisons du
gambit du roi, et le début du capitaine Évans ; sous
toutes les zones, les soixante-quatre cases du noble jeu consolent les
ennuis du genre humain..."
Le Phrénologiste (1841) par Eugène Bareste (1814-1861) : "L
E type du phrénologiste ou du cranologiste, quoique assez commun
aujourd’hui, ne remonte pas à une très-haute antiquité. On peut même
dire que le dix-neuvième siècle, le nôtre, lui donna naissance : voici
comment. A la fin du siècle dernier, siècle de protestations et de luttes, une
secte composée de quelques hommes jeunes, hardis, enthousiastes, se
formait en Autriche et en Allemagne : c’était celle des élèves de Gall,
des partisans du fameux cours professé à Vienne sur le déplissement des
circonvolutions du cerveau. – Plus tard, ces sectaires prirent le titre
de
phrénologistes..."
Les Chiffonniers (1841) par Louis-Auguste Berthaud (1810-1847) : "V
OICI des types monstrueux, d’ignobles figures, d’abominables moeurs :
la forme, le fond, le dessus, le dessous, tout est pourri chez les
chiffonniers. Pour faire un mur, il faut du sable, de la chaux, des
pierres et un maçon ; on fait un chiffonnier avec une hotte, un
crochet, une lanterne et le premier gueux venu. Le gueux est appelé un
homme, la lanterne un
fallot, le crochet une
canne à bec, la
hotte un
hotteriot. Avant de se voir légalement constituées en
individu, c’est-à-dire en chiffonnier, il faut encore que ces matières
premières trouvent deux parrains, deux témoins qui répondent de leur
moralité ; il faut en outre qu’elles possèdent 40 sous. Ces conditions
remplies, la transfiguration est opérée ou à peu près."
Description de
trente-une fleurs avec un conte familier à Mlle Émilie, sur le Jeu du
Pied-de-Boeuf (1770) : "
L
E plus savant des Auteurs & le plus croyable en fait de Fable,
rapporte que Cloris étoit une Nymphe des Isles Fortunées, de laquelle
Zéphir, qui est le Dieu des Fleurs, devint tellement amoureux, qu’il
l’enleva, en fit sa Maîtresse, changea son nom en celui de Flore, &
l’épousa ; c’est pour cela qu’elle est appellée la
Reine des Fleurs..."
Étrennes fourées,
dédiées aux jeunes frileuses ou les Pelisses sympathiques (1770)
par Antoine Fabio Sticotti (1708-1772) : "T
OUT Ecrivain d’une certaine espece, ne peut plus se
dispenser de donner son Portrait gravé au Lecteur, toujours habile à
juger des beautés & des défauts d’un Ouvrage sur la seule
inspection d’une physionomie inepte ou savante. Cet usage des têtes en
taille-douce, consacré d’abord aux seuls Grands Hommes, s’est étendu de
nos jours indistinctement à tous les Artistes. Par cette industrie, les
petits paroissent grands, & les grands deviennent petits. Quoi
qu’il en soit, le défunt ne s’est point fait peindre ; pour suppléer à
cette perte irréparable, voici, du moins, les débris de son Oraison
funèbre, qu’on a trouvée dans ses papiers..."
[AFFICHE] Nouvelles des Armées :
Capitulation de Paris (1814).
[FORMULAIRE] Lettres
patentes de la très-véridique Cour de Cracovie (ca1780).
Croquis rustiques
(1901-1902) par Antony
Valabrègue (1844-1900) : "C'est une longue avenue, où se dressent,
d'une façon assez
uniforme, des tilleuls au sommet arrondi, taillés avec soin par les
jardiniers du bourg, qui n'ont eu souci que de se conformer à la
tradition. On retrouve ici je ne sais quel aspect ancien, qui non
seulement se révèle dans la coupe des arbres, mais se découvre encore
dans la forme surannée de quelques maisons à perron et à porte cintrée.
Et pourtant cette avenue s'étend, s'allonge en plein, au milieu des
fins horizons de la campagne parisienne ; elle est bordée de villas
coquettes, d'habitations élégantes, et là-bas, par une échappée entre
des pelouses et des jardins, on voit la Seine briller au soleil...."
Croquis du Nord (1905) par Antony Valabrègue
(1844-1900) : "Comme je me trouvais à Bailleul, petite ville du
département du Nord,
je remarquai un samedi, tout au bout de la rue d’Ypres, un mouvement
inusité. Des gens des environs, tout endimanchés, venus au moment où
finissait le marché, se réunissaient au cabaret de la
Cantine. Ils
avaient laissé çà et là leurs carrioles, comme si rien ne les pressait,
et ils tenaient à la main des cages qu’ils introduisaient dans le
cabaret..."
L'Éditeur (1841)
par Élias Regnault (1801-1868) : "É
DITEUR
! Puissance redoutable qui sers au talent d’introducteur et de
soutien ! talisman magique qui ouvres les portes de
l’immortalité, chaîne aimantée qui sers de conducteur à la pensée et la
fais jaillir au loin en étincelles brillantes, lien mystérieux du monde
des intelligences ; éditeur, d’où vient que je ne sais de quelle
épithète te nommer ? Je t’ai vu invoqué avec humilité et attaqué avec
fureur, poursuivi du glaive et salué de l’encensoir ; j’ai vu les
princes de la littérature t’attendre à ton lever comme un monarque
puissant, et les plus obscurs écrivains te jeter la pierre comme à un
tyran de bas étage. Objet d’espoir et de colère, de respect et de
haine, comment te qualifier sans injustice et sans préoccupations ?.."
Le Sportsman parisien
(1841) par Rodolphe d'Ornano (1817-1865) : "O
N
disait autrefois : Le Français né malin créa le vaudeville ; je propose
de réformer cet adage en disant : le Français né Français créa
l’anglomanie : si cette vérité notoire et ce fait patent pouvaient être
mis en discussion, le titre seul de cet article, en serait la
démonstration la plus convaincante ? Nous voudrions esquisser un type,
l’analyser, le nuancer même ; il est destiné à une collection
éminemment
française, et sous quel titre le présentons-nous à nos lecteurs
français ; sous un titre tellement anglais qu’il est composé d’un
adjectif welsche et d’un substantif d’origine saxonne, sorte de
contraction grammaticale..."
Le Garçon de bureau (1840) par J.-V. Billioux : "O
N
est destiné par son aptitude ou sa vocation à prendre place dans la
société soit comme magistrat, prêtre, soldat, industriel ou artisan :
mais je ne sache pas qu’un jeune homme ait jamais été élevé dans la vue
d’en faire un employé ou garçon de bureau, deux états sans
apprentissage que l’on n’embrasse, d’ordinaire, qu’après avoir manqué
ou usé plusieurs carrières, et parce que pour vivre il faut bien qu’on
fasse quelque chose..."
La Lionne (1840)
par Eugène Guinot (1812-1861) : "M
ADEMOISELLE
de Verneuil avait dix-huit ans, et son entrée dans le monde datait déjà
de deux années, lorsqu’un beau jour son père lui dit : Ma chère Alix,
il est temps que tu te maries ; je n’ai rien négligé pour ton éducation
; tu as eu les meilleurs maîtres de Paris, et voilà deux ans que je te
mène dans le monde, où je n’étais guère allé depuis mon veuvage. J’ai
rempli avec exactitude tous les devoirs d’un bon père, et je veux
couronner l’oeuvre en t’établissant convenablement. Tu es jolie, tu as
des talents, je te donne cent mille écus de dot et je te laisserai le
double, le plus tard possible, il est vrai, mais enfin tu es ma fille
unique, et tu auras toute ma fortune. Avec cela tu peux choisir, et je
ne prétends gêner ni ton goût ni ton inclination. Dans quelques jours
nous reprendrons cet entretien, et je te demanderai si tu as distingué
quelqu’un..."
Le Second mari (1841) par Frédéric Soulié
(1800-1847) : "L
A
nature a ses types, la société a ses types, toute nation a ses types,
et enfin chaque époque a ses types. L’avare, le vaniteux, le fanfaron,
appartiennent à la nature, et elle les a semés partout où elle a jeté
des hommes. Dès que la société a été organisée, elle a tout aussitôt
créé les siens. Ainsi le juge, soit qu’il applique la loi de Dracon ou
le Code pénal ; le commerçant, soit qu’il vende des nègres ou des
rentes sur l’état ; le militaire, soit qu’il marche le pot en tête ou
le fusil à l’épaule ; le médecin, soit qu’il suive la doctrine
d’Hippocrate ou celle de Hannman, ont des traits caractéristiques
généraux qui se retrouvent toujours et partout. Au contraire de ceci,
le climat, les productions du sol, la disposition géographique, ont
fait à chaque peuple des types particuliers..."
La Fille d'auberge
(1841) par François
Coquille : "Q
UOI
qu’on puisse dire, l’antiquité avait du bon ! Si, parmi tant d’autres
inventions, les auberges étaient inconnues des anciens, c’est que
chaque maison servait d’auberge. Certes, il était doux pour le
voyageur, arrivant, épuisé de fatigue, dans une ville étrangère, de se
voir entouré d’une foule d’amis qu’il ne se savait pas, et qui
briguaient l’honneur de l’avoir pour hôte ! On l’emmenait en triomphe ;
de belles esclaves lui lavaient les pieds, et lui prodiguaient les
parfums les plus rares. La place d’honneur lui était réservée à table :
on se fût gardé de lui demander son nom, comme d’une grave
incivilité..."
L'Écolier (1841)
par Henri Rolland : "L’
ÉCOLIERn’est
pas seulement un type, c’est un principe. L’école,
c’est le creuset où s’élabore l’avenir
d’une génération, où fermentent
toutes les imaginations que la science éclaire de sa flamme
vive, et
dont elle fait ou un métal commun qu’on rejette, ou un
joyau précieux
qui éblouit. Par le mot
ÉCOLIER nous
entendons tout ce qui reçoit un
enseignement, depuis le bambin déguenillé qui épèle l’alphabet sous le
doigt d’un frère
ignorantin,
jusqu’au dandy de philosophie, qui, sur
les gradins d’un cours public, écoute avec une complaisance nonchalante
les dissertations filandreuses du professeur sur Locke, Hobbes ou
Spinosa..."
Le Garçon de café
(1840) par Auguste Ricard
(1799-1841) : "U
N homme porte des chemises en toile de
Hollande, des bas de Paris ; ses souliers vernis ont été faits sur les
dessins d’un bottier de la rue Vivienne ; il n’emploie, pour sa barbe,
que du savon onctueux, pour ses mains que de la pâte d’amandes douces ;
ses dents sont entretenues par Desirabode, sa chevelure par Michalon ;
il a appris l’art du sourire perpétuel dans la classe d’un vieux mime
de l’Opéra ; il est patient, poli, aimable..... Vous croyez qu’il est
question d’un grand-écuyer de prince, d’un
diplomate, d’un chanteur de romances ? Du tout, il s’agit d’un garçon
de café..."
La Revendeuse à la
toilette (1840) par Arnould
Frémy (1809-189.) : "U
NE
femme passe, puis derrière elle un jeune homme provincialement gauche
et timide ; cette femme est de celles qui méritent d’être
audacieusement escortées et suivies, mais suivies sans réflexion
d’abord, puis d’instinct et comme on suit d’un oeil distrait les élans
capricieux de la demoiselle ou l’essor fantasque du papillon. Elle
voltige, se cadence en marchant plus qu’elle ne marche ; sa taille
souple et sinueuse tient à la fois de la guêpe et de la couleuvre ; son
pied est mignonnement relié dans un brodequin en maroquin cuivré. Si
vous vous approchez d’elle, vous respirez le patchouli et le musc..."
La Femme de province
(1841) par Honoré de
Balzac (1799-1850) : "E
N acceptant pour femmes celles-là
seulement
qui satisfont au programme arrêté dans la Physiologie du mariage,
programme admis par les esprits les plus judicieux de ce temps, il
existe à Paris plusieurs espèces de femmes, toutes dissemblables : il y
a la duchesse et la femme du financier, l’ambassadrice et la femme du
consul, la femme du ministre qui est ministre et la femme de celui qui
ne l’est plus ; il y a la femme comme il faut de la rive droite et
celle de la rive gauche de la Seine. Foi de physiologiste, aux
Tuileries, un observateur doit parfaitement reconnaître les nuances qui
distinguent ces jolis oiseaux de la grande volière..."
Le Comédien de
province (1841) par Louis
Couailhac (1810-1885) : "J
E veux peindre le comédien pur
sang, celui
qui descend en droite ligne du
La
Rancune de Scarron, celui qui est né, dans les coulisses,
d’un premier rôle et d’une soubrette ; celui qui peut se dire avec
orgueil
enfant de la
balle, et qui a passé ses premières années à parcourir la
France entière à la suite des auteurs de ses jours, gaminant sur les
places publiques avec les gamins de toutes nos sous-préfectures, et
jouant les anges, les amours et les petits démons, à la satisfaction du
public de province..."
Le Rédacteur en chef
d'un journal de province
(1841) par Raymond Brucker (1800-1875) : "O
N s’abuse
comme à dessein, de nos jours,
sur l’impulsion que
l’imprimerie donne à la circulation des
idées. Il faut que
le
dix-neuvième siècle ait un intérêt sournois à l’exagération des choses.
Les journalistes donnent en aveugles dans cette illusion, sous ce
prétexte, si plausible pour eux, que leur mérite en vaut la peine.
Hélas ! à quoi sert le mérite au milieu de la confusion ? Dans le champ
de la publicité, tout vient pêle-mêle, les épis et les ronces. Que de
roses meurent dans les chardons !... J’avoue l’énorme consommation
d’encre, de papier et de caractères ; au besoin, si je m’inscrivais en
faux, le canon de la statistique vomirait contre moi son éloquente
mitraille de chiffres ; mais sous le feu de ce canon, je maintiens mon
dire. L’
idée
est absolument en dehors de tout ceci : ne confondons
pas le moyen avec le but, la presse avec le pensée ; ce serait décréter
l’égalité de l’esprit et de la matière..."
La femme sans nom
(1840) par Taxile Delord (1815-1877) : "Q
UEL nom, en
effet, lui donner, à ce type si
fécond et si misérable, si poétique et si abject, si moral et si
repoussant ; énigme vivante que n’ont pu éclairer ni les recherches de
la science, ni les dévouements de la charité, ni les efforts de
l’intelligence ? Pendant bien longtemps encore cette femme, dans
laquelle viennent se résumer tous les dévouements et toutes les
bassesses, toutes les délicatesses de la passion et toutes les
corruptions de l’âme, se dérobera à la triple investigation de la
science, de la religion et de la morale ; elle demeurera toujours comme
un des plus grands mystères du coeur humain et des nécessités
sociales..."
La grisette
(1840) par Jules Janin (1804-1874) : "D
E tous les
produits parisiens, le produit
le plus parisien sans
contredit, c’est la grisette. Voyagez tant que vous voudrez dans les
pays lointains, vous rencontrerez des arcs de triomphe, des jardins
royaux, des musées, des cathédrales, des églises plus ou moins
gothiques ; comme aussi, chemin faisant, partout où vous conduira votre
humeur vagabonde, vous coudoierez des bourgeois et des altesses, des
prélats et des capitaines, des manants et des grands seigneurs ; mais
nulle part, ni à Londres, ni à Saint-Pétersbourg, ni à Berlin, ni à
Philadelphie, vous ne rencontrerez ce quelque chose si jeune, si gai,
si frais, si fluet, si fin, si leste, si content de peu, qu’on appelle
la grisette..."
L'aubergiste
(1840) par Amédée Achard (1814-1875) : "I
L n’y a pas
d’aubergistes à Paris, il n’y a
que des maîtres d’hôtel, qui sont des produits de la civilisation mûris
dans les serres chaudes des grandes villes. Le maître d’hôtel parisien
se tiendrait pour gravement insulté si quelque provincial malavisé
s’oubliait jusqu’au point de l’appeler aubergiste ; nous ne savons même
pas si, n’était la législation adoptée par les cours royales, il ne
traînerait pas l’impertinent sur le terrain belliqueux du bois de
Boulogne, ce classique parc des duels innocents. Le maître d’hôtel est
un grand seigneur qui ne connaît guère mieux son établissement que les
marquis de la régence ne connaissaient leurs terres..."
Le Gamin de Paris
(1841) par Jules Janin (1804-1874) : "I
L est le frère
de la grisette : frère légitime ou illégitime qu’importe ? il est
enfant de bonne race : car, à coup sûr, son grand-père était à la prise
de la Bastille ; à la révolution de juillet, son père est entré le
premier aux Tuileries, et il s’est assis sur le trône du roi ; c’est
une race de gentilshommes dont les titres se sont perdus. Mais
cependant suivez le gamin de Paris dans la rue : cet oeil fier, cette
démarche hardie, ce sourire moqueur, ces petites mains, ces petits
pieds, cette tête bouclée, ne retrouvez-vous pas tous les souvenirs de
cette nation à part dans la nation française, qui depuis le
commencement de la monarchie a joué le rôle principal dans tous les
mouvements qui ont changé la face du monde ; c’est surtout le gamin de
Paris, qui pourrait dire comme Figaro :
Si le ciel l’eût voulu, je serais fils
d’un prince. Mais le ciel ne l’a pas voulu ; notre héros est
bien mieux que le fils d’un prince, il est le gamin de Paris..."
La Vieille fille
(1841) par Marie d'Espilly : "
S
I nous avions mission de faire une histoire
complète de la vieille fille, dans tous les temps et chez tous les
peuples, si nous devions la prendre à son premier berceau, la suivre
dans tous ses développements, sous toutes ses formes, il nous faudrait,
le flambeau de l’analyse philosophique à la main, remonter la route
obscure du passé jusqu’à l’origine des antiques civilisations, secouer
la poussière amoncelée sur leurs débris, évoquer leur esprit, ranimer
l’Inde, l’Égypte, la Grèce et Rome, et redescendre par le christianisme
à travers toutes les misères du moyen age. Un tel travail nous
entraînerait sur un terrain immense, il toucherait à toutes les hautes
questions sociales, politiques et religieuses. Il nécessiterait une
analyse rationnelle de la nature humaine ; il ajouterait à la longue
litanie des douleurs de l’humanité..."
Le Maquignon
(1841) par Albert Dubuisson : "B
IEN
que notre époque ait donné naissance à une effrayante quantité
de
floueursde
toute espèce, et qu’elle ne paraisse pas
s’arrêter dans cette voie
éminemment progressive, elle ne peut cependant usurper la gloire
d’avoir enfanté le maquignon. Le maquignon est né
depuis longtemps et a
eu l’avantage très-mérité de servir de
modèle aux plus fins exploiteurs
de la crédulité française et surtout parisienne.
Mais quoiqu’il ne
sorte pas du grand moule des Roberts-Macaires du dix-neuvième
siècle,
ce n’est pas à dire pour cela qu’il prétende
leur être inférieur. Il
les vaut tous ; il sourit de pitié en songeant aux roueries
à lui
connues qu’on donne pour invention récente, et vient
merveilleusement
confirmer cet adage, qu’il n’y a rien de nouveau sous le
soleil, et que
la moitié de la société a été de
tout temps destinée à être dupée par
l’autre. Le maquignon s’acquitte de cette dernière
tâche avec
infiniment d’esprit et d’agrément...
Le Chicard (1841) par Taxile Delord
(1815-1877) : "
T
OUTES les époques ont dansé : l’ère
hébraïque, l’ère romaine, l’ère française ; David, Néron, Louis XIV.
Après les rois, les peuples ; quel peuple, quel pôle civilisé n’a pas
sa danse individuelle et caractéristique, sa bourrée, sa tarantelle, sa
gigue ou son fandango ? Paris seul, jusqu’à présent était sans type de
danse, sans chorégraphie inter-nationale, et prime-sautière. Paris ne
dansais pas, il bâillait ; témoin les raouts de l’hiver dernier, et
probablement ceux de l’hiver futur. – C’est au point que les
invitations pour une contredanse se formulaient ainsi : « Madame me
fera-t-elle l’honneur de marcher avec moi ? » Heureusement « un homme
s’est rencontré, d’une profondeur de génie incroyable, » comme aurait
pu dire Bossuet. Ce génie profond, ce pseudonyme incomparable, est
aujourd’hui essentiellement populaire et trop haut monté dans l’opinion
publique et les bals masqués, pour que nous ne lui ouvrions pas à deux
battants la case la plus exceptionnelle de notre musée.
Chicard est
Français de coeur, sinon de grammaire, et bien qu’il ne soit pas encore
du dictionnaire de l’Académie..."
Une dame patronesse
(1833) par Léon Halévy (1802-1883) : " Une brillante
société était réunie dans le salon du banquier Montfort, l’un des
heureux millionnaires de la Chaussée-d’Antin. Sept heures venaient de
sonner, et un domestique à grande livrée venait de prononcer ces mots
si doux à l’oreille d’un gastronome altéré : « Madame est servie. » Je
ne décrirai pas la salle à manger d’un millionnaire, ce sanctuaire
où s’élaborent tant de conceptions et de projets, tant de révolutions
financières et politiques. Je ne décrirai pas la royale somptuosité
d’un festin qui aurait fait pâlir tous ceux de Lucullus. Qu’il vous
suffise de savoir que Montfort traitait ce jour-là un diplomate
étranger, dont il captait la protection pour la conclusion d’un emprunt
; le secrétaire-général d’un ministère, qui était en position de lui
faciliter l’adjudication d’une grande entreprise ; et trois députés du
centre, dont le vote pouvait doter la France d’un canal qui devait
verser l’abondance et la fertilité...."
La Bourse (1833)
par Philippe Busoni (1804-1883) : "Je suppose que vous êtes étranger ou
de province, ce qui est la même
chose pour ma supposition. Vous êtes venu à Paris, dans cette capitale
des arts et de la civilisation, et c’est la première fois. Artiste,
vous courez au Louvre, à Saint-Germain-l’Auxerrois, s’il n’est pas
démoli, ou à l’hôtel de Cluny, rue des Mathurins ; industriel, vous
visitez les belles manufactures du faubourg Saint-Antoine et du
Gros-Caillou ; naturaliste, vous allez au Jardin des Plantes ; savant,
à la Sorbonne et aux bibliothèques ; solliciteur, c’est aux ministères
et à la chambre que vous vous faites conduire ; curieux et désoeuvré,
vous avez les spectacles, les cafés, le bois de Boulogne, les
Néothermes de la rue Chantereine, etc., etc..... Que si, par le hasard
de votre condition, vous vous trouvez tout simplement rentier, ou même
financier et quelque peu économiste, ou bien encore badaud au suprême
degré, alors vous demandez la Bourse : « Où est la Bourse ? » ..."
Les cochers de Paris
(1833) par Nicolas Brazier (1783-1838) :"Il est loin de nous ce temps
où Henri IV écrivait à Sully : « Mon
cousin, je ne pourrai aller vous trouver ce soir à l’Arsenal, attendu
que ma femme m’a pris ma coche. » Sous Henri III, le président Achille
de Harlay se rendait à cheval de
son hôtel au Palais-de-Justice. Le vieux président Brisson y allait
monté sur une mule, ce qui ne l’a pas empêché « d’être pendu par son
cou à une poutre de l’une des salles du Petit-Châtelet, le 15 novembre
1591. » Que Dieu vous donne merci, vieux président Barnabé Brisson ! Si
nos pères revenaient au monde, ils seraient fort surpris de voir des
milliers de voitures sillonner dans tous les sens les rues de la
capitale..."
Les jeunes personnes
sans fortune à Paris (1832) par Victorine Collin : "Dans le siècle
où
nous vivons, surtout en France, une portion de la société est condamnée
au malheur en naissant ; classe de Parias, êtres délaissés, et pourtant
intéressants et aimables, dignes d’un meilleur sort, si tout ce qui est
bon trouvait sa récompense dans cette vie ; je veux parler des jeunes
personnes bien nées et sans fortune. Pauvres filles, quel âge mûr vous
attend !... quel avenir vous est réservé !... à quoi vous servent votre
douceur, vos vertus, vos talents ? que vous revient-il de posséder une
charmante figure, d’avoir un noble maintien, et « la grâce plus
touchante encor que la beauté ? La plupart d’entre vous sont destinées
à végéter inutiles sur la terre, à ne jamais porter le titre d’épouse,
à ne caresser que l’enfant de l’étrangère..."
La vie d'un député
(1832) par Viennet : "C’est un beau jour
que celui d’une élection populaire pour l’heureux mortel qui en est
l’objet. L’empressement de ses amis, les félicitations de ses
concitoyens, la confusion même de ses adversaires, les acclamations du
bon peuple qui se réjouit de cet avènement au petit pied, comme si le
lendemain ne devait pas ramener le travail de la veille, l’invasion de
la foule joyeuse dans les salons du nouvel élu, les protestations de
dévouement, les roulements des tambours, les sons harmonieux de la
sérénade ; tout cela fait un ensemble étourdissant qui ravit et
transporte, une suite rapide d’émotions vives, désordonnées, dont on ne
saurait se rendre compte, et qui ne laisse place à aucune réflexion sur
la nature et la sincérité de ces bruyants hommages..."
Les vices à la mode
(1832) par J. Lesguillon (1800-1873) : "J’avoue qu’en
commençant ce chapitre, je suis embarrassé par le titre
même. Qu’est-ce qu’un vice ? En physique, autant que je puis me le
figurer, c’est l’absence ou la défectuosité d’une partie qui altère ou
paralyse le tout. Ma définition peut être inexacte, mais je la crois
suffisante. Eh bien ! nous voyons des machines humaines qui, loin
d’être altérées ou paralysées par des vices, leur doivent leur
position, leur équilibre, leur usage : ma définition est donc mauvaise
: en voici une autre : le vice est le complément de l’homme..."
Les tables d'hôte
parisiennes (1832) par L. D. Derville (1802-1868) : "Paris a
ses
théâtres, ses musées, ses académies, ses Chambres, ses émeutes et ses
revues, toutes choses fort curieuses à voir ; mais la province a ses
tables d’hôte ; et cela seul la place au même degré de civilisation. Je
ne serais même point étonné que de nombreuses gens préférassent les
tables d’hôte ; mais ce serait là un de ces goûts exclusifs qui ne
doivent pas nous influencer. Il est sûr, en effet, que les tables
d’hôte provinciales l’emportent de
beaucoup sur la plupart de celles qu’offre Paris à l’appétit vagabond
de ses ruinés, de ses célibataires et de ses étrangers. La table
d’hôte, à Paris, c’est l’omnibus de la fringale..."
Les Demoiselles à
marier (1832) par Régnier Destourbet (1804-1832) : "Quand on a
élevé un jeune poulain, qu’il est en âge de courir avec son
cavalier, on conduit la petite bête au marché, et l’on dit : « Qui en
veut ? J’en demande tant : voyez, il a le jarret fin, le crin fourni,
l’échine droite ; portant bien sa tête ; large du poitrail : pour la
vivacité c’est une biche ; si vous voulez savoir son âge, regardez ses
dents ; si vous doutez de la douceur de ses allures, essayez-le. » J’ai
souvent entendu des hommes de bon sens, se plaindre qu’il n’en fût pas
de même pour les demoiselles, et qu’on ne pût pas mettre un écriteau
sur sa porte :
A marier, une
jolie demoiselle alezan doré, prenant
dix-sept ans à la Saint-Martin, bien dressée, pouvant aller à la
cuisine et au salon. S’adresser au portier..."
Les musiciens
(1831) par Castil-Blaze (1784-1857) : "Quel est ce fashionable aux
cheveux frisés, dont on admire l’élégance ?
son habit taillé par les plus habiles mains servira de modèle ; la
forme, la couleur, en seront adoptées ; un habit si bien porté mérite
les honneurs de l’impression, nous le verrons estampé sur le Journal
des Modes. Son gilet, largement échancré, laisse voir un plastron de
batiste d’un éclat éblouissant, plissé, empesé avec un soin extrême. La
chaîne d’or où pend sa montre, le ruban du lorgnon, se croisent sur
cette cuirasse de lin où brillent des agrafes dont l’or enchâsse les
rubis, les saphirs. Sa cravate est un chef-d’oeuvre de l’art ; dix,
quinze, peut-être vingt carrés de mousseline ont été froissés,
torturés, et renvoyés à la blanchisseuse avant qu’il ait pu ajuster ce
noeud dont les seuls connaisseurs peuvent apprécier l’artifice et
détailler les perfections. Un castor superfin, des bas de soie au tissu
transparent, un escarpin juste et reluisant comme l’acier d’Angleterre,
des gants plus blancs que la neige, une badine où l’or brille,
complètent la toilette de ce beau fils. Son menton n’est rasé qu’à
demi,..."
Des soirées
littéraires, ou les poètes entre
eux (1831) par Sainte-Beuve (1804-1869) : "Les soirées
littéraires, dans lesquelles les poètes se réunissent pour se lire
leurs vers et se faire part mutuellement de leurs plus fraîches
prémices, ne sont pas du tout une singularité de notre temps. Cela
s’est déjà passé de la sorte aux autres époques de civilisation
raffinée ; et du moment que la poésie cessant d’être la voix naïve des
races errantes, l’oracle de la jeunesse des peuples a formé un art
ingénieux et difficile, dont un goût particulier, un tour délicat et
senti, une inspiration mêlée d’étude ont fait quelque chose
d’entièrement distinct, il a été bien naturel et presque inévitable que
les hommes voués à ce rare et précieux métier se recherchassent,
voulussent s’essayer entre eux et se dédommager d’avance d’une
popularité lointaine, désormais fort douteuse à obtenir, par une
appréciation réciproque, attentive et complaisante..."
Le cimetière du
Père-Lachaise (1832) par Eugène Roch : "Vers la fin de l’été, je me
trouvais en proie à un accès de cette
mélancolie profonde, qui est comme l’instinct d’un ressentiment secret
contre les hommes, le souvenir amer d’un passé vague, et une lassitude
des choses du moment. Livré à cette disposition, l’on aime à sortir de
l’enceinte des villes, à laisser derrière soi les formes trop positives
de la vie sociale, à s’éloigner de ce qui est faux, artificiel, en
désharmonie avec la nature, enfin à fuir ses semblables.... –
Et si, encore plein de cette humeur sombre, mais d’une tristesse déjà
plus douce, vous gravissez une colline dont le sommet vous fasse
dominer sur la grande cité populeuse, sur le vaste Paris, alors votre
rêverie se laisse entraîner à cette direction philosophique qui mena
Volney méditer sur les ruines ! Vous admirez la puissance du temps, de
l’industrie, de la civilisation, dans cet amas surprenant de maisons,
qui, sous leurs bases, dérobent à vos yeux des plaines, les rives d’un
fleuve et de nombreux coteaux, de ces maisons que seize siècles ont
apportées une à une, et jour par jour, l’une à côté de l’autre ! Vous
lisez l’histoire sur le fronton des bâtiments royaux et sur la toge
noirâtre des monuments..."
Un café de
vaudevillistes en 1831 (1832)
par Félix Pyat (1810-1889) : "La Sibérie et un atelier d’élèves en
peinture ne sont pas plus
inhospitaliers qu’un café de vaudevillistes. Si vous n’avez commis ni
roman, ni mémoire, ni un couplet dans toute
votre vie ; si l’on n’écrit pas à l’adresse de votre nom au moins
homme de lettres,... je ne vous
conseille pas d’entrer dans ce café,
où tout le monde se connaît comme à l’estaminet d’une ville de province
: vous y serez observé, pressé par les regards de tous, mal à l’aise
autant qu’une jeune fille, le premier jour du corset..."
Les amitiés
littéraires en 1831 (1832)
par Astolphe de Custine (1790-1857) : "J’étais seul,
assis à ma table ; je taillais mes plumes, ce qui veut dire que je
n’avais guère d’envie d’écrire, quoique le loisir ne me manquât pas
!..... Mais bientôt les souvenirs ranimèrent ma pensée : je me reportai
vers les lieux que j’ai parcourus il y a peu de temps, et les noms
fameux, et les sites extraordinaires de l’Andalousie, de l’Afrique, me
rendirent toutes les inspirations de la poésie !.."
L'apprenti
journaliste par Alexandre Duval (1767-1842) : "Dans ces temps de
révolution où les journaux ont tant d’influence sur
les esprits, je crois utile de raconter naïvement au public comment,
épris de la littérature, je me fis auteur par circonstance et apprenti
journaliste par nécessité. Les événements de ma vie n’ayant rien de
romanesque, je n’ai pas besoin d’avertir mon lecteur que mon récit ne
contiendra que la plus exacte vérité. On me nomme Alfred de R***, et je
dois la naissance à un juge de la
ville de B..."
Une maison de fous
par Jacques Arago (1790-1855) : "Deux belles choses, deux choses
curieuses à voir et à étudier dans
notre vieille Europe : un palais de rois, une maison de fous. De ces
deux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter ? Les insensés
qui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones ;
ceux qu’on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblent
moins à plaindre. On a pitié de leur état ; ils mangent, à leur gré,
assis ou debout ; ils saluent sans se courber jusqu’à terre ; il leur
est permis quelquefois d’avoir une volonté, de la manifester, de la
soutenir. Ils parlent haut ; ils contrôlent les actions du chef ; ils
résistent aux menaces, ils ne cèdent qu’à la force... Ce sont presque
des hommes..."
L'ouvreuse des loges
par Paul David : "Voici un sujet de théâtre, sur lequel il est
impossible de faire de
l’érudition. Les Romains et les Grecs, toujours cités en fait de choses
d’art, et toujours admirables quand il s’agit de l’art en lui-même,
n’avaient pas l’idée d’une ouvreuse de loges. Comment auraient-ils
compris cette mesquine invention de nos siècles d’argent, eux dont la
magnificence large et éclairée ouvrait un cirque à vingt mille
spectateurs, et faisait applaudir Aristophane ou Térence à tout un
peuple, assis sans distinction sur les vastes dalles de leurs théâtres
géants !.."
La journée d'un
journaliste par Gustave Planche (1808-1857) : "
Le
journalisme est une royauté nouvelle, la plus jeune à coup sûr de
toutes celles qui couvrent aujourd’hui l’Europe ; plus vivace et plus
hardie, plus souple et plus alerte que toutes les cours et tous les
cabinets qui se liguent sans pouvoir se soutenir, qui prodiguent les
serments et les parjures, les protestations de franchise et les
arrière-pensées sans réussir à se tromper ; elle est née le jour où la
vieille royauté a reçu le premier coup, le coup mortel qui a blessé à
mort, en 1789, sa légitimité de quatorze siècles..."
Le coureur
d'héritages par Moléri (1802-1877) : "Il arrive un moment dans la
vie
où l'homme, soit nécessité, soit ambition, soit ennui, se résout à
faire choix d'une profession. C'est alors qu'il consulte sa vocation et
peut devenir un génie, ou bien qu'il se soumet aux exigences des
circonstances et des personnes qui le dominent; d'où il résulte que le
monde se trouve affligé d'une innombrable quantité d'avocats bavards
plutôt qu'éloquents, de médecins empiriques, de juges ineptes,
d'architectes maladroits, en un mot, d'ignorants autorisés par les
brevets de l'École ou par les patentes du ministère des finances..."
Le
boulevart du Temple (1832) par Nicolas Brazier (1783-1838) :
"Charles Nodier a dit, en parlant de la route du Simplon, que Napoléon
fit creuser d’une manière si miraculeuse :
Le malheureux !... il m’a gâté
mes Alpes !.... Ce mot n’a rien d’exagéré. Or, il en est
des plus petites choses comme des plus grandes. Moi aussi, j’ai eu mes
phrases d’indignation ; et, lorsque je me promène aujourd’hui de
l’emplacement où était Paphos au café Turc, et que je reviens de la rue
d’Angoulême à l’ancien hôtel Foulon, je m’écrire à mon tour :
Les malheureux ! ils m’ont gâté
mon boulevart du Temple !.."
La vie de café
(1832) par Merville (1785-1853) : "Avant de dire au lecteur (que ce
titre étonne peut-être un peu) ce que
c’est que
la vie de café,
il convient de lui dire deux mots des cafés
eux-mêmes. Ces établissements succédèrent aux cabarets fréquentés, sous
Louis XIV, par la jeunesse élégante de Paris. Le siècle était dévot,
guerrier ; il aimait les arts ; la cour de France était la plus
brillante, la plus polie de l’Europe ; et, à Paris, les jeunes gens,
les femmes s’enivraient ! Il y avait certainement dans ce phénomène
moral quelque chose qui tenait de la Fronde et qui menait à la
Régence..."
Une agence
dramatique (1832) par Léon Halévy (1802-1883) : "Tout marche ; tout
suit le progrès du siècle. Quand je donnai au
théâtre mon premier ouvrage (c’était en 1826), l’agent dramatique
auquel m’adressa l’aimable et spirituel Emmanuel Dupaty, demeurait au
troisième, dans un étroit et sombre appartement. Depuis cette époque,
il a descendu deux étages ; la modeste table de noyer, surchargée de
vieux cartons, s’est métamorphosée en riche et élégant bureau d’acajou
; deux commis toujours occupés groupent les chiffres aussi bien que le
ferait M. Thiers ; et dans un arrière-petit cabinet résonne l’agréable
bruit des écus : vous vous croiriez chez un agent de change ou chez un
banquier. Tout annonce enfin une notable amélioration. Malheureusement
les recettes des auteurs n’ont pas suivi la même progression. Depuis
que les agents dramatiques sont mieux logés, les théâtres font de moins
brillantes affaires ; et depuis qu’on n’a plus à monter qu’un étage, on
redescend l’escalier bien plus légèrement : il y a compensation..."
Les traducteurs
(1833) par Edouard de La Grange (1796-1896) : "Parmi toutes les espèces
d’industries qui font gémir la presse à Paris
et qui se partagent les vastes champs de la littérature, il en est une
plus pénible que celle du manoeuvre qui broie le sable et la chaux ; il
en est une dont le salaire est quelquefois inférieur à celui du paveur
ou du tailleur de pierres ; je veux parler des traductions qui nous
inondent de tous côtés comme un torrent débordé, et qui envahissent à
la fois et les librairies les plus renommées et les étalages les plus
modestes des quais et des boulevarts ; tapisseries retournées qui nous
montrent les sujets à l’envers, le coloris effacé et les linéaments
raboteux qui composent la trame. Courbé sur la pensée d’autrui, et
semblable à une presse mécanique, le traducteur est forcé de
reproduire, dans un temps donné et dans un français trop souvent
barbare, les inspirations des auteurs exotiques ; labeur ingrat
d’ouvriers faméliques, sorte de grosse littéraire transcrite à tant le
rôle ; et les hommes qui vivent de cet ignoble métier, on les compte
par milliers dans la capitale du monde civilisé ; essaim bourdonnant,
troupe sans nom comme sans gloire, depuis celui qui traduit à la ligne
sous l’échoppe de l’écrivain public, jusqu’à celui qui travaille à la
feuille dans son galetas solitaire..."
L'étudiant
en médecine (1832) par Alfred Donné (1801-1878) : " Au sortir du
collège, la grande affaire pour un jeune homme est le choix d’un état.
Tant que la doctrine du docteur Gall ne sera pas décidément adoptée
comme un moyen infaillible de reconnaître les dispositions, le génie
particulier des enfants, on se donnera bien du mal pour étudier leurs
goûts et leurs instincts, avant de les lancer dans l’une des mille
carrières qui s’ouvrent devant eux à leur début dans le monde..."
Deux ménages
parisiens (1832) par Victorine Collin (1797-18..) : " Il faut être
bien
hardi pour toucher aux bourgeois, le plus petit peu du monde, quand on
a lu le spirituel et délicieux article de M. Bazin sur ce sujet. J’y ai
regardé à vingt fois ; j’hésite peut-être encore : une seule chose me
rend le courage ; c’est que le bourgeois de M. Bazin a, pour ainsi
dire, revêtu son habit des dimanches ; il est en visite, hors de chez
lui, à la revue, aux émeutes, aux fêtes publiques ; il court la bourse,
les affaires, se promène en fiacre ; enfin il est toujours occupé. Mais
le bourgeois chez lui, le bourgeois au coin de son feu, jouant le
piquet avec sa femme, additionnant son livre de dépense, le bourgeois
en bonnet de coton, vous ne le connaissez pas encore bien, ni lui, ni
sa femme, ni ses enfants, ni sa bonne..."
Le portier de
Paris (1832) par Jacques Raphaël : " Ce serait avoir à peine
entrevu l’une des opérations les plus vulgaires
auxquelles l’être qu’on nomme
portier
de Paris
daigne s’abaisser, que de s’imaginer que c’est tout simplement, et
suivant la signification exacte qu’un esprit logique peut déduire de ce
mot, un homme dont les fonctions se bornent à ouvrir et à fermer la
porte d’une maison à ceux qui entrent, ou qui sortent..."
Une
représentation à bénéfice (1832) par Auguste Luchet (1806-1872) : "
Une représentation à bénéfice ! Que c’est une douce chose, et combien
la pensée en est gracieuse et riante pour ces êtres rares, pour ces
artistes favoris qui, toute leur vie, ont possédé, ont enchaîné le
public de leur théâtre ; gens à qui leur théâtre doit de n’être pas
mort, de vivre riche et glorieux ! Heureux, cent fois heureux ceux-là
qui mènent, et remuent, et gouvernent tout ; qui sont plus directeurs
que le directeur ; ceux-là pour qui jamais la caisse n’a fermé sa
porte, ni baissé son guichet ; pour qui les feux et les suppléments de
feux... "
Du costume parisien,
et de son avenir par
Charles Lenormant (1802-1859) : "Je me suis souvent étonné que, dans le
plan tout spécial du livre des Cent-et-un, personne n’ait encore abordé
le sujet éminemment parisien de la Mode. Cette puissance, naguère
encore absolue, aurait-elle succombé comme tant d’autres puissances, et
ne resterait-il chez nous, à la mode, d’autre privilége que celui de
donner son nom à un journal de l’ancien régime ? Oh ! alors, qui ne se
garderait de remuer cette cendre refroidie ? qui ne renoncerait à la
prétention d’auteur original devant la crainte de passer pour un
plagiaire de Mercier ou de Sainte-Foix ? Il n’en est rien pourtant. La
frivolité, compagne obligée de la mode, n’a pas abdiqué son rôle de
souveraine : nous continuons d’être frivoles en révolutions, en
discussions, en émeutes, comme en tout le reste : nous n’avons de plus
qu’autrefois qu’un singulier avantage, celui de profaner un plus grand
nombre d’idées sérieuses. Mais, quelle que soit la direction de notre
esprit, le fond n’en change pas : le livre des Cent-et-un, qui peint
sous des couleurs si diverses, et avec des contradictions si amusantes,
nos passions, nos répugnances, toute notre vie actuelle, le livre des
Cent-et-un est un monument précieux dans lequel la postérité (si
postérité il y a) cherchera surtout quelles étaient, après la
révolution de 1830, les modes de Paris, en politique, en croyances,
comme on cherche ailleurs la façon des robes et des habits d’une
époque..."
Une scène de
magnétisme
par Félix Bodin (1795-1837) : "Monsieur l’éditeur du livre des
Cent-et-Un veut bien me demander un nouvel article ; c’est fort
obligeant, sans doute : mais il exige absolument que j’y parle du
magnétisme ; c’est fort embarrassant. D’abord, il n’est pas du tout
agréable de passer dans le monde pour s’occuper de magnétisme. Beaucoup
de vos meilleurs amis vous considèrent alors avec une sorte
d’inquiétude compatissante, comme celle que nous inspirent les gens
dont la tête n’est pas bien rassise. Je trouve cela tout naturel ; il y
a quelques années que j’en usais ainsi avec les autres, et aujourd’hui,
par la même raison, je suis presque honteux d’être signalé comme un
adepte de Mesmer, de Puységur, et du bon M. Deleuze..."
Les théâtres de
société par Edouard Mennechet (1794-1845) : "
Parmi
tous les amusements que multipliait la prospérité dont nous jouissions
avant la révolution de 1830, la comédie de société occupait le premier
rang. Les concerts et les bals pâlissaient devant une soirée
dramatique, et les mots On fera
de la musique, ou bien On
dansera, n’avaient pas, sur une invitation, l’attrait puissant
de cette courte et modeste annonce : On jouera des proverbes.
Il n’était pas de prières, pas de démarches, pas de ruses dont on ne se
servît pour être invité. On se réconciliait avec un ennemi, on donnait
la main à un homme de police, on écoutait sans bâiller un député du
centre : aucun sacrifice ne coûtait si l’heureux billet devait en être
le prix. C’était alors un billet de spectacle qui éveillait la
concurrence : c’est aujourd’hui un billet d’hôpital. Comme tout a
changé !.."
Un jour de paiement
de rentes au trésor public par Ernest Fouinet (1799-1845) : "
Quand,
après un long travail, vous allez vous promener aux Tuileries, sur la
terrasse des Feuillants, par un beau jour d’automne, dans ce doux état
de nonchaloir, de presque absence de pensée, que l’on a comparé souvent
au mouvement plein d’indolence d’un canot abandonné au flottement d’un
petit lac, votre esprit fatigué qui veut du repos, comme l’oeil ébloui
veut de l’ombre, en a assez pour l’occuper du tourbillon de feuilles
mortes qu’emporte un coup de vent, du léger froissement des pas dans
ces feuilles desséchées, du frôlement de la robe d’une jolie
promeneuse, ou d’un coup d’oeil vague jeté sur la longue façade du
ministère des finances..."
La faction des
ennuyés
(1832) par A[uguste] Jal (1795-1873) : "La plus terrible, la plus
cruelle, la plus dangereuse, la plus violente
des factions qui s’agitent à la surface de la société parisienne ! Ne
riez point ; car il n’y a pas de quoi rire, je vous assure. Vous vous
accommoderez avec toutes les factions politiques, si vous
renoncez à l’ambition de gouverner le pays, si vous vous condamnez à ne
pas discuter les droits, la force, les intentions et le mérite des
partis ; si vous payez bien vos contributions, quelque système qui les
réclame. Comme vous ne serez gênant pour personne, personne ne vous
attaquera ; vous glisserez entre la république américaine, la
république renouvelée de 1791, le napoléonisme, l’henriquinquisme,
l’opposition, la doctrine, la royauté des Tuileries, le programme de
l’hôtel-de-ville ; vous passerez au milieu de tout cela sans coudoyer
une opinion, sans heurter une idée, parce que vous vous serez fait
prudemment bien mince, bien petit, bien souple, bien adroit..."
Un magasin de modes
(1832) par A[ntoine] Fontaney (1803-1837) : "Oh ! c’était bien le plus
joli chapeau du monde, le plus élégant, le
plus gracieux, le plus coquet. – C’était une capote de gaze lilas avec
des tresses de paille autour de la passe, et puis un bouquet de
coquelicots, d’épis et de bluets, parmi des coques de ruban, un peu
penché à droite de la forme, sur la passe. – C’était bien aussi l’amour
le plus fragile, le moins profond qui se pût
trouver ! – C’était un sentiment léger de femme légère, un sentiment de
fantaisie, avec des faveurs capricieuses, et des tendresses
artificielles. – Or, voici ce qu’il advint de cette capote de gaze, et
de ce sentiment
de fantaisie..."
La rue des Postes
(1832) par Frédéric Gaillardet (1808-1882) : "L’habitant de la province
ou l’étranger, nouveau venu dans Paris,
pourrait croire, en lisant ce chapitre, que je vais lui parler de la
rue où, chaque jour, des milliers de bras, s’allongeant et se croisant
les uns à l’envi des autres, laissent tomber des milliers de lettres
dans une ouverture large et profonde, espèce de gouffre qui revomit
périodiquement ce qu’on lui jette, et dont la bouche, hérissée de dents
de fer, ressemble à ces gueules béantes des gardiens du Ténare,
toujours prêts à dévorer, toujours prêts à saisir. C’est le
vastâ
voragine gurges de Virgile, avec son
inhians tria Cerberis ora..."
Les
ex-libris français depuis leur origine jusqu'à nos jours
(1875) par Auguste Poulet-Malassis (1825-1878) : "« C’est
la collection à la mode, » nous disait, ces jours derniers, un libraire
du quai, à qui nous demandions des ex-libris. « A la mode » est
exagéré. Nous citerions bien, en vérité, les noms d'une vingtaine de
collectionneurs, après lesquels il faudrait s'arrêter. Noyau excellent
qui grossira et fructifiera, certes, mais fort disproportionné avec le
nombre de tirage de ces notes, qui s'adressent ainsi beaucoup moins aux
curieux de l'heure présente qu'à ceux de demain, ou de l'an qui vient.
Quoi qu'il en soit, nous avons essayé de résumer ici nos observations
sur les marques
intérieures
de bibliothèque, et sur leur usage en France depuis la fin du XVIe
siècle, où elles commencent à se montrer, jusqu'à nos jours, où l'on
peut dire qu'elles sont en discrédit. Au siècle dernier, elles ont eu
leur grande vogue correspondant à un besoin général, en même temps que
leur apogée artistique, suivi de l'inévitable retour que l'on sait..."
La Mort de Carême
(1833) par Charles-Frédéric-Alfred Fayot (1797-1861) : "Carême est mort
en janvier dernier, à l’âge de cinquante ans. Il a
mérité sa grande réputation. Je crois même à la durée de sa gloire, et
mes raisons pour cela sont exposées dans les piquants
commentaires
dont il a déjà été l’objet. Ceux qui les écrivirent sont des habiles.
Je trouve à leur tête M. Grimod de la Reynière, mangeur si délicat,
écrivain si spirituel, et d’une conversation si riche de souvenirs ;
lady Morgan, très-digne d’apprécier Carême. C’est elle qui a écrit,
dans un enthousiasme de connaisseur, « que la science, comme Carême l’a
pratiquée, est
une
nécessité, un signe de civilisation, et l’une des plus
douces conséquences de la richesse. » Carême et Laguipière, son maître,
ont introduit dans l’art les changements délicieux. – Nous mangeons
depuis eux des choses plus délicates, et nous buvons à petits coups et
frais. Pour le boire, c’est un retour aux préceptes d’Horace..."
Une journée de
flaneur sur le boulevarts du Nord (1833) par Amaury Duval
(1760-1838) : "Ce bon Mercier,
dont il me semble encore voir la figure goguenarde sous un vieux et
large chapeau triangulaire, Mercier n’a donné d’autre titre à l’un des
plus grands chapitres de son
Tableau
de Paris
(tableau qui, par parenthèse, ne ressemble presque plus à l’original),
que ces mots si vulgaires :
PROMENONS-NOUS.
C’était un conseil qu’il donnait d’avance aux peintres futurs de la
moderne Babylone, à tous les auteurs du livre des
Cent-et-Un..."
Le Buffle
(1882) par Henri Dalivoy : "Je dois au lecteur
un aveu pénible mais loyal : je n’ai jamais vu d’autres Buffles que
ceux du Jardin des plantes et du Jardin d’acclimatation. J’ajouterai,
pour achever ma confession, que l’étude sur place de ces animaux a
suffi largement à mon bonheur et ne m’a pas inspiré la moindre velléité
d’aller, un jour, faire avec eux plus ample connaissance en Roumanie,
en Égypte, en Perse, aux Indes ou au Cap de Bonne-Espérance. Pure
question de goût. Ce n’est point ma faute si je n’ai pas l’humeur
vagabonde et si je considère comme une calamité un simple déplacement
de Paris à Carcassonne ou à Quimper-Corentin..."
Le Tigre(1882)
par Fulbert Dumonteil (1830-1912) : "Il n’y a peut-être pas dans la
création de plus bel animal que le Tigre. Le Tigre est un grand
calomnié. Autant sa renommée est terrible et sa légende odieuse, autant
sa force
est extraordinaire et sa beauté admirable. Sa souplesse, son agilité
tiennent du prodige. Rien n’égale la puissance et la grâce, le charme
terrifiant et superbe
de ce grand chat de neuf pieds ! Un classement puéril a fait du Tigre
comme un vice-roi des animaux,
ayant pour sultan le Lion. Le Tigre ne relève que du Tigre et ne
partage avec personne sa couronne
ensanglantée. C’est tout simplement le monarque de l’Asie, comme le
Lion est le roi
de l’Afrique. L’un règne en souverain sur les rives du Gange ; l’autre
a pour trône l’Atlas !..."
L'Orang-outang
(1882) par Maurice Dehers : "Jadis dans l’ordre des Primates, mot qui
veut dire premiers ou primats des animaux, Linné, inventeur de cette
dénomination, plaçait, avec l’homme, non seulement les Singes et les
Makis, dont l’organisation se rapproche plus ou moins de celle qui
distingue notre espèce ; mais aussi les Chauves-souris et les
Paresseux, qui ont dû en être séparés, lorsqu’il a été permis
d’apprécier plus exactement les particularités organiques qui les
distinguent..."
Le Lion
(1882) par Henri Demesse : "L’une des merveilles de la création parmi
les animaux, c’est le Lion, dont la royauté est fort dûment établie,
bien que nombre de naturalistes aient entrepris de la lui discuter. Ce
fauve a reçu en partage la force et la beauté. Rien de plus majestueux
que sa démarche, rien de plus absolument beau que sa forme, rien de
plus terrible que son rugissement..... Les naturalistes ont classé le
Lion parmi les onguiculés, ordre des carnassiers, famille des félins..."
Le Renne
(1882) par Jules Gros (1829-1891) : "Si Buffon a été le plus éloquent
des naturalistes, il est loin d’en avoir été le plus juste. Quant il a
affirmé que le Cheval est la plus belle conquête de l’homme sur les
animaux, il ne parlait sans doute que des pays tempérés qu’il
connaissait, mais l’Éléphant, en Asie, le Chameau, en Afrique, le Renne
chez les populations du Nord, ne sont pas pourtant des conquêtes qu’il
faille dédaigner. Les services réunis que rendent chez nous le Cheval,
l’Ane, le Mulet, le Boeuf, la Vache, la Chèvre et la Brebis, le Renne
les rend aux malheureuses populations qui vivent en Laponie et dans
tout le nord de la Sibérie. Ajoutons que partout où il vit à l’état
sauvage, il constitue un gibier précieux et un aliment de haut goût..."
Les Singes
(1882) par René
Delorme
: "Où finit l’Homme ?
Où commence le Singe ? Voilà des questions terriblement embarrassantes
! Il faut cependant les examiner avant de rien dire. Si, par hasard, il
était démontré que le Singe est un
arrière-petit-cousin de l’homme, quel regret n’éprouverions-nous pas en
effet d’avoir parlé avec irrévérence d’un de nos parents éloignés ! Si,
au contraire, il était avéré que le singe n’est qu’un simple
animal, alors nous aurions libre carrière et nous ne nous exposerions à
aucun remords en risquant quelques critiques. Qu’est-ce donc que le
Singe ? Herder répond : « Mon frère aîné. » Faut-il s’en tenir à cette
opinion d’un Allemand modeste ?.."
L'Éléphant
(1882) par Louis
Figuier
(1819-1894) : "On a dit, avec
raison, que l’homme est le maître de la nature. Il a soumis tous les
animaux à son empire ; il a transformé suivant ses désirs la végétation
qui couvre la terre ; il a percé des montagnes, comblé des vallons,
creusé des voies dans l’épaisseur des collines, changé les isthmes en
voie maritime, et noyé des continents. Il est, en un mot, à la tête de
la création inanimée ou vivante. Mais on peut bien admettre un moment
cette hypothèse que l’homme aurait pu ne point exister, ou bien encore
qu’il aurait pu disparaître, par un des cataclysmes dont notre globe a
été plusieurs fois le théâtre..."
L'Ours (1882)
par Jules
Vallès
(1832-1885) : "Fait drôlement ! Museau pointu, épaules larges, train de
derrière plus large encore ; pas de queue. Etabli sur son séant, les
pattes de devant en l’air, il ressemble à une pyramide poilue plantée
sur sa base. Il est en effet la pyramide de nos premiers grands
souvenirs de la nature. Nous le voyons près de nous dans le drame de la
vie terrestre, à partir du jour où on a pu en ressusciter les
personnages et en rebâtir les décors. Il est assis, grognon, devant le
berceau de notre race. Il donne même son nom à l’époque primitive qu’on
appelle l’époque du Grand Ours..."
Les Romantiques
(1878) par Marc de
Montifaud
(1849-1912) : "
Les puissants, les fortunés, les légistes obèses et les bourgeois
tremblaient. Les cloches de la
Notre-dame
d'Hugo, avaient sonné à toute volée l'appel aux armes. Chaque réunion
devenait une bataille. Des hiérarchies littéraires jusqu'aux corps
d'état, la ligue défensive s'organisait. La résistance au romantisme se
composait des mêmes adversaires que ceux qui préconisaient l'ordre
établi en politique : les chauves de toutes les catégories, les
cuistres du professorat, avant tout, les hommes qui passaient de
l'exercice du prétoire à l'épicerie et auxquels est familière cette
pose qui consiste à croiser ses mains sur l'abdomen et à tourner ses
pouces ; tous ces prud’hommes au ventre tendu comme des tambours et aux
membres cartilagineux et flasques, tous ces gluants de nuance indécise,
au masque gras et rasé reposant leur menton sur un col triangulaire,
trouvaient le secret de prolonger la bataille. Ils mettaient la même
emphase à porter la queue de la tragédie qu'on en met aujourd'hui à
porter la queue des ordres moraliens ; alors comme à présent c'étaient
bien les mêmes têtes qu'on aurait dû servir sur du papier découpé comme
on sert la tête de l'animal aux longues soies qui les symbolise en
politique et en littérature..."
L'écrivian public
(1832) par Frédéric
Soulié
(1800-1847) : "Il faut bien le
reconnaître, chaque jour notre vieux Paris s’en va, son
originalité s’efface, son caractère disparaît. Bientôt il ne restera
plus rien de cette cité si pittoresquement construite, plus rien de ses
moeurs si originalement tranchées. Voyez : ses rues s’alignent, ses
boulevarts s’aplanissent, ses faubourgs s’éclairent. Voyez : ses
habitants, pairs et commis, notaires et confiseurs, portent le même
frac, et parlent la même langue. Hommes et maisons, tout se nivelle.
Autrefois, avec des nobles féodaux, des seigneurs suzerains, des
manants et des serfs, nous avions de hauts châteaux, de grands palais,
des masures et des cloaques. Aujourd’hui les tours et les priviléges
gisent à côté les uns des autres et les rues s’élargissent au profit du
peuple qui s’élève, et aux dépens des vastes hôtels qui n’ont plus
d’habitants à leur taille..."
Les amours de
diligence (1832) par Victor
Schoelcher
(1804-1893) : "C’était une femme comme on en trouve beaucoup à Paris,
mais comme il
n’y en a qu’à Paris : élégante, belle, jeune avec trente ans, et riche
avec dix mille francs de rente. Ces femmes-là sont, pour l’ordinaire,
réellement veuves, et gardent un fils de sept ou huit ans dans un des
deux grands colléges. Quelquefois leur mariage les a fait baronnes,
mais elles n’en tirent nulle vanité ; elles comptent trop sur
elles-mêmes pour se parer d’un mot. Elles ont des cheveux blonds, une
peau de satin, des ongles blancs, un corps frèle, une physionomie
douce, des bas de fil d’Écosse, des robes faites par la bonne faiseuse,
des mouchoirs de batiste, et des gants de Suède. Toute leur personne
est d’une délicatesse exquise, et elles laissent après elles un parfum
presque insensible de mille odeurs délicieuses. Elles habitent une
jolie maison dans la Chaussée-d’Antin, meublée avec recherche, toujours
ornée de fleurs,..."
Le
Palais-Royal (1831) par E.
Roch
: "Parcourez les
principales villes de l’Europe, vous y verrez des cathédrales
gothiques, des jardins et des palais auxquels Paris et les autres
villes de France auront à opposer des monuments de même genre ;
remontez aux temps anciens ; embarquez-vous sur le vaisseau
d’Anacharsis, vous visiterez la Grèce dans sa splendeur, et lorsque
vous aurez admiré les Propylées, le temple de Thésée et le Parthénon,
la nouvelle Athènes pourra mettre en regard de ces édifices son
Panthéon, son Louvre, sa Bourse et son église de la Madelaine ; mais
nulle part vous ne retrouverez un Palais-Royal, ni rien qui lui
ressemble..."
Les Musées en
plein vent
(1831) par Amédée
Pommier
(1804-1877) : "On doit regarder
comme un des plus notables agréments de Paris toute la jouissance qu’on
peut s’y procurer pour rien. C’est une des villes du monde où le pauvre
s’amuse le plus, et, parmi ces plaisirs qui s’offrent gratis à un
chacun, les boutiques de gravures occupent incontestablement un rang
fort distingué..."
Le Napoléon noir
(1832) par Léon
Gozlan
(1803-1866) : "La génération présente doit
s’attendre à être encombrée de fils de Napoléon, concurremment avec les
faux dauphins : chaque dynastie déchue nous léguant ses glorieux
bâtards et ses faussaires. Ce n’est pas que les branches nouvelles
s’alarment beaucoup de ces prétendants apocryphes ; il y a mille
raisons pour cela : d’abord le nombre exclut la vraisemblance ; et,
dans le contingent des héritiers présomptifs, les imbéciles nuisent
trop aux fripons. Mais les superstitions populaires s’alimentent à
cette source équivoque ; et pour peu qu’on ait le nez ou la bouche
offrant quelque ressemblance avec le masque de l’ex-souverain, le
chapeau fait le reste. La foi nationale est robuste. On a compté
cinquante-huit faux Néron, trente-deux faux Charles-Quint ; on a perdu
le nombre des faux Louis XVII. Qu’on juge, après cela, si le vol de
filiation souffre le moindre blâme, quand les pères sont dans une
proportion si effrayante..."
Une demoiselle de
Paris en 1832
(1832) par Victor
Ducange
(1783-1833) : "Qu’elle est jolie !... Vous la connaissez, j’en suis
sûr. Plus d’une fois, sans doute, il vous est arrivé, par un beau jour
de
juillet ou d’août, entre quatre et cinq heures, d’aller vous mêler à la
foule élégante que la mode appelle, et que la fraîcheur d’un bel
ombrage retient dans les vastes allées de la royale demeure. Ou bien
aussi, par une douce soirée, un beau ciel de nuit azuré, vos
pas appesantis par le poids du jour, heurtés, interrompus par un essaim
de beautés, ont, trente fois dans une heure, mesuré la distance entre
la rue Laffite et la rue Taitbout, au milieu d’un double rang de femmes
éblouissantes, de lanternes où le gaz rayonne, et des bouffées de tabac
de nos modernes élégants : enfin, sans métaphore, vous vous êtes
promené le matin aux Tuileries, ou le soir à Coblentz..."
Jacques Bonhomme
(1833) par
Gibert : "Jacques
Bonhomme,
M. Jacques Bonhomme est d’une famille ancienne.
Depuis qu’il est devenu important, des flatteurs et des savants lui ont
même fait une belle généalogie ; ils lui donnent une origine celtique.
A les croire, sa race s’en va se perdre dans la nuit des temps qui
précèdent les histoires écrites. Ils retrouvent en lui je ne sais
quelle physionomie gauloise, un peu semblable aux descriptions de
César. Ils disent qu’ensuite ces Jacques Bonshommes de la vieille Gaule
firent assez bonne société avec les Romains leurs conquérants : ils se
mêlèrent aux vainqueurs du monde par mariage ou autrement, finirent par
parler la même langue et prirent ensemble des habitudes municipales ;
tâchant de se tirer au moins mal du gouvernement du bas-empire, ou, ce
qui fut pire encore, de sa décrépitude expirante..."
Une première
représentation (1831) par
Merville
(1785-1853) : "Autrefois,
c’est-à-dire avant le 26 juillet 1830, c’était quelque chose
qu’une
Première
Représentation. Les journaux l’annonçaient un mois
d’avance ; ils citaient le nom de l’auteur en toutes lettres, et ce nom
ne devenait un mystère que le jour de l’événement. Mais alors, les
amis
du coupable
qui, de concert avec lui, s’étaient souvent évertués à le faire
connaître, à divulguer son secret, usaient de la plus discrète retenue.
On les voyait sous le péristyle du théâtre, dans les couloirs, dans les
foyers, s’aborder, se reconnaître à certains signes, à de furtifs
échanges de coups d’oeil et de serrements de mains, comme des
Carbonari ou des
membres du
Tugend
bund. Ils s’oubliaient eux-mêmes, pour ne s’occuper que de
la grande affaire du jour, l’ouvrage nouveau. Ils n’étaient plus, à ce
moment solennel, jésuites, libéraux, royalistes, tout ce qu’on était
alors ; ils étaient
amis
de l’auteur, identifiés avec lui, participant à ses
angoisses, à ses craintes, à ses espérances, et l’on citait tel
écrivain qui avait le bonheur de voir dans cette espèce de commandite
plus de la moitié des spectateurs, sans compter ceux qui faisaient
métier de l’applaudir..."
Les bibliothèques
publiques (1831) par P. L.
Jacob
(1806-1884) : "Je comprends bien que les bibliothèques publiques de
Paris puissent
être utiles aux lettres ; mais, en vérité, telles que les a faites
l’impéritie ou la négligence de l’administration, je ne comprends pas à
quoi elles servent, sinon à enfouir et à perdre à la fois le précieux
dépôt des connaissances écrites ; la Bibliothèque du roi, comme la plus
importante par le nombre et le choix des livres et des manuscrits, est
aussi la plus riche en désordre, en routine, et en abus. Cependant la
police matérielle de l’établissement fait honneur au concierge et aux
frotteurs de livrée ; ou dépose
gratis
les cannes et parapluies à la
porte ; on est
prié, par
une inscription en langue vulgaire,
d’essuyer ses pieds au paillasson,
et des crachoirs moins rares que
les encriers préservent de fréquents outrages le miroir du parquet
ciré. Là, Diogène n’eût pas été réduit à cracher au visage de
quelqu’un..."
Un couplet de la
Marseillaise et l'Abbé Pessonneaux (1900) par E.-J.
Savigné (1806-1884) : "
L
A paternité du septième couplet de la
Marseillaise, «
Nous
entrerons dans la carrière….. a été l’objet de nombreuses
discussions. Quelques-uns l’ont attribuée à Marie-Joseph Chénier ;
d’autres à M.
Louis du Bois
(1). Mais c’est M. L’abbé Pessonneaux qui, selon nous, en est
l’incontestable auteur, et notre opinion, exposée dans deux brochures
(2), a eu le mérite d’être agréée par M. Jules Lecomte. Nous ne
comptions plus revenir sur ce sujet, peut-être usé, quand M.
Anatole France, de l’Académie Française, dont nous admirons, à leur
juste valeur, l’autorité et le talent, publia, il y a quelques années
déjà, dans
Le Temps
(3) et dernièrement dans les
Annales
politiques et littéraires (4), des articles destinés à
raviver les prétentions de M. Louis du Bois...."
Monsieur de Paris
(1832) par James
Rousseau
: Le prince de
l’Église et l’exécuteur des hautes-oeuvres ; l’homme du
ciel avec sa parole tout évangélique, et l’homme de la terre avec sa
mission toute de douleur et de sang ; Celui qui prie pour l’âme, celui
qui détruit le corps ; L’un portant ses regards vers ce qu’il y a de
plus haut, l’autre forcé
de les tourner vers ce qu’il y a de plus bas ; Tous deux, par un
étrange abus de mots, par un renversement de toute
idée, de toute logique, tous deux appelés du même nom..."
Mademoiselle
Montansier, son salon et son théâtre (1832) par J. T.
Merle : "Le vieux Paris
disparaît devant nous ; ses monuments font place à des
rues longues, larges, froides et insignifiantes, comme celles de Berlin
ou de Saint-Pétersbourg ; la poésie de ses anciennes traditions, de ses
superstitions populaires, s’efface chaque jour ; bientôt il ne nous
restera plus de la bonne ville de Louis XII et d’Henri IV, qu’un Paris
moderne, qui n’aura rien d’historique, et qui ressemblera à une ville
prise d’assaut par les architectes et les maçons..."
La Conciergerie
(1831) par Philarète
Chasles :
"J’avais seize ans,
lorsque je vis pour la première fois la Conciergerie. Quelle prison
c’était alors ! une prison de l’ancien régime, belle
d’horreur, hideuse de poésie ! un amas de cachots ;
un dédale de corridors sombres et de voûtes infernales ! Du
front vous touchiez la poutre qui écrasait le guichet
d’entrée ; ployé en deux, vous aviez peine à le franchir. Un
réverbère, à la clarté rouge, brûlait éternellement sous le porche. Là,
il y avait encore des faces noires de geôliers, des paquets de clefs
retentissantes, des barreaux de fer obstruant l’air et la
lumière ; je m’en souviendrai toujours : de telles
images ne périssent point dans la mémoire ; elles projettent
leur ombre sur toute une vie..."
Paris
fashionable en miniature (1833) par Alexandre
Laya (1809-1883?) : "Sous quelle
forme nouvelle animer ce que vous allez lire ? On a tout
fait. Le nouveau n’est autre chose que du vieux remis à neuf ; et quand
je demande à mes souvenirs ou à mes rêves ce qui a été ou ce qui
arrivera, l’avenir ne me semble devoir être qu’une reproduction du
passé. L’humanité tourne dans le même cercle, c’est une ronde qui
frappe toujours le même sol, sous le même rhythme, sous la même
cadence..."
Le compositeur
typographe
(1832). par
Bert : "Ne
confondez pas le typographe ou compositeur avec
l’imprimeur ou pressier. Ces deux agents d’un art merveilleux sont
séparés par un grand intervalle dans la hiérarchie des fonctions de
l’imprimerie. L’un préside à la première transformation que subit la
parole visible, l’autre ne fait que diriger la machine qui doit la
répéter aux yeux par des milliers d’échos. La mécanique est déjà
parvenue à disputer à ce dernier son emploi ; déjà, sans lui, l’encre
sait se répandre sur les caractères assemblés et serrés dans un cadre ;
la feuille blanche s’étendre sur la forme, se glisser sous la presse,
et sortir de l’instrument muet empreinte de la pensée et de la voix du
génie. Ainsi le pressier voit son poste envahi par un ouvrier plus
laborieux que lui, et qui n’est pas, comme lui, sujet à la faim, à la
fatigue, au sommeil..."
Les maisons de jeu
(1832) par le Comte Armand d'
Allonville
: ''Que fais-tu, clairvoyant
Asmodée, tandis qu’une foule d’écrivains spirituels, après t’avoir
solennellement évoqué, parcourent sans toi les différents quartiers de
cette vaste métropole, et explorent, eux seuls, cent lieux publics, ou
réduits secrets, dans lesquels tu devais les introduire ou les guider ?
Il en est cependant que ces vigilants observateurs n’ont point encore
visités ; ceux-là sont le domaine de certains esprits malfaisants,
auxquels, malgré ta qualité de démon, ton génie satirique ne te fait,
certes, pas ressembler ; mais tu les dois connaître, et je voudrais
pénétrer, sous tes auspices, dans ces antres où vont s’engloutir et la
fortune et la moralité d’un trop grand nombre de misérables..."
Une visite à
Charenton (1832) par Maurice
Palluy
: "Sur les bords de
la Marne, à égale distance des jolis villages de
Saint-Maur et de Saint-Mandé, au milieu de vastes jardins bornés au
nord par le parc de Vincennes et qui dominent les plaines fertiles de
Maisons et d’Ivry, s’élève une masse de bâtiments irrégulièrement
groupés, dont l’aspect rappelle le souvenir de ces grands édifices
élevés autrefois à la religion par le génie de la solitude. Une longue
avenue plantée d’arbres dont les branches convergent en arceaux, et que
suit le courant d’un des bras de la Marne, y conduit le promeneur qui
s’égare de ces côtés. Veut-il en explorer les entours ? un pont léger
lui ouvre l’accès d’une île formée par la rivière, et dont les contours
gracieux offrent les perspectives les plus pittoresques..."
Paris illuminé
(1833) par A. Baudin : "Qu’on ne prenne
pas l’épithète titulaire de cet article dans un sens
figuré. Qu’on ne s’imagine pas que je veuille peindre la grâce efficace
du saint-simonisme ou du néochristianisme agissant sur la grande cité,
la touchant au coeur, et épurant cette moderne Ninive. Non, notre
capitale, trop dure à catéchiser, fera long-temps encore le désespoir
des utopistes religionnaires ; et, découragés de leurs efforts
stériles, MM. Enfantin, Gustave Drouineau, et le réformiste Chatel,
iront sans doute, sous d’autres climats, chercher des peuples moins
endurcis, plus malléables, plus ductiles, dont la foi toute neuve
puisse adopter des croyances nouvelles..."
Eloge du
snobisme (1926) par Marcel
Boulenger
(1873-1932) : "C
’EST
inouï !... On nous demande de traiter en quelques pages un grand un
important chapitre d’histoire religieuse : et nous pouvons même dire un
immense chapitre, un chapitre capital de l’histoire religieuse
contemporaine… En quelques pages !... En un tout petit volume, une
plaquette !... Mais comment veut-on que nous fassions ? Car enfin le
snobisme est une religion. Il faut bien que c’en soit une,
puisque les snobs vivent manifestement en état de dévotion profonde
envers leurs divinités, telles que les titres, les millions, la langue
anglaise, les votes d’admission dans les grands cercles, etc., et
parfois même d’exaltation mystique. On ne sait en effet si certains
d’entre eux ne vont pas jusqu’à l’extase dans le secret de leurs
méditations solitaires..."
Les médecins de Paris (1833) par F.
Trelloz : "Dans le siècle où
nous vivons, l’indépendance est un des premiers
besoins de la vie, et les révolutions qui se sont succédé ont laissé
tant d’hommes incertains sur leur avenir, surtout parmi ceux qui
occupaient des emplois dans le gouvernement, que chacun a cherché à
donner à ses enfants un état qui le mît à l’abri des revirements de
fortune. Ajoutez à cela l’ambition qu’ont tous les parents de donner à
leur fils un état qu’ils considèrent comme plus relevé que le leur, et
vous vous expliquerez pourquoi nous voyons maintenant tant d’avocats et
tant de médecins...."
La place de
grève (1833) par Eugène
Labaume
(1783-1849) : "
Si le livre des
Cent-et-Un
eût été destiné à donner une description
pittoresque et animée de tous les lieux de la capitale témoins
d’événements tragiques susceptibles d’émouvoir la sensibilité des
lecteurs, il n’en est aucun qui, sous ce rapport, pût offrir des scènes
plus dramatiques et plus variées que la place de Grève. Mais à Dieu ne
plaise que, pour exciter des émotions, nous cherchions à rappeler ces
supplices affreux qu’une législation barbare faisait endurer aux
criminels. Nous ne parlerons donc point du supplice de la roue infligé
à..."
Étrennes
aux jeunes femmes qui veulent être heureuses dans leur ménage, et
donner à l'État des Enfans sains et robustes (1806) : "
N
OUS avons l’
Ami des
Enfans et le
Magasin des
Adolescentes, deux
ouvrages également utiles aux deux âges de la jeunesse, qu’ils ont pour
objet. Pourquoi n’aurions-nous pas l’
Ami des jeunes Femmes,
cette
portion de l’humanité si précieuse à la
société, et d’où dépendent son
bonheur et sa population ? En vain vous aurez appris à la
jeunesse
comment elle doit se comporter dans son bas âge, si nous ne
continuons
pas nos leçons jusqu’au moment où, placée au
rang des mères de famille,
notre jeune élève doit exercer le plus sérieux et
le plus important des
devoirs, celui d’épouse et de mère. Aussi, ce plan
fut-il celui du
vertueux Berquin, si la mort ne l’eût ravi au milieu
d’une carrière
qu’il ne parcourait que pour le bonheur du genre humain..."
Éloge de la
paresse (1926) par Eugène
Marsan
(1882-1936) : "
I
MAGINEZ un château. Un château vous plaira. Et non pas
une vaste fabrique rétablie à grand
frais, comme un musée, mais une demeure. La grosse tour de l’ouest est
du XIIIe. La légende veut, comme
toujours, que ses fondations remontent jusqu’aux Romains. La tour du
levant est du XVe, avec une porte si basse qu’il faut se baisser,
curieux vestige d’un âge antérieur. Entre elles, tout le corps de logis
est d’une Renaissance retouchée. La petite aile droite a double visage
: Empire et Louis XVI..."
Croquis de Guerre et
d’Après… (1923) par Henri
Marguy : "Oserai-je conseiller à nos
pessimistes, aux broyeurs de noir, à ceux
enfin qui, parce que la vie devient de plus en plus chère et que la
guerre se prolonge sans amener encore la décision souhaitée, estiment
que tout est perdu, de s’en aller, par une belle journée ensoleillée
comme celles dont nous venons d’être gratifiés, faire le tour des
fortifications parisiennes ? Au lieu de s’enfermer dans un café chic
où, tout en dégustant un bock,
voire même café-crême - (on boit encore beaucoup de café-crême dans ces
établissements, malgré la soi-disant rareté du lait) - ils
s’hypnotisent à la lecture de multiples grands quotidiens, qu’ils
fassent la promenade au grand air que je leur propose..."
Pays de Retz
(1928) par Marc
Elder
(1884-1934) : "
U
NE route passe sur la crête, à cent mètres
du littoral, joignant d’un trait presque droit Pornic à
Bourgneuf-en-Retz. Soulignons-la de vert comme sur une carte Michelin.
Son cours champêtre, varié par des échappées sur l’Océan, ne manque pas
de pittoresque. On y voit les clochers du Clion, des Moustiers, fins
comme pointe d’oignon monté en graine, la chapelle de Prigny à
croupeton sous son orme, un horizon divers qui propose des jeux
d’esprit sous la forme de mirages dont il faut deviner le sens. Pour
moi, j’y vois ma jeunesse. Elle est éparse dans le paysage ainsi que la
lumière insaisissable.."
Basses Pyrenées :
histoire naturelle et poétique (1926) par Francis
Jammes (1868-1938) : "
Je ne peux qu’admirer, tandis que les fauvettes chantent dans mon
jardin de Hasparren, et que tout à l’heure y glissait une musaraigne
entre les feuilles, qu’à dix kilomètres d’ici, non loin de mon château
de Belzuncia, à Isturitz, aient été mis à jour ces indiscutables
ossements d’ours, d’hyènes, de cerfs, de rhinocéros, de mammouths, de
rennes, de bisons, de lagopèdes, de goélands, d’aigles, et ces
coquillages ! Les squelettes d’ours, en particulier, s’enchevêtrent,
s’entremêlent, s’agglomèrent, avec une telle abondance, qu’ils firent
naître la singulière idée, heureusement abandonnée, de les exploiter
comme engrais chimique..."
Le
10 août (1875) par
Georges de
Cadoudal (1823-1885)
: "
Le 10 août 1792 un grand crime, un crime irrémissible fut accompli par
l’infernal génie des révolutions. La Royauté, qui avait créé notre
nationalité, qui avait élevé la France aux sommets de la puissance et
de la gloire, succomba en quelques heures sous une coalition de
sophistes et de rhéteurs, de faubouriens et de repris de justice. Cette
journée livra la clé de nos destinées aux plus vils des hommes ; elle
rendit possibles les crimes de Septembre et de Janvier ; elle fut la
préface sanglante de la Terreur..."
Annecy
(1930) par Albert
Besnard
(1849-1934) : "
I
L y a des voyages dramatiques ; il y en a
de doux - qui pourraient être terribles : celui de la Haute-Savoie est
de cette catégorie. C’est un pays de montagnes parfois assez hautes
qui, pendant l’été se drapent des lambeaux du premier nuage qui passe ;
mais se coiffent de neige à l’automne ce qui leur donne un aspect
redoutable. Au-dessus d’elles le roi de la contrée, le fantôme éternel,
le géant des Alpes, le mont Blanc, hiver comme été, avertit les
indiscrets qui prétendent à voir de près son visage, qu’au-dessus du
plaisir de violer le silence des hautes solitudes planent toujours le
vertige et le froid, frères de la mort. Comme pour tempérer la sévérité
du paysage, tout en bas, s’étend un lac couleur d’espérance..."
Napoléon au
Panthéon de
l'Histoire : Résumé de tout ce grand homme a fait de Merveilleux (1830)
par Pierre
Colau (1763-183..)
: "
Honneur à la liberté qui sur tous les théâtres de la capitale,
ressuscite le grand homme dont l'ombre seule effrayait le gouvernement
anti-national que la valeur des immortels enfans de Lutèce vient de
renverser. Les destinées de Napoléon sont accomplies ; il n'est plus !
Cependant,
il est encore de ces hommes à qui la nature sembler n'avoir donné des
yeux que pour`ne point voir, qui demandent ce que deviendra sa mémoire
? C'est en résumant ce que le vainqueur des Rois de l'Europe a fait de
grand, que nous répondons..."
Derniers efforts du
jésuitisme expirant
: ses infamies, ses crimes et
ses complots, définition de ce qu'on appelle la congrégation... (1830)
par Pierre
Colau (1763-183..).
Crimes
de la superstition et du fanatisme, occasionnés par l’intolérance
religieuse... (1831) par Pierre
Colau
(1763-183..).
Paray-le-Monial
(1926) par Henri de
Régnier
(1864-1936) : "P
UISQUE j’ai parlé de Bouchu, il « faut
que
j’achève l’étrange
singularité qu’il donna en spectacle, autant qu’un homme de son état en
peut donner. C’était un homme qui avait une figure fort aimable et dont
l’esprit, qui l’était encore plus, le demeura toujours. Il en avait
beaucoup et facile au travail et fertile en expédients. Il avait été
intendant de l’armée de Dauphiné, de Savoie et d’Italie, toute l’autre
guerre et celle-ci. Il s’y était enrichi ; homme d’ailleurs fort galant
et de très bonne compagnie. Lui et sa femme, qui était Rouillé, soeur
de
la dernière duchesse de Richelieu et de la femme de Bullion, se
passaient très bien l’un de l’autre..."
La Touraine
(1926) par René
Boylesve
(1867-1926) : "
C
OMME
Ronsard, nous allons faire « le voyage de Tours ».
Nous ne le ferons pas en vers. Je n’en ai point à ma disposition qui
vaillent ceux du poète vendômois : C’était au mois d’avril,
Francine, il m’en souvient, | Quand tout arbre florit, quand la
terre devient | De vieillesse en jouvence, et l’estrange arondelle
| Fait contre un soliveau sa maison naturelle. | Nous risquerions,
sur ces douze pieds, si alertes qu’ils soient, de
trouver l’excursion un peu longue. Cependant, si j’ai prononcé le nom
d’un poète, ce n’est pas sans dessein..."
Strasbourg
(1929) par André
Hallays
(1859-1930) : ""
J
E n’avais fait que traverser l’Alsace au retour d’un
voyage en
Allemagne et ne connaissais guère que la cathédrale de Strasbourg et le
musée de Colmar : je redoutais de me sentir un étranger sur une terre
autrefois française. Au printemps de 1903, la Société industrielle de
Mulhouse m’invita à donner une conférence chez elle. Je me décidai à
profiter de cette occasion pour visiter le reste de l’Alsace..."
Cluny (1928) par
Albert
Thibaudet (1874-1936) :
"
A
U Français qui voyage en Allemagne, vous savez quelle
est la première question que l’on pose : « Êtes-vous de Paris ? » Une
réponse négative vous fait considérer comme un Français de deuxième
zone, et même comme rien du tout. Ces Germains ignorent que, sauf des
exceptions, en France on n’est pas de Paris. On va à Paris, ou on en
vient, ou on y passe, ou vos parents y sont venus, ou vous y êtes venu,
mais enfin, dans le monde de l’esprit tout au moins, Paris est associé
à des valeurs de mouvement, de conquête, de départ, d’arrivée, de
circulation..."
Les musiciens les
philosophes et
les gaietés de la musique en chiffres : Réponse à Monsieur
Francisque
Sarcey (1870) par Oscar
Comettant
(1819-1898) : "
Vous n’êtes pas heureux quand vous parlez musique, monsieur et
très-honoré confrère. Vous la comprenez mal. Il est vrai que vous
l’avez apprise sur le tard, par la méthode Chevé..."
Les guérisseurs et
les éclopés dans
l’oeuvre de Quast (ca1922) ;
Trois pharmacies de poche (1922) ;
Une épidémie de hoquet
à Tournai en 1413 (1922) par Jean-Joseph
Tricot-Royer (1875-1951).
Un Bal d’Etudiants
(Bullier)
: notice historique... par un ancien contrôleur du droit des
pauvres (1908) : "Il y a quelques années, on pouvait lire à la
quatrième page des journaux l’annonce de la mise en vente dans l’étude
de Me Prudhomme, notaire à Paris, de BULLIER, le célèbre bal de la
jeunesse des Ecoles, connu de nos pères sous le nom de
CLOSERIE
DES LILAS.
Certes, cette grave nouvelle ne tarda pas à faire son tour de France,
et nombre de compassés magistrats, solennels notaires ou sévères
médecins, du fond de leur province, n’ont pu se défendre d’un soupir de
regret en songeant que la vieille salle mauresque de l’avenue de
l’Observatoire, témoin de leurs ébats capiteux de la vingtième année,
allait peut-être disparaître à jamais !.."
De la sériciculture
en France (1865) par Georges
Renaud
: "
La question séricicole n’est pas absolument nouvelle. Maintes fois
déjà, elle avait fixé l’attention des divers gouvernements qui se sont
succédé en France, quand, à des intervalles très-éloignés, de violentes
épidémies s’étaient abattues sur nos races de vers à soie. Cependant,
jamais l’état de souffrance n’avait été aussi grave qu’il l’est de nos
jours ; jamais on n’avait vu la récolte annuelle des cocons tomber de
100 millions de francs (chiffre moyen d’une année) à 34..."
Passions
et vanités (1926) par la Comtesse
Anna de
Noailles
(1876-1933)
:
"
L
ES femmes m’en voudront-elles de leur dire
que je ne m’habitue pas à leur grand mépris de la chevelure d’Yseult,
voile d’or sur le vaisseau de Tristan ; à leur dédain de la fringante
coiffure de Diane, et même de cet étroit anneau bombé, délicat comme la
châtaigne, qui repose sur le col grec de la « Jeune fille aux osselets
» ? Silencieuse par politesse devant tant de subits pages florentins et
de japonais aux joues roses, je leur fais pourtant un grief de leurs
cheveux courts, de cette suppression de rêve, d’ingéniosité, de
réussite autour du visage. Je leur reproche ce dépouillement de la
nuque, lieu secret, amoureux de l’ombre, modelé pour supporter le
coquillage soyeux, rêche, sombre, doré, ou bien pour paraître effronté
par l’élancement, jusqu’au sommet de la tête, de la parure vivante qui
vient s’y abattre ou s’y épanouir..."
Notice sur l'île d'Elbe,
contenant la description de ses villes, ports, places fortes, villes,
bourgs, villages, l’état de sa population, ... (1814) : "E
LBE,
nommée
en grec
Æthalia, Ilva en
latin,
Elba en italien,
est une île située
dans la mer Méditerranée, sur les côtes de la Toscane, à 4 lieues de la
terre ferme de l’Italie ; à 13 lieues de l’île de Corse, à 45 de Rome,
à 85 de Naples, et à environ 230 de Paris. Elle était connue des
anciens, puisqu’on rapporte qu’elle était déjà peuplée que Rome n’était
pas encore bâtie. Cette île forme un triangle
presque équilatéral ; elle a vingt-six lieues de circonférence, à
raison des enfoncements et des recoins qu’en présentent le côtes. En
1778, sa population était à peine de 8,000 habitants, aujourd’hui elle
s’élève à 11,380. Le plus long jour y est de quinze heures, et le pôle
s’y élève à la hauteur de 41 degrés et demi. Outre les cartes
particulières où l’on trouve cette île, il en a paru une à Venise, qui
a pour éditeur Bertelli, et qui se distingue par son exactitude de
toutes les autres cartes de la Toscane..."
Les grandes erreurs judiciaires par Marcel
Nadaud & Maurice
Pelletier : Les grandes erreurs
judiciaires :
Un
drame paysan (Petitdemange) ;
Il ne s’était pas rendu
(Lieutenant Chapelant) ;
Le pigeonnier du vieux flamand (Strimelle)
(1926).
Les pauvres
: physiologie de la misère (1841) par Louis Mathurin
Moreau-Christophe (1799-1881) : "D
ANS
la distribution des maux de cette terre, chaque peuple a eu son fléau,
chaque époque sa plaie. Tantôt ç’a été la famine,
tantôt la peste, tantôt la guerre, tantôt les inondations, tantôt le
bouleversement des idées, des fortunes, des religions, des empires.
Sous
quelque forme que ces maux se soient produits, ils ont toujours eu pour
effet un autre mal, - le seul qui toujours ait survécu à tous les
autres ; - mal chronique, enraciné, persistant ; mal qui prend chaque
jour une extension terrible, fatale, immense…
LA MISÈRE
!..."
Les grandes erreurs judiciaires par Marcel
Nadaud & Maurice
Pelletier :
L’empoisonneuse de
Choisy (Julie Jacquemin) ;
Le couteau du boucher (Pacotte) ;
Le calvaire d’un
instituteur
(Pierre Vaux) ;
Une
petite oie blanche (La
Roncière) ;
L’incendiaire
au village (Maximilien Flament)
(1926).
Images
de Majorque (1925) par Louis
Codet
(1876-1914) : "Qu’il
est donc délicieux d’arriver, à l’aurore, dans un port inconnu ! c’est
une des plus douces choses de la vie, et je ne crois pas qu’on puisse
se blaser sur cette surprise. Tandis que le vapeur
glisse silencieusement sur les flots calmes de la rade, on contemple
alentour ces rivages dentelés, ces monuments, ces maisons étrangères ;
le demi-jour leur laisse un air d’apparition ; l’on goûte un étonnement
d’une qualité rare ; ces montagnes et cette ville, sorties des eaux,
c’est la nouveauté en sa fleur..."
Le bas-bleu
(1842) par Jules
Janin
(1804-1874) : "O
N
cherche encore l’origine de cette très-expressive et très-juste
dénomination : le
Bas-bleu.
D’où vient ce mot et que veut-il dire ? Dans un de ses magnifiques
accès de mauvaise humeur, lord Byron s’en est servi pour désigner la
race, toute moderne, des malheureuses créatures féminines qui,
renonçant à la beauté, à la grâce, à la jeunesse, au bonheur du
mariage, aux chastes prévoyances de la maternité, à tout ce qui est le
foyer domestique, la famille, le repos au dedans, la considération au
dehors, entreprennent de vivre à la force de leur esprit. On les a
appelées bas-bleus pour deux ou trois motifs que Byron n’explique pas,
mais qu’il est facile d’expliquer..."
Le maître de
chausson
(1842) par Théophile
Gautier
(1811-1872) : "V
OUS
avez sans doute vu, si le hasard ou toute autre raison vous a conduit
aux barrières, aux Funambules, sur la place Maubert, dans la rue
Mouffetard, ou tout autre lieu fréquenté par cette intéressante partie
du peuple français que l’on désigne sous les dénominations de gamins,
de titis et de voyous, deux champions en attitude, agitant les bras et
les jambes avec des gestes bizarres, et prononçant la phrase
sacramentelle : « Numérote tes os, que je te démolisse ! » et vous avez
passé en détournant la tête, car au bout de quelques secondes le sang
jaillissait des nez réciproques, et de larges iris ne tardaient pas à
cercler d’auréoles prismatiques les yeux des combattants..."
La
belle-mère
(1842) par Anna
Marie : " I
L
existe ici-bas une pauvre créature assez généralement insupportable à
ceux qui l’entourent, et détestée par tradition de génération en
génération, depuis que la terre en produit ; un être dont le nom
déplaît, dont la présence importune, qu’on veut fuir à cent lieues et
même à mille, et que pour toutes ces raisons peut-être, et pour bien
d’autres encore, nous plaignons pourtant de toute notre âme..."
L’homme sans nom
(1842) par Taxile
Delord
(1815-1877) : " I
L est une classe d’hommes
que la société rejette de son sein, tribu maudite qui se perpétue dans
le vice, caste anathématisée dont tout le monde évite le contact. Sous
le péristyle des théâtres, chez le marchand de vin à double industrie,
au milieu de tous les grands centres où la débauche s’étale sous la
surveillance de la police, on rencontre ces parias que l’on reconnaît à
leurs traits flétris, à leur langage cynique, et même à leur costume.
Leur existence est vagabonde ; ils passent d’une femme à l’autre pour
un peu d’or ; ce sont les condottieri de l’amour ignoble, ils naissent
de la prostitution comme ces insectes qui sortent de la boue ; ils en
forment la partie la plus honteuse : c’est infamie de l’infamie, et la
pourriture de la pourriture...."
La première amie
(1842) par Charles Paul de
Kock
(1793-1871) : "N
E
vous méprenez pas à ce titre ; ne croyez pas qu’il s’agisse ici pour un
homme de sa première connaissance, de sa première maîtresse, de ses
premières amours enfin. A ce compte, comme tous les hommes ont eu
plusieurs liaisons galantes, chacun d’eux aurait eu une première amie.
Ce n’est pas ainsi que je l’entends : nos connaissances les plus
intimes n’ont pas toutes été nos amies ; ce titre, si doux quand il est
mérité, ne doit pas se prodiguer aussi facilement que les noms d’amants
et de maîtresses..."
Bulletin des modes et
de l'industrie, 25 février 1849 par V. de R....
Les
enfants à Paris
(1841) par Mathurin-
Joseph
Brisset (1792-1856) : "P
ARIS,
l’Eldorado des femmes opulentes, le lieu d’épreuves des maris,
qu’est-il pour les enfants du riche ? Une serre chaude, un de
ces fours qui, pour quelques poulets qu’ils font sortir de leurs
coquilles avant le temps, étouffent les autres dans leur oeuf cuit à ce
souffle de précocité, meurtrier, à force d’être actif..."
Le tyran d’estaminet
(1841) par Charles
Rouget : "I
L
n’y a plus en France de tyran couronné, mais une moitié de la
population est occupée à tyranniser l’autre. Quelle est à cette heure,
je ne dis pas la nation, mais la famille qui ne soit, à des degrés
différents, soumise au despotisme de l’un de ses membres ? Et
d’ailleurs, que gagnerait le peuple aux révolutions, si chacun
n’appliquait à son usage particulier la tyrannie précédemment
monopolisée au profit d’un seul ?.."
La maîtresse de
maison de santé
(1841) par Frédéric
Soulié
(1800-1847) : "A
VANT
de faire le portrait de l’individu, essayons de donner une description
de l’endroit où on le trouve, du cadre où il pose, ou, si vous l’aimez
mieux, de la contrée où il règne. La maison de santé est presque
toujours logée dans quelque vieil hôtel dont les vastes appartements du
rez-de-chaussée sont affectés au service commun, au grand et au petit
salon, à la salle à manger, au parloir, etc. Les étages supérieurs sont
divisés en une foule de petits appartements qui sont affectés aux
malades de première qualité. Ceux du second ordre sont casernés dans
les chambres que l’on a pratiquées sous les combles..."
Le second mari
(1841) par Frédéric
Soulié
(1800-1847) : "L
A
nature a ses types, la société a ses types, toute nation a ses types,
et enfin chaque époque a ses types. L’avare, le vaniteux, le fanfaron,
appartiennent à la nature, et elle les a semés partout où elle a jeté
des hommes. Dès que la société a été organisée, elle a tout aussitôt
créé les siens. Ainsi le juge, soit qu’il applique la loi de Dracon ou
le Code pénal ; le commerçant, soit qu’il vende des nègres ou
des rentes sur l’état ; le militaire, soit qu’il marche le pot
en tête ou le fusil à l’épaule ; le médecin, soit qu’il suive
la doctrine d’Hippocrate ou celle de Hannman, ont des traits
caractéristiques généraux qui se retrouvent toujours et partout. Au
contraire de ceci, le climat, les productions du sol, la disposition
géographique, ont fait à chaque peuple des types
particuliers ; ainsi le mangeur d’opium, le buveur de bière..."
Le gniaffe
(1841) par Petrus
Borel
(1809-1859) : "L
E gniaffe arrivé, le gniaffe
maître, le gniaffe possédant un établissement est trop généralement
répandu, et trop à la portée de tout le monde, pour que nous nous y
appesantissions beaucoup. Ce n’est pas de cet enfant du siècle, bon
lecteur, que nous avons à t’entretenir ; tu le connais de reste ce
débitant vulgaire qui parle à la troisième personne, qui dit : «
Monsieur veut-il ses bottes plus carrées ? Que souhaite madame ?
Offrirai-je un siége à monsieur ?... » Nature servile et bâtarde, polie
par son frottement aux honnêtes gens qu’elle chausse ; épine dorsale
flexible et docile ; bouche assouplie, faite au mensonge et professant
le mot flatteur !... Non, non, ce n’est pas là l’objet de notre choix ;
ce n’est pas là notre héros, ce n’est pas là notre Ulysse… Notre Priam
à nous, c’est le gniaffe au coeur noble, à l’âme élevée et ombrageuse,
qui, en dépit de toutes les sirènes de la corruption, s’est maintenu
dans l’indépendance la plus absolue et la plus primitive !.."
Le goguettier
(1841) par Louis-Auguste
Berthaud
(1810-1847) : " L
ES électeurs parisiens à
200 francs et au-dessus, les hommes d’ordre et de boutique ont entendu
prononcer le nom du goguettier une ou deux fois au théâtre des
Variétés, et ils savent, c’est-à-dire ils croient qu’il se nomme
Loupeur ou
Balochard. Pour eux, c’est
l’ouvrier imprévoyant et
viveur, hâbleur, conteur, gaudrioleur et mauvaise tête, allant boire à
la barrière et dépenser en deux jours, le dimanche et le lundi, ses
économies de toute la semaine ; c’est encore celui qui, sans sortir de
Paris, use sa journée et les manches de sa chemise à rouler de cabaret
en cabaret, se frottant à tous les murs et se brûlant l’estomac avec
les compositions lithargineuses du marchand de vin. Hors de là, les
Parisiens ne voient plus de goguettiers, mais déjà des
goipeurs, déjà
des vauriens, déjà des gens à tout faire, et devant lesquels il est
prudent d’allonger le pas entre minuit et cinq heures du matin..."
La
Dévote
(1841) par Jules
Janin
(1804-1874) : " G
RACE
à Dieu, il n’est pas de révolution en ce monde qui, à le bien prendre,
n’ait en soi quelque chose de bon. La révolution de juillet, par
exemple, nous a délivrés à tout jamais d’un abominable fléau qui
menaçait de reparaître dans nos moeurs, je veux dire l’hypocrisie
religieuse, la pire espèce de toutes les hypocrisies. Quand tous les
honnêtes gens qui croient encore en Dieu, et qui n’ont pas relégué
l’Évangile avec les livres des philosophes, ont pu aller à l’église
tête levée sans être soupçonnés d’ambition ou de flatterie, l’église
s’est remplie, à toutes les heures du jour, d’une noble foule. Les
honnêtes gens ne se sont plus cachés pour y venir. La religion
catholique, n’étant plus protégée par personne, rentrait dans le droit
commun, ou, pour mieux dire, dans le droit divin. A nous aussi, puisque
maintenant il est bien reconnu que la loi est athée, puisqu’il n’y a
pas de roi dévot, de cour dévote, plus de congrégations religieuses qui
nous espionnent et qui comptent sur nos signes de croix, il nous est
bien permis de célébrer le type féminin le plus charmant qui se puisse
présenter à l’étude et à l’observation des moralistes contemporains..."
Dîneurs et
dîners
d'autrefois
(1910) par Victor
Du Bled (1848-1927)
: "La
science
de gueule, qui n'est pas aussi dégénérée que l'affirment
certains
pessimistes, qui n'a pas de plus cruel ennemi que le féminisme, et
demeure la science sociale par excellence, fut consacrée par les
religions de l'antiquité, et garda même dans les temps modernes un
caractère presque hiératique, par la gravité solennelle des rites et du
cérémonial qui l'entourait notamment à la Cour. Faut-il voir un
ressouvenir de cette étiquette mystique dans ce trait de Du Guesclin,
avant de marcher à un combat singulier, avalant trois pommes « en
l'honneur des trois personnes de la très sainte trinité » ?... "
Les visites
(1910) par Victor
Du Bled (1848-1927)
: "Il en est un peu des
visites comme de la langue, de l'argent, du régime parlementaire, des
chemins de fer, de la mode ; elles présentent beaucoup d'avantages et
maint inconvénient, elles prouvent souvent l'amitié et souvent aussi la
futilité, l'envie de se décharger sur les autres de son propre ennui ;
elles suscitent d'admirables improvisations, des traits d'esprit tombés
du ciel ou venus en droite ligne de l'enfer, et en général elles
n'aboutissent qu'à un échange de lieux communs, de formules consacrées.
Je sais des visites d'où ont jailli l'amour, le mariage de deux êtres
qui une heure avant ne pensaient nullement l'un à l'autre..."
L'Élite et la foule
(1910) par Gustave
Le Bon (1841-1931) : "Le monde
moderne se trouve en présence d'un problème, lentement grandi à travers
les siècles et qu'il faudra résoudre sous peine de voir certains
peuples sombrer dans la barbarie. Une
des caractéristiques les plus certaines, quoique fort méconnue de la
civilisation moderne, est la différenciation progressive des
intelligences et par conséquent des situations sociales. Malgré
toutes les théories égalitaires et les vaines tentatives des codes,
cette différenciation intellectuelle ne fait que s'accentuer, parce
qu'elle résulte de nécessités naturelles que les lois ne sauraient
changer..."
Le Fatalisme moderne
et la dissociation des fatalités
(1910) par Gustave
Le Bon (1841-1931) : "On
ne peut pressentir les destinées d'une génération qu'en étudiant les
idées directrices qui orientent ses volontés et déterminent sa
conduite. Mais où les découvrir, ces idées ? Ce n'est certes pas dans
les actes des multitudes. Elles possèdent des appétits et non des
pensées. Sera-ce chez les intellectuels qui font des livres et
prononcent des discours ? Ils ne nous donnent le plus souvent que le
reflet d'opinions adoptées pour séduire leurs auditeurs ou leurs
lecteurs. Malgré la difficulté
de dégager nettement les idées d'une génération, on peut cependant en
acquérir une notion approximative par l'enseignement des maîtres les
plus écoutés. De récents discours
académiques, ceux notamment de MM. Lavisse et Pierre Loti, trahissent
clairement les préoccupations actuelles des guides de la jeunesse..."
Les Illusions des
théories politiques
(1910) par Gustave
Le Bon (1841-1931) : "Un épais
brouillard entourait le pont jeté sur le fleuve qui
divise l'antique cité de Huy, en Belgique, et sur lequel je m'étais
arrêté un instant. Derrière l'épais manteau de brume l'enveloppant
s'entrevoyaient des masses monumentales imposantes. C'était pour moi
l'inconnu et j'attendis qu'il se dévoilât. Soudain, un clair rayon de
soleil dissipa les nuages et, dans
une vision imprévue, surgirent, séparés par le fleuve, deux mondes,
deux expressions de l'humanité dressées en face l'une de l'autre et
qu'au premier coup d'oeil on devinait menaçantes, inconciliables et
terribles..."
Les
Premières armes du Symbolisme (1889) par Jean
Moréas
(1856-1910) : "…
Tandis
que le Naturalisme essaye vainement de casser les ailes à la
fantaisie
et de mettre l’imagination sous clef, la fantaisie
s’enfonce dans le
pays des rêves d’un vol fou et l’imagination
vagabonde dans les plus
étranges sentiers. Jamais on n’aura mieux vu combien
l’esprit humain
est incompressible, et combien il est chimérique de
prétendre
l’enfermer dans les règles étroites d’un
système qu’à notre époque, où
à côté d’une brillante école de
romanciers uniquement épris de
réalités, s’est formée une école de
poètes réfugiés, comme le savant de
Hawthorne en sa serre, dans un monde absolument artificiel. Point
d’antithèse plus tranchée..."
Paysages
et sentiments
(1905) par Jean
Moréas
(1856-1910) : "L'Automne va céder à l'Hiver, et, bientôt, les
derniers rayons de novembre s'éteindront avec mélancolie. Douce et
féconde saison, ô déesse ! déjà les pampres de ta chevelure se délient
et la belle grappe de raisin que lève ta dextre s'égrène à tes pieds.
Les présents que tu offres aux mortels n'envahissent plus tes
corbeilles et les cris joyeux de la vendange ont cessé de retentir
autour de la cuve..."
Il Libro della mia
Memoria
(1905) par Marcel
Schwob (1867-1905)
: "Le
souvenir de la première fois où on a lu un livre aimé se mêle
étrangement au souvenir du lieu et au souvenir de l'heure et de la
lumière. Aujourd'hui comme alors, la page m'apparaît à travers une
brume verdâtre de décembre, ou éclatante sous le soleil de juin, et,
près d'elle, de chères figures d'objets et de meubles qui ne sont plus.
Comme, après avoir longtemps regardé une fenêtre, on revoit, en fermant
les yeux, son spectre transparent à croisières noires, ainsi la feuille
traversée de ses lignes s'éclaire, dans la mémoire, de son ancienne
clarté..."
Jean de Tinan
(1905) par Henry
Delormel (18..-1930)
: "Ceci
est un essai de Biographie passionnée et eut dû comporter comme
sous-titre « la Passion de Notre Ami Jean de Tinan » ou « Un Héros
selon le nouvel évangile », héros dans le sens qu'y attachait Carlyle
et Evangile selon Nietzsche..."
Le Notaire
(1840) par Honoré de
Balzac (1799-1850)
: "V
OUS voyez un homme gros et court, bien portant, vêtu
de
noir, sûr de lui, presque toujours empesé,
doctoral, important surtout ! Son masque bouffi d’une
niaiserie papelarde qui d’abord jouée, a fini par
rentrer sous l’épiderme, offre
l’immobilité du diplomate, mais sans la finesse,
et vous allez savoir pourquoi. Vous admirez surtout un certain
crâne couleur beurre frais qui accuse de longs travaux, de
l’ennui, des débats intérieurs, les
orages de la jeunesse et l’absence de toute passion. Vous
dites : Ce monsieur ressemble extraordinairement à un
notaire..."
Le Modèle
(1840) par Émile Gigault de
La
Bédollière (1812-1883) : " V
OULEZ-VOUS
un Spartacus, un César, un Cicéron, un saint
Étienne, un Clovis, un Molière, etc. ?
Souhaitez-vous faire revivre sur la toile une notabilité
quelconque de l’antiquité ou des temps modernes ?
Vous faut-il un baron féodal ou un serf, un
Européen ou un sauvage, un martyr ou un Jupiter-Olympien, un
discobole ou un soldat de la république française
? Allez-vous-en dans une de ces rues sales et tortueuses dont fourmille
notre belle capitale ; montez un escalier qui tient le milieu entre une
échelle et un mât de cocagne, et là, au
fond de quelque grenier, vous trouverez la notabilité
demandée, le saint, l’empereur, le roi, le
poëte, le guerrier,
ad libitum,
dans la personne du
modèle..."
L'Humanitaire
(1840) par Raymond
Brucker
(1800-1875) : "L’H
UMANITAIRE est le zélateur d’une
secte
récente, née du dégoût de
nos troubles
politiques, et qui n’a de barbare que le nom ; mais les noms
inusités blessent le tympan du vulgaire et sont
frappés
d’anathème, car l’inusité
fait peur aux
enfants. Or, les peuples sont des enfants irascibles et de
piètre tolérance, témoin Socrate, empoisonné légalement pour avoir eu
l’audace de
faire planer un seul Dieu, l’éternel
géomètre, sur la cohue lascive et
déréglée des dieux de
l’Olympe ;
témoins les adeptes du Christ livrés aux jeux du
Cirque..."
Le
Facteur de la poste aux lettres
(1840) par J.
Hilpert (18..-18..)
: "V
OUS
avez passé la nuit au bal. - Il est midi. - Vous vous levez, l’oeil
encore appesanti par le sommeil. On sonne à votre porte. « Qui est-ce
qui est là ? - Le Facteur qui demande à parler à monsieur. - Le diable
t’emporte ! » Et tout en murmurant ces paroles d’un fatal augure pour
le visiteur, vous ouvrez. « Monsieur, c’est votre Facteur qui prend la
liberté de vous souhaiter la bonne année et de vous offrir un
almanach..."
Un mot sur la
politique
française en
Algérie
(1870) : "Si nous demandons aux colons algériens pourquoi leur
situation est si précaire, ils nous répondront que la faute en est au
régime militaire. En apparence, les colons ont raison : L’esprit
militaire, qui est un esprit de subordination, exclut l’initiative
individuelle qui crée la richesse sociale et fait la grandeur réelle
des empires. La discipline militaire, qui produit l’unité essentielle à
une forte armée, a pour inconvénient grave de neutraliser les forces
productives du soldat et de le rendre très imprévoyant. On conçoit
aisément que si une semblable disposition d’esprit prédomine dans les
institutions civiles d’un pays conquis, elle doit tout stériliser..."
La Fruitière
(1840) par François
Coquille :
"Q
UAND
on s’est promené dans Paris, et que l’on
a passé en revue ces boutiques étincelantes de
dorure, aux marbres précieux, aux glaces richement
encadrées, véritables salons où le
chaland confus n’ose pas entrer, et dont il
s’éloigne avec son argent, on
s’arrête avec plaisir devant le modeste
étalage
de la
fruitière.
Rien n’est plus frais, et ne repose plus
agréablement les yeux et la pensée..."
La Loueuse de chaises
(1840) par François
Coquille :
"A ne considérer une église que sous le point de
vue
terrestre et
temporel (notre profond respect
nous commande
d’écarter l’autre avec soin), on
pourrait la
désigner ainsi : - un édifice orné
d’une
loueuse de chaises.
Aujourd’hui que la forme d’architecture ne dit plus
rien,
ce signe est fidèle et sûr. Voyez nos modernes
basiliques
: elles veulent, les orgueilleuses, se passer de cloches et de clocher,
cette enseigne longtemps proverbiale ; mais aucune ne
prétend se
passer de loueuse de chaises. C’est
l’être
nécessaire sans lequel une église ne se
conçoit
pas, qui la distingue des autres monuments, qui lui donne le mouvement
et la vie, en un mot, qui la fait église..."
L'Employé (1840)
par Paul
Duval : "I
L
en est de l’employé comme de ces
lépidoptères dont les naturalistes comptent des
variétés innombrables. Il existe mille nuances
d’employés, mais pour l’observateur qui
les examine avec soin, la loupe à l’oeil, toutes
ont entre elles de nombreuses ressemblances, de frappantes analogies. A
quelque espèce de la grande famille administrative
qu’ils appartiennent, on reconnaît toujours en eux
l’influence d’un but unique, les mêmes
préoccupations, une commune destinée..."
Le
Croque-mort
(1840) par Petrus
Borel :
(1809-1859) : "
S
I c’était au jardin des Plantes ou sous les
voûtes de la Sorbonne que j’eusse à
parler de notre héros, je le scinderais dans tous les sens,
je le ramifierais à l’infini, j’en
formerais mille combinaisons des plus ingénieuses ; mais ici
où nous ne recevons point d’appointements royaux
pour troubler la limpidité de notre sujet, je dirai
simplement qu’il n’y a que trois espèces
de croque-morts réellement distinctes, à savoir :
le croque-mort de la mairie, le croque-mort suppléant et le
croque-mort de raccroc..."
A nos Amis (1848) par Alfred
Nettement (1805-1869) : "
Nous arrivons à une situation qui doit imposer aux
propriétaires des meilleurs crus la
nécessité de vendre eux-mêmes leurs
produits. La fraude et l'altération des vins, ces deux
fléaux qui nuisent, par suite de la solidarité
commerciale, même aux maisons les plus honnêtes,
portent une atteinte fâcheuse à la confiance que
les intermédiaires pourraient d'ailleurs inspirer. Il
convient donc que des rapports directs s'établissent entre
le producteur et le consommateur..."
La Nourrice sur place
(1840) par Amédée
Achard
(1814-1875) : "S
I
j’avais l’honneur d’être
père de famille, je n’oserais pas
écrire cet article, tant je craindrais d’exposer
ma race au ressentiment des nourrices futures ; il y a trop de petits
vices, trop de péchés mondains, trop de
qualités négatives à
dévoiler. La seule chose qui pourrait peut-être
accroître mon courage, c’est cette
pensée consolante qu’en
général les nourrices ne savent pas lire..."
Polichinelle
(1831) par Charles
Nodier
(1780-1844) : "Polichinelle est un de ces personnages tout en dehors de
la vie
privée, qu’on ne peut juger que par leur
extérieur, et sur lesquels on se compose par
conséquent des opinions plus ou moins hasardées,
à défaut d’avoir
pénétré dans
l’intimité de leurs habitudes domestiques.
C’est une fatalité attachée
à la haute destinée de Polichinelle. Il
n’y a point de grandeur humaine qui n’ait ses
compensations..."
L'Institutrice
(1840) par Louise
Colet
(1808-1876) : "D
ANS
l’institutrice nous ne comprendrons pas la
maîtresse de pension, type fort distinct de celui que nous
allons analyser. La maîtresse de pension a presque toujours
de quarante à soixante ans : elle est plutôt
l’administrateur que le professeur de
l’établissement qu’elle dirige. Elle en
soigne les revenus mieux que les études ; et il est plus
utile et plus productif pour elle d’être une bonne
ménagère qu’une femme instruite. Pour
la surveillance des leçons, elle s’en repose sur
les sous-maîtresses à ses gages..."
Un Voyage en omnibus
de la Barrière du Trône à la Barrière de l'Étoile (1831)
par Ernest
Fouinet
(1799-1845) : "Le 6
août 1670, en présence de Colbert, Claude Le
Pelletier, prévôt des marchands,
assisté de ses échevins, posa, au nom de la ville
de Paris, la première pierre d’un grand arc de
triomphe consacré par la cité reconnaissante
à Louis XIV, le roi victorieux : ce fut à la
barrière du Trône. Le 15 août 1806, en présence du comte Montalivet,
le comte Frochot, préfet de la Seine, assisté de
ses douze maires, posa, au nom de la ville de Paris, la
première pierre d’un grand arc de triomphe
consacré par la cité reconnaissante à
Napoléon, l’empereur victorieux : ce fut
à la barrière de l’Étoile..."
Chroniques (1895) par
Jean-François
Renkin
(1872-1906), versions
wallonne et
française
Croquis (1894-1898) par
Jean-François
Renkin
(1872-1906)
, versions
wallonne et
française
La police littéraire
(1859) par Charles
Monselet
(1825-1888) : "Il vient de mourir un homme, bien connu de M. le
baron Taylor, qui laisse après lui des plans bizarres, des projets de
toute sorte. Entre autres choses, cet homme avait rêvé une organisation
nouvelle pour la Société des Gens de Lettres, organisation fondée sur
les habitudes et les moeurs de chacun de ses membres. Pour arriver à un
ensemble suffisant d’études, il n’avait pas reculé devant
l’établissement d’une petite police particulière, chargée de le
renseigner jour par jour sur les illustrations et les quarts
d’illustrations de notre temps. Nous avons obtenu communication de
quelques-uns de ces rapports ; leur singularité, leur nouveauté nous
engagent à les placer sous les yeux de nos lecteurs..."
Mon ennemi
(1859) par Charles
Monselet
(1825-1888) : "Il y a longtemps de cela ; mettons cinq ans, mettons
huit ans même. Je faisais alors de la littérature singulière,
c’est-à-dire, je ne m’occupais en aucune façon de mes confrères ; je ne
songeais nullement à regarder par-dessus leurs épaules pour surprendre
leurs procédés ; leurs habitudes et leurs manies m’étaient entièrement
indifférentes. Comme un élève, le dernier venu dans un atelier de
peinture, je m’étais modestement assis loin d’eux, me contentant de
copier les portions les plus élémentaires du modèle qui posait pour
tout le monde. Lorsque j’y pense, je devais paraître un être bizarre :
j’avais l’admiration, la timidité, le silence..."
La rosière,
ballet-d'action en deux actes (1783) par Maximilien
Gardel (1741-1787) : "L
E
Théâtre représente la Place du Village, garnie d’Arbres et de Maisons.
A droite est celle du Bailli, vis-à-vis est une Fontaine, et au fond un
Côteau, sur lequel il y a plusieurs Chaumières. A gauche on voit un
Mur, une Grille et de grands Arbres qui annoncent le Parc du Château.
Au milieu de la Place est une Statue de l’Innocence, couronnée de
fleurs, tenant une espèce de légende, sur laquelle on lit le vers
suivant ..."
La bibliothèque
(1859) par Charles
Monselet
(1825-1888) : "... (
La grande salle
de lecture de la Bibliothèque, rue Richelieu. On entend un bruit de portes. Les
gardiens sortent. Au dehors,
on lit sur un écriteau : -
LA BIBLIOTHÈQUE SERA FERMÉE
DU 1er au 30 SEPTEMBRE.).
M.
DE B
ACHAUMONT,
descendant, le premier, de son rayon.
- Ouf ! les voilà partis ! ont-ils assez, depuis un an, déchiré mes
feuilles et compromis mes dentelles ! Quelle rage de chroniques et de
nouvelles à la main les a donc saisis ? Il ne me reste plus à présent
une seule anecdote, un seul quatrain ; ils m’ont tout dérobé ; je suis
à sec..."
Le siège de la Revue
des Deux-Mondes (1859) par Charles
Monselet
(1825-1888) : "Le théâtre représente le cabinet de la rédaction de
la
Revue des Deux Mondes,
au premier étage d’une sombre maison de la rue Saint-Benoît. Décoration
d’une simplicité austère. Au lever du rideau, les principaux rédacteurs
sont groupés dans des positions différentes autour du secrétaire, le
fidèle de Mars. Ils lui témoignent par leurs gestes un respectueux
empressement. Celui-ci les accueille avec bonté et leur apprend que le
maître va bientôt se rendre dans cette galerie : s’il est en retard,
c’est que sans doute il aura veillé plus que de coutume en lisant un
travail de Saint-René-Taillandier..."
Principes du
socialisme (1895) par Anatole
Baju
(1861-1903) : "Pour qu'un système social prétende à la perfection, il
doit embrasser dans ses cadres les homme de tous les pays, les conduire
à leurs fins présentes et préparer leurs fins futures. Quelles sont
donc ces fins, c'est-à-dire quel doit être le but de nos efforts?
Est-ce pour
jouir ou
pour
souffrir que nous
vivons ? Les prêtres et les philosophes officiels affirment que nous
sommes nés pour les privations, pour les douleurs, et que nous devons
nous résigner à notre triste sort..."
Rapport
sur les remontes de l'armée par Monsieur le Lieutenant général
marquis d'
Oudinot, rapporteur
de la Commission
spéciale des remontes : 18 mars 1842 : "
Pénétré de la
nécessité d’assurer, en tout temps, de
bonnes remontes indigènes à nos corps de troupes
à cheval, résolu de ne rien négliger
pour affranchir le pays du tribut que nous payons si souvent
à nos voisins, par l’importation de chevaux
étrangers en France, vous avez adopté, depuis
quinze mois, des dispositions qui ont une grande importance : elles ne
peuvent être trop connues. Pour en apprécier la
portée et les conséquences, il faut les envisager
dans leur ensemble..."
A propos du Nouveau
Manuel d’Équitation et de Dressage (1912)
par Lieutenant-colonel Henri
Blacque-Belair
: "
Le décret du 17 juillet 1876, portant règlement
sur les exercices de la cavalerie, qui a servi de guide à
cette arme depuis trente-cinq ans, posait en principe - comme ses
devanciers - que l’instruction militaire comprend deux
branches principales : l’instruction équestre et
l’instruction militaire proprement dite. En
résumant en quelques pages succinctes les règles
destinées à l’éducation
équestre des recrues et au dressage des jeunes chevaux, la
Commission chargée d’élaborer le
Règlement de 1876, dans sa hâte de mettre sur pied
une œuvre indispensable à la
réorganisation de la cavalerie, allait au plus
pressé..."
Physiologie
de la femme
(1842) par Etienne de
Neufville (1815-1869) :
" A la voix du Créateur, le paradis terrestre était
sorti tout paré de verdure et de fleurs du sein du chaos ;
l’eau tombait en cascade des rochers ; la cime des arbres se
balançait voluptueusement sous les limpides rayons de
l’astre nouveau-né ; tout respirait le bonheur et
l’ivresse ; le premier homme seul languissait dans son
isolement, et se demandait pourquoi les poissons dans les eaux, les
oiseaux dans les airs, et tous les animaux sous les ombrages des
forêts, folâtraient deux à deux en se
prodiguant mille caresses, car il n’avait rien compris
à ces paroles..."
Les
Locutions nantaises
(1884) par Paul
Eudel
(1837-1911) : "
Ah ! quel monde de souvenirs vous venez de réveiller en moi
avec votre petit dictionnaire ! Toute mon enfance y a passé
; je me suis vu revivre dans la partie de ma vie qui m'est la plus
chère, et j'ai vu réapparaître aussi ma
ville natale, ma ville que j'aime tant et que je n'ai jamais
oubliée après tant d'autres cités
parcourues. Une expression m'a rendu une sensation, un mot m'a
rappelé un quartier. On devrait faire pour chaque ville un
vocabulaire intime ; le coeur en battrait plus fort à
quelques-uns, comme il vient de me battre tout à l'heure, en
lisant les épreuves du petit livre si curieux que vous avez
bien voulu me communiquer..."
L'épicier (1840)
par Honoré de
Balzac
(1799-1850) : "D’
AUTRES,
des ingrats passent insouciamment devant la sacro-sainte boutique
d’un épicier. Dieu vous en garde ! Quelque
rebutant, crasseux, mal en casquette que soit le garçon,
quelque frais et réjoui que soit le maître, je les
regarde avec sollicitude et leur parle avec la
déférence qu’a pour eux le
Constitutionnel.
Je
laisse aller un mort, un évêque, un roi, sans y
faire attention ; mais je ne vois jamais avec indifférence
un épicier. A mes yeux, l’épicier, dont
l’omnipotence ne date que d’un siècle,
est une des plus belles expressions de la société
moderne..."
La femme comme il
faut (1840) par Honoré de
Balzac
(1799-1850) : "P
AR
une jolie matinée, vous flânez dans Paris. Il est
plus de deux heures, mais cinq heures ne sont pas sonnées.
Vous voyez venir à vous une femme. Le premier coup
d’oeil jeté sur elle est comme la
préface d’un beau livre, il vous fait pressentir
un monde de choses élégantes et fines. Comme le
botaniste à travers monts et vaux de son herborisation,
parmi les vulgarités parisiennes vous rencontrez enfin une
fleur rare..."
Notice et documents
historiques
sur les chevaux orientaux (1862) par Émile
Duhousset (1823-18..)
: "
Ayant été chargé de la direction
générale des manoeuvres du camp de Sultanieh,
où étaient réunies des troupes de
toute la Perse (de la mer Caspienne au golfe Persique, et de la
frontière kurde à celle qui touche les Afghans et
les Beloutches), la nature de mes fonctions m'a mis en rapport avec les
principaux chefs venus pour présenter leur hommage au
souverain, suivis d'un grand attirail de cadeaux, de serviteurs, et des
plus beaux chevaux des régions qu'ils quittaient. C'est en dessinant et
mesurant ces chevaux, que j'ai pensé
à publier cette courte Notice ; mon intention n'est pas de
modifier l'histoire du cheval oriental, au point de vue scientifique,
mais de présenter le résumé de mes
recherches, persuadé que toute observation, si minime
qu'elle soit, mérite d'être prise en
considération quand elle a été faite
consciencieusement..."
Question
chevaline (1860). par le Comte
Antoine
d'
Aure : "Encore une
commission chargée d'élucider la question
chevaline ! Il semblerait que l'élevage du cheval en France
fût
une chose toute nouvelle
["
En effet on n'a jamais bien
élévé."]. Cependant, depuis
longtemps
tout a été dit sur cette question ["
Non"]. Ce qui doit
aujourd'hui servir de guide, c'est le souvenir de ce que l'on a fait
jadis, et de ce qui a amené les changements qui ont eu lieu
en France depuis deux siècles..."
Rapport fait au nom
de la première
Commission des pétitions, par M. le
général marquis de Grouchy, sur deux
pétitions présentant des
considérations sur l'amélioration de la race
chevaline (1860).
: " M
ESSIEURS
LES S
ÉNATEURS, Plusieurs pétitionnaires
adressent au Sénat des
réclamations et observations dans
l'intérêt de l'espèce chevaline ; tous
éleveurs, habitants du Calvados et de l'Eure, se plaignent
de l'abus du
pur
sang, de l’exagération des courses et
des mauvais résultats obtenus par l'emploi
d'étalons achetés dans l'intérieur et
ayant couru trop jeunes sur les hippodromes. Ils signalent unanimement
l'insuffisance numérique des étalons de
l'Administration des haras..."
Lettre à Alphonse
Karr (1857) par Alphonse de
Lamartine
(1790-1869) : "Esprit de bonne
humeur et gaîté sans malice | Qui même en le
grondant badine avec le vice, | Et qui, levant la main sans frapper
jusqu'aux pleurs, | Ne fustige les sots qu'avec un fouet de fleurs ! |
Nice t'a donc prêté le bord de ses corniches | Pour te
faire au soleil le nid d'algue où tu niches ; | C'est donc
là que se mêle au bruit des flots
dormants | Le bruit rêveur et gai de tes gazouillements !..."
La sage-femme (1840) par Louis
Roux : "S
I
vous avez
rencontré, dans une des rues les plus
fréquentées
de Paris, une jeune personne ornée d’un tartan
vert,
d’un bonnet de tulle à rubans orangés,
et
d’une imposante dignité de dix-huit printemps,
vous
l’avez suivie par instinct : la vie parisienne a de ces
entraînements. Croyant toucher, sur ses traces, aux portes du
Conservatoire, vous vous êtes livré à
mille
rêves décevants : la jambe permet
d’espérer
une danseuse, le visage n’exclut point
l’idée
d’une cantatrice..."
Paris vu tel qu'il est (1781) : "J
E
m’ennuie en Province,
dit un jour la Baronne de *** à son mari ;
tout m’y paraît lourd, pesant, ridicule.
J’ai entendu parler de Paris,
je veux y aller. Point de replique ; vous ne m’avez pas
épousé pour me
faire mourir….Partons. A ce début on
connaît le caractère de la Baronne ;
vive, tranchante, décidée, de l’esprit
sans jugement : avec ces défauts
elle faisait cependant les délices de son mari ; il
était homme
complaisant, & elle étoit jolie femme..."
Petites
béquilles spirituelles à l'usage quotidien du
chrétien (papiers divers, XIXe-XXe
siècles).
Un
dit d'aventures, pièce burlesque et satirique du XIIIe
siècle, publiée pour la première fois
d'après le manuscrit de la bibliothèque royale (1835) par
Guillaume-Stanislas
Trébutien
(1800-1870) : [
mode texte et
mode image]
Histoire du
théâtre érotique de la rue de la
Santé par l'illustre Brisacier (1864) [par
Poulet-Malassis] : "
Si l'hypocrisie n'était pas, par excellence, la vertu
théologale de notre triste époque, ce
Théâtre, conçu d'après
l'idée simple de Molière, de
réjouir
les honnêtes gens, n'aurait aucunement besoin
d'introduction.
On lèverait la toile, et le spectacle commencerait,
après l'ouverture exécutée par les
violons. Mais, hélas! l'esprit criminaliste de nos contemporains,
tous magistrats stagiaires à la sixième chambre,
voit matière à procès et à
scandale dans les actions les plus ingénues, et
réclame à grands cris des explications. Ce sont ces explications que
nous allons ne pas leur fournir."
Les Enfants-Trouvés (1831) par André
Delrieu : "
Voici,
à mon sens, le résumé des
moeurs actuelles. D’autres, mieux prodigues de leur
plume, et surtout mes maîtres, diront en se jouant cet infini
panorama de la cité qui fait le monde à son
moule, cette vie nombreuse où le Parisien se berce ainsi
qu’au roulis d’un vaisseau. Moi, observateur jeune,
j’ai cherché naïvement le
résultat ; j’ai brodé sur le fond. Ce
livre est une histoire, dont mon texte, étudié
savamment, pourrait clore le drame en dernier chapitre. Dieu veuille
que mon ébauche se pardonne ! Ailleurs sont les curieuses
spécialités, les investigations mordantes, le
coloris chaud de la ruelle, la fine langue des salons ; ici, la
vérité crue, le détail honteux et le
chiffre sanglant couvriront la faiblesse du narrateur. Et ce
n’est pas ma faute si un sujet, pris au hasard dans le roman
de la grande ville, rattache à une idée seule la
source, le noeud et le progrès de la
société contemporaine ; il y a même,
dans le fait unique de l’existence de l’hospice des
Enfants-Trouvés..."
L'amour des livres
(1866) par Jules
Janin (1804-1874) : "
Georges, mon jeune confrère en bibliophilie, il faut tout
d'abord que je vous félicite de ce grand amour qui vous a
pris, si jeune encore, pour les beaux livres. « Les livres ont toujours
été la
passion des honnêtes gens ! » disait
Ménage. Une aimable passion dont le charme est toujours
nouveau ; variée, inépuisable,
élégante, mais il est rare qu'elle soit le
partage de la jeunesse. Ordinairement elle arrive à l'homme
heureux, quand cet homme heureux touche aux premières
limites de l'âge sévère, à
l'heure où, revenu de toutes les passions
stériles,..."
Advertissement a la
Royne mere du Roy. Touchant les miseres
du Royaume au temps present, et de la conspiration des ennemis de sa
Majeste (1562) : "
L
ES anciennes sectes des Philosophes, Grecs &
Romains, Madame,
& les historiens des siecles passez ont souvent deplore la
calamite de leur temps, comme l'on veoit par la memoire de leurs
livres, afin de ramener chacun a soy, & a la consideration des
choses pour lors presentes que le vulgaire ne pouvoit veoir : &
descouvrir aussi la maniere d'y remedier ou pour le moins remonstrer a
leur posterite qu'ils avoient cogneu telles choses, & que le
mal leur avoit despleu. Mais si jamais condition de Royaume ou
province,
de temps ou de regne fut estrange & calamiteuse, l'estat ou je
voy pour le jourd'huy vostre France est extremement dangereux &
lamentable..."
Le Secret de
triompher des femmes et de les fixer, suivi des signes qui annoncent le
penchant à l'amour (1825) par Louis de
Saint-Ange : "
L’O
UVRAGE que j’offre au
public est loin d’avoir le mérite
littéraire de celui de Gentil Bernard, qui semble avoir
été dicté par les Grâces ;
mais son
Art
d’aimer est plus agréable
qu’utile. Il manque d’ailleurs dans son
poëme une multitude de préceptes et
d’observations importantes, que la poésie ne
pouvait orner de ses riches couleurs. J’ai pensé
que le sujet était digne d’être plus
approfondi, et loin de me paraître frivole, je le crois
d’une utilité presque
générale, car les jeunes gens y trouveront le
secret de plaire et de triompher ; les maris, celui de
préserver leurs épouses des dangers de la
séduction..."
La
Maîtrise de soi-même par l'autosuggestion consciente (1926) par
Émile
Coué
(1857-1926) : "La suggestion ou plutôt l'autosuggestion est un
sujet tout à fait nouveau, en même temps qu'il est aussi
vieux que le monde. Il est nouveau en ce sens que, jusqu'à
présent, il a été mal étudié et, par
conséquent, mal connu; il est ancien parce qu'il date de
l'apparition de l'homme sur la terre. En effet, l'autosuggestion est un
instrument que nous possédons en naissant et cet instrument, ou
mieux cette force, est doué d'une puissance inouïe,
incalculable, qui, suivant les circonstances, produit les meilleurs ou
les plus mauvais effets. La connaissance de cette force est utile
à chacun de nous, mais elle est plus particulièrement
indispensable aux médecins, aux magistrats, aux avocats, aux
éducateurs de la jeunesse.
Coutumes singulières,
chroniques, légendes documents curieux et inédits
concernant la noblesse (18..) par Amédée de
Caix de Saint-Amour (1843-1920) : "J
E
suis persuadé qu’aucun des lecteurs de la
Revue Nobiliaire ne soupçonne que
le proverbe
Ranger en rang
d’oignons ait quelque rapport avec la Noblesse ? Rien n’est plus
vrai, cependant ; et si la Noblesse n’eût pas existé, ce proverbe
bizarre n’aurait jamais pris naissance. Voici cette piquante
étymologie, qui non seulement est restée comme tradition dans le pays
où est situé le hameau qui y a donné lieu, mais qui encore est
consignée en substance dans un grave historien, l’abbé Carlier."
Les jeux devant les
lois (18..) par
Eugène
Lebrun : "
Les jeux, tels qu’ils avaient été
imaginés
à leur origine, consistaient en spectacles, courses, luttes
et
représentations théâtrales. Athènes, le
berceau de la liberté, Rome, la
capitale
classique des arts, les célébraient avec une
solennité merveilleuse. En Grèce, c’étaient
les jeux olympiques
où
Hérodote lut son immortelle histoire, les jeux Isthmiques
où Flaminius proclama l’indépendance de
la patrie
de Thémistocle, les jeux Pithyques institués par
Apollon
lui-même, si on en croit la légende, et enfin les
jeux
Néméens, fondés par Hercule, en
mémoire de
la mort du lion de Némée qu’il avait
tué..."
Autour
d'Elles, le lever
- le coucher (1899) par Henri
Boutet
(1851-1919) : "Quand elle se fut bien
étirée, quant elle eut
frotté ses yeux de ses petites mains aux jolies fossettes et
aux griffes roses, elle fit ouvrir les rideaux. Un jour clair et
doré pénétra dans la chambre, filtrant
au travers la mousseline légère, baignant la
pièce coquette, semant de la gaîté
partout, accrochant sur les meubles et aux contours des draperies comme
des noeuds de rubans et des traînées de
lumière. On était en novembre. Dehors, il devait faire
très froid ; et quand, au lit, on a la sensation
qu’il gèle dehors, on s’y trouve bien
mieux. On y prolonge, à loisir, la délicieuse
paresse des matins. Alors, à quoi bon se presser et quitter
vite l’endroit où l’on est si bien quand
rien ne vous y oblige ! Où peut-on être mieux pour
penser à ce qu’on aime ? Pour caresser ses
désirs et faire passer devant ses yeux tout ce
qu’il y a de bon dans la vie ! Les souvenirs s’y
imprègnent de quelque chose de très tendre et les
espoirs y naissent dorés par les rayons du soleil qui monte,
derrière les maisons, et emplit la pièce de toute
sa splendeur et de toute sa joie..."
Une parodie curieuse
de
l’art poétique de Boileau tirée
d’un almanach
de poche du XVIIIe siècle réimprimée
pour les Pantagruélistes (1879) :"La parodie, fort
goûtée de tout temps en France, n'a pas craint de
s'attaquer aux auteurs les plus illustres. Boileau, qui, dans son
Chapelain décoiffé, s'était égayé
aux dépens du grand Corneille, a été juste retour,
Monsieur, des choses d'ici bas, parodié lui-même nombre de
fois, au XVIIIe siècle et dans le nôtre. Une des
imitations les moins connues de son Art poétique est
certainement celle que nous réimprimons pour l'«
esbattement » du petit nombre de pantagruélistes modernes
qui ont conservé le goût de nos aïeux pour certains
racontars de « haulte graisse »..."
Monographie
de la
police correctionnelle (1881)
par Jules
Moineaux
(1824-1895) : "Rien, en justice, n’est
risible ! disent certains
présidents de police correctionnelle, en
réprimant l’hilarité de
l’auditoire, qui prouve justement le contraire ; tant il est
vrai que la façon de voir les choses est affaire de
tempérament. Je crois volontiers à la conviction
d’un
défunt magistrat, répondant
sévèrement à un voleur qui invoquait
le bénéfice du proverbe – la faim fait
sortir le loup du bois : - Quand le loup a faim, il travaille ! ou
encore à une vagabonde se disant sans domicile ni moyens
d’existence : Quand on est jeune et forte comme vous, on se
fait nourrice ! Mais je doute que ces réflexions aient
été accueillies, par le public, aussi gravement
qu’elles étaient faites..."
Bulletin
des
modes et de l’industrie du 15 janvier 1849
par V. de
R...
: "Nous voici réellement
dans la saison des plaisirs. Les
salons s’illuminent de mille bougies éclatantes ;
les réceptions commencent, et Paris reprend peu à
peu de cette animation qui le rendait naguère la ville la
plus attrayante et la plus recherchée. Les Italiens vont
également rouvrir leurs portes. Pauvres Italiens ! nous
désirons sincèrement du fond de notre
âme que la présidence leur porte bonheur !
Verront-ils revenir à eux ces belles et gracieuses jeunes
filles, aux blanches épaules, aux boucles soyeuses, au
sourire doux et charmant ?... Il faut oser
l’espérer, car les grandes dames ont
abandonné leurs châteaux, et elles viendront bien
certainement applaudir le talent grandiose de madame Alboni..."
Monologie
du mois d'Avril, poissons d'avril
(1843) par Théodore de
Jolimont
(1787-18..)
: " Il
faut ici, comme certains
savants, grands explorateurs
d'étymologies nébuleuses, rechercher, d'abord, de
quel
idiome antique est dérivé le nom
français
donné au mois que quelques poètes ont
appelé le
plus beau de l'année, sans doute, quand il n'en est pas le
plus
triste, le plus humide et le plus crotté. S'il faut, dans
l'esprit de cette sentence classique et
passée
en proverbe, qui proclame heureux celui qui, en toutes choses, a pu
connaître l’origine et les causes
premières (
felix qui
potuit rerum cognoscere causas)
; s'il faut, je le
répète, faire ici de l'érudition avec
l'érudition de nos devanciers, je dirai que dans leurs
profondes
investigations, et à l'aide de quelques complaisantes
substitutions et transformations de lettres, ils ont
découvert
que le mot
AVRIL
était parfaitement formé
du mot latin
april,
aprilis
ou
aperelis,
qui lui-même
était
né d'un autre mot latin, aperire, qui veut dire ouvrir ; de
sorte que le mot
avril
serait
à peu près synonyme de
porte , entrée, ouverture..."
Madame
Edmond Adam, Juliette Lamber
(1882) par Adolphe
Badin
(1831-19..) : " Un des jeunes peintres les plus
justement
célèbres de ce temps-ci, à qui
l’on disait : « Vous devriez faire le portrait de
Mme Adam », répondit : « Mme Adam ?
Jamais ! Mme Adam appartient à Bonnat ou à
Carolus Duran . » Je serais volontiers tenté de
faire
comme le spirituel
artiste, et de m’écrier à mon tour :
« Pour esquisser cette physionomie originale et complexe,
très fine et très puissante à la fois,
très grande dame et en même temps très
femme, il faudrait la plume d’or d’un
Théophile Gautier, ou d’un Paul de Saint-Victor,
ou d’un Goncourt. » A défaut de ces
éminents
docteurs de
beauté, voici un léger croquis assez prestement
troussé par le chroniqueur en titre d’un de nos
grands journaux parisiens.. "
Naissance
de Monseigneur
Henri-Charles-Ferdinand-Marie-Dieudonné, Duc de Bordeaux,
Fils
de France, né à Paris, le 29 Septembre 1820
: "M
ADAME
LA D
UCHESSE
DE B
ERRY
s’était promenée la veille,
selon sa coutume, sur la terrasse du bord de l’eau, au jardin
des
Tuileries. Rentrée dans son appartement, elle sentit
quelques
douleurs légères ; mais, trompée par
son courage,
elle ne crut pas que le moment fut encore arrivé. Toutes les
personnes attachées à son service se
couchèrent
comme à l’ordinaire. Sur les deux heures de la
nuit la
Princesse
éprouva de nouvelles douleurs qui lui firent
présager sa
prochaine délivrance. S.A.R. ayant sonné ses
femmes,
elles accoururent ; ce fut alors que le travail de
l’enfantement
s’annonça..."
Un
nouvel épisode de l’affaire Libri ou Lettre
à M.
le directeur du
journal l'Athenaeum (1851)
par Achille
Jubinal
(1810-1875) : "
Voulez-vous permettre à un étranger qui se trouve
momentanément en votre pays, de vous
révéler, dans
l’intérêt de
la justice et de la vérité, un fait qui vient de
se passer au
British
Museum, en
présence de vingt
témoins, et qui est relatif à la triste et
misérable accusation dirigée en France, par ses
ennemis politiques et scientifiques, contre un illustre savant ?"
Les
armes et les
outils
préhistoriques reconstitués
(1872) par Ludovic
Napoléon
Lepic (1839-1890)
: "Lorsque
l’on parcourt les
salles du musée de Saint-Germain
et que l'on voit alignés dans les vitrines cette
énorme quantité de haches en pierres, ces
marteaux, ces pointes de lances, ces flèches, ces
percuteurs, on se demande comment tout cela pouvait s'utiliser, et
à quoi pouvaient être bons de semblables outils ou
de pareilles armes..."
Le
choléra-morbus à Paris
(1832) par Anaïs
Bazin (1797-1850)
: "On nous l'avait cependant
annoncé bien longtemps à l'avance ; on nous avait
fait
suivre sur la carte sa marche rapide et menaçante. Le
fléau voyageur n'était plus
séparé de nous
que par cette mer étroite qui nous ramène et nous
remporte, avec la mobilité de ses flots, nos rois
rétablis ou déchus. Et pourtant, ce voisinage
nous
inquiétait moins que ne l'avaient d'abord fait les
récits
venus des pays lointains, doublement terribles par la distance et par
la nouveauté..."
La
grande
colère du
Père Duchesne,
n°290 (1793) par Jacques-René
Hébert (1757-1794)
: "C
ONTRE
le palefrenier Houchard qui, comme son
maître Custine, a tourné casaque à la
Sans-Culotterie. Sa grande joie de voir bientôt ce butor
mettre
la tête à la fenêtre. Ses bons avis aux
braves
soldats républicains pour qu’ils lui
dénoncent tous
les jean-foutres qui regrettent l’ancien régime,
et qui
préfèrent de porter la livrée du
tyran,
plutôt que d’endosser l’habit des hommes
libres..."
Petit
carême de
l'abbé Maury
: sermons 1 & 2 (1790) par Jacques-René
Hébert (1757-1794)
: "Les tentations que le démon osa susciter au fils de Dieu,
doivent avertir les grands de la terre, que l’ange des
ténèbres ne s’occupe
qu’à les
environner d’illusions, & à les
égarer dans la
voie du salut, c’est-à-dire, du pouvoir. Circuit
quaerens
quem devoret. Tantôt il les séduit par les
prestiges du
plaisir, & il leur dit comme à J. C. changez ces
pierres en
pain ; tantôt il les environne de flatteurs qui
s’insinuent
dans leur esprit, & leur font goûter une morale
d’autant plus dangereuse qu’elle est plus douce
& plus
charmante ; puisque vous êtes le fils de Dieu, il enverra ses
anges pour vous garder : tantôt enfin, leur faisant oublier
ce
qu’ils sont, ce qu’ils peuvent, il leur promet une
gloire
trompeuse & des biens chimériques. Je vous donnerai
les
royaumes du monde & toute leur gloire..."
Le
Gloria in excelsis
du peuple, auquel on joint l’épître et
l’évangile,
avec la réflexion et la collecte
(1789) par Jean-Baptiste
Cordier
(1770-1793) : "G
Loire
au Roi, honneur à ses
Ministres, & paix aux bons Citoyens ! Digne, Successeur de
Henri,
nous vous louons, nous vous bénissons, nous vous glorifions,
nous vous rendons graces à la vue de la gloire dont vous
jouissez déjà, & de celle dont vous
êtes sur le
point de vous couronner. Vous qui êtes assis à la
droite
du Trône, protégez-nous. Vous qui avez
refusé de
signer le fameux Mémoire, protégez-nous..."
Le
carnaval des auteurs ou les masques reconnus et punis
(1773) par
Nicolas-Joseph-Laurent
Gilbert (1750-1780) : "D
EPUIS
quinze jours mon
corps se refusoit au sommeil : vainement j'avois lu le poëme
des
Saisons,
la nouvelle
Iliade franco-gauloise,
les odes du
Pindare
gascon, les
Mélanges
du
littérateur-géomêtre ; je
bâillois,
bâillois..... mais je ne pouvois m'assoupir, lorsqu'on
m'apporta
l'
Éloge
de Racine,
ouvrage de M. Anti-Chaleur. J'ouvre la brochure ; à peine
mes
veux se sont-ils reposés sur les premières pages,
voilà déjà qu'ils se ferment ; je suis
endormi. O
l'excellente chose que le sommeil ! En vérité, M.
Anti-Chaleur, de tous les plaisirs que peuvent causer vos
écrits, le sommeil est le plus ordinaire, mais le plus doux.
Combien d'agréables songes vinrent flatter mon imagination,
tandis que je m'abandonnois aux douceurs de ce repos si longtemps
attendu..."
La librairie
à Paris (1832) par
Frédéric
Soulié (1800-1847)
: " Pour les esprits curieux de
toutes les faces d'une chose, Paris n'est pas seulement dans les
existences qui s'agitent à sa surface, et qui les
premières, appellent la plume, le crayon et le pinceau de
l'artiste. Après ses théâtres moribonds
soumis au
régime sur-excitant du moyen âge, où
les
médecins astrologues mêlaient toujours un peu de
sang et
de fiel à leurs noirs médicaments ;
après ses
palais dont les drapeaux changent aussi vite que les girouettes ;
après ses prisons si vastes pour le despotisme , si
étroites pour notre liberté ; après
ses admirables
hôpitaux où l'on guérit, ses tables
d'hôte
où l'on meurt de faim ; après
Sainte-Périne et
l'Académie ; après son Père Lachaise
si
élégamment triste, et ses salons d'ambassade si
tristement élégants..."
Flaubert et la
passion de la prose (1905) par
Emile
Blémont
(1839-1927)
: " Gustave
Flaubert naquit, en 1821, à Rouen, où son
père était chirurgien en chef de
l'Hôtel-Dieu. Il
fit brillamment ses classes et commença l'étude
de la
médecine. Mais ses goûts et ses aptitudes le
portaient
irrésistiblement vers la carrière des lettres. Le
romantisme brillait de toute sa splendeur. Flaubert fut
éperdument romantique. Il se sentait une surabondance de
forces
vives, qu'il brûlait d'épancher en
généreux
efforts. Il fit des vers. Il avait pour camarade Louis Bouilhet ; et
tous deux, jeunes, passionnés, enthousiastes, insouciants et
fiers, ils allaient à travers champs, traçant,
dit-on, et
marquant de leur sang sur l'écorce des arbres le nom de
Victor
Hugo..."
Le Gamin de Paris
(1832) par Gustave d'
Outrepont (1811-1842)
: " Naples a ses
lazaroni,
Venise ses
condottieri,
toutes
les villes de France ont une classe de leur population qui sort du
cadre
ordinaire; mais nous autres Parisiens, que pouvons-nous leur envier ?
n'avons-nous pas notre gamin ?
Faire
l'histoire de Paris
sans d'abord parler du
gamin ! . . . autant vaudrait commencer celle de Rome
à
Brutus, en passant
sous silence les rois qui l'ont fondée ; autant vaudrait
prendre
un peuple tout
formé, sans s'occuper de son origine..."
Le Repassage
:
Article
extrait de l'
Almanach de la
servante chrétienne
(1935) : "La question du repassage
est
souvent pour la
bonne à tout
faire une
question difficile. Nous vous donnerons donc, cette année,
chères Servantes, quelques notions sur le repassage. Cet
article, bien que nous ne prétendions pas tout dire, pourra
aussi rendre service aux
femmes de
chambre. Nous divisons en
trois parties nos petites
données sur le
repassage : 1° Linge de cuisine. 2° Linge de table et
de
ménage. 3° Linge personnel des
maîtres. Avant de
parler du
repassage
proprement dit, disons un mot du
matériel
de la
repasseuse
et des
conditions
générales
d’un
bon repassage."
Chronique
de Mode
du
Conseiller
des Dames et des
Demoiselles, journal
d'économie domestique et de travaux
d'aiguille :
Novembre
1862.
Décembre
1862.
Janvier
1863.
Février
1863.
Mars
1863
par Blanche de
Sérigny
: "Je ne sais par quel temps de
soleil ou de pluie vous recevrez
mon courrier, ma chère Isabelle; mais il est certain que je
vous
l'écris par une journée magnifique: un air
tiède,
un ciel pur, enfin une journée qui fait songer à
la
mousseline, au barége, et point, je vous assure, au drap, au
velours ou à la tartanelle ; j'ai chaud rien que
d'écrire
ces mots !..."
Bulletin
des modes et de l'industrie -
25 janvier1849 par V. de
R...
: "Enfin, nous avons vu les
Italiens d’autrefois, les Italiens avec de
jolies femmes, d’élégantes toilettes,
avec ce
parfum
d’aristocratie qui double la grâce et la
beauté.
Rien
n’est plus splendide, comme coup d’oeil, que la
coquette
salle des
Italiens, avec ses mille bougies diaphanes, reversant leurs jets de
lumière sur de blanches épaules et sur des
parures de
brillants rubis ; rien n’est plus frais que tous ces gros
bouquets de
fleurs naturelles posés avec art sur l’appui des
loges, et
formant, dans un ensemble charmant, comme une corbeille de
camélias et de roses. Aux premières loges
surtout, les
toilettes étaient ravissantes."
Cigares
et cigarettes
(1926) par Georges
Dubosc (1854-1927)
: " Savez-vous que les Cigares et cigarettes que
le fisc vient d'augmenter dans des proportions si lourdes, ne sont pas
en France d’une origine très ancienne ? Par contre
en
Espagne,
cigares et cigarettes remontent à la découverte
de
l'Amérique, et c'est, alors que les Espagnols
empruntèrent aux indiens ce mode de
fumerie..."
Considérations
sur le principe malfaisant du tabac
(1866) par M.
Monsaint
: "Jamais, à aucune
époque, il ne fut plus
nécessaire, peut-être, d'apporter une surveillance
active
sur tout ce qui est destiné à entrer dans le
régime alimentaire ; car il n'y a pas un aliment nouveau qui
n'ajoute ou ne retranche au caractère de l'individu qui en
fait
usage. Il agit sur l'esprit, modifie la manière de penser,
de
sentir ; il n'y a pas un aliment qui n'apporte avec soi quelque maladie
ou qui ne soit propre à la guérison de
quelqu'autre.
Mais, laissons de côté ces
considérations pour
passer
immédiatement à l'étude d'une
substance qui joue,
depuis trop longtemps, un rôle important dans
l'économie
animale : à l'étude du tabac, que tout le monde
prise,
fume, mâche ; avec lequel une multitude d'individus
s'empoisonnent et laissent leurs enfants s'empoisonner.
Recherches
relatives
à l’influence de la continence sur
l’économie
animale
: thèse présentée et soutenue
à la
Faculté de Médecine de Paris le 29 août
1817 par
François-Charles
Quesnel
: "S
UR
le point de terminer leurs études,
les élèves ont un dernier devoir à
remplir, afin
d’exercer l’art auquel ils se destinent. Ils sont
obligés de
choisir un point quelconque de médecine, de le travailler et
de
le discuter devant les illustres professeurs qui ont formé
leur
éducation. C’est un compte qu’ils
viennent leur
rendre de
l’emploi qu’ils ont fait du temps
consacré à
leur
instruction ; c’est la dernière preuve
qu’ils
donnent de
leur force ou de leur faiblesse. A peine imbu des principes de la
science, l’élève qui
présente sa
thèse
à ses examinateurs ne peut leur offrir ni le fruit de ses
réflexions, parce qu’il n’a point assez
médité, ni
le fruit de ses observations, parce qu’il n’a pas
assez
vu..."
Chronique
élégante
de la
Comtesse de Marly
.- Revue de
Paris, Nouvelle série – Numéro 49 - 1er
Juin 1868 :
"Si
l’on écrivait la chronique du temps, on aurait
à
dire : Beau, beau, toujours beau ! – Pour
la mode, cela
se
traduit par : Mousseline, mousseline, toujours
mousseline !
Elle est, en effet, blanche, unie, rayée, à pois,
à fleurs ou autrement encore, mais elle est toujours jolie
et
aussi fraîche à l’oeil qu’au
porter..."
Eloge
de la frivolité
(1925) par
André Beaunier
(1869-1925) : "Balbine, je vous
enseignerai la frivolité. Je me vante ? et vous y
êtes
mieux entendue que moi ? Sans doute ! Mais, si je vous approuve et je
vous donne quelques motifs de refuser le blâme que
l’on
fait de
vous, peut-être m’en saurez-vous gré.
Puis, toute
frivole
que vous êtes, plus que vous ne le croyez, moins
qu’on ne
le dit,
je ne crois pas que vous soyez à un tel point de
frivolité parfaite où peu nous chaut
d’avoir
raison..."
Convention
entre le
gouvernement
français, et sa sainteté Pie VII,
(1802).
Journal
de ce qui s’est passé
au
Canada depuis le mois d’Octobre 1755 jusqu’au
mois de Juin 1756
: "PAR
une lettre du
Détroit, en date du 18, tous les Sauvages de ce pays
paraissent
disposés à frapper sur les Anglais. Les Miamis
&
Poutoüamis sont dans les mêmes
dispositions ; ces
derniers ont toujours eu des partis en campagne, ils avoient
tué, ou pris, lors de la date de cette lettre,..."
Ordonnance
du Roy portant
déclaration de guerre contre le Roy d’Angleterre.
Du 9
Juin 1756
: "TOUTE
l’Europe sçait que le Roi
d’Angleterre a été en 1754
l’agresseur des
possessions du
Roi dans l’Amérique septentrionale, &
qu’au mois
de Juin de
l’année dernière, la Marine angloise,
au
mépris du
droit des gens & de la foi des Traités, a
commencé
à exercer contre les Vaisseaux de Sa Majesté,
&
contre la navigation & le commerce de ses sujets, les
hostilités les plus violentes."
Principes
généraux du cavalier arabe
(1861) par le
Général Eugène Daumas
(1803-1871) : "On ne
peut nier la compétence, en matière chevaline, du
peuple
chez qui le cheval est l'objet de l'affection la plus vive et de la
plus constante préoccupation. Les maximes arabes que nous
reproduisons ici, joignent à la justesse du fond, le
pittoresque
de la forme. Cette dernière qualité servira
puissamment
à les graver dans les esprits auxquels elles s'adressent.
L'originalité du langage a eu, de tout temps, pour les
imaginations populaires, un attrait dont il nous a semblé
qu'on
pourrait tirer un utile parti..."
Le
Bal au cinquième
étage
(1833) par Alphonse Karr
(1808-1890) : "-
Il est neuf heures et vous n'êtes pas habillé ? -
Nous
avons du temps encore devant nous. Ces souvenirs de jeunesse qu'un
hasard nous a fait rappeler ; ces jours que nous dépensions
sans
compter, à cet âge où on se croit
d'années
et de bonheur un trésor inépuisable, tiennent mon
esprit
sous un tel charme, que j'ai peine à le rompre. La vie se
partage en deux moitiés : l'une pleine
d'espérances qui
ne doivent pas se réaliser ; l'autre, livrée aux
regrets
de bonheurs dont nous n'avons pas joui ; car ce qui nous semblait si
beau dans l'avenir, ce qui, lorsque nous l'avons atteint, ne nous a
donné que désappointement et
dégoût, reprend
sa magie dans le passé. L'espérance et le
souvenir ont le
même charme et le même prestige : c'est
l'éloignement..."
Les
grisettes à
Paris
(1832) par Ernest Desprez
: "Autrefois on
appelait Grisette la simple casaque grise que portaient les femmes du
peuple. Bientôt la rhétorique s'en mêla.
Les femmes
furent appelées comme leur habit. C'était le
contenant
pour le contenu. Les grisettes ne se doutent guère que leur
nom
est une métonymie. Mais voyez un peu ce que deviennent les
étymologies et les grisettes ! La grisette n'est pas
même
vêtue de gris. Sa robe est rose
l’été, bleue
l'hiver. L'été, c'est de la perkaline ;
l’hiver, du
mérinos..."
Bulletin
des modes du 15
janvier 1846
par A. Le Clerc
: "Là où
l’on danse, les robes de bals ont les manches très
courtes
et
très garnies. Les volans et les berthes en font toujours les
principaux ornemens. Les corsages drapés sont devenus plus
rares. Les robes de satin se sont ouvertes à quelques
soirées d’apparat sur des jupes de drap
d’argent
garnies de
réseaux de Venise, également en argent. Une femme
aussi
distinguée par son nom que par sa grâce, portait
une robe
de satin vert brodée d’argent, ayant de chaque
côté
deux grandes écharpes avec chefs et franges
d’argent..."
Bulletin
des modes du 6
juillet 1847
par A. Le Clerc
: "L'influence pluvieuse
de saint Médard semble passée, cependant le ciel
n'a pas
repris sa robe bleue et le gris y domine encore. Ces nuages nuisent
grandement au développement complet des toilettes
d'été. Aussi les mantelets de mousseline
brodée
qui avaient réjoui notre vue pendant les quelques vrais
jours
d'été que nous avons eu, ont disparu pendant que
le vent
du nord a régné ; en revanche, les mantelets de
taffetas
de toutes les couleurs sont en pleine vogue..."
Le
cocher de cabriolet
(1831) par Alexandre Dumas
(1802-1870) : "Je ne sais si, parmi
les personnes qui liront ces quelques lignes, il en est qui se soient
jamais avisées de remarquer la différence qui
existe
entre le cocher de cabriolet et le cocher de fiacre. Ce dernier grave,
immobile et froid, supportant les intempéries de l'air avec
l'impassibilité d'un stoïcien ; isolé
sur son
siège ; au milieu de la société, sans
contact avec
elle ; se permettant, pour toute distraction, un coup de fouet
à
son camarade qui passe ; sans amour pour les deux maigres rosses qu'il
conduit ; sans aménité pour les
infortunés qu'il
brouette, et ne daignant échanger avec eux un sourire
grimaçant..."
Charlatans,
jongleurs,
phénomènes vivants, etc.
(1831) par
Amédée Pommier
(1804-18..) : "O vous,
élégants dandys, riches fashionables de la
Chaussée-d'Antin et du faubourg Saint-Honoré,
femmes de
cour, femmes du bon ton, qui ne sortez jamais qu'en
équipage, et
qui, du fond de vos carrosses dorés, apercevez à
peine et
en courant ce peuple innombrable qui bourdonne à vos pieds ;
élus du sort, enfants gâtés de la
fortune, qui ne
hantez que les palais, et à qui la vie ne s'est jamais
montrée qu'en toilette ; venez ! je veux vous introduire
aujourd'hui dans un monde que vous ne connaissez point, monde grossier,
trivial, monde des carrefours et des ruisseaux, monde en sabots et en
guenilles,..."
Bulletin
des modes du
Mardi 15 février 1848
par A. Le Clerc
: "Les
velours de soie, le cachemire moelleux, le satin plein la main,
voilà les étoffes que l'on voit le plus en ce
moment. Les
riches fourrures s'allient souvent à ces tissus qui ne
peuvent
pas tomber dans le domaine de la petite
propriété. Aussi,
si vous allez aux Champs-Elysées, vous verrez les grandes
dames,
dont les voitures stationnent dans l'avenue du milieu, se promener sur
l'asphalte des contre-allées, ayant pour se
défendre du
froid, des pardessus et des redingotes que leurs couturières
ont
taillés dans les belles étoffes que nous venons
de
signaler,..."
La
Morgue
(1831)
par Léon Gozlan
(1803-1866) : "On doit à l'esprit
philosophique, plus encore qu'à la
piété
religieuse, la consécration de ce monument. C'est dire que
la Morgue
(bâtiment dont l'appellation est sans étymologie
précise) date d'une époque peu
éloignée. Il
n'y a guère plus de vingt ans qu'elle existe telle qu'elle
est
aujourd'hui. Auparavant les corps des personnes, mortes de mort
violente, ailleurs que chez elles, étaient
déposés
au petit Châtelet,..."
Le
bourgeois de Paris
(1831) par Anaïs Bazin
(1797-1850) : "Au milieu de cette
population immense qui fourmille dans nos rues, qui se heurte sur nos
trottoirs, qui s'entasse dans les cellules habilement
distribuées de nos maisons nouvelles, il devient difficile
de
retrouver la race primitive, de reconnaître les traits de la
famille indigène..."
Une
maison du Marais
(1831) par Henry Monnier
(1799-1877) : "Dans toutes les maisons
de second et de troisième ordre, la personne la plus
influente
est sans contredit la portière. Elle a sa cour, ses
affections,
ses antipathies. Elle tient sous sa domination immédiate les
étages supérieurs, donne de son propre mouvement
les
congés aux gens qui n'ont pas le bonheur de lui plaire, et
dont
les opinions politiques ne peuvent sympathiser avec les siennes. Puis
viennent après elle les commères..."
De
la blague parisienne
(1833) par le comte J. A. de Maussion
: "Qui ne sait en France
ce que l'on entend par le mot blague ? Et cependant le dictionnaire de
l'académie ne l'a pas encore adopté ; il est
toujours un
peu arriéré le bon dictionnaire. Comment se
passer d'un
mot qui exprime tant, et qui explique tout en France, principalement
à Paris ? Beaumarchais a dit que le goddam était
le fond
de la langue anglaise, et il a dit là une bêtise,
ce qui
ne lui arrivait pas souvent ; mais enfin, c'en était une. Le
mot
blague est d'une bien autre importance..."
Le
marchand de Chiens
(1832) par Jules Janin
(1804-1874) : "Vous avez lu sans doute
les Mémoires de lord Byron : une des choses qui m'a
étonné le plus dans ces étonnants
Mémoires,
c'est la facilité avec laquelle le noble lord renouvelle ses
boule-dogues et ses lévriers à
volonté.
-Envoyez-moi, dit-il, un boule-dogue d'Écosse ; les
boule-dogues
de Venise n'ont pas les dents assez dures. Envoyez-moi un beau chien de
Terre-Neuve pour le faire nager dans les lagunes. Il écrit,
il
donne des ordres à son intendant, comme un autre
écrirait
à Paris : Envoyez-moi de l'eau de fleur d'oranger ou des
gants..."
La
Manie des albums
(1832) par Henry Monnier
(1799-1877) : "L'origine des albums
remonte à une époque fort reculée, les
premiers
furent composés en Allemagne. Sur le point d'entreprendre un
voyage de longue durée, il était d'usage
d'envoyer un
livre à ses amis, qui devaient recevoir des dessins, des
vers,
ou de la musique ; on y ajoutait encore des lettres de famille. Loin du
pays, ce livre devenait un compagnon de voyage, un ami. Dans ces
moments de tristesse où l'âme a tant besoin de
s'épancher, où vous rêviez une
âme qui aurait
pu vous comprendre, vous ouvriez votre album, et vous retrouviez vos
amis, les conseils d'une mère, la tendre sollicitude d'une
soeur
chérie, et les lettres de la première femme que
vous
aviez aimée..."
Code
littéraire
(1840) par Honoré de Balzac
(1799-1850)
Pourquoi
nous ne sommes
pas socialistes
(1895) par Anatole Leroy-Beaulieu
(1842-1912) : "Si je n'avais consulté que mes forces et mon
état de santé, je ne me serais pas
risqué à
prendre la parole, ce soir, devant vous. Mais je n'ai pas voulu me
dérober à l'honneur de présider cette
première réunion, - ne fût-ce que pour
ne point
paraître reculer devant les appréhensions, non
justifiées, j'espère, des plus timides de nos
amis..."
L'Ane
par Edouard Drumont
(1844-1917) : "Ane, je te salue, éternel porteur de
bât,
Ane utile, Ane patient, Ane toujours raillé, Ane
à
l'échine meurtrie, Ane aux longues oreilles, Ane, je te
salue..."
La
Chèvre
par Fulbert Dumonteil
(1830-1912) : "Commençons d'abord
par son seigneur et maître, le Bouc : Mauvais
caractère,
mauvaise odeur et mauvaise réputation ; impudent et
impudique,
emblême de luxure et de brutalité ; l'air hautain,
dédaigneux ; marchant d'un pied d'airain à la
tête
de son sérail, le front large,..."
Le
Cochon
par
Bernard Prost
(1849-1915) : "Méprisé de son
vivant, apprécié seulement après sa
mort, -
à l'inverse de beaucoup de prétendus grands
hommes, - le
Cochon est un des nombreux exemples de l'ingratitude humaine..."
Le
Chat
par
Théodore de Banville
(1823-1891) : "Tout animal est
supérieur à l'homme par ce qu'il y a en lui de
divin,
c'est-à-dire par l'instinct. Or, de tous les animaux, le
Chat
est celui chez lequel l'instinct est le plus persistant, le plus
impossible à tuer. Sauvage ou domestique, il reste
lui-même, obstinément, avec une
sérénité absolue, et aussi rien ne
peut lui faire
perdre sa beauté et sa grâce suprême..."
Le
Chien
par
Gaspard de Pekow marquis de Cherville
(1821-1898) : "Le Chien
fournira dans cent ans comme aujourd'hui, matière aux
diatribes
aussi bien qu'aux panégyriques. Comme l'amour, comme la
femme,
il représente un thème inépuisable, il
aurait le
droit d'être fier du rapprochement..."
Dissertation
sur les
idées morales des grecs et sur le danger de lire Platon
par M. Audé,
bibliophile (pseud. d'Octave-Joseph
Delepierre, 1804-1875) : "UNE
étrange
anomalie que présentent les mœurs de la
Grèce,
d'autant
plus étrange qu'elle était pour ainsi dire
parvenue
à être une sorte d'institution nationale, a
attiré
l'attention des plus célèbres
écrivains de
l'antiquité. Assez de passages nous restent dans les
écrits des philosophes et des poëtes, pour nous
prouver que
l'amour était compris chez les Grecs d'une tout autre
manière que chez nous, tant parmi les hommes que parmi les
femmes..."
Eloges
d'écrivains,
discours prononcés aux obsèques de
Gonzalès,
Cladel, Maupassant, Houssaye, Goncourt, Daudet, Alexis
(1891-1901) par Emile Zola
(1840-1902) : "Au nom de la
Société des Gens de Lettres, je viens apporter un
suprême hommage à Emmanuel Gonzalès
qui,
après avoir été un des fondateurs de
cette
Société, consacra à sa
prospérité et
à sa grandeur vingt-quatre ans de sa vie. Je ne veux point
éluder un devoir que je suis heureux de remplir comme
président actuel du Comité, en passant rapidement
sur
l’œuvre littéraire d’Emmanuel
Gonzalès.
Certes, le champ
du roman s’est élargi, de nouvelles formules sont
venues,
la
postérité a remis chacun à son rang.
Mais, ce
qu’il faut louer toujours, ce qui reste quand même
honorable,
c’est l’effort, c’est le travail,
c’est la
production, lorsqu’elle est
saine et digne..."
De
l'usage de saluer et
d'adresser des souhaits à ceux qui éternuent
par
Théodore de Jolimont
(1787-18..) : "COMBIEN
de pratiques et d'usages transmis de siècle en
siècle
jusqu'à nous, dont le motif et l'origine sont
restés
à peu près inconnus pour presque tout le monde,
et n'ont
excité un certain sentiment de curiosité, fort
naturel du
reste et fort louable, que chez le peu de personnes qui aiment
à
se rendre compte de tout, même des choses en apparence les
plus
frivoles et les plus insignifiantes..."
Histoire
des oeufs. Oeufs
de Pâques, etc
par Théodore de Jolimont
(1787-18..) : "LA
fête des oeufs, commune
à presque toutes les nations, principalement d'Asie et
d'Europe,
remonte aux temps les plus reculés de l'antiquité
: elle
tient à tout ce que les religions et la philosophie des
sociétés naissantes a de plus respectable et de
plus
sacré, à la théologie primitive des
Égyptiens, des Hébreux, des Chinois, des Perses,
des
Grecs, des Celtes, et des Latins..."
L'âne
par Victor
Hugo, conférence faite à Courbevoie, le 7
novembre 1880
au profit de la bibliothèque populaire
par Louis Ulbach
(1822-1889) : "Je devrais commencer par m'excuser d'avoir pris une
tâche et revendiqué un honneur,
assignés
ordinairement à de plus dignes d'être
écoutés. Mais le poème dont je veux
vous donner
l'analyse renferme en lui-même mon excuse. Victor Hugo fait
trop
bien parler un âne, pour ne pas m'enhardir à
parler, et
nous sommes dans un temps d'âneries
épidémiques,
qui me donne l'irrésistible tentation d'applaudir celui qui
les
dénonce, qui les châtie, au risque d'en commettre
une
à mon tour..."
Autour
de l'Ecole
décadente,
trois articles de Jules Tellier
(1863-1889) : "Donc, les décadents se sont imaginer de
dresser
leur vocabulaire ; et ils en ont formé un petit livre
d’une
centaine de pages. Sûrement, l’idée
était
prétentieuse et puérile. Même
à
considérer la quantité seule, et non la
qualité,
ce que les décadents ont ajouté de mots
à la
langue française est bien peu de chose. Si Hugo
eût voulu
dresser le lexique des mots qu’il avait mis ou remis en
honneur,
des
termes techniques et rares qu’il avait employés,
il serait
arrivé à un tout autre total..."
Le
véritable auteur
du théâtre des boulevards
(1881) par Georges d'Heylli
: "Nous sommes ici en pleine farce, cette farce grasse et
salée
qui plaisait tant à nos pères, cette farce de la
rue qui
émerveillait le bas peuple, à qui on la servait
gratis et
qui constituait ce genre spécial qu'on a appelé
les
parades. C'est sur les tréteaux de la baraque
même,
à l'intérieur de laquelle devait être
donné
le spectacle plus sérieux, et pour y attirer le public, que
se
débitaient ces plaisanteries au gros sel,
populacières,
grossières, ordurières souvent, plus souvent
encore
graveleuses..."
Essai
sur le goût
(1757) par Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et
de Montesquieu
(1689-1755) : "Dans notre manière d'être actuelle,
notre
âme goûte trois sortes de plaisirs ; il y en a
qu'elle tire
du fond de son existence même ; d'autres qui
résultent de
son union avec le corps ; d'autres enfin qui sont fondés sur
les
plis et les préjugés que de certaines
institutions, de
certains usages, de certaines habitudes, lui ont fait prendre..."
Talma
et Lekain
(1826) par Jules Janin
(1804-1874) : "TALMA
n'est plus. En répétant cette pénible
nouvelle,
chacun semble chercher un démenti. Cette
incrédulité publique est un hommage rendu au
génie. On a peine à concevoir qu'un feu
céleste
puisse s'éteindre..."
Frédérick
Lemaître aux Folies-Dramatiques
(1835) par Jules Janin
(1804-1874) : "C'EST
toujours le même
comédien, il n'a fait que changer de
théâtre ;
c'est toujours le même acteur incisif, jovial,
inspiré,
procédant par sauts et par bonds, maître de son
public ;
c'est toujours le comédien du peuple, l'ami du peuple,
adopté et créé par le peuple. Tant pis
pour ce
qu'on appelle les grands théâtres, s'ils ont
refusé
d'ouvrir leurs portes à Frédérick..."
Mlle
Mars et Mme Dorval
(1835) par Jules Janin
(1804-1874) : "SOYEZ
donc de grandes comédiennes pour servir de
prétexte
à une parade de M. Dumersan, à une parade digne
des
tréteaux de la foire !.."
L'Homoeopathe
des familles
et des médecins
(1875) par Adrien Peladan
: "Le
but de l'Homoeopathe des
familles est de mettre entre les
mains
des gens du monde un journal destiné à leur
indiquer les
moyens de traiter eux-mêmes les maladies les plus communes,
et de
guérir des cas graves, quand l'impossibilité de
recourir
à l'homme de l'art leur donnera le droit d'agir avec
confiance
d'après des indications sûres. Mise de la sorte
à
la portée de tous, l'homoeopathie rend des services
inappréciables, en faisant disparaître promptement
et
doucement bon nombre d'affections fort douloureuses, et en permettant
de neutraliser à leur début, souvent sans s'en
douter,
les maladies les plus redoutables..."
Manifeste
de la jeune
littérature : Réponse à M. Nisard
par
Jules Janin
(1804-1874) : "Permettez-moi, mon cher Nisard, de
répondre comme il convient à votre
éloquente et
chaleureuse philippique contre la littérature
facile.
Vous m'en avez fait le représentant, à mes
risques et
périls ; c'est un honneur que j'accepte avec toutes ses
conséquences. Me voilà donc tout prêt
à
jouter avec vous, le rude jouteur ; me voici, moi, vêtu
à
la légère, contre vous, armé de pied
en cap ; me
voici, pauvre vélite de l'armée
littéraire, contre
vous, qui êtes placé dans la réserve ;
moi,
déjà tout hâlé par le soleil
de la presse,
tout froissé dans la mêlée, haletant et
blessé, et tout saignant, contre vous, jeune homme, vous,
homme
fort, homme de sang-froid, qui vous hasardez rarement à
combattre, qui vous contentez de faire une brutale sortie de temps
à autre, et qui rentrez ensuite prudemment dans vos murs.
Mais,
quoi qu'il en soit, le gant est jeté de part et d'autre..."
Recherches
sur le jeu des
échecs
par Louis Dubois
(1773-1855) : "Le Jeu
des échecs, dit Jaucourt dans le dictionnaire
encyclopédique, le jeu des échecs que tout le
monde
connaît et que peu de personnes jouent bien, est le plus
savant
et celui dans lequel l'étendue et la force de l'esprit du
jeu
peut se faire le plus aisément remarquer. Ce jeu, qu'une
tradition plus fabuleuse encore que celles qui nous ont transmis les
détails du siège de Troie, attribué
à
Palamède l'un des assiégeans de cette
cité, fut
inventé dans l'Inde..."
Le
comédien par un
journaliste
par Octave Mirbeau
; [suivi de] Les
comédiens par un comédien
par Constant Coquelin
(1882) : "Le procès Mayer-Coquelin
est revenu hier devant le tribunal de commerce. Il faut s'attendre
à un débordement de comptes rendus, discussions,
gloses
et commentaires, comme s'il s'agissait d'un acte diplomatique
d'où dépend le sort d'un peuple. Les journaux
seront
remplis d'anecdotes à ce sujet. Chacun prendra parti pour ou
contre. Il y aura des gros mots, des disputes dans les
cafés,
des brouilles dans les familles, peut être des duels. Et le
comédien, une fois de plus, aura bouleversé le
monde..."
Discours
de M. Guizot,
ministre des affaires étrangères, dans la
discussion
générale du projet de loi relatif aux
fortifications de
Paris
(Séance du 25 janvier 1841) : "La discussion se
prolonge, et cependant, si je ne m'abuse, la perplexité de
la
chambre continue. Avant-hier, un honorable membre, M. de
Rémusat, attribuait cette perplexité à
de bien
petites causes, à des méfiances de personnes,
à
des misères parlementaires. Je crois qu'il se trompe, et que
la
disposition de beaucoup de bons esprits dans la chambre a des causes
plus sérieuses. La chambre croit à
l'utilité,
à la nécessité de la mesure qu'elle
discute. Elle
a des doutes, des inquiétudes sur ses résultats ;
elle
n'en prévoit pas clairement la portée et les
effets ;
elle craint que cette mesure ne devienne l'instrument d'une politique
autre que celle qu'elle approuve et veut soutenir. Elle craint
d'être entraînée dans une politique
turbulente,
belliqueuse, contraire à cette politique de paix, de
civilisation tranquille et régulière qu'elle a
proclamée et appuyée. Voilà la vraie
cause de la
perplexité et des inquiétudes de la chambre..."
Manuel
du nageur ou de la
pratique de l'art de nager, suivi d'un Traité sur les Eaux
thermales ; terminé par des Observations
intéressantes
sur l'Art du Plongeur
(1821) : "On s'est occupé
utilement des moyens de rendre la vie à ceux que des
accidens ou
leur imprudence avaient mis en danger de la perdre dans les eaux, ne
serait-il pas aussi bon de prévenir le mal que d'y chercher
un
remède. Le bain est de nécessité pour
l'homme : la
propreté est un des salubres avantages qui en
résultent ;
mais le plus grand, est la santé
réparée ou
conservée..."
L'art
d'épurer les
huiles pour veilleuses et quinquets par des moyens
simplifiés et
d'une pratique facile pour l'épicier comme pour les grandes
manufactures
(ca1820) par Ch. Lefebvre
: "CET
Ouvrage a pour but de propager les connaissances
pratiques nécessaires
à l'Epuration des Huiles
végétales, et à les transformer en
huiles
convenables à la préparation des peaux chez les
tanneurs.
Nous n'ignorons pas que les procédés que nous
allons
décrire seront, pour quelques épurateurs, la
répétition des moyens pratiqués dans
leurs
établissemens ; le soin que chaque manufacturier apporte
dans la
recherche des bonnes méthodes de travail, ne lui laisse pas
long-temps ignorer les procédés qui, par leur
perfection,
peuvent contribuer à l'amélioration de
l'industrie qu'il
exploite..."
Petite
biographie
dramatique, faite avec adresse par un moucheur de chandelle
(1826) : ADÈLE
(Mlle), Porte-Saint-Martin,
rue du Temple, n. 101. Sa danse voluptueuse promet plaisir, et l'on
assure que Mlle Adèle tient tout ce que sa danse promet. ADÈLE BAZIRE,
Ambigu,
rue de Saintonge, n. 38 : « Jadis on voyait sur ses hanches |
« Un simple jupon de tricot, | « Et pour parure des
dimanches | « Un juste-au-corps en calicot ». Que
les temps
sont changés !"
Biographie
des
journalistes, avec la nomenclature de tous les journaux, et les mots
d'argot de ces messieurs par une société
d'écrivains qui ont fait tous les métiers, et qui
se sont
pliés à toutes les circonstances
(1826) : "Dans
le moment où les petites Biographies sont à la
mode, on
ne sera pas fâché, sans doute, d'avoir en un
léger
volume de cinquante centimes, de courtes notices sur Messieurs les
Journalistes, ces organes de l'opinion publique, dont tout le monde se
plaint, et à qui tout le monde cependant fait politesse. Ces
indications pourront être utiles aux actrices qui ont besoin
de
mousser, aux auteurs qui cherchent des annonces, aux confiseurs qui
souhaitent qu'on vante leurs douceurs, et aux jeunes filles
à
marier..."
Mémoire
sur
l'oblitération des artères ombilicales et sur
l'artérite ombilicale
(1855) par Alphonse Henri Notta
(1824-1914) : "Dans les recherches que j'ai faites sur la cicatrisation
des artères à la suite de leur ligature,
l'étude
des faits m'a amené à conclure que le caillot et
la
portion d'artère comprise entre la ligature et la
première collatérale ne se transformaient pas en
cordon
fibreux, mais subissaient seulement une atrophie qui permettait
néanmoins d'en reconnaître toujours les divers
éléments. Je crois aussi avoir
démontré
à quoi était due la présence de ce
cordon fibreux
qui, unissant les deux bouts d'une artère liée
dans sa
continuité ou la surface de la cicatrice à
l'extrémité du vaisseau, dans les amputations,
avait pu
en imposer pour une transformation de l'artère..."
Un
tournoi au XIXe
siècle
(1872) par Ernest Legouvé
(1807-1903) : "UN
tournoi à Paris ! en
1872 ! Oui, vraiment. Jugez-en. Vous vous rappelez le
cérémonial des tournois : un héraut
d'armes
proclamait, à son de trompe, à dix lieues
à la
ronde, que tel jour, à telle heure, en tel lieu, cinq ou six
chevaliers se tiendraient, tout en armes, depuis le lever du jour
jusqu'à la nuit, prêts à combattre tout
adversaire
qui se présenterait dans le champ clos. Eh bien, c'est ce
que
viennent de faire dix ou douze jeunes gens qui comptent dans le monde
de Paris parmi les plus distingués et les plus
élégants. Il ne s'agit pourtant ici ni de joutes
à
la lance ou à la rapière, ni de brillantes passes
à cheval ; on combattra à pied,..."
Biographie
des
Archevêques de France par un ancien Donneur d'eau
bénite
(1826) : "Lorsque l'on lit l'Étoile
et le Courrier
français, la Quotidienne
et le Constitutionnel,
on est fort embarrassé pour se former une idée
claire et
juste du caractère politique de nos princes de
l'église ;
surtout lorsque l'on voit chaque jour, dans ces mêmes
journaux,
les apologies des uns et les satires des autres. Possédant
depuis long-temps un recueil de pièces aussi rares que
curieuses, concernant les archevêques du royaume, nous les
avons
réunies en leur donnant le titre et la forme d'une
biographie
qui, nous osons l'espérer, pourra éclairer le
lecteur
resté, jusqu'à ce jour, indécis..."
Emile
Zola
(1883)
par Guy de Maupassant
(1840-1902) : "Il est des noms qui
semblent destinés à la
célébrité,
qui sonnent et qui restent dans les mémoires. Peut-on
oublier
Balzac, Musset, Hugo, quand une fois on a entendu retentir ces mots
courts et chantants ? Mais, de tous les noms littéraires, il
n'en est point peut-être qui saute plus brusquement aux yeux
et
s'attache plus fortement au souvenir que celui de Zola. Il
éclate comme deux notes de clairon, violent, tapageur, entre
dans l'oreille, l'emplit de sa brusque et sonore gaieté.
Zola !
quel appel au public ! quel cri d'éveil ! et quelle fortune
pour
un écrivain de talent de naître ainsi
doté par
l'état civil..."
Rabelais
et ses
éditeurs
(1868) par H. E. Chevalier
: "Rabelais,
le savant le plus complet, le penseur le plus profond,
l'écrivain le plus habile du seizième
siècle,
Rabelais fut un homme heureux. Protégé par les
rois et
les grands, estimé des savants et des lettrés,
aimé de tous, il se sentit assez fort pour attaquer les abus
les
plus imposants, les plus profondément enracinés,
ceux
mêmes que le bras séculier entourait d'une
protection
active, et il leur porta des coups dont ils ne se sont pas
relevés. Ce contempteur de la Sorbonne, ce ferrailleur
impitoyable qui, de son arme à deux tranchants, frappait
à droite et à gauche, ici sur les
«moines moinant
de moinerie,» là sur les «demoniacles
Calvins
imposteurs de Genève», ce philosophe
complétement
émancipé s'éteignit dans son lit,
tranquille et
considéré, tandis que ses amis, de simples
hérétiques, mouraient dans l'exil, comme Marot,
ou sur le
bûcher, comme Dolet. A peine au cercueil, il devient un
personnage légendaire : son nom est dans toutes les bouches,
son
livre est entre les mains de tous. Pendant trois siècles, on
le
réimprime coup sur coup. En ce moment même, CINQ
ÉDITIONS
différentes sont en cours
d'exécution..."
Procès
intenté à M. Gustave Flaubert devant le tribunal
correctionnel de Paris (6e Chambre) sous la présidence de M.
Dubarle, audiences des 31 janvier et 7 février 1857 :
réquisitoire et jugement.
: "Messieurs, en abordant ce
débat, le ministère public est en
présence d'une
difficulté qu'il ne peut pas se dissimuler. Elle n'est pas
dans
la nature même de la prévention : offenses
à la
morale publique et à la religion, ce sont là sans
doute
des expressions un peu vagues, un peu élastiques, qu'il est
nécessaire de préciser. Mais, enfin, quand on
parle
à des esprits droits et pratiques. Il est facile de
s'entendre
à cet égard, de distinguer si telle page d'un
livre porte
atteinte à la religion ou à la morale. La
difficulté n'est pas dans notre prévention, elle
est
plutôt, elle est davantage dans l'étendue de
l'oeuvre que
vous avez à juger. Il s'agit d'un roman tout entier..."
Considérations
sur
l'art dramatique
avec le dénombrement
des théâtres de Paris en 1791, 1811 et 1822
suivies d'un Précis
historique et
littéraire sur la tragédie
(1822) par Pierre
Marie Michel Lepeintre
(1750-18..) :"Si l'on ne voulait juger
le théâtre en général que
d'après les
idées religieuses, on le trouverait certainement dangereux
et
condamnable. Un moraliste austère pourrait facilement
prouver
que c'est un plaisir corrupteur, à ne le
considérer
même que sous un point de vue purement philosophique..."
La
messe de Gnide
(1793) par Griffet de La Baume
(1750-1805) :"Ce petit ouvrage,
composé longtemps avant la Révolution, a
été trouvé dans les papiers de C.
NOBODY,
jeune poète heureusement né ; mais à
qui la
funeste habitude de l'opium fit perdre en moins de deux ans la
santé, l'imagination, la mémoire et le
goût du
travail, et qui finit par se tuer lui-même, d'un coup de
pistolet, le 11 Juin 1787. Il était né dans les
environs
de Beauvais, en 1766, et demeurait à Paris depuis 1775. Il a
laissé beaucoup d'autres manuscrits qui annoncent de
l'invention
et de la facilité ; mais ce sont pour la plupart des
ébauches ou des commencements d'ouvrages que leur
état
d'imperfection ne permet pas de publier. Cette bagatelle
érotique est la seule de ses productions à
laquelle notre
auteur ait mis la dernière main, dans le peu d'intervalles
lucides que lui laissait le dépérissement
successif de
ses organes..."
Figurines
parisiennes
(1854) par Charles Monselet
(1825-1888) :"Il en est de Paris
comme de l'Océan : les poëtes et les peintres en
feront le
sujet éternel de leurs toiles et de leurs pages, de leurs
croûtes et de leurs chefs-d'oeuvre. Paris est un
modèle
qui pose pour tout le monde. Les uns le peignent en pied, les autres en
buste ; ceux-là en font une académie, ceux-ci une
miniature ; il en est qui le montrent de face, de profil, de trois
quarts ; j'en ai rencontré qui se contentaient d'un oeil ou
d'un
pied, de moins encore. On me demande d'être vrai. Je le serai
; -
à cela près cependant que je ne
réponds pas des
distractions de mon modèle. Si mon modèle
bâille ou
fait la grimace, s'il a les yeux rouges ce jour-là, s'il ne
se
souvient plus aujourd'hui de la pose d'hier, la faute n'en sera
jetée que sur lui. - Peut-être adviendra-t-il, par
suite,
que le Paris de tel chapitre sera tout opposé au Paris de
tel
autre. Pour cela, que l'on ne crie pas à la contradiction,
ou
pire encore, au paradoxe. D'ailleurs, Paris m'a tout l'air
lui-même d'un paradoxe effréné.
"
Remonstrance
aux
François pour les induire à vivre en paix
à
l'advenir
(1576) : "Jusques à quand, François,
jusques à quand voulez-vous demeurer armez les uns contre
les
autres ? Jusques à quand voulez-vous prolonger vos guerres
civiles ? Jusques à quand voulez-vous nourrir entre vous
tant de
divisions et partialitez ? N'estes-vous ennuyez de vous poursuyvre ?
N'estes-vous las de combattre ? N'estes-vous contens des cendres de vos
maisons ? N'avez-vous horreur de voir vos mains
ensanglantées de
vostre propre sang ? N'avez-vous regret à la perte de vos
vies
et de vos biens ? N'avez pitié de vous mesmes ? Quelle
occasion
vous anime tellement les uns contre les autres ? Quelle fureur vous
arme ? Quelle rage vous pousse ? A quoy pensez-vous ? Que faictes-vous
? Quel est le but de vos desseings ? La longueur du temps, qui adoucit
toutes choses, ne vous peut-elle retirer de vos animositez ? La perte
de vos biens, qui vous doit estre facheuse, ne vous peut-elle
destourner de vos entreprises ? La ruine de vostre païs, qui
vous
doit estre insuportable, ne vous peut-elle esmouvoir ?..."
L'Assommoir,
Pot-Bouille,
Germinal
: préfaces et articles d'Émile Zola
(1840-1902)
à propos de l'adaptation théâtrale de
plusieurs de
ses romans par William Busnach
: "Je suis bien à l'aise
pour parler de L'Assommoir,
le drame que MM. Busnach et
Gastineau ont tiré de mon roman ; car je ne les ai
autorisés à faire cette adaptation
qu'à la
condition absolue de n'avoir à m'occuper en rien de la
pièce. Elle m'est donc étrangère, je
puis la juger
avec une entière liberté
d'appréciation.
Personnellement, je regardais la mise à la scène
du roman
comme une tentative grave et dangereuse. Jamais je n'aurais
risqué cette tentative moi-même. Fatalement,
lorsqu'on
transporte un roman au théâtre, on ne peut obtenir
qu'une
œuvre moins complète, inférieure en
intensité ; en
un mot, on gâte le livre, et c'est toujours là une
besogne
mauvaise quand elle est faite par l'auteur lui-même..."
Gustave
Flaubert chez la
princesse Mathilde, souvenir d'un soirée à Saint
Gratien
; Le
centenaire de Gustave Flaubert
:
autour de Gustave Flaubert
(1821-1880), deux portraits par
Joseph Napoléon Primoli
(1851-1927) et la princesse
Mathilde Bonaparte
(1820-1904) et un article de Paul Souday
(1869-1929) : "Flaubert a été
extrêmement
méconnu ; peut-être l'est-il toujours. Sans doute
il eut
l'air d'entrer du premier coup dans la gloire, avec l'immense
succès de Madame
Bovary, parue en 1856 dans la Revue
de Paris de Laurent-Pichat et
Maxime du Camp, l'année
suivante en librairie, chez Michel Lévy. Mais il ne faut pas
se
dissimuler que ce fut surtout un succès de scandale. La
valeur
littéraire de l'ouvrage n'y était pour rien, ou
presque
rien. Tout le mérite de ce lancement revient au parquet, qui
intenta des poursuites pour outrage à la religion et aux
bonnes
moeurs. Il est vrai que Flaubert fut acquitté, et le
procureur
général d'aujourd'hui, M. Lescouvé, a
désavoué le réquisitoire d'Ernest
Pinard en se
faisant inscrire au comité du monument Flaubert. Mais le
coup
avait porté et assura une vente considérable
à Madame
Bovary qui, sans cette bonne
fortune, serait peut-être
restée chez l'éditeur. D'ailleurs, Flaubert ne
sut aucun
gré à la justice de cette réclame
inespérée, qui n'aurait pas déplu
à
d'autres. Et il fut justement outré des jugements de la
presse..."
Jules
de Rességuier
(1898) par Eugène Asse
(1830-1901) : "LE
ROMANTISME eut comme son
bataillon sacré dans les
poètes qui, dès la première heure, se
groupèrent pour fonder le Conservateur
littéraire
(décembre 1819), puis la Muse
Française, les Annales
romantiques, ou y collaborer :
ce furent Soumet, Guiraud,
Saint-Valry, Emile et Antony Deschamps, Jules Lefèvre, aussi
Rességuier, dont nous allons parler. Bernard-Marie-Jules,
comte
de Rességuier, naquit à Toulouse, le 28 janvier
1788,..."
[texte
retiré].
[texte
retiré].
Discours
sur les passions
de l'amour
(1652-1653) attribué à Blaise Pascal
(1623-1662) : "L'HOMME
est né pour penser
; aussi n'est-il pas un moment sans le faire ; mais les
pensées
pures, qui le rendroient heureux s'il pouvoit toujours les soutenir, le
fatiguent et l'abattent. C'est une vie unie à laquelle il ne
peut s'accommoder ; il lui faut du remuement et de l'action,
c'est-à-dire qu'il est nécessaire qu'il soit
quelquefois
agité des passions, dont il sent dans son coeur des sources
si
vives et si profondes..."
Discours
de
réception à la porte de l'Académie
française
(1865) par Jules Janin
(1804-1874) : "Il était minuit ;
par un ciel rayonnant d'étoiles, dans le grand silence, aux
bruits du fleuve emporté vers l'Océan, entre les
deux
lions de granit dont la gueule ouverte jette avec tant d'effort un
mince filet d'eau, image parlante de la poésie aux abois, il
me
sembla que soudain les portes de l'Institut étaient
ouvertes, et
que des voix confuses m'appelaient sous les voûtes
solennelles de
l'Académie française, au milieu d'une
assemblée
indulgente et sympathique. Alors, prenant mon courage à deux
mains, j'improvisai mon discours de réception,
mêlé
parfois d'un murmure approbateur :"
Lettre aux membres du
Comité central
(avril 1848) de George Sand
(1804-1876) : "Je ne viens pas vous remercier d'avoir admis mon nom sur
une quarantaine de listes au Comité central. La connaissance
que
j'ai de moi-même ne me permet pas de croire que vous avez
voulu
m'encourager à présenter une candidature
impossible,
chose à laquelle je n'ai jamais songé. Vous avez
voulu
consacrer un principe qu'apparemment vous avez adopté.
Permettez-moi donc de vous présenter sur ce principe
même
quelques considérations que le moment est
peut-être venu
de discuter et de peser sérieusement..."
Panacée
universelle :
Méthode que l'on pratique à l'hostel des
Invalides, pour
guérir les Soldats de la Verole
(1718) par [Jean de Labrune]
: "PRENEZ la quantité qu'il vous plaira de vermillon ou de
cinabre, broyez-le dans un mortier de marbre avec un pilon de verre,
& le mêlez avec son poids égal de limaille
de fer bien
nette, mettez ce mélange dans une cornue, exactement
lutée, en sorte qu'il la remplisse jusqu'à un
pouce
prés du haut ; mettez la cornue dans un petit fourneau de
reverbere, & adaptez à son col un recipient qui soit
presque
plein d'eau, lutez-les, & allumez le feu au fourneau par
degrez,
afin d'échauffer la retorte peu à peu ; &
tout votre
cinabre passera en mercure coulant : délutez la cornue,
jettez
l'eau, & séchez le mercure en le passant souvent
dans un
linge blanc & sec, puis le passez deux ou trois fois par le
chamois, & mettez-le dans un matras de verre avec du sel bien
purifié, & du vinaigre distilé ; il faut
le bien
battre, & l'agiter pendant une heure, &
aprés verser
toute liqueur par inclination, remettre de nouveau du sel & du
vinaigre, l'agiter comme auparavant, & réiterer cela
jusqu'à trois fois..."
Confession
générale d'Audinot
(1774) : "Si tout ce qui
concerne les grands hommes a droit d'intéresser la
société, quel cours ne doit pas avoir dans le
public le
premier acte de catholicité du fameux AUDINOT ?... A Dieu ne
plaise qu'en le mettant au nombre des grands hommes, je
prétende
faire ici un jeu de mots trivial, et insulter à la taille
dégingandée de cet histrion ; je la lui passe
avec autant
de bonhomie que sa figure plate et son regard insolent..."
Le
livre du Bibliophile
(1874) par [Alphonse Lemerre]
: "Ce travail a pour objet
d'exposer les points principaux de l'art auquel nous nous sommes
adonné tout entier, et de déterminer les
conditions que
doit, à notre avis, nécessairement remplir une
édition pour être digne d'être
appréciée et estimée des
véritables
connaisseurs. Nous ne parlerons guère que de la
réimpression des vieux écrivains, non que la
publication
des oeuvres contemporaines nous paraisse d'un moindre prix, mais parce
que les textes anciens présentent à
l'éditeur des
difficultés particulières et qu'une nouvelle
publication
de ces textes universellement connus est vaine quand elle n'est pas
à peu près définitive. Nous
examinerons en peu de
mots les soins qu'exige le Livre depuis l'élaboration du
manuscrit ou, pour parler le langage technique, de la
copie qui
doit être livrée à l'imprimeur,
jusqu'au moment
où le volume parachevé entre, vêtu de
sa reliure,
dans la vitrine du bibliophile...."
Les
Relais ou la mère
de famille et le fileur : fiction d'une triste
réalité
(1841) par [Daniel Legrand]
: "Dans une vallée
isolée d'un de nos départements manufacturiers
vivait, au
commencement de l'année dernière, une pauvre
famille qui,
sous un toit de chaume, avait su trouver la paix et le bonheur
domestique. Le père, habile bûcheron et bon
journalier,
nourrissait les siens du produit de ses travaux manuels. Sa famille se
composait de trois fils et de deux filles ; les deux
aînés
avaient dépassé leur neuvième et
dixième
année, le cadet était dans sa
deuxième, et une
petite fille occupait le berceau. Sa soeur, âgée
de huit
ans, la soignait, la berçait, et ses tendres caresses et son
doux sourire faisaient tressaillir de joie le nourrisson. La
mère, femme pieuse et laborieuse, prenait soin de ses
enfants et
du ménage avec une fidélité exemplaire
; elle
cultivait en même temps son jardin et quelques petites
pièces de terre que son mari avait louées..."
L'heure
du spectacle
(1878) par Victorien Sardou
(1831-1908) : "MON CHER NOEL, Le
jour où vous m'avez fait l'honneur de me demander cette
préface, pour l'excellente publication que vous avez
entreprise
de concert avec votre ami M. Stoullig, nous venions
d'échanger
quelques réflexions sur la coïncidence actuelle des
heures
du dîner et du spectacle, et je vous répondis :
«Voilà ma préface toute
trouvée ; rien ne
saurait s'adapter mieux au cadre de vos Annales
dramatiques..."
Lettre inédite de
Philothée O'Neddy
(1811-1875), auteur de Feu et Flamme,
sur le groupe littéraire romantique dit des Bousingos :
Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Petrus
Borel,
Bouchardy, Alphonse Brot, etc...
(1875) : "Monsieur, Le vieil
O'Neddy qui, en sa qualité de burgrave, passe une bonne part
de
son temps à
rêver dans l'ombre et dans la nuit,
n'a eu connaissance que tout dernièrement de la notice dont
vous
avez honoré ses juvenilia,
et qui a été
insérée dans le
Boulevard il y a
déjà plus d'un mois. C'est ce qui fait qu'il
vient si
tard vous en remercier cordialement. Il succombe en même
temps
à la tentation de vous présenter ici quelques
renseignements et quelques observations à son endroit et
à celui de ses anciens frères, se flattant que
vous ne
dédaignerez pas d'en user un peu, au cas où votre
siége (je veux dire votre volume sur les romantiques) ne
serait
pas encore fait..."
Le
meilleur de Monsieur de
Benserade
(1612-1691) : "Bouche vermeille au doux
sourire, |
Bouche au parler délicieux. |
Bouche qu'on ne sçauroit décrire, |
Bouche d'un tour si gracieux..."
Stances
et autres oeuvres
du sieur Tristan
(1601-1655) : "Venir à la
clarté sans force & sans adresse, |
Et n'ayant fait long temps que dormir & manger, |
Souffrir mille rigueurs d'vn secours estranger |
Pour quitter l'ignorance en quittant la foiblesse :..."
Stances,
madrigaux, lettre
de Monsieur de Montreuil
(1620-1691) "De toutes les
façons vous avez droit de plaire, |
Mais surtout vous savez nous charmer en ce jour, |
Voyant vos yeux bandez on vous prend pour l'amour, |
Les voyant découverts on vous prend pour sa
mère..."
Quelques
vers de Monsieur
de Voiture
(1597-1648) : "Voicy mon amour sur la touche
: |
Iugez s'il marque nettement, |
Et si sa pointe se rebouche, |
Dans la peine et dans le tourment.|
Mais en l'estat où ie me treuue, |
Qu'est-il besoin de cette preuue, |
Pour vous montrer que ma langueur |
Et que ma constance est extréme? |
Ne le sçauez-vous pas vous-mesme |
Si vous m'auez touché le coeur? ..."
Mon
cher Casanova :
lettres d'amour de Manon Balletti
(1740-1776)
: "Ah !
que M. mon frère m'ennuie ! Il est excédant et
l'on ne
peut pas être plus gauche qu'il ne l'est, à sa
garde ;
mais ne parlons pas de lui, car il m'a cosi
mis de mauvaise
humeur, que je ne veux point du tout l'être avec vous. Je
vais
répondre exactement à votre dernière
lettre. Vous
commencez par m'exagérer beaucoup votre amour, je le crois
sincère, il me flatte, et je ne désire autre
chose que de
le voir durer toujours. Durera-t-il ? Je sais bien que vous allez vous
révolter contre mon doute ; mais enfin, mon cher ami,
dépend-il de vous de cesser de m'aimer ? ou de m'aimer
toujours
?.."
Lettres
de Napoléon
à Joséphine
: "Je ne conçois pas ce qui a
pu donner lieu à votre lettre. Je vous prie de me faire le
plaisir de croire que personne ne désire autant votre
amitié que moi, et n'est plus prêt que moi
à faire
quelque chose qui puisse le prouver. Si mes occupations me l'avaient
permis, je serais venu moi-même porter ma lettre..."
Les
caprices de la Gina,
(1842) par Honoré de Balzac
(1799-1850) : "La Gina est
une Gênoise mariée à un Milanais, et
qui demeure
à Milan. Si quelqu'un de vous la reconnaît
à
quelque détail de cette aventure, je le prie de ne pas la
nommer
et de lui garder le secret, sans quoi je ne continuerai point mon
récit. Le mari de la Gina... je ne puis, par
discrétion,
donner ni le nom, ni la qualité, ni la demeure, ni le titre,
ni
indiquer la fortune de cet homme fortuné, à cause
de
votre perspicacité ; mais je vous engage ma foi qu'il
demeure
entre porta Orientale et porta Romana, qu'il est entre chambellan et
garde-noble, entre comte et marquis, que son nom est entre O et I,
qu'il est entre le célibat et le mariage, comme tout grand
seigneur doit être après sept ans de mariage, et
qu'il sue
sang et eau à ne rien faire. Si ses traits
caractéristiques vont à trop de Milanais, la
faute en est
à l'Italie et non à moi..."
Traité
des
excitants modernes,
(1838) par Honoré de Balzac
(1799-1850) : "L'absorption de cinq substances, découvertes
depuis environ deux siècles et introduites dans
l'économie humaine, a pris depuis quelques années
des
développements si excessifs, que les
sociétés
modernes peuvent s'en trouver modifiées d'une
manière
inappréciable.
Ces cinq substances sont : 1° L'eau-de-vie ou alcool, base de
toutes les liqueurs, dont l'apparition date des dernières
années du règne de Louis XIV, et qui furent
inventées pour réchauffer les glaces de sa
vieillesse.
2° Le sucre. Cette substance n'a envahi l'alimentation
populaire
que récemment, alors que l'industrie française a
su la
fabriquer en grandes quantités et la remettre à
son
ancien prix, lequel diminuera certes encore, malgré le fisc,
qui
la guette pour l'imposer. 3° Le thé, connu depuis
une
cinquantaine d'années. 4° Le café.
Quoique
anciennement découvert par les Arabes, l'Europe ne fit un
grand
usage de cet excitant que vers le milieu du dix-huitième
siècle. 5° Le tabac, dont l'usage par la combustion
n'est
devenu général et excessif que depuis la paix en
France.
Examinons d'abord la question, en nous plaçant au point de
vue
le plus élevé..."
Quelques
moyens faciles de
restaurer les vieux livres,
(1862) par Antony Meray
:
"Les livres deviennent rares ! Cela s'est toujours dit, surtout dans
les périodes de calme, pendant lesquelles
l'élégante passion du bibliophile peut se
développer en toute liberté. Les
étalages en plein
air se dégarnissent alors de volumes
intéressants,
complets et bien conservés. Nous sommes maintenant dans une
de
ces époques où les quais sont
surveillés et
dépouillés avec acharnement. II faut l'avouer
pourtant,
les rencontres précieuses n'ont jamais
été
très-communes, surtout pour les amateurs qui suivent la mode
et
s'attachent exclusivement aux ouvrages dont le caprice des ventes fait
hausser le prix..."
Les
diverses façons
d'aimer les livres,
(1861) par Antony Meray
: "Le petit
travail bibliographique, où nous allons essayer d'expliquer
certains goûts particuliers, certaines
préférences,
certaines délicatesses de l'esprit, certaines
variétés de l'amour des livres, n'a nullement
pour but de
justifier la passion d'élite qui nous pousse à
rechercher
ces précieux témoins des accroissements de
l'âme
humaine à travers les générations.
L'amour des
livres, dont les alléchements variés à
l'infini se
rattachent à toutes les glorieuses activités de
la
pensée n'a nul besoin d'être justifié,
c'est
glorifié qu'il faut dire, quand on
réfléchit
qu'aucun art, aucune science, aucune forme de protestation railleuse ou
grave, réaliste ou mystique, battant en brèche
l'ignorance et la sottise, n'échappe aux rayons de nos
bibliothèques..."
Le
Boulevard du crime
par Mario Proth
(1872) : "Parmi les crimes sans nombre de cette
bande sinistre dont l'invasion vulgairement connue sous le nom de
Second Empire demeurera pour la France une si terrible et salutaire
leçon, un des plus irréparables est la
défiguration de Paris par ce maçon en
délire, M.
Haussmann. Que voulez-vous ? Ces gens-là s'imaginaient
effacer
l'histoire. Démolissant le passé, ils croyaient
élever leur grotesque présent à la
hauteur d'un
avenir.
Parmi les démolitions où ils
s'acharnèrent, une
des plus bêtes et des plus irritantes fut celle du boulevard
du
Temple..."
Un
Souper chez
Mademoiselle Rachel
par Alfred de Musset
(1839) :
"Merci d'abord, madame et chère marraine, pour la lettre que
vous me communiquez de l'aimable Paolita.
Cette lettre est bien
remarquable et bien gentille ; mais que dirai-je de vous, qui ne
manquez jamais une occasion d'envoyer un peu de joie à ceux
qui
vous aiment ? Vous êtes la seule créature humaine
que je
connaisse faite ainsi.Un bienfait n'est jamais perdu : en
réponse à votre lettre de Desdémone,
je veux vous
servir un souper chez
mademoiselle Rachel, qui vous
amusera si
nous sommes toujours du même avis et si vous partagez encore
mon
admiration pour cette sublime fille..."
L'Alsace
est-elle allemande
ou française : réponse à M. Mommsen
par
Numa Denis Fustel de Coulanges
(1870) : "Vous avez
adressé dernièrement trois lettres au peuple
italien. Ces
lettres, qui ont paru d'abord dans les journaux de Milan et qui ont
été ensuite réunies en brochure sont
un
véritable manifeste contre notre nation. Vous avez
quitté
vos études historiques pour attaquer la France ; je quitte
les
miennes pour vous répondre..."
Description
de la colonne
de la Grande Armée, élevée
à la gloire des
Armées Françaises, l'an 1810, par les ordres de
Sa
Majesté Impériale et Royale Napoléon
Le Grand.
Terminée par la description de la Statue pédestre
du
général Dessaix, élevée sur
la Place des
Victoires
(Paris, ca1810) : "La Colonne de la Grande
Armée est faite à l'imitation de la colonne
Trajane. Elle
a 133 pieds de hauteur, y compris son piédestal et la statue
de
l'Empereur dont elle est couronnée..."
Explications
offertes aux
hommes impartiaux au sujet de la commission militaire
instituée
en l'an XII pour juger le duc d'Enghien
par le Comte Pierre
Augustin Hulin
(1823) : "La malheureuse affaire du DUC
D'ENGHIEN m'a déjà causé
près de vingt ans
de profonds regrets !
Vieux aujourd'hui, frappé de cécité,
retiré
du monde, n'ayant pour consolation que les soins de la famille qui
m'entoure, mes douleurs se sont accrues lorsque j'ai vu rappeler avec
éclat des scènes qui, sans doute, n'avaient pu
s'effacer
de tous les souvenirs, mais qui du moins n'étaient l'objet
d'aucune discussion publique..."
Décret
de la
Convention Nationale du 23 février 1793 qui autorise les
communes à convertir leur cloches en canon.
Décret
de la
Convention Nationale du 4.e jour de Ventôse, an second de la
république française, une et indivisible, Relatif
au Mode
de paiement des Inftituteurs des petites Ecoles, & à
l'organifation des Ecoles primaires.
Éloge
burlesque de
la seringue, son origine, son histoire, ses transformations avec un
projet nouveau pour la perfectionner
(Nancy, 1757) : "Si celui
qui le premier donna des noms aux choses, et leur assigna des
qualités, avoit attaché l'importance, la noblesse
et la
considération à ce qui est utile ; je n'aurois
point
à venger aujourd'hui un instrument merveilleux de
l'ignorance de
nos jugements et de l'injustice de nos mépris, qui l'ont
fait
reléguer honteusement dans l'obscurité de nos
garde-robes, parmi tous ces meubles ignobles que la
bienséance
ordonne de cacher, et que la délicatesse défend
de
nommer..."
La
Descouverture du style
impudique des courtisannes de Normandie à celles de Paris,
envoyée pour estrennes de l'invention d'une courtisanne
angloise
(Paris, chez Nic. Alexandre, 1618) : "Amy lecteur, l'une des copies de
ce difcours m'eftant tombée entre les mains, j'ay
eftimé
que je ferois très ingrat fi je ne le faifois voir au jour,
pour
fervir d'avertiffement à ceux qui font tellement abandonnez
à leurs appetits charnels, & quy le plus fouvent fe
laiffent
aller aux charmes & feintifes de ces bêtes
envenimées,
quy ne s'eftudient, comme il paroift par ces falles &
impudiques
difcours, que pour attraper ceux quy par trop aiment leurs falles
&
deshonnetes plaifirs, & quy le plus fouvent, par le moyen de
ces
canailles, perdent le corps & l'ame..."
Leçons
de morale
pratique, à l'usage des classes industrielles
par Abel Dufresne
(Paris, 1826) : "Etre bon pour
être heureux,
voilà
toute la morale, disait un père à son fils. -
Mais mon
père, si c'est là toute la morale, pourquoi faire
de gros
livres et de longs discours ?..."
L'Art
de donner des soins
aux nouveau-nés
édité par Académie
d'hygiène contre les maladies du premier âge et la
mortalité des nourrissons,
(Paris, 1883) : "Depuis que la
Préfecture de la Seine a organisé un bureau de
statistique médicale, chaque semaine, les journaux de toutes
nuances ne manquent pas de signaler la mortalité effrayante
dans
notre capitale. Le chiffre n'est pas sans varier entre 1,000 et
1,300..."
Sermon
prononcé par
le Révérend Père Esprit de Tinchebray,
capucin...
Dans l'Eglise des Dames Religieuses de Haute Bruyère, le 22
Juillet 1694.-[sl, ca 1820] : "Tant et tant de fois vous m'avez
demandé, c'est-à-dire, supplié
illustres Amazones,
que je vinsse dans votre benin Couvent, flanqué de bastions
et
guérité de toutes parts, comme une Citadelle
inexpugnable
pour alimenter vos ames virginales du pain doucereux de la parole
angélique ; qu'enfin ruminant à part moi la
validité de votre Requête, comme un Avocat
rébarbaratif que les Clients persécutent, je
suis
venu, j'ai vu, j'ai vaincu..."
Etrennes
à
messieurs les riboteurs
; les supplémens
aux
ecosseuses, ou Margot-la-mal-peignée en belle humeur, et ses
qualités.-[Caen :
Chalopin], 1801 : "J'profitions du biau et
nouveau temps pour avouir l'honneur de vous flanquier par la philosomie
un plat de not' mequier, qui n'est pas chien, et dont j'nous flattons
que vot' çarvelle, qui est subtile comme une botte
d'allumettes,
sera satisfaite : ce sont les spiritueux rebus de mamselle
Margot la
mal-peignée, reine de
la halle, qui demeure au
rez-de-chaussée d'un septième étage,
à une
maison qui n'a ni devant ni darrière..."
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